Véritables mini-laboratoires, installés directement sur ou à proximité immédiate des procédés, les analyseurs en ligne suivent en permanence l'évolution de paramètres clés dans les eaux brutes, potables, usées ou industrielles. Les derniers mois n?ont pas vu apparaître de révolution technologique mais les fabricants poursuivent leur quête de modularité et insistent de plus en plus fréquemment sur la réduction et la simplification de la maintenance.
Surveiller la qualité des eaux, respecter les normes de rejet dans le milieu naturel, veiller à la qualité ou au suivi d'une production ou encore au bon fonctionnement d’un procédé : telles sont les tâches les plus fréquemment dévolues aux analyseurs industriels en ligne. Ces équipements reproduisent automatiquement les techniques de laboratoire, ce qui suppose en général une prise d’échantillon et, souvent, l'ajout de réactifs. De nombreux paramètres tels que le pH, le potentiel redox, la conductivité, ou encore la turbidité sont toutefois surveillés en permanence par de « simples » sondes immergées, qui constituent un marché stable pour les
Constructeurs spécialisés à côté des analyseurs développés par Acta, Anael, Aquacontrol, Bürkert, Hach, Endress+Hauser, Krohne, Metrohm, Shimadzu, Mettler Toledo, Swan, Tethys Instruments, Proanatec ou WTW. Spécialiste de la mesure par spectrométrie UV Visible, s::can peut par exemple répondre à de nombreuses applications industrielles, notamment en contrôle des eaux usées. Sa gamme spectroly::ser, qui repose sur une technologie optique par mesure dans l'UV et le visible caractérisée par une bonne résolution du spectre, permet, avec des algorithmes de calcul performants, de suivre les principaux paramètres : COT, DCO, DBO, Turbidité, MES, H₂S, NO₃, etc. simultanément, dans une sonde compacte, immergeable et nettoyée automatiquement, ce qui élimine les problématiques de prélèvement et de filtration. « Comme Veolia et Suez, plusieurs industriels français tels que Rhodia, Saint-Gobain, EDF ont déjà installé nos sondes pour la surveillance de leurs eaux usées, précise Philippe Marinot, Directeur Général de s::can France. Outre la fiabilité des mesures, ils mettent en avant la simplicité d'utilisation et les coûts de maintenance quasiment nuls ».
De nombreux ouvrages ont recours aux analyseurs industriels, notamment les stations d'alerte, les usines de production d'eau potable, les stations d'épuration municipales ou industrielles, y compris celles disposant de laboratoires : certaines particularités locales, comme la présence d'un polluant particulier dans les eaux d'un captage ou la présence d'un milieu naturel particulièrement sensible peuvent le justifier... Certaines DREAL peuvent, dans certains cas, l'exiger. L'optimisation des coûts d'exploitation joue également un rôle important. En station d'épuration, le suivi du paramètre ammonium permet par exemple d'ajuster en permanence l'injection d'air dans les bassins, qui représente un poste budgétaire important (énergie). Il est également intéressant de limiter l'ajout de précipitants (chlorure ferrique, en général) au strict nécessaire, en suivant le taux d'orthophosphates. Enfin, beaucoup de procédés industriels nécessitent une surveillance continue. Les eaux de chaudière, par exemple, représentent à elles seules un marché à part entière dans le domaine de l'analyse en ligne.
Malgré la diversité des situations, une dizaine de paramètres, dont l'ammonium, le phosphore, les nitrates, le carbone organique (COT) ou inorganique (CIT), la demande en oxygène, la silice, certains métaux ou le sodium, couvrent une bonne part des besoins. Quid alors des polluants dits « émergents » comme les résidus médicamenteux, les perturbateurs endocriniens, les métaux lourds ou les pesticides ? « On nous sollicite parfois pour ce type de suivi mais il reste coûteux à développer et installer un appareil en ligne pour chaque paramètre considéré peut vite devenir dissuasif. La surveillance des effluents passe plutôt par le carbone organique (COT) ou la DCO », explique Christophe Vaysse, chez Anael. Aurelia Genet, chef du marché Environnement chez Endress+Hauser, le confirme : « L'analyse de ces paramètres en ligne, plutôt qu'au laboratoire, n'a de sens que si la station d'épuration dispose d'une étape de traite- »
…ment dédiée, ce qui représente des investissements très lourds », explique-t-elle.
Fiabiliser la mesure en allégeant la maintenance
La plupart des constructeurs s’appuient sur des technologies relativement récentes, aussi leurs gammes n’ont-elles que peu évolué ces derniers mois. « Les améliorations portent essentiellement sur les économies de réactifs et la réduction des besoins de maintenance, des préoccupations incontournables aujourd’hui », estime Christian Collet, responsable de l’analyse en ligne chez Hach.
Aqualen enregistre de nouveaux développements sur sa gamme Instran, introduite en 2014. « Cette année, nous introduisons le titreur d’alcalinité et alcalinité totale », précise Christophe Vaysse. Les appareils Instran analysent par colorimétrie des paramètres aussi divers que les métaux (cuivre, zinc, nickel, fer, manganèse, aluminium, chrome et chrome VI…), les nitrates, l’ammonium, les phosphates, la silice, le chlore, le cyanure, etc. L’échantillon est prélevé à contre-courant, sans filtre, par le système FlowSampler, ce qui simplifie l’entretien (Voir EIN n° 363).
La gamme proposée par DTLI repose sur la spectrométrie UV, donc sans pièce mobile ni réactif. La maintenance est d’autant plus réduite que ces équipements sont équipés d’une lampe au xénon assurant plus de dix années de fonctionnement à raison d’une mesure par minute.
De son côté, Endress+Hauser a commencé à renouveler sa gamme en lançant sur le marché de l’eau une nouvelle plateforme d’analyseurs colorimétriques combinant des mesures de haute précision avec une manipulation et une maintenance allégées. Cette plateforme, baptisée Liquiline System CA80, fédérera l’offre d’Endress+Hauser (CA71, CA72Toc…) qui contient actuellement différentes électroniques. « Elle regroupera dans un premier temps l’ensemble des paramètres colorimétriques précédemment traités par la gamme CA71 : ammonium, phosphates, ortho-phosphates, silice, fer, manganèse… etc. », explique Aurelia Genet. « Suivra ensuite un pack “somme de paramètres” pour la mesure du Carbone Organique Total (COT) à haute ou basse température ».
Les deux premiers paramètres disponibles sont l’ammonium (CA80AM) et l’ortho-phosphate (CA80PH). Le CA80AM, dédié à la mesure de l’ammonium, repose sur la méthode normée ISO7150-1 de manière à proposer des résultats comparables aux méthodes de laboratoires. Les autres paramètres…
mètres colorimétriques suivront en 2016 et 2017. Le CAS90H met en jeu une réaction colorimétrique par méthode bleue ou jaune, en fonction de la gamme de mesure. La famille Liquiline System CA80 repose sur différents éléments dont le transmetteur Liquiline, déjà présent dans les appareils de terrains et les préleveurs d’échantillons. Le transmetteur Liquiline permet le raccordement direct de capteurs d’analyse Memosens sur l’analyseur, le transformant ainsi en une station de mesure. Une boîte isotherme associée à un module de refroidissement doit permettre d’allonger la conservation des réactifs et des seringues de dosage de faible volume permettent de diminuer les consommations de réactifs. « L’ensemble a été développé pour réduire la consommation des réactifs d’un facteur 2 à 3 par rapport aux analyseurs existants qu’ils soient colorimétriques ou potentiométriques », précise Aurélia Genet. L’appareil intègre plusieurs gammes de mesure modifiables facilement en fonction des besoins. La configuration ne sera donc pas figée et pourra être modifiée après la commande. L’étalonnage et le nettoyage sont automatiques et tout ou presque est programmable dans cette série d’analyseurs.
Ammonium, chlore, fluor, orthophosphates et phosphore, sodium ou silice sont quelques-uns des paramètres proposés chez Hach. « Pour l’ammonium et les phosphates en station d’épuration, nous proposons des solutions automatiques intégrées qui allient en temps réel la mesure et la commande d’injection d’air ou de chlorure ferrique », indique Christian Collet. Toute la gamme Hach peut bénéficier du logiciel breveté Prognosys de maintenance prédictive, qui non seulement suit l’état des différents composants ou les niveaux de réactifs mais indique en permanence la qualité de la mesure. Là aussi, la maintenance s’en trouve simplifiée. Prognosys repose sur la plate-forme SC 1000. Il est doté de deux indicateurs qui présentent les informations nécessaires pour planifier les opérations de maintenance préventive et éviter les imprévus. L’indicateur de mesure surveille les composants de l’instrument. L’indicateur de maintenance affiche quant à lui le nombre de jours restants avant les prochaines opérations de maintenance nécessaires.
Du nouveau en matière de COT
Le carbone organique total (COT) – et par la même occasion le carbone total et le carbone inorganique – est un paramètre très mesuré en France. « On s’est longtemps basé sur la conductivité pour évaluer la contamination des eaux de chaudière ou les rejets dans le milieu naturel. On passait ainsi à côté de la pollution organique, d’où des risques d’encrassement et perte d’efficacité », explique Christian Collet, responsable de l’analyse en ligne chez Hach. Après des débuts difficiles, les technologies issues du laboratoire ne se révélant pas toujours adaptées aux conditions qui prévalent en milieu industriel, les analyseurs de COT reposent aujourd’hui sur l’oxydation chimique ou physique (combustion) du carbone. Le CO₂ résultant est ensuite mesuré. Hach propose le Biotector 3500, « petit frère » du Biotector 7000 adapté à des eaux moins concentrées telles que les eaux de chaudières ou l’eau potable. Cet analyseur chimique dispose d’une autonomie de réactifs de six mois.
L’AppliCOT de Mesuréo repose également sur l’oxydation chimique. Cet analyseur a été développé de manière à limiter la maintenance et pour fonctionner dans les environnements les plus durs. Il intègre des pompes péristaltiques robustes, un débitmètre massique, un détecteur de CO₂, et un ordinateur industriel facile à utiliser et basé sur une plateforme de PLC/PC pour une fiabilité maximum. La maintenance est réduite et se résume à une intervention trimestrielle.
Shimadzu a choisi de son côté la combustion catalytique pour son TOC 4200. « Auparavant, on utilisait l’oxydation chimique pour les eaux peu chargées. Aujourd’hui, notre instrument peut analyser aussi bien des influents de stations d’épuration que des eaux potables ou de condensats. De plus, il mesure également l’azote total sur le même échantillon », explique Christian Consolino, spécialiste produit COT. Convivial et intuitif, il se caractérise par un large spectre d’applications et une maintenance allégée.
Le QuickTOCNPO d’Anael analyse lui aussi simultanément, en quelques minutes, le COT et l’azote, ainsi que le phosphore. Équipé d’un four atteignant 1 200 °C, cet appareil multivoies se passe de catalyseur. Le phosphore est toutefois déterminé par colorimétrie classique.
L’ADI7010 de Metrohm intègre quant à lui un double réacteur UV de faible volume avec irradiation UV puissante qui permet de rendre la technique de l’oxydation dite à froid quasi équivalente à celle des équipements à fours catalytiques, plus complexes et plus coûteux. Un réactif spécifique protégeant le détecteur NDIR de la corrosion due à l’oxydation des halogènes en cas de présence de sels dans l’échantillon au-delà de 10 g/L, élargit le champ d’applications de cet équipement.
Le cas particulier des hydrocarbures
Les hydrocarbures participent au COT mais il peut parfois s’avérer intéressant
Il fonctionne automatiquement dans les environnements les plus rudes, moyennant une visite de maintenance tous les 5 à 6 ans. Capable de détecter un film d’un micromètre d’épaisseur, il envoie ses résultats par RS232, Ethernet/LAN ou liaison sans fil (GSM, radio ou WiFi). « Le ROW intéresse la pétrochimie mais aussi les ports – nous en avons récemment équipés en Italie et en Estonie – pour la détection des fuites ou des rejets d’eau de cale. Il permet de les distinguer. » Cometec et Anael distribuent ainsi le ROW, fabriqué par LDI. Cet appareil de détection en surface, équipé de lampes LED, exploite la fluorescence naturelle des hydrocarbures dans l’UV.
Sans contact, il peut s’installer jusqu’à 10 m de la surface de l’eau. Il ne nécessite ni prise d’échantillon, ni réactifs, ni pièce mobile. Pressurisé et hermétiquement clos, disponible en aluminium, acier inoxydable ou Atex, le ROW fonctionne également en continu. Il concerne aussi les usines d’eau potable, en particulier celles qui disposent d’une retenue vulnérable, par exemple aux accidents de camion à proximité.
Datalink exploite également la fluorescence UV au sein de son FL200, pouvant détecter aussi bien les hydrocarbures que la chlorophylle ou les traceurs fluorescents. Cet appareil, qui nécessite une prise d’échantillon, utilise un photomultiplicateur pour détecter des concentrations de
L'ordre du µg/l.
L'analyseur en ligne d’hydrocarbures dans l’eau HCmeter par fluorescence de Metrohm repose également sur la fluorescence.
Il bénéficie d'une maintenance et de coûts d'exploitation réduits et se caractérise par une séparation complète entre la partie électronique et la partie hydraulique. LODL 1600 d’Isma détecte de son côté la moindre irisation d’hydrocarbures à la surface de l’eau par source laser. Une mesure de réflexion se fait sur le retour du signal laser.
Le temps de réaction est inférieur à une seconde, ce qui rend l'appareil bien adapté à la surveillance en continu.
Il peut être installé, en fonction des modèles, jusqu’à 10 mètres de la surface de l’eau (ODL 1610).
Il ne nécessite pas de maintenance particulière ni de consommable. « Cet appareil a fait ses preuves au CERN à Genève, dans plusieurs centrales électriques, usines d’eau potable et aéroports », souligne Christophe Lichtle chez Isma.
La toxicité globale : de plus en plus demandée
De plus en plus demandée, l’analyse de la toxicité globale d'un effluent ne détermine pas la nature des produits présents : pesticides, métaux lourds, organochlorés, HAP, solvants, etc. Mais elle influe directement sur la survie d'organismes tests.
Outre une utilisation en stations d’alerte ou pour surveiller les rejets en milieu naturel, son intérêt est évident, en entrée de bioréacteur, pour les stations d’épuration utilisant des boues activées. Applitek, Aqua MS, Bionef, Hocer, Mesureo, Thermo Fisher Scientific ou WatchFrog proposent des outils permettant de détecter et de discriminer de nombreux toxiques. Spécialiste de l’écotoxicologie et de la détection des algues, Bionef recrute ainsi des bactéries luminescentes (Vibrio fischeri), des microalgues (fluorescence de la chlorophylle), des daphnies, voire des poissons (analyse des mouvements) pour ses différents analyseurs.
Chez Bionef, le système de bio-surveillance iTOX, entièrement automatisé, utilise des bactéries luminescentes (Vibrio fischeri) fraîchement cultivées comme capteur biologique. La luminescence est mesurée avant et après l’exposition à l’échantillon pour calculer l’inhibition en pourcentage, conformément aux normes ISO. Une mesure sur une eau de référence est également réalisée en parallèle, ainsi que le test de contrôle positif sur le toxique de référence, le sulfate de zinc. Il permet une surveillance des rivières, de la production d’eau potable et des effluents de stations de traitement des eaux.
Anael distribue de son côté le Tox Alarm de LAR, qui analyse la respiration de bactéries dénitrifiantes. Si, après introduction de l’échantillon dans une cellule de culture, le taux d’oxygène reste stable, c’est que les bactéries ne respirent plus : l’échantillon, toxique, les a tuées. Mesureo utilise un principe similaire sur son Ra-Tox, plus particulièrement destiné aux stations d’épuration, mais les bactéries sont celles des boues activées elles-mêmes, ce qui assure la représentativité de la réponse.