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Caractéristiques des eaux brutes de la maison individuelle

28 septembre 2012 Paru dans le N°354 à la page 91 ( mots)
Rédigé par : Christian VIGNOLES et Anne CAUCHI

Les concentrations en DBO5 des eaux usées brutes à la sortie immédiate de maisons individuelles sont mesurées en moyenne à plus de 600 mg DBO5/L, soit plus du double de celles transitant dans des réseaux collectifs (moins de 300 mg DBO5/L). En outre, les écarts à la moyenne sont très importants, avec des amplitudes de 5.1 soit plus du double de celle relevées à l'entrée des stations d'épuration collectives (environ 2.5). Ces résultats sur les maisons individuelles sont obtenus à partir de 147 bilans 24 h, grâce auxquels nous avons pu constater un volume journalier moyen rejeté par habitant de 84 L.

La France a entrepris depuis quelques années la rénovation de ses textes réglementaires relatifs à l'assainissement des eaux usées domestiques. Encore aujourd'hui, une distinction est faite entre l'assainissement autonome, qui est administré par un mode de gestion privé (assainissement non collectif ou ANC), et l'assainissement communal, qui est géré par les communes ou leur groupement (assainissement collectif).

Contexte

Jusqu'en 2009, la France se distinguait de ses voisins européens par une limitation stricte de la typologie des systèmes de traitement des eaux usées autorisés exclusivement pour l'assainissement non collectif : l'épandage dans le sol ou le filtre à sable et ses variantes. La façon dont doivent être conçues ces filières dites traditionnelles est décrite dans des textes réglementaires depuis 1982, et leur mise en œuvre est décrite dans la norme expérimentale NF XP DTU 64-1 dont la première version date de 1992.

Avec l'Europe et la mise en place d'une norme européenne permettant d’apposer une marque CE sur les produits de traitement des eaux usées, les filières traditionnelles ne peuvent seules perdurer sur notre territoire et doivent faire une place à l’arrivée d'une multitude de produits de traitement des eaux usées.

Les tests de performance épuratoire de ces produits sont réalisés selon la procédure décrite dans la norme EN 12566-3+A1, dans des laboratoires notifiés par les États européens pour opérer ces tests. Il existe, en 2012, une trentaine de laboratoires notifiés européens, dont deux en France (CERIB et CSTB).

La France considère aujourd'hui que la norme n’apporte pas de garanties suffisantes quant à la fiabilité de ces technologies tant sur le plan des performances épuratoires que sur le plan de leurs besoins d'entretien et de maintenance. Elle a donc mis en place une procédure d’agrément, visant notamment (mais pas seulement) à valider les résultats des tests de marquage.

[Photo : Figure 1 : courbes percentiles de concentrations en DBO₅, d’eaux usées brutes de réseaux collectifs en France (source : données d'auto-surveillance Veolia Eau France).]

CE, et lorsque le test de marquage CE n’a pas été réalisé sur un produit, à mettre en place un test similaire mais avec des séquences supplémentaires censées mieux reproduire les contraintes réelles rencontrées dans la vraie vie par ces ouvrages.

Bien connaître les caractéristiques des eaux usées pour pouvoir tester les filières de traitement avec les eaux usées qu’elles vont avoir réellement à traiter.

Il n’est pas contestable que les performances épuratoires d'une filière destinée à traiter les eaux usées issues d’une maison individuelle doivent être testées avec des eaux usées de nature identique, ou à minima très proches, de celles des eaux usées issues de l’activité réelle « d’habitants ordinaires », dans une maison individuelle « ordinaire ». Il n'est pas non plus contestable que les plateformes d’essai qui réalisent ces tests sont, à une exception près, alimentées avec des eaux usées domestiques provenant de réseaux collectifs. Les deux critères qui conditionnent la nature des eaux brutes de test, dans la norme de marquage CE, sont :

  • l’intervalle autorisé de concentration en DBO₅ des eaux brutes de test, imposé à 150-500 mg O₂/L ;
  • le volume journalier de référence qu'un habitant rejette, imposé à 150 L/j.

Au moins deux questions doivent être posées :

En termes de charge polluante, la qualité des eaux usées issues de réseau collectif est-elle représentative de celle d’eaux usées produites par une maison individuelle ?

Le volume d’eaux usées domestiques brutes rejeté par un habitant, défini à 150 L/j, cité depuis des dizaines d’années sans réelle vérification sérieuse sur le terrain en Europe, est-il aujourd’hui, en 2012, pertinent ?

Cet article est une première contribution de Veolia Eau à l’amélioration de la connaissance des eaux usées brutes issues de maisons individuelles. Les résultats de mesures in situ sont comparés à ceux obtenus pour des réseaux domestiques. Dans le cas des maisons individuelles, les mesures sont réalisées à la sortie immédiate de maisons réparties sur le territoire français. Pour les réseaux domestiques, il se base sur des mesures réalisées sur plusieurs centaines de stations d’épuration françaises de capacités comprises entre 10 000 EH et 200 000 EH, ainsi que sur quelques stations d’épuration européennes et d'autres continents, dans le cadre de leur auto-surveillance réglementaire, ou dans le cadre de tests de marquage CE pour les plateformes de laboratoires notifiés européens.

Concentration en DBO₅ des eaux usées brutes de réseaux domestiques

Échantillonnage

La procédure suivie est décrite dans l’article¹. Dans le cadre de l’auto-surveillance officielle des stations d’épuration collectives, on accède aux volumes journaliers et aux concentrations moyennes sur 24 h à partir d'un échantillon reconstitué.

Veolia Eau assure l'exploitation et l'entretien de nombreuses stations d’épuration pour le compte des collectivités. Nous disposons donc de nombreuses données, notamment des résultats officiels d’auto-surveillance. Nous présentons ci-dessous quelques-unes de ces données, choisies uniquement sur le critère de leur disponibilité immédiate et leur exploitation sans traitement particulier.

En France, sur plus de 1 200 bilans

Sur les années 2002 à 2008, la compilation des résultats officiels d’auto-surveillance de 300 à 350 stations d’épuration collectives de plus de 10 000 EH réparties sur l'ensemble du territoire (nombre d’observations = 1 222) nous permet de produire les courbes percentiles de la figure 1.

[Photo : Figure 2 : distribution des valeurs de DBO₅ de 4 stations européennes.]
[Publicité : GRAF]
[Photo : Figure 3 : distribution des valeurs de DBO₅, de 8 plateformes de test en Europe.]

en France (source : données d’auto-surveillance Veolia Eau France).

À chaque point correspond la valeur du bilan annuel de l’auto-surveillance de chaque station, c’est-à-dire une moyenne des résultats des bilans 24 h sur l'année.

La moyenne générale de la DBO₅ sur les 1222 valeurs est de 295 mg O₂/L.

Par année, puisque nous avons la possibilité d’évaluer la variabilité d'une année sur l'autre, on constate que la moyenne reste assez stable, elle oscille entre 288 et 308 mg O₂/L.

On retiendra que : les réseaux collectifs urbains français transportent des eaux usées brutes dont les concentrations en DBO₅ sont, en moyenne, de l’ordre de 290 mg O₂/L ou en tout état de cause inférieures à 300 mg/L.

L'amplitude des écarts est de 3,3 sur la base des données comprises entre les bornes des percentiles 10 et 90.

En Europe, l'exemple de 4 stations sous auto-surveillance Veolia Eau

Il est intéressant de comparer ce que nous constatons statistiquement sur les eaux usées de réseaux domestiques français, avec d'autres situations en Europe.

Parce que les données nous étaient facilement accessibles, nous présentons ici les résultats d’auto-surveillance de l’année 2011 de quatre stations d’épuration de grande taille, réparties sur trois pays (Pays-Bas (n = 303 et 354), Belgique (n = 374), Espagne (n = 371)).

Les résultats montrés à la figure 2 sont tout à fait comparables à ceux obtenus en France : les concentrations moyennes en pollution organique sont également faibles, avec la valeur moyenne la plus élevée qui revient à l’Espagne (320 mg DBO₅/L).

Le décalage par rapport aux trois autres pays peut sans doute s’expliquer par une pluviométrie moindre (courbe jaune) en Espagne, avec en conséquence une dilution potentiellement plus faible du réseau que celle des autres pays représentés.

En ne considérant les données que sur l’intervalle des percentiles 10-90, nous constatons des ratios entre les valeurs mini et maxi qui s’échelonnent entre 1,8 et 2,3.

En Europe, un zoom sur des plateformes de laboratoires notifiés pour le marquage CE

Intéressons-nous à présent aux eaux usées qui servent à tester les équipements destinés à épurer les eaux usées de maisons individuelles. Sont-elles très différentes de ce que nous pouvons observer sur le territoire français ?

Les données présentées à la figure 3 proviennent des rapports de marquage CE de différents produits (11 rapports) qui ont été confiés par les industriels, propriétaires de ces rapports, à Veolia Eau. Les eaux brutes mesurées au cours de ces tests servent, par plateforme, à produire les courbes percentiles ci-dessous. Nous sommes bien ici dans la réalité des eaux brutes utilisées pour tester les produits dans le cadre de leur marquage CE selon l’EN 12566 partie 3+A1.

Nous constatons que les moyennes des concentrations en DBO₅, pour 10 des 11 séries de valeurs issues de sept laboratoires notifiés et une plateforme de démonstration, s’échelonnent entre 222 et 321 mg/L. Un des laboratoires notifiés se détache nettement car, au contraire des autres, il n'est pas connecté à un réseau collectif mais reçoit directement les eaux domestiques brutes d’un immeuble de logements abritant environ 100 personnes.

L'allure de sa courbe percentile est assez aplatie. Il est utile de savoir que ce laboratoire pratique régulièrement (mais pas systématiquement) une dilution de son influent pour que les concentrations en DBO₅ de l'eau brute restent sous la limite haute imposée par la norme de marquage CE, fixée à 500 mg O₂/L. Cette dilution a été pratiquée pour une partie des valeurs qui ont servi à construire cette courbe.

À ce stade, nous constatons que collecter des eaux usées brutes au plus près des lieux où elles sont produites se traduit par une augmentation très sensible des concentrations.

Au-delà de l'Europe, des exemples en Chine, Japon et Australie

La figure 4 fournit les valeurs moyennes sur l'année 2011 des concentrations en DBO₅ de stations d’épuration gérées par Veolia Eau en Asie et Australie (22 stations de 10 000 à 1 300 000 EH).

Le constat est identique : les eaux usées

[Photo : Figure 4 : moyennes annuelles en DBO₅ de 22 stations d’épuration en Chine, Japon et Australie.]
[Photo : répartition des valeurs de DBO, de maisons individuelles (147 bilans)]

brutes de ces réseaux sont faiblement concentrées, la station présentant la meilleure moyenne est Australienne et atteint juste 325 mg O₂/L.

Conclusions essentielles sur les eaux usées issues de réseaux collectifs

Mis à part quelques impacts manifestes d’eaux de pluie sur des systèmes d’assainissement urbain quasi exclusivement unitaires, les réseaux collectifs de villes développées dans le monde transportent vers les unités de traitement des eaux usées brutes dont les moyennes de concentration en DBO sont globalement comprises entre 215 et 320 mg O₂/L à l'entrée des stations d’épuration.

Ces données d’eaux usées brutes de réseaux collectifs prises tout à fait au hasard dans les bases de données qui nous étaient facilement accessibles montrent une tendance nette : elles ont des concentrations moyennes en DBO inférieures à 300 mg O₂/L.

Après avoir « gommé » les valeurs extrêmes, car peu représentatives, en ne retenant que les données comprises dans l’intervalle des percentiles 10 et 90, nous constatons des amplitudes entre les valeurs minimales et maximales de l’ordre de 2,5. Ces valeurs, utilisées pour dimensionner l’assainissement collectif des communes, ne sauraient poser vraiment de soucis aux collectivités au moins tant que les systèmes d’assainissement annoncés « séparatifs » ne le sont pas vraiment, ce qui ne pourra arriver vu l'ampleur des investissements en réseaux à réaliser avant plusieurs dizaines d’années.

Mais est-ce raisonnable de transposer ces valeurs pour concevoir des systèmes de traitement de petite taille, voire très petite taille pour la maison individuelle ? Ne fait-on pas ainsi une erreur importante dans l’établissement des capacités nominales de ces petits ouvrages de traitement des eaux usées ?

Concentration en DBO des eaux usées brutes de maisons individuelles

Échantillonnage

La procédure suivie est également décrite dans l'article (1).

On rappelle que les échantillonnages sont effectués à partir de la totalité des eaux brutes de maisons individuelles, collectées par période de 24 h, avec une répétition tous les jours de la semaine. On dispose ainsi d’un volume journalier total parfaitement mesuré et d’un échantillon moyen 24 h sur lequel faire les analyses parfaitement homogène.

Pour approcher la réalité des eaux brutes, nous avons réalisé à ce jour 147 bilans 24 h, sur 12 maisons individuelles, échantillonnées chacune par période de 7 jours consécutifs, sur une, deux et jusqu’à 3 semaines (en tout 21 séquences).

Concentrations en DBO des eaux brutes de maisons individuelles

Les eaux brutes issues de maison individuelle sont, d'une façon générale, très concentrées. Sur 147 bilans, nous identifions une moyenne à 633 mg O₂/L pour une médiane à 540.

La moyenne ne reflète pas l’extrême variabilité des concentrations. En effet, nous relevons des écarts importants, avec des mini/maxi identifiés à respectivement 120 et 3380 mg/L. Comme on peut le constater sur la courbe de la figure 5, 10 % des valeurs sont même supérieures à 1120 mg O₂/L alors que 10 % des valeurs sont inférieures à 220 mg/L.

On retiendra que :

  • – Les concentrations moyennes en DBO sont de plus de 600 mg O₂/L. C'est plus du double des concentrations rencontrées dans les réseaux d’assainissement collectifs pour les plus concentrés d’entre eux, ce qui implique que les chiffres de référence sur les eaux usées domestiques sont à remettre totalement en cause lorsqu’on s'intéresse à la maison individuelle.
  • – L’amplitude des écarts, en ne retenant que les bornes des percentiles 10 et 90, est de 5,1, ce qui indique que les petites installations d’assainissement doivent faire face à des variations d’amplitude de plus du double de celles des réseaux collectifs.

Volume journalier par habitant (L/hab./j) constaté pour les maisons individuelles

Le volume journalier recueilli au cours des mêmes bilans 24 h a fait l'objet d’une présentation dans l'article (1).

Pour mémoire, le volume journalier moyen rejeté par un habitant a été mesuré à 84 litres, avec des valeurs mini/maxi de grande amplitude comme le montre le tableau suivant.

  • – Pour l’ensemble des mesures : 89 L/hab. en moyenne ; extrêmes : 17 à 237 L/hab. ; ratio des volumes extrêmes : 14.
  • – Pour les événements compris entre les percentiles 10 et 90 : 84 L/hab. ; extrêmes : 38 à 159 L/hab. ; ratio : 4,2.

Les maisons échantillonnées offrent des situations diverses mais sont toutes d’habitat permanent et sont occupées par 1 et jusqu’à 8 personnes.

On retiendra que l'on est loin des 150 L/hab.j, valeur juste atteinte en pointe (borne des percentiles 10-90).

Conclusion et perspectives

Les eaux usées issues de maisons individuelles sont au moins deux fois plus

concentrées en pollution organique que les eaux usées issues de réseaux d’assainissement collectifs.

Pourtant, ce sont ces eaux usées collectives diluées qui alimentent 97 % des plateformes des Laboratoires Notifiés Européens sur lesquelles sont testées les petites installations d’assainissement selon le protocole de la norme EN 12566-3 + A1.

Dans le même temps, les volumes d’eaux usées rejetés par habitant mesurés en sortie de maison individuelle sont de l’ordre de la moitié de ceux qui sont utilisés pour dimensionner les équipements de traitement des eaux usées issues de maisons individuelles.

Ces informations factuelles soulignent l’importance d’une réflexion commune pour l’ensemble des acteurs de la filière du petit assainissement.

Est-il possible d’ignorer les conditions réelles de fonctionnement d’un ouvrage de traitement ? Est-il raisonnable de conserver un protocole de test des installations de traitement aussi éloigné des conditions réelles de fonctionnement de ces futurs ouvrages ? Même si tous les produits de traitement des divers fabricants sont testés de la même façon, est-il raisonnable que la future vie réelle de ces ouvrages soit ignorée ? La norme EN 12566-3 + A1 doit être à la fois une marque CE apposée par un fabricant sur son produit pour lui permettre de circuler en Europe mais aussi un critère de confiance pour l’acheteur du produit.

En 2012, un citoyen européen n’a par l’EN 12566 aucune certitude d’acquérir une installation de traitement des eaux usées pour les rejets d’eaux usées de sa maison individuelle qui lui permette de dépolluer ses eaux usées en harmonie avec un environnement protégé.

La procédure d’agrément français dont on n’oubliera pas qu’elle est fondée sur le rapport d’instruction pour le marquage CE n’apporte pas au citoyen français une garantie supplémentaire de bon fonctionnement de l’ouvrage de traitement.

Nos travaux sur la connaissance des vrais flux de pollution à traiter mettent à mal des déductions hâtives sur les charges de pollution à traiter en sortie de maison individuelle, consistant à appliquer les données de l’assainissement collectif au petit assainissement.

Il est toujours temps de rectifier les erreurs du passé pour permettre :

  • aux concepteurs d’avoir des bases de dimensionnement communes, adaptées à la réalité des maisons individuelles,
  • aux fabricants d’adapter leurs outils et leurs performances à cette réalité des eaux usées brutes de maison individuelle,
  • aux citoyens d’acquérir des équipements de traitement des eaux usées performants assurant une réelle protection de leur environnement.

Cela passe bien évidemment et a minima par une révision des protocoles de tests de l’EN 12566 dans ses différentes parties, dont en priorité la partie 3 + A1. ■

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