Aujourd'hui, différentes techniques de compostage de boues existent qui permettent de répondre aux nouvelles exigences normatives visant à pérenniser la filière de compostage. La bonne maîtrise des paramètres d'exploitation et de la qualité des boues traitées, permet de produire un compost totalement conforme aux critères fixés par la norme NF U 44-095.
La protection du milieu naturel et la gestion des boues
La protection du milieu naturel passe par l’amélioration continue des systèmes de dépollution des eaux usées. Le renforcement de la réglementation impose de plus à de nombreuses communes le traitement de leurs eaux usées ; une obligation qui découle de la loi sur l’eau de 1992, transcription en droit français de la Directive européenne sur les eaux usées du 21 mai 1991. Les quantités de boues produites sont de ce fait en augmentation. En 10 ans, le tonnage des boues produites en France a doublé. À ce jour, la production totale de boues en France est estimée à environ 1 million de tonnes de matières sèches. Les filières d’évacuation des boues sont principalement l’incinération, le stockage en CSDU et la valorisation agricole. Cette dernière filière est privilégiée en France puisqu’environ 60 % des boues produites sont valorisées en agriculture.
Le compostage des boues
Le produit obtenu par compostage des boues, le compost, est stabilisé, hygiénisé et présente un intérêt certain pour l’entretien des stocks de matière organique dans les sols.
Environ 10 % du gisement total de boues de stations d’épuration est traité par compostage ; en effet, les boues avec 50-75 % de matière organique constituent un bon substrat organique pour l’obtention d’un compost de qualité.
Réglementation de la commercialisation des composts
En France, la commercialisation des composts est régulée par la loi du 13 juillet 1979 : les matières fertilisantes mises sur le marché doivent être homologuées ou répondre aux critères fixés par les normes d’application obligatoire.
Le compost de boues source de matière organique pour les sols
Le rôle de la matière organique dans le sol est fondamental car elle assure la disponibilité de nutriments pour les plantes, augmente la capacité de rétention d'eau, et stabilise la structure du sol.
Le déficit de matière organique est précurseur des phénomènes d’érosion des sols qui entraînent le ruissellement des eaux de pluie et la déstructuration des sols. On parle de déficit lorsque la proportion de matière organique contenue dans le sol est inférieure à 2 %. Pour augmenter ce pourcentage un apport externe est indispensable.
Actuellement les apports externes de matière organique ne sont pas suffisants pour combler les besoins des sols français. Dans ce cadre, le compostage des boues s'inscrit pleinement dans la logique de développement durable car parmi les différents amendements organiques, le compost est une des sources majeures de matière organique stable.
L'arrêté du 18 mars 2004 rend la norme NF U 44-095 d’application obligatoire. Cette norme encadre la production des composts obtenus à partir des matières d’intérêt agronomique issues du traitement des eaux (M.I.A.T.E.). Des critères stricts de traçabilité et d'innocuité sont définis ; les composts obtenus doivent respecter des teneurs inférieures aux limites en ce qui concerne les éléments traces métalliques, les micropolluants organiques et les microorganismes d'intérêt sanitaire. La NF U 44-095 régule également les conditions d'utilisation des composts en définissant des flux maximaux annuels apportés aux sols.
Cette évolution de la réglementation permet la commercialisation de composts des boues conformes. La valorisation du compost de boues s'inscrit, à ce jour, dans une logique « produit ».
Principe du compostage
Le compostage est un process biologique qui se déroule en conditions aérobies. Les microorganismes naturellement présents dans les substrats décomposent et transforment la matière organique. La composition initiale du substrat est modifiée mais aussi les conditions du milieu, d'où la succession de populations microbiennes, ce qui explique les différentes phases du processus de compostage.
L’action des microorganismes, en oxydant la matière organique des substrats, libère ainsi l'énergie contenue dans les liaisons chimiques des molécules constitutives. Le suivi de la température permet donc une mesure indirecte de l'intensité des dégradations aérobies. L’élévation de la température du milieu de réaction a une importance fondamentale pour l'hygiénisation du produit.
Les techniques de compostage
Le groupe Saur a développé des techniques de compostage adaptées à la transformation des boues en composts de qualité.
Le compostage en casiers
L'unité de St Jean de Brévelay (Morbihan) est un exemple de compostage intensif par ventilation forcée en système fermé. Cette plateforme a une capacité de traitement de 8 000 t de boues déshydratées par an et est implantée sur une surface de 2,7 hectares de terrain.
À l'entrée de la plateforme un pont bascule à
Des bornes autonomes garantissent le suivi des tonnages entrants. Les boues déshydratées arrivent en camion à la fosse de réception pour être ensuite mélangées aux coproduits dans un hangar confiné de 1 000 m².
Le « dosage » des boues et des coproduits est ajusté pour maintenir une humidité de mélange optimale, située entre 60 et 65 %, ainsi qu’un équilibre nutritionnel adapté aux besoins du milieu. Dans le mélange initial, le rapport du carbone par rapport à l'azote est de 20 à 25.
Le mélange est ensuite disposé dans les casiers de dégradation pour commencer la dégradation aérobie de la matière. La durée de la phase de dégradation aérobie est adaptée à la qualité des boues et varie entre 3 et 5 semaines. La plateforme dispose de 9 casiers ventilés par insufflation à l'aide d'un plancher aéraulique ; un système de surveillance automatisée assure pendant cette phase le couple temps/température nécessaire à l'hygiénisation du produit.
À la fin de la phase de dégradation, le compost frais est disposé en andains pour commencer la phase de maturation. L’activité microbiologique est ralentie et les besoins en oxygène sont réduits. Pendant cette phase de maturation ou stabilisation du compost frais apparaissent les éléments précurseurs de l’humus (durée 3-8 semaines).
Finalement, l'opération de criblage permet l'homogénéisation et la séparation d’une partie du support végétal qui est alors réutilisé dans le cycle. Les mailles de criblage sont choisies en fonction de l'utilisation du produit fini.
Le compostage en sacs ventilés
Saur France propose un procédé innovant permettant un compostage dans des sacs de capacité variable selon les besoins, en fonction des volumes à traiter et de la configuration du site.
Ce procédé de compostage présente la particularité de confiner le mélange (boues et coproduits) dans des sacs pendant la phase de dégradation aérobie. Cette technique s'adapte très bien à la variation de volumes et à la configuration du site.
Une machine adaptée permet de contrôler le taux de remplissage de chaque sac et de mettre en place des gaines de ventilation.
Tableau 1 : La qualité des composts de boues
Valeur agronomique
Matière sèche (% M.B.) : | Compost de boues ≥ 55 % / NF U 44-095 ≥ 50 % |
Matière organique (% M.S.) : | 40-60 % / ≥ 30 % |
pH : | 7-7,5 |
Rapport C/N : | 10-15 |
N total (% M.B.) : | 2 % |
M.O./organique : | 20-30 / < 40 |
P₂O₅ (% M.B.) : | 1,5-2 % |
K₂O (% M.B.) : | 0,5-1 % |
Ca (% M.S.) : | 3-9 % |
Mg (% M.S.) : | 0,5-1 % |
ETM (mg/kg de MS)
As : | 6 / 18 |
Cd : | 0,5 / 3 |
Cr : | 24 / 120 |
Cu : | 122 / 300 |
Hg : | 0,4 / 2 |
Ni : | 18 / 60 |
Pb : | 20 / 180 |
Se : | 1,5 / 12 |
Zn : | 281 / 600 |
Micropolluants organiques (mg/kg de MS)
Total des 7 P.C.B. : | 0,07 / 0,8 |
Fluoranthène (HAP) : | 0,35 / 4 |
Benzo(b)fluoranthène (HAP) : | 0,12 / 2,5 |
Benzo(a)pyrène (HAP) : | 0,10 / 1,5 |
Microorganismes d’intérêt sanitaire
Escherichia coli : | < 10 / 10⁴ g M.B. / 10³ g M.B. |
Clostridium perfringens : | 60 / 10³ g M.B. / 10³ g M.B. |
Enterococques : | 740 / 10³ g M.B. / 10³ g M.B. |
Salmonelles : | absence / absence dans 1 g M.B. / absence dans 25 g M.B. |
Listeria monocytogenes : | absence / absence dans 1 g M.B. / absence dans 25 g M.B. |
Œufs d’helminthes viables : | absence / absence dans 1 g M.B. / absence dans 25 g M.B. |
afin de garantir une aération homogène du mélange boues déshydratées (15-20 % MS) et support carboné (écorces, palettes et végétaux broyés). Des valves sont poinçonnées sur les sacs pour contrôler les débits d’air insufflé et l’échappement des gaz. Elles permettent le suivi de la température, de l’avancement de l’activité biologique et de la maturité du compost. L’ouverture des valves peut être modulée et la ventilation ajustée, ce qui assure le maintien d’une aération optimale à l’activité biologique.
Après 3 à 5 semaines, l’ouverture des sacs est réalisée. La phase de maturation, par retournement hebdomadaire d’andains, peut alors commencer. À la fin de la phase de maturation, le compost est alors criblé puis stocké en attente des résultats des analyses, le refus de criblage étant réintroduit dans le cycle de compostage.
Le compostage de boues en sacs est mis en œuvre dans le site de valorisation de boues « Costières compostage » dans le Gard. Cette unité est située dans le pôle environnemental de la ville de Nîmes et occupe une surface de 3 hectares. 15 000 t de boues déshydratées sont traitées chaque année, 3 000 tonnes annuelles de déchets verts sont utilisées comme apport de carbone pour le mélange. La production annuelle de compost est de 5 400 t.
Saur France a également déployé cette technique sur les sites de valorisation des boues de Bellegarde (Gard), Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) et Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) traitant chacun environ 10 000 t de boues chaque année.
La clef d’un compost réussi : la traçabilité
La gestion de la traçabilité est un des piliers pour garantir l’obtention d’un compost de qualité. Deux aspects se révèlent importants :
- • Le suivi des matières premières réceptionnées dans la plateforme de compostage : les boues et les coproduits sont identifiés, échantillonnés et analysés à chaque livraison. Par ailleurs le contrôle de boues est réalisé également en amont de la plateforme
afin de garantir leur aptitude au compostage.
* La gestion de la production de compost en lots. Les matières premières sont suivies tout le long du processus de transformation. Finalement les lots de production de compost sont soumis aux contrôles analytiques nécessaires (valeur agronomique, micropolluants, microbiologie…).
La commercialisation du lot de compost n'est lancée qu'après réception des analyses conformes.
Le compost
Le compost de boues, valorisé comme amendement organique, participe à l'équilibre du bilan humique des sols, contribue à l'entretien des stocks de matière organique des sols et améliore les propriétés physico-chimiques et biologiques des sols. Les composts obtenus à partir des boues peuvent être valorisés pour des activités :
* agricoles : grandes cultures, horticulture, pépinières… * d'aménagement forestier : plantation et fort naturelle * de loisir : terrains de golf, parcs municipaux, jardins * domestiques : entretien de pelouses, aménagement paysager
Conclusion
L'application de nouvelles normes relatives aux composts des boues vise à améliorer la qualité des composts produits de façon à pérenniser la filière de compostage. De différentes technologies de compostage de boues ont été développées avec l'objectif de répondre à ces nouvelles exigences normatives. Notre expérience montre que la bonne maîtrise des paramètres d'exploitation et de la qualité des boues traitées permet de produire un compost en accord avec les critères de mise sur le marché fixés par la norme NF U 44-095.