Les installations de traitement d'eau, notamment des eaux usées, peuvent présenter des zones avec atmosphères explosives en raison de fermentations ou de réactifs utilisés. Effectuer des mesures dans ces zones, de manière permanente ou ponctuelle, demande des précautions. Les fabricants proposent des matériels adaptés à ces usages.
Depuis quelques mois, nous avons de plus en plus de demandes concernant les zones dangereuses ATEX venant du domaine du traitement des eaux » affirme Jean-Michel Simon, responsable développement des ventes de LCIE Bureau Veritas, Organisme Notifié chargé de la qualification ATEX d’équipements, et qui réalise aussi des audits de conformité d’installations et la formation de personnels.
Même remarque de la part de Bruno Delaurier, expert ATEX intervenant chez Eureka Industries : « La demande des industriels s’accroît pour des qualifications d’appareils, des conseils pour le classement des zones sur les sites industriels, pour de la sensibilisation et de la formation de personnel à ces risques. Il faut dire que tout le monde a pris du retard sur ce sujet ».
Si du côté des industries présentant de gros risques comme la chimie, le pétrole, la pétrochimie, la culture du risque d’atmosphères dangereuses n’a pas attendu l’arri-
vée des réglementations, il n’en est pas de même pour d'autres activités jugées moins exposées à ce type de risque. Et pourtant,
Zones ATEX : ce qu’il faut savoir
Une zone ATEX est une zone dans laquelle est présente une matière pouvant donner lieu à explosion (gaz inflammables, poussières) en raison de la présence des matériels, électriques ou non, pouvant déclencher l'explosion (point chaud, étincelle...). On distingue les zones de type 0, 1, 2 pour les gaz et vapeurs et 20, 21, 22 pour les poussières ; ces zones sont définies géométriquement dans les installations (au sol et en hauteur). La zone 0 (ou 20) correspond à une zone constamment ou fréquemment exposée à l'ATEX ; la zone 1 (ou 21) correspond à l'exposition d'une ATEX par intermittence ; la zone 2 (ou 22) à une exposition occasionnelle de courte durée.
Tous les matériels, électriques ou non, pouvant déclencher l'explosion (point chaud, étincelle...) doivent être certifiés en accord avec les prescriptions de la Directive ATEX 94/9/CE. Les zones sont signalées par un triangle jaune contenant EX. Les matériels installés dans ces zones sont classés en catégories (1G pour zone 0, 2D pour zone 21...). Ils doivent être marqués de manière claire : un hexagone contenant Ex, le groupe d'industrie (I ou II), la catégorie du matériel (1, 2, 3) et le type d'atmosphère G (gaz) ou D (poussière) ; sur une seconde ligne on trouvera d'autres codes figurant le mode de protection, le groupe de gaz et la classe de température. Selon qu'il s’agit d'un milieu ouvert ou confiné, les suites d'une inflammation sont différentes : en milieu confiné on observera en plus de l'effet thermique des surpressions dommageables.
Même des substances jugées en apparence inoffensives présentent des risques : il faut se souvenir des explosions de silos à grains particulièrement dévastatrices. Dans ce cas, c'est la poussière produite par l'abrasion des grains de céréales (substance organique combustible) et des conditions particulières qui provoquent la catastrophe.
Dans le domaine de l'eau, on pourrait être également tenté de penser qu'il n'y a pas ou peu de risques. Une partie des personnels est pourtant bien consciente de l'existence de certains risques : c'est par exemple le cas des égoutiers, confrontés au risque d’asphyxie du fait du sulfure d'hydrogène (gaz explosif) qui se forme dans les zones mortes des réseaux où les matières organiques fermentent. Or, ces gaz de fermentation présentent aussi des risques d'explosion. Certains produits utilisés ou présents en traitement des eaux sont également combustibles et occasionnent le risque d'explosion : méthanol, fioul, charbon actif en poudre, hydrogène (chargeur de batterie, électrochlorateur), fines de sciure (co-compostage), etc.
Lorsque le danger a été reconnu puis identifié, l'important est ensuite de limiter les risques. Ils résultent de trois facteurs : la présence d'une substance dangereuse, la possibilité d’être dans la plage inflammable (entre les limites inférieure et supérieure d'explosivité) et d’avoir une source capable de déclencher l'explosion : ce peut être un appareil électrique (étin-
Hach-Lange
celle) ou une surface chaude. Parmi les appareils électriques, figurent les appareils de mesure, analyseurs divers, préleveurs, débitmètres, indicateurs de niveau etc. S'ils sont présents dans une zone qualifiée ATEX, ils doivent être certifiés.
Définir les zones et sérier les priorités
Sur un site industriel, seules certaines zones sont classées ATEX. Il existe des règles de dimensionnement qui tiennent compte de la réalité du terrain (zones tridimensionnelles, pas seulement une surface au sol). Le classement relève du responsable du site après une analyse de risque. Dans le secteur de l'eau, un gros travail a été fait dès 2004 par le Sriter, le SIEP et l’Ineris pour élaborer le document « Guide pour la classification en zone ATEX dans les industries du traitement des eaux » (version 2 de 2005). Il permet de bien appréhender le problème et de sérier les priorités. Reste que bon nombre de sites n’ont pas fait l’objet d’une analyse de risque et de classement et par conséquent ne sont pas équipés en appareils ATEX. « Nous avons maintenant des demandes pour le contrôle et le zonage complet de stations d’épuration » souligne malgré tout Jean-Michel Simon, preuve que le secteur se met lentement en conformité.
Endress+Hauser
Les instruments de mesure destinés aux zones ATEX représentent une dépense supplémentaire à la fois pour l’exploitant comme pour le fabricant qui doit faire certifier ses appareils et être en possession d'une notification d’assurance qualité de production (renouvelable tous les trois ans). On comprend donc qu’un concepteur d’installation, un responsable de site fassent tout pour éviter de placer des instruments de mesure dans une zone ATEX.
Si l'appareil peut effectivement être placé hors zone, on réalise un prélèvement pour amener l’échantillon jusqu’à l’appareil situé hors zone. « Cela coûte moins cher de tirer du tuyau, mais ça n’est pas toujours possible, car l’échantillon peut se dégrader sur le parcours, et la valeur mesurée ne sera pas représentative » tempère Alain Minard, Responsable projets techniques chez Seres. Même remarque de François Lardet d’Anael (société très implantée dans le milieu industriel pour l’analyse en ligne des liquides) pour qui « il est souhaitable de faire circuler un échantillon vers un appareil placé en zone non ATEX, ce qui facilite l’exploitation ».
Pour Hervé Ozouf, responsable des analyseurs chimiques chez Axflow, « La mise en ATEX des analyseurs double, voire triple, le prix d’un moniteur de base. Elle amène également des contraintes de fonctionnement et de maintenance pour l'utilisateur. Comme nombre de nos confrères, nous essayons donc de déporter dans la mesure du possible les éléments non ATEX de la zone. Par exemple, le DIAMON et la sonde ISIS de Bran+Luebbe nous permettent d’implanter l’élément de mesure en zone et le reste de l'analyseur hors zone ».
Un marché qui se développe
Toutes les mesures prises pour éviter d’utiliser un appareil spécifique ATEX, plus cher, expliquent la taille réduite du marché, donc le coût des appareils. C’est en quelque
Il s’installe en zone dite où il est nécessaire de surveiller une éventuelle atmosphère explosive.
Sorte un cercle vicieux. Pourtant le marché se développe petit à petit et l’on trouve chez tous les constructeurs des appareils certifiés. Globalement, les matériels utilisés en zone ATEX relèvent de trois modes de protection : la suppression de l'atmosphère explosive (la source potentielle d'inflammation est placée dans une enveloppe en surpression, un bain d’huile ou encapsulé) ; la suppression de la source d'inflammation (sécurité intrinsèque et sécurité augmentée) ; la non-propagation de l'inflammation (enveloppe antidéflagrante ou remplissage pulvérulent).
Lorsqu’il s’agit de mesures simples réalisables par une électrode (pH, conductivité, oxygène dissous, turbidimétrie, autres ions...) la sonde peut être en cause, tout comme le transmetteur. « Un capteur devant fonctionner en zone 0 ou 1 doit avoir un certificat ATEX propre délivré par un organisme agréé (ex. : LCIE...). Pour de la zone 2, le certificat peut se résumer à une déclaration de conformité du constructeur pour l'ensemble du matériel », explique Olivier Pichon, chef produit Analyse chez Endress+Hauser. « Bien entendu, pour cette dernière catégorie, les matériels sont conçus selon des normes très précises et sont dotés de circuits appropriés pour éviter tout risque d’étincelles. »
« Chez Hach Lange, nous disposons du transmetteur SI 792 (SI pour sécurité intrinsèque), alimenté en basse tension (boucle 2 fils, 4-20 mA, 24 VDC). Il est utilisable pour la mesure de pH, la conductivité et l'oxygène dissous et supporte les protocoles de communication Hart, Profibus PA et Foundation Fieldbus », explique Jean-Pierre Molinier. Ce type de câblage apporte une économie à la pose (moins de câble) et prend moins de place.
« Chez nous, ce type d’appareil a toujours existé et nous les faisons évoluer avec la réglementation. » La société propose aussi le débitmètre Sigma 911 également à sécurité intrinsèque.
« Endress+Hauser a développé des appareils ATEX pour l'industrie chimique depuis de nombreuses années. Lorsque nous avons des demandes dans le secteur de l'eau, nous proposons ces matériels. Mais la demande est faible », explique Olivier Pichon. La société propose des électrodes de pH (Orbisint CPS 11 et 11D) agréées ATEX, FM et CSA ; des cellules de conductivité inductive (Indumax P CLS50) ou par conductance (Condumax W CLS21 et CLS15) ; une cellule pour mesure de l’oxygène (Oxymax H COS21D) et les transmetteurs ATEX correspondants (transmetteur 2 fils Liquiline M CM42). Selon les versions, les agréments diffèrent.
Mettler-Toledo confirme également la faible demande du secteur de l’eau spécifiquement. La société propose une gamme complète de systèmes de mesures de pH/Redox, d’oxygène dissous et gazeux, de conductivité et des sondes de turbidité, certifiées ATEX. Certains modèles intègrent la technologie numérique ISM° pour une installation simple avec le “Plug & Measure”, un étalonnage des sondes en laboratoire et des informations de diagnostic en ligne sur l’usure et la durée de vie restante des sondes. Des matériels développés à l’origine pour les industries à risque.
DTLI, Thétys Instruments, Anhydre et Mesureo proposent également des instruments en version ATEX.
Anael propose des appareils capteurs/sonde avec une protection type « de » en enveloppe antidéflagrante : turbidimètres et colorimètres Monitek.
SERES Environnement propose de son côté plusieurs analyseurs d’eau en version ATEX parmi lesquels le BWAM 5751 qui détecte les hydrocarbures dans les eaux de condensat, l'eau de production et également les rejets, le PAUTBAC qui assure une purge automatique de l'eau dans les bacs de stockage pétroliers, pour optimisation de l’espace de stockage et protection des fuels contre les dégradations bactériennes par l'eau, le COT 2000 UV qui assure une mesure du carbone organique total dans l'eau et de la pollution organique dans les eaux de rejet industrielles et la gamme S2000 pour l’analyse en continu par colorimétrie et titrimétrie, de différents composés chimiques dans l'eau, par exemple le phénol et aussi le nickel.
En débitmétrie, Neotek propose un débitmètre « hauteur/vitesse » antidéflagrant portable ou en poste fixe ; référencé 2150 EX ISCO il est classé Groupe II, catégorie 1G. Il est destiné aux mesures en canaux ouverts pour des hauteurs de 0 à 3 m, des vitesses de – 1,5 m/s à + 6,1 m/s avec une précision de ± 0,03 m/s, à différentes températures. La société propose aussi un détecteur de surverse pouvant être fabriqué à la demande en version ATEX. Équipements Scientifiques propose le débitmètre U6000 pour la mesure en canalisation. L'appareil se fixe sur la canalisation (diamètres de 15 à 6000 mm) par deux colliers. Endress+Hauser, Krohne, Tecfluid, Ultraflux et Engineering Mesures proposent également une large gamme de débitmètres et d’appareils de mesure de niveau agréés ATEX, FM ou CSA pour les zones explosibles.
Aqualyse propose de son côté le Mach3 ATEX, un débitmètre canal ouvert à poste fixe pour mesure sur déversoir, venturi ou autres jaugeurs au moyen d’un capteur ultrasons aérien. Une version existe aussi en mesure et régulation de niveaux et/ou contrôle de pompes.
Pour Stéphane Saccani, Cometec, « le classement en zone ATEX du réseau d’assainissement concerne encore peu d’agglomérations, mais la donne risque de changer. Cometec propose son débitmètre hauteur-vitesse Flo-Dar sans contact en version ATEX, notamment une version portable entièrement certifiée Zone 1 : capteur, câble, enregistreur GPRS, batterie et antenne. L'avantage de ce système sans contact est de ne pas nécessiter d’intervention d’entretien du capteur, avantage encore plus apprécié par le personnel lorsqu’il s’agit d’une zone sensible ».
Nivus, spécialiste européen dans la fabrication de débitmètres (fixe et portable) pour les écoulements à surface libre, propose depuis 30 ans des appareils ATEX. En effet, pour les mesures en réseaux d’eaux usées (pluviales), le marché allemand impose la certification ATEX dans 90 % des cas.
« Jusqu’à ce jour, côté français (hormis une ou deux grosses agglomérations comme par exemple Le Grand Lyon), aucune certification n’est imposée » souligne Fabien Georget, Nivus. « Le surcoût pour un débitmètre fixe certifié ATEX varie de 100 à 800 €. En revanche la plus-value pour un appareil portable est plus importante (jusqu’à 2500 €) et limite l’utilisation de certains périphériques tels que préleveur automatique ou chargeur de batterie. Sur les appareils portables, l’option modem GPRS utilisable en zone Ex 1 génère, à elle seule, un surcoût de 900 €. La comparaison (ATEX/non ATEX) ne doit pas se limiter à une différence de »
Pour les analyses en milieux explosifs, lorsqu’on ne peut pas déporter l’analyseur (problème de stabilité d'échantillon, de vitesse de réponse dans un procédé), la seule solution est la mise en coffret de l'analyseur (suppression de l’atmosphère explosive, protection de type p). C'est le cas pour les mesures de COT (carbone organique), de DCO, d'azote, d’hydrocarbures et par colorimétrie. Anael propose toute une gamme issue de différents constructeurs : titreurs Tyronics, Monitek, Arjay. « Pour la configuration et le paramétrage on utilise des PC ou des claviers externes, certifiés ATEX pour éviter de by-passer la sécurité sur l’analyseur, ou le clavier de l'analyseur en façade du boîtier surpressé » explique François Lardet. « Pour la maintenance l'utilisation d'un mode de protection par surpression du coffret implique que la sécurité doit être “by-passée” durant les opérations de maintenance sur ce type d'analyseurs. Au préalable, l'utilisateur aura vérifié via un explosimètre (en zone 1) s’il est possible ou non d'ouvrir le coffret en mode by-pass. Mis à part cette précaution d’usage, la maintenance est réalisée de la même manière que sur un équipement classique ».
Installation et maintenance restent primordiales
Disposer d'appareils certifiés ATEX est une chose, encore faut-il qu’ils soient installés selon les règles de l'art, inspectés et entretenus selon des règles bien précises. L’installation électrique relève de la norme NFC 15-100 et, pour les règles particulières ATEX, de la NF EN 60079-14. L'inspection et la réparation relèvent des normes EN 60079-17 (atmosphères gazeuses) et de l'EN 50 281 1-1-2 pour les poussières combustibles. Pour ne pas dégrader le niveau de sécurité initial des matériels, les personnels doivent être formés. L'Ineris a développé la certification volontaire Saqr-ATEX et le LCIE REPARATEX (Système d’assurance qualité des réparateurs de matériels utilisables dans les ATEX). Cette certification permet à l'utilisateur de garantir la sécurité des matériels réparés. Pour le réparateur c'est une preuve de sa compétence ; il bénéficie en outre d'une assistance technique permanente de la part de l'Ineris.
Comme les sites font souvent appel à des sous-traitants, l’Ineris a également développé la certification Ism-ATEX (Installation, service et maintenance) et le LCIE la qualification QUALIFATEX qui lui permet de garantir la compétence de ses sous-traitants et d’éléments de réponse à la directive 1999/92/CE.