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Co-digestion de boues d'abattoir avec des graisses animales

31 octobre 2013 Paru dans le N°365 à la page 66 ( mots)
Rédigé par : Orane GRICOURT, Yann GUYOT et Guillaume FLEURY

En 2003, Veolia Water STI a assuré la conception et construction d'une nouvelle station d'épuration traitant conjointement les effluents de Saint-Laurent Dinde et DPE pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires, supporter l'augmentation de la capacité de production des usines et enfin rejeter les effluents traités directement au rejet naturel.

[Encart : Orane Gricourt, Direction Technique Veolia Eau Yann Guyot, Direction du Développement Veolia Eau Région Ouest Guillaume Fleury, Responsable Activités Industrielles, Veolia Eau, Agence Sablé-sur-Sarthe. VEOLIA Eau – Direction Technique Département Valorisation Boues et Énergie]

En 2003, Veolia Water STI a assuré la conception et construction d’une nouvelle station d’épuration traitant conjointement les effluents de Saint-Laurent Dinde et DPE pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires, supporter l’augmentation de la capacité de production des usines et enfin rejeter les effluents traités directement au rejet naturel.

Le groupe agroalimentaire français LDC, connu pour ses marques Loué, Le Gaulois et Maître Coq possède sur la commune de Sablé-sur-Sarthe (72) dans l’ouest de la France, trois usines : un complexe d’abattage et de découpe de volailles LDC St-Laurent et Dindes, une usine de fabrication de produits élaborés DPE et une usine de préparation de plats cuisinés Marie.

Historique

Initialement, les effluents issus de Saint-Laurent Dinde étaient traités dans une station d’épuration avant rejet au milieu naturel et ceux de DPE étaient prétraités avant raccordement au réseau d’assainissement communal. D’une part, la station d’épuration de LDC Saint-Laurent Dinde devenant insuffisante pour traiter les effluents des activités d’abattage et de découpe en régulière augmentation, et d’autre part la charge de DPE devenant incompatible avec la station d’épuration communale, une remise à niveau était nécessaire. En 2003, le client a confié à Veolia Water STI la conception et construction d’une nouvelle station d’épuration traitant conjointement les effluents de Saint-Laurent Dinde et DPE pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires, supporter l’augmentation de la capacité de production des usines et enfin rejeter les effluents traités directement au rejet naturel. La capacité de traitement a été portée à 120 000 équivalents habitants, soit 2 500 m³/j pour une charge en DCO de 13 000 kg/j.

Veolia Eau assure depuis le 1ᵉʳ août 2004 l’exploitation et la maintenance de la station, la gestion des boues, valorisées par épandage en agriculture. La gestion des déchets de tamisage est à la charge de LDC.

Présentation de la filière de traitement en 2004

En 2004, la filière de traitement comporte un bassin tampon, un prétraitement par flottation, un méthaniseur pour le traitement anaérobie des effluents pré-flottés, suivi d’une boue activée et d’un traitement tertiaire Actiflo. Les boues primaires et secondaires sont envoyées sur une table d’égouttage pour épaississement avant épandage. Les graisses externes industrielles provenant du prétraitement des effluents générés par l’usine de produits élaborés sont réacheminées par camion et sont dépotées sur la station d’épuration. Elles sont ensuite hydrolysées puis traitées sur un Carbofil®.

[Figure : Schéma de la filière avant by-pass du traitement biologique des graisses.]

voie aérobie) avant de rejoindre la filière eau en amont du flottateur. Ces graisses externes sont principalement des graisses animales provenant des produits élaborés à base de volailles (gésiers confits, saucisses de volailles,...) avec une partie de graisses végétales (huile de cuisson).

Le traitement anaérobie était à l’origine sur la file eau de la station entre le prétraitement par flottation et le bassin de boues activées.

Un trop fort abattement sur le flottateur en pratique a induit une charge en DCO résiduelle trop faible pour avoir un double traitement anaérobie et aérobie en série. La technologie de méthanisation en place était en mélange intégral appelé aussi procédé Contact (Continuous Stirred Tank Reactor CSTR + décanteur) et utilisée communément pour le traitement anaérobie des boues de stations d’épuration. Ce choix initial de technologie a donc permis le basculement du réacteur sur la file boues. Il est alors alimenté par les boues flottées incluant les boues biologiques en excès recirculées en tête de station. Toutes les boues sont donc extraites au niveau du flottateur. Le décanteur est quant à lui utilisé en stockage de boues digérées avant déshydratation sur la table d'égouttage. Le biogaz produit dans le digesteur mésophile est envoyé vers le gazomètre pour alimentation de la chaudière, l'excédent étant quant à lui brûlé à la torchère. La chaudière sert à produire de l’eau pour les besoins de réchauffage du digesteur.

Optimisation de l’installation en vue de produire plus de biogaz

LDC se souciait d’optimiser la gestion de sa station, en termes de coûts et de qualité d’exploitation.

Le biogaz n’était à l’époque pas entièrement valorisé sur la station : une partie du biogaz était brûlée dans une chaudière pour réchauffer le digesteur mais une grande majorité du gaz était tout simplement brûlée en torchère. Il était donc pertinent de valoriser ce biogaz dans un moteur, pour produire de l’énergie (électricité et chaleur) à partir du méthane, notamment au regard des nouvelles conditions de rachat de l’énergie électrique.

De manière à rentabiliser l’installation d’une unité de cogénération, une investigation a été effectuée sur le type de co-substrats possibles pour augmenter la production de biogaz. Étant donné le fort potentiel méthanogène des graisses, il a été envisagé le by-pass du traitement aérobie pour les injecter directement dans le digesteur après hydrolyse. D’autres substrats ont été également étudiés comme par exemple les matières stercoraires de lapin. L’objectif était double : à la fois produire plus de biogaz via l’utilisation des graisses et valoriser la totalité du biogaz. La chaudière et la torchère ne seront donc utilisées plus qu’en secours. D’autre part, cela a permis de valider d’un point de vue technique la quantité de graisses acceptables à l’échelle industrielle entrée digesteur jusque-là souvent limitée à 15 % des MV entrantes.

Des essais à l’échelle 1 ont été réalisés sur la station de mi 2007 à mi 2008. Une première phase de 6 mois a consisté à tester l’injection progressive des graisses hydrolysées dans le digesteur jusqu’à atteindre la quantité maximale disponible du gisement graisseux. Une deuxième phase de 4 mois a permis d’atteindre un fonctionnement stable du digesteur et donc de conclure positivement à l’augmentation de capacité de traitement. L’augmentation de biogaz résultante a permis de justifier économiquement l’installation d’une cogénération de 250 kW. En ponctuel et selon la quantité de graisses externes approvisionnées, des augmentations de production de biogaz ont été constatées de 2 100 à 3 300 Nm³/j de biogaz. Les essais ont permis de monter jusqu’à 42 % de graisses (MV) entrée digesteur en ponctuel (limitation par la quantité de graisses disponibles).

En parallèle, la suppression de l’étape de traitement aérobie des graisses a permis une réduction de 10 % de la consommation d’électricité sur la station.

Facteurs limitants dans l’exploitation des résultats

Le choix de la débitmétrie biogaz doit retenir une attention particulière. Le remplacement du débitmètre sortie digesteur s’est porté vers un débitmètre thermique massique. La fiabilité du débitmètre initial a rendu difficile la comparaison de la production de biogaz avant et après injection des graisses pour chiffrer le gain de production. L’idéal est de pouvoir faire également le calcul théorique de production de biogaz en partant du suivi analytique entrée/sortie du digesteur et en considérant le ratio de 0,35 Nm³ CH₄/kg DCO éliminée s’il n’y a pas de doute sur la véracité des analyses DCO. Une autre solution est de passer par les BMP des substrats qui donnent alors une production théorique certes maximale mais qui doit cependant permettre d’avoir l’ordre de grandeur.

S’il est évident que l’homogénéité des échantillons pour le suivi analytique est primordiale, en pratique la réalité est tout autre. Il faut donc être vigilant sur l’interprétation des analyses en particulier sur les

[Figure : Évolution de la production de biogaz en fonction de la charge en MS apportée par les boues flottées et par les graisses externes]

(courbe verte) étant plus ou moins constante (figure 2).

Un calcul théorique de production de biogaz a également été fait pour valider la production mesurée. Le point de prélèvement de l’entrée digesteur étant dans un puits de relèvement ne permettant pas d’avoir un échantillon homogène et donc représentatif, le calcul de la production de biogaz via l’abattement en DCO n’est pas possible. La production de biogaz théorique a donc été calculée via les BMP des différents substrats.

Il est nécessaire de prélever des échantillons graisseux et d’adapter les protocoles d’analyses à la matrice étudiée. Par exemple, le protocole d’analyse de la DCO en cas de produits graisseux doit débuter par une étape de saponification pour transformer les graisses en acides gras solubles plus faciles à quantifier.

[Encart : Graisses plats cuisinés Boues flottation abattoir Boues biologiques abattoir Biogaz théorique Biogaz réel 387 kg MV/j boues biologiques 2562 kg MV/j boues primaires 915 kg MV/j graisses externes 700 l biogaz/kg MV 600 l biogaz/kg MV 360 l biogaz/kg MV 2317 Nm³ biogaz/j 2098 Nm³ biogaz/j 1884 Nm³ biogaz/j 81 % de la production théorique 69 % CH₄ | 75 % MV | (BMP source interne) 70 % CH₄ | 85 % MV | (BMP source interne) 50 % CH₄ | 73 % MV | (BMP source interne) 69 % CH₄]

Le bilan ci-dessous permet d’arriver à une production mesurée correspondant à environ 80 % de la production théorique de biogaz. Ceci n’est pas aberrant.

Installation de valorisation du biogaz par cogénération

L’installation de valorisation du biogaz par cogénération (production d’électricité et de chaleur) a été mise en service par Verdesis en août 2010 qui assure l’exploitation de l’installation. Elle comprend deux micro-turbines Capstone, une C200 et une C65, soit une capacité totale de 265 kW. Le biogaz est prétraité sur charbon actif pour élimination de l’H₂S puis séché.

En 2011, le débit moyen à l’entrée de la cogénération était d’environ 90 Nm³/h, permettant de faire fonctionner les deux micro-turbines à leur régime nominal pour une production d’énergie électrique nette de 1500 MWh et d’énergie thermique nette de 1800 MWhth. Les 1500 MWh/an représentent la consommation annuelle de 660 personnes. La disponibilité de l’installation fut en moyenne de 97 %.

Exemple de bilan de fonctionnement sur l’année 2011

Le digesteur traite 4,5 t MS/j à 90 % de MV pour un rendement d’environ 60 % des MV.

Le temps de séjour moyen est de 26 jours.

Le taux d’ammonification est estimé à environ 35 % avec une concentration en N-NH₄ dans le digesteur à 0,8 g/l en moyenne (0,1 à 1,6 g/l) et un TAC à 4 g/l.

La proportion de graisses est estimée à 30-35 % des MV totales entrantes dans le digesteur.

Celui-ci fonctionne à une charge appliquée de 1,3-1,5 kg MV/m³ réacteur/j.

Les graisses sont toujours injectées en totalité dans le digesteur sans observation d’impact négatif sur le fonctionnement de ce dernier.

La production moyenne de biogaz est d’environ 2100 Nm³/j avec une amplitude de 800 à 3200 Nm³/j.

En raisonnant sur une plage de temps de 26 jours correspondant au temps de séjour moyen dans le digesteur, une corrélation directe a été trouvée entre la variation de la production de biogaz (courbe bleue) et la charge en MS apportée par les graisses hydrolysées (courbe rouge) ; la charge en MS apportée par les boues flottées (courbe verte) étant plus ou moins constante (figure 2).

Conclusion

Ce retour d’expérience sur cette station d’épuration est donc encourageant en termes de teneur en graisses admissible à l’entrée d’un digesteur. En moyenne, les graisses (graisses externes et graisses dans les boues flottées) représentent 35 % des MV totales entrantes dans le digesteur de LDC Sablé.

Cela est valable pour le type de graisses de cet industriel, à savoir des graisses animales majoritairement.

Une étude plus poussée sur la caractérisation de ces graisses avant/après hydrolyse et avant/après digestion permettrait à la fois d’optimiser le fonctionnement de l’hydrolyse, et de suivre les produits de décomposition des graisses et leur pourcentage de dégradation associé dans le digesteur.

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