Your browser does not support JavaScript!

Ajoutez les turbos à vos économies d'énergie

30 mai 2012 Paru dans le N°352 à la page 89 ( mots)
Rédigé par : Martin CARLSEN

L?approvisionnement en air d'une station de traitement par boues activées est de loin le procédé le plus gourmand en énergie. C?est donc précisément ce process qu'il faut optimiser pour atteindre des économies d'énergie allant de 20 à plus de 60 %. Le surpresseur centrifuge ou turbo est la technologie qui offre le meilleur rendement et les bassins d'aération bulles de fond apparaissent comme la solution la plus performante.

Même dans un pays développé comme le Danemark, qui a été parmi les premiers pays européens à mettre en place des normes très strictes en matière d’effluents et à les respecter, l'histoire montre que les municipalités s'intéressant seulement aux dépenses d'investissement (CAPEX) ont investi dans de nombreuses solutions de traitement de l’eau aux efficacités basses. Cela signifie qu'un grand nombre de stations d’épuration gaspillent de l’énergie.

Des économies d’énergie peuvent être réalisées grâce à un ajustement ou à une amélioration des équipements existants, à l'utilisation de systèmes de contrôle modernes basés sur des mesures en temps réel des données de traitement ou encore mieux, en remplaçant les technologies vieillissantes par des technologies modernes et plus performantes.

En prenant en compte le Danemark uniquement, la consommation annuelle d’électricité des stations d’épuration urbaines s'élève à environ 350 GWh, avec les 60 plus grandes stations du pays représentant 70 % de la consommation d’énergie. La reconstruction des 4 plus grandes stations avec une aération de surface au Danemark pourrait entraîner une économie potentielle d’énergie d’au moins 20 GWh par an.

La plus grosse quantité d’énergie consommée par les stations d’épuration conventionnelles est de loin la quantité d’énergie nécessaire au process d’aération, qui représente généralement de 40 à 60 % de la consommation globale d’énergie de la station. Au Danemark, les économies potentielles pouvant être réalisées à partir du seul process d’aération sont particulièrement importantes et se basent sur les nombreuses grandes stations équipées de simples aérateurs de surface ou d’autres types de dispositifs mécaniques d’aération, comme nous le verrons dans l’article.

Aération des eaux usées

Ce qui caractérise le process d’aération des stations d’épuration à boues activées est que l'air (l’oxygène) est dissous dans l’eau grâce à des aérateurs mécaniques qui mélangent l’air dans l'eau ou grâce à des surpresseurs (ou compresseurs) qui approvisionnent des diffuseurs fines bulles ou grosses bulles au fond des bassins avec de l’air comprimé. La quantité d’air est généralement contrôlée en maintenant une quantité constante de niveau d’oxygène dissous (Dissolved oxygen level – DOL) dans l’eau ou en contrôlant le DOL en fonction de la quantité d’ammonium dans le liquide.

Plusieurs tests grandeur nature ont confirmé la théorie selon laquelle l’aération bulles de fond nécessite beaucoup moins d’énergie que l’aération de surface et qu’en général, une économie d’énergie de plus de 50 % peut être réalisée, à charge égale, en appliquant une aération bulles de fond. L’incapacité à réaliser des économies plus importantes est principalement liée au fait que les bassins d’aération de surface ne sont pas particulièrement profonds en général, ce qui les rend moins adaptés pour l'aération bulles de fond, comme nous le verrons plus loin dans cet article. De plus, l’aération de surface présente certains inconvénients, comme par exemple la difficulté à réguler la quantité d’oxygène

fournie, le refroidissement de l’eau qui empêche la croissance bactérienne et la diffusion de l’oxygène, et le fait que ce type d’aération génère des aérosols pouvant propager les bactéries dans les zones résidentielles locales et générer des odeurs.

Process d’aération bulles de fond

Il est désormais facile de concevoir un système d’aération bulles de fond avec un faible rendement énergétique. C’est pourquoi cet article compare principalement les différentes solutions d’aération bulles de fond en mettant l’accent sur le choix du meilleur type de surpresseurs et du système de contrôle de l’aération.

Dans le cas de l’aération bulles de fond, il existe deux facteurs importants mais contradictoires. Le premier facteur est que plus la diffusion de l’oxygène, considérée comme le rendement standard de transfert d’oxygène (Standard Oxygen Transfer Efficiency SOTE) sera amélioré, plus la membrane d’aération dans le bassin est profonde, cela à cause de la pression partielle de l’oxygène plus élevée et du trajet plus long des bulles à travers le liquide (voir figure 2).

Le second facteur, contradictoire, réside dans le fait que le travail de compression effectué par les surpresseurs augmente au fur et à mesure que la pression de refoulement augmente. Le graphique ci-contre illustre l’augmentation théorique relative dans le travail de compression effectué par les surpresseurs, à différentes profondeurs (voir figure 3).

[Photo : Plan typique d’un système d’aération bulles de fond.]
[Photo : Rendement standard de transfert d’oxygène relatif à 3 m de colonne d’eau = 100 %.]
[Photo : Travaux de compression relative en fonction de la profondeur du liquide.]

Choisir la meilleure technologie pour l’aération

Trois besoins importants doivent être respectés lors du choix du surpresseur (ou compresseur) pour l’approvisionnement d’air :

  • • Atteindre une consommation énergétique la plus basse possible pour les situations de charge de la station d’épuration les plus communes.
  • • Être capable de réguler avec un bon rendement la quantité d’air fourni pour qu’elle corresponde en permanence à la station d’épuration.
  • • Obtenir une bonne fiabilité de l’équipement, c’est-à-dire un très haut facteur de disponibilité et des faibles coûts de maintenance.

L’article traite avant tout des deux premiers points. Les technologies de surpresseur utilisées peuvent être divisées en deux groupes principaux :

Surpresseurs volumétriques : surpresseurs de type « Roots » (pistons rotatifs) ou compresseurs à vis.

Surpresseurs dynamiques : surpresseurs centrifuges appelés turbo.

Avec un surpresseur volumétrique, l’air est inséré dans des chambres de compression (a et b) lorsque les rotors tournent (voir figure 4).

L’air est ensuite comprimé lorsque la chambre de compression s’ouvre vers le côté pressurisé (c) ou lorsque le volume de la chambre de compression diminue quand les rotors tournent (compresseur à vis) (voir figure 5).

[Photo : Surpresseur à pistons rotatifs.]
[Photo : Rotors de compresseur à vis.]

Avec une machine dynamique, l’air est aspiré par une roue qui tourne à grande vitesse et transfère alors de l’énergie à l’air, qu’on appelle énergie dynamique (ou cinétique), après quoi la vitesse de l’air est réduite au refoulement de la roue ce qui convertit la pression dynamique en pression statique (voir figure 6).

Afin de garantir un approvisionnement flexible en air qui puisse s’adapter aux fluctuations de charge de la station d’épuration, la centrale de production d’air dispose en général de trois machines de service et

[Photo : Figure 6 - Roue de compresseur centrifuge turbo.]

d’une de réserve qui peut prendre le relais en cas de défaut ou de révision sur l’une des machines de service.

Afin d’assurer une superposition de régulation entre les machines, chaque surpresseur doit pouvoir réguler la quantité d’air en sortie, mesurée en tant que débit massique à partir d’au moins 45 % et jusqu’à 100 %. Avec un surpresseur à pistons rotatifs, par nature, la quantité d’air peut être uniquement régulée de manière efficace en contrôlant sa vitesse de rotation, alors que pour un surpresseur dynamique, la quantité d’air est régulée grâce à des aubes ou ventelles de régulation positionnées en amont (aubes de pré-rotation ou aubes directrices d’entrée, voir figure 8) ou en aval de la roue (aubes de diffusion variables, voir figure 9).

Les types de surpresseurs centrifuges (ou turbos) les plus avancés utilisent une combinaison d’aubes directrices d’entrée et d’aubes de diffusion variables, appelée « Combined Vane Control » (CVC) (contrôle d’aubes combinées). Les surpresseurs dynamiques peuvent aussi être régulés en ajustant uniquement la vitesse en bout de pales de la roue ou en associant un système d’aubes de diffusion variables avec une régulation de la vitesse. On fait alors référence à des turbos de type « High Speed Drive » (entraînement direct à haute vitesse). Si un système d’aubes de régulation n’est pas utilisé, le débit minimum sera souvent limité à 65 %, ce qui nécessitera qu’un plus grand nombre de machines soient installées afin d’assurer une superposition de régulation entre les machines pour les conditions de charges basses de la station d’épuration. La figure 7 représente un turbo de type « High Speed Drive » avec des aubes de diffusion variables pour réguler le débit.

Récapituler tous les avantages et inconvénients des différentes technologies de surpresseurs et leurs capacités de régulation serait fastidieux, c’est pourquoi le rendement énergétique des configurations décrites a été comparé grâce à des exemples hypothétiques.

Données nominales pour l’exemple de calcul

Les données de la station d’épuration utilisées dans le calcul en exemple sont les suivantes :

  • • Charge nominale de la station : 300 000 – 400 000 PE (habitants) ;
  • • Quantité d’air maximale : 3 × 10 000 Nm³/h = 8 940 kgO₂/h ;
  • • Le facteur alpha est déterminé à 0,60 pour l’aération bulles de fond et à 0,85 pour l’aération de surface ;
  • • 3 profondeurs d’eau ont été utilisées pour les membranes : 5,0 m, 6,5 m et 8,0 m ;
  • • Pour tous les calculs, des diffuseurs plats « habituels » ont été utilisés avec une densité de 15 %. L’accent n’est pas mis sur l’optimisation de cette étape du processus ;
  • • La perte de charge constante dans les vannes de contrôle, etc. est de 28 millibars et la perte de charge dynamique maximale est établie à 77 millibars (voir le graphique de la figure 10) ;
  • • Les données climatiques sont équivalentes aux conditions d’Europe centrale, soit une température ambiante de 40 °C maximum et 60 % d’humidité, ce qui équivaut à une quantité maximale réelle d’air de 35 961 m³/h ;
  • • La consommation d’énergie est calculée en tant que consommation moyenne sur 24 h pour les conditions climatiques du printemps, de l’été, de l’automne et de l’hiver ;
  • • Les 3 charges de la station d’épuration de 86 %, 67 % et 58 % sont pesées de manière égale ;
  • • Afin de satisfaire le besoin total en air (30 000 Nm³/h), le calcul utilise 3 machines pour des surpresseurs centrifuges ou des surpresseurs de type « Roots » et 6 machines plus petites pour des surpresseurs à vis ou des surpresseurs de type « High Speed Drive ».
[Photo : Figure 7 - Turbo de type « High Speed Drive » avec des aubes de diffusion variables.]
[Photo : Figure 8 - Surpresseur centrifuge avec des aubes directrices d’entrée.]
[Photo : Figure 9 - Aubes de diffusion variables pour réguler le débit.]
[Photo : Figure 10 - Graphique débit/pression pour le système utilisé avec une colonne d’eau de 6,5 m.]

Choix de la philosophie de séquence de fonctionnement des surpresseurs

On peut choisir de démarrer et d’arrêter les surpresseurs selon les principes de fonctionnement en cascade ou en parallèle. Dans le cas du fonctionnement en cascade,

un seul surpresseur est régulé tandis que les autres en fonctionnement sont maintenus soit à une charge minimale (50 %), soit à une charge maximale (100 %). Dans le cas du fonctionnement en parallèle tous les surpresseurs en fonctionnement sont régulés autant que possible à la même charge. Cela signifie qu’avec une charge de la station de 25 800 Nm³/h, le fonctionnement en cascade sera de 2 × 100 % + 1 × 58 % alors que le fonctionnement en parallèle sera de 3 × 86 %.

Types de surpresseur utilisés

Les types de surpresseurs suivants ont été utilisés dans l’exemple ci-dessous :

Type : Turbo CVC (contrôle d’aubes combinées)

Description : Surpresseur centrifuge avec aubes directrices d’entrée et aubes de diffusion variables

Rotation* : Constante

Quantité : 3

Type : Surpresseur à pistons rotatifs

Description : Trilobe

Rotation* : Variable

Quantité : 3

Type : Turbo VD (aubes de diffusion variables)

Description : Surpresseur centrifuge équipé d’un contrôle d’aubes de diffusion variables

Rotation* : Constante

Quantité : 3

Type : Compresseur à vis

Description : Compresseur à vis (sans huile)

Rotation* : Variable

Quantité : 6

Type : Turbo de type « High Speed Drive » (avec aubes de diffusion variables – WD)

Description : Surpresseur à entraînement direct à grande vitesse avec contrôle des aubes de diffusion variables

Rotation* : Variable

Quantité : 6

Type : Aérateur mécanique

Description : Aérateur de surface

Rotation* : —

Quantité : —

*Rotation : vitesse du moteur constante ou variable utilisant un variateur de fréquence électrique (variateur de vitesse).

Type : Turbo CVC (contrôle d’aubes combinées)

Fabricant : Howden Water Technology

Type fabricant : SGH35CVC

Type : Surpresseur à pistons rotatifs

Fabricant : Aerzen

Type fabricant : GM 240 S

Type : Turbo VD (aubes de diffusion variables)

Fabricant : Howden Water Technology

Type fabricant : SGH35WD

Type : Compresseur à vis

Fabricant : Robuschi

Type fabricant : WS 125/4P

Type : Turbo de type « High Speed Drive » avec aubes de diffusion variables (WD)

Fabricant : Howden Water Technology

Type fabricant : HSD-T175

Type : Aérateur mécanique

Fabricant : NN – chiffres types obtenus à partir de plusieurs mesures.

[Photo : Figure 11 : Rendement moyen global de l’aération.]

Ces résultats montrent que les solutions les plus efficaces dans cet exemple sont les 3 surpresseurs centrifuges équipés d’aubes directrices d’entrée et d’aubes de diffusion variables, les « surpresseurs Turbo CVC » qui fonctionnent à une vitesse constante ou les « surpresseurs à entraînement direct à grande vitesse » qui fonctionnent à une vitesse variable et sont également équipés d’aubes de diffusion variables.

La comparaison des autres solutions avec la solution optimale montre l’augmentation d’énergie moyenne suivante (les aérateurs mécaniques ont été éliminés, car même la meilleure surconsommation dépasse la solution optimale de 60 %). (voir figure 12).

[Photo : Figure 12 : Surconsommation comparée à la solution optimale.]

Les calculs montrent aussi que, dans cet exemple, ceux-ci ne semblent pas présenter un avantage ou un inconvénient particulier en ce qui concerne le contrôle.

[Photo : Figure 13 : Fonctionnement en parallèle en opposition au fonctionnement en cascade.]

On peut voir également que le choix de

[Photo : Figure 14 : Economies d’énergie avec une réduction de la pression en mm de colonne d'eau.]
[Photo : Figure 15 : Consommation plus élevée avec un niveau d’oxygène excessivement haut.]

de séquence en parallèle ou en cascade des surpresseurs (les résultats du « Turbo CVC » sont représentés dans la figure 13 pour les 3 niveaux de charge et une colonne d'eau de 6,5 m).

Un bon contrôle est au moins aussi important

On peut facilement choisir une technologie de surpresseur performante sans pour autant atteindre les économies souhaitées, car cette technologie requiert un contrôle global de l’aération qui optimise constamment les conditions de fonctionnement, si l'on veut utiliser entièrement le potentiel d’économie d’énergie. Les paramètres suivants doivent au moins être pris en compte pour obtenir un système d’aération performant :

  • Un contrôle selon un point de réglage du niveau d’oxygène dissous (Dissolved oxygen level DOL) basé sur les concentrations en ammonium et en nitrates pour ajuster l’approvisionnement en air afin qu’il s’adapte aux conditions de fonctionnement réels et aux exigences de qualité des effluents.
  • Une méthode de contrôle garantissant que les surpresseurs travaillent avec une pression de fonctionnement la plus basse possible.
  • L’utilisation du protocole de contrôle intitulé « vanne la plus ouverte » (Most Open Valve) qui prévoit qu’au moins une des vannes de contrôle d’air soit maintenue ouverte au minimum à 70-80 % afin de réduire la perte de charge à travers les vannes de contrôle.
  • L’utilisation d’un débitmètre pour contrôler de manière efficace les vannes de contrôle et ainsi éviter qu’elles s’ouvrent et ferment continuellement (« hunting »).
  • L’utilisation d’un protocole de séquence de surpresseurs efficace pour que le nombre de surpresseurs en marche soit toujours optimum.
  • Ne pas faire preuve de trop de marge de « sécurité » sur la pression et le débit dans le choix de la taille des surpresseurs car un surpresseur trop gros est moins performant.

La figure 14 montre la quantité d’énergie qui peut être économisée en réduisant les pertes de charge dans le système, qui est supposé avoir initialement une pression de fonctionnement maximale de 700 millibars. La figure 15 illustre l’augmentation de la consommation d’énergie en cas d’élévation du point de réglage de l’oxygène dissous.

Conclusion

Puisque l’approvisionnement en air dans une station de traitement des eaux usées par boue activée est de loin le plus grand consommateur d’énergie, c’est précisément ce process qu’il faut optimiser pour atteindre des économies d’énergie significatives de 20 à plus de 60 %. Toutefois, dans la majorité des cas, il nécessitera un investissement important pour changer la centrale de production d’air et son système associé de contrôle de l’aération.

L’investissement pour un système d’aération plus performant est en général amorti en moins de 12 à 36 mois. Il faut aussi prendre en compte le fait qu’une aération bulles de fond efficace fournit une meilleure capacité de régulation et par conséquent, une amélioration dans le process de traitement et la possibilité d’augmenter la charge de la station d’épuration sans augmenter le volume des bassins d’aération. Une demande plus faible des niveaux de BOD (Biochemical Oxygen Demand BOD) et COD (Chemical Oxygen Demand COD) ainsi que des niveaux de Nᵢ et Pᵢ dans l’effluent contribue également de manière positive à une économie globale.

De plus, les émissions totales de CO₂ sont améliorées instantanément grâce à l’utilisation de systèmes moins gourmands en énergie.

Le surpresseur centrifuge ou turbo est la technologie qui offre le meilleur rendement et les bassins d’aération bulles de fond apparaissent comme la solution la plus performante.

Dernier point, et qui n’est pas des moindres, il est recommandé de se faire conseiller par un professionnel pour choisir une solution de production d’air, car les différentes technologies de surpresseurs possèdent des caractéristiques très diverses, et une simple comparaison peut facilement mener à une mauvaise interprétation, à un investissement imprudent et comme nous l’avons démontré, à une consommation d’énergie inutilement élevée.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements