La société Alcyr développe, sous l'impulsion de Christian Burgert, une expertise dans le domaine des mesures liées à l'environnement : nappes et rivières, réseaux d'assainissement, météorologie, agriculture. Elle conçoit et fabrique des ensembles de mesure et d'enregistrement associés à des logiciels de récupération et d'exploitation des données spécialement développés pour ses produits. Rencontre avec l'un des meilleurs spécialistes français du secteur.
E.I.N. - Pouvez-vous nous présenter votre entreprise en quelques mots ?
- Alcyr est une société à responsabilité limitée, spécialisée dans la mesure de terrain, que j’ai créée au mois de mars 1995. Elle est spécialisée dans le domaine de l’hydrologie, de la météorologie et de toute l’exploitation associée à ces disciplines. Mon objectif, en créant cette nouvelle structure, était de concevoir et de diffuser sur le marché des appareils qui correspondent à ma philosophie dans les domaines de l’hydrologie et de la météorologie. Des appareils simples, fiables, peu coûteux, faciles à installer et à maintenir et ne nécessitant pas de connaissance technique particulière pour leur exploitation.
E.I.N. - Quel était votre parcours professionnel avant la création d’Alcyr ?
Christian Burgert - Après être sorti de l’École Centrale, je suis entré en 1975 chez Saint Gobain Techniques Nouvelles pour travailler notamment sur les automatismes verriers. C’est une période plutôt heureuse de ma vie professionnelle durant laquelle j’ai pu travailler avec beaucoup d’autonomie sur différents projets, assez novateurs pour l’époque. À la suite de plusieurs restructurations, mon autonomie a diminué et j’ai quitté la société pour créer, en 1980, la société CR2M. C’est dans le cadre de cette création que j’ai pris pied sur le marché de l’hydrologie et que j’ai pu acquérir des connaissances et un savoir-faire certain. Pendant une dizaine d’années, j’ai développé et commercialisé toute une gamme de matériels qui, depuis, ont fait largement leurs preuves. Le démarrage de CR2M a été assez rapide. J’ai par exemple créé une première centrale à pile permettant de faire des mesures sur le terrain. J’ai également développé un système de mesures de niveau par ultrasons immergé, précis au millimètre. Dans le domaine de l’assainissement, le besoin était apparu de diagnostiquer les réseaux pour mieux connaître leur comportement en cas de crue ou de débordement. À cette époque, on utilisait des mesures de niveau avec formules pour passer de la hauteur au débit, il n’y avait pas encore de mesures doppler fiables. Il existait d’autres méthodes, comme par exemple la mesure analogique de composition des vitesses. J’ai sorti en 1985 un système totalement numérique, en fait la première mesure numérique par ultrasons qu’il n’y avait pas besoin d’étalonner.
Et puis de gros problèmes de santé m’ont éloigné de l’entreprise pendant presque une année. Quand je suis revenu, je me suis trouvé un peu décalé et j’ai éprouvé le besoin de faire quelque chose de nouveau. J'ai donc choisi de partir.
E.I.N. - Pour créer Alcyr...
Christian Burgert - Absolument. J’avais acquis une expérience et un savoir-faire reconnus dans le milieu. J’avais quelques idées et surtout, j’avais envie de développer des appareils qui correspondent à ma philosophie, c’est-à-dire des appareils qui soient le plus simples possible. Je considère que dans notre domaine d’activité, la fiabilité est toujours inversement proportionnelle à la complexité. C’est dire que je n’adhère pas à l’adoption de normes complexes comme PLQ2000, qui me paraissent lourdes, bloquantes pour l’évolution, complexes à mettre en œuvre, coûteuses et pour tout dire inadaptées aux multiples contraintes que l’on rencontre sur le terrain. J’ai donc développé une autre approche : des appareils très simples, faciles d’emploi, à la limite du jetable. Un problème ? on dépose et on place aussitôt un nouvel appareil. Le résultat, c’est de la simplicité, de la rapidité, de l’efficacité et bien sûr des économies.
E.I.N. - Il a donc fallu développer toute une gamme à partir de rien...
Christian Burgert - Oui c’est vrai. Il nous a fallu une bonne année avant de proposer une
mesure de terrain
gamme de produits tout à fait aboutie. Nous avons d’abord développé, en collaboration avec la société Préci-Mécanique, un enregistreur de pluie. Puis nous avons lancé un appareil qui assure la surveillance des pompes. Essentiellement destiné aux Satese, il surveille les temps de marche-arrêt des pompes. Sur ce type de matériel, l’apport d’Alcyr a été de réussir à mettre au point un appareil totalement autonome en énergie, bon marché, très sûr, et susceptible de s’installer en moins de deux minutes. Comme vous le voyez, un appareil dont la philosophie va à l’encontre de ce que prône l’administration centrale en la matière !
E.L.N. - L’accueil a été favorable ?
Christian Burgert - Oui, je dois dire que sur le terrain, notre façon de voir les choses a tout de suite été très bien accueillie. Les produits Alcyr ont rapidement acquis une bonne notoriété, liée à la simplicité et à l’aboutissement des produits qu’elle propose. Nombreux sont ceux qui nous appellent aujourd’hui, quelquefois pour un simple conseil...
C’est dire que notre approche et notre expertise sont reconnues. Si bien que depuis sa création, la société a toujours été bénéficiaire. Il faut dire que la gestion de l’entreprise est à l’image des produits qu’elle propose : économe, rationnelle, simple, mais comme vous le voyez, efficace !
E.L.N. - Qu’est-ce qui fait la force d’Alcyr ?
Christian Burgert - À la base de notre succès, il y a d’abord une parfaite connaissance du milieu et un réel savoir-faire. C’est évidemment primordial mais pas suffisant. Il y a aussi le conseil, l’assistance et la bonne connaissance des matériels que nous commercialisons qui sont autant d’atouts tout à fait essentiels. Comment faire correctement de l’assistance ou du conseil quand on n’a pas une parfaite connaissance du matériel vendu et installé ? Nous fabriquons nos matériels nous-mêmes, c’est quelque chose de très important.
Vous savez, nous sommes une petite structure et nous revendiquons ce statut. C’est dire que lorsque l’un de nos clients nous appelle, il ne tombe pas sur une secrétaire qui va l’aiguiller vers un service technique plus ou moins au fait du matériel qu’il utilise. Il tombe directement sur le concepteur de ce matériel – je dis bien le concepteur – avec lequel il va pouvoir nouer un dialogue dont vous imaginez bien qu’il est, d’un point de vue technique, d’une toute autre qualité.
Il y a aussi bien entendu la réactivité, dans la mesure où nous nous sommes fixés comme règle, dès la création d’Alcyr, de tout mettre en œuvre pour dépanner nos clients le plus rapidement possible. Ne nous leurrons pas. Les problèmes techniques et les problèmes de maintenance existent. Ceux qui prétendent s’exonérer de ces difficultés parce qu’ils commercialiseraient un matériel 100 % fiable manquent de sérieux. Il faut donc impérativement prévoir une maintenance réactive et efficace. C’est ce que nous faisons en assurant nous-mêmes la maintenance de nos produits. Pour nos clients, c’est une vraie garantie et je crois pouvoir dire que nous jouissons d’une bonne réputation en la matière.
E.L.N. - Qui sont vos clients ?
Christian Burgert - Les DIREN, les Conseils généraux, les Services d’annonces de crues, le CEMAGREF, le CNRS forment une bonne partie de nos clients. Mais nous travaillons également avec des
bureaux d'études et les distributeurs d'eau qui sont aussi les utilisateurs finaux de certains de nos produits. Notre marché est essentiellement national. Nous prenons soin de n'agrandir que très progressivement le cercle de nos clients. Car les appareils que nous commercialisons, même les plus simples, sont très techniques. Je ne veux pas risquer une image négative qui pourrait résulter du fait qu'ayant commercialisé beaucoup de matériels nous ne soyons plus en mesure de leur assurer une assistance correcte. Ceci explique aussi notre grande prudence par rapport à l'export, dans la mesure où nous ne sommes pas certains de pouvoir trouver sur place une structure susceptible d'assister nos clients dans les meilleures conditions.
E.L.N. - Quelques exemples de contrats récents ?
Christian Burgert : Nous avons récemment soumissionné et remporté un marché pour le compte du Conseil général de Seine et Marne. Pour surveiller une nappe, ils avaient besoin de faire installer des mesures de piézométrie, de les interroger régulièrement, de récupérer les données pour ensuite les étudier. Nous avons fourni un système comportant 17 mesures de piézométrie, la majorité sur GSM, reliées à notre logiciel multi-protocoles Gestat.
Pour le compte de plusieurs DIREN, comme par exemple celle de Bordeaux, nous avons également fourni du matériel de surveillance avec notamment des CYR2. Nous concluons fréquemment des contrats avec des DIREN pour une dizaine d'appareils, en général pour la surveillance de hauteurs d'eau. Sur ce type
mesure de terrain
d’applications, nous proposons deux principes de mesures : soit par un capteur de pression, soit un principe de mesure par ultrasons immergés.
E.I.N. - Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier ?
Christian Burgert : Je dirai que c'est le logiciel Gestat que j’ai développé. Gestat est un logiciel multi-protocoles, conçu pour pouvoir appeler en parallèle des stations de différents fabricants. Sa force réside dans le fait qu’il est capable d’interroger les stations, de récupérer les données, de gérer des formats différents, de les convertir dans un format standard et ensuite, de les exploiter en les envoyant vers un serveur internet. La dernière version que nous avons sortie peut appeler jusqu’à 16 modems en parallèle ! C’est un outil fédérateur qui peut, en plus, travailler en multi-tâches. Nous avons distribué jusqu’à présent 96 licences sur ce logiciel. Nous avons même créé un « club utilisateurs » qui permet à chacun des licenciés de bénéficier d’une avancée développée sur la suggestion de l'un d’entre eux. C’est en quelque sorte une mise en réseau des compétences. Un système de maintenance annuelle assure également deux mises à jour par an. Le développement de cet outil n’a pas été facile, mais il nous vaut aujourd’hui une reconnaissance unanime.
Dans un autre ordre d’idée, j'ai également développé un logiciel d’analyse temporelle et statistique de la pluie ainsi qu’un logiciel d’aide au jaugeage, que certains confrères ont jugé performant, à tel point qu’ils le commercialisent.
E.I.N. - Quelles sont vos perspectives de développement pour les années à venir ?
Christian Burgert : Avec Thierry Lecarpentier qui gère Electro-Structure, la filiale d’Alcyr chargée de la conception, de la fabrication et de la maintenance des produits Alcyr, nous constituons une équipe solide, complémentaire et performante. Il assure la responsabilité de toute la partie technique et je me charge des relations avec les clients. Nous allons donc nous attacher à poursuivre un développement maîtrisé en prenant soin de rester fidèles aux spécificités qui sont les nôtres. Clairement, cela signifie que notre priorité n’est pas de développer notre chiffre d’affaires à tout prix et dans n’importe quelles conditions. Nous continuerons d’abord et avant tout à promouvoir les produits et les solutions simples, fiables et peu coûteuses auxquels nous croyons. Et nous continuerons à travailler pour faire partager cette philosophie au plus grand nombre.
E.I.N. - C’est pour vous primordial...
Christian Burgert : Oui absolument. C’est sans doute une démarche un peu atypique, mais c’est aussi ce qui fait que nous sommes performants dans notre domaine. Et puis dans ce métier, je suis un peu considéré comme un électron libre ! J’ai quelques idées et principes que j’aimerais beaucoup faire partager. Mon souhait le plus cher serait de parvenir à imposer dans certains domaines des standards, voire des normes. Vous l’avez compris, la passion est mon moteur. Mon rêve n’est pas de faire d’Alcyr une multinationale à la croissance effrénée basée sur une forte rentabilité. C’est plutôt d’imposer, sur le terrain, une empreinte et une philosophie qui fait ses preuves tous les jours et à laquelle je crois beaucoup.