Les Pays-Bas sont parmi les petits pays de l'Europe, avec 34 000 km² de superficie (6 % de la France) dont un cinquième au-dessous du niveau de la mer. Si les dunes et les digues n?assuraient un système de protection efficace, plus de la moitié du pays risquerait d'être submergé. Au fil du temps, les Pays-Bas ont acquis des expériences et des techniques de plus en plus sophistiquées pour stopper les eaux et pour conquérir des terres sur des surfaces occupées normalement par la mer ou les eaux de ruissellement.
Les Pays-Bas sont parmi les petits pays de l'Europe, avec 34 000 km² de superficie (6 % de la France) dont un cinquième au-dessous du niveau de la mer. Si les dunes et les digues n'assuraient un système de protection efficace, plus de la moitié du pays risquerait d'être submergé. Au fil du temps, les Pays-Bas ont acquis des expériences et des techniques de plus en plus sophistiquées pour stopper les eaux et pour conquérir des terres sur des surfaces occupées normalement par la mer ou les eaux de ruissellement.
« Dieu a créé le monde, mais la Hollande est l'œuvre des Hollandais eux-mêmes ». Cet adage hollandais traduit bien la lutte héroïque de ce peuple pour la conquête de son sol sur la mer... Car sa façade maritime est constituée par des îles et un littoral de dunes naguère vulnérables devant une Mer du Nord agressive, avec, dans la partie méridionale, une insolite concentration de trois deltas en un seul, formé des embouchures de trois fleuves qui viennent s'y déverser conjointement : l'Escaut, la Meuse, et le Rhin dont les
Les embouchures sont multiples et, dont un bras, l'IJssel remonte au Nord pour se jeter dans l’ancien Zuyderzee. Un tel complexe deltaïque est voué par nature à de perpétuelles divagations sous le jeu contrarié des alluvions, des inondations et des remontées de marées.
Dans la partie septentrionale, les assauts de la mer du Nord au long des siècles finirent par crever le cordon continu de dunes qui s'étirait, au début de notre ère, depuis le delta jusqu'au Danemark. Une irrésistible avancée marine engloba quelques grands lacs d’eau douce et progressa vers le cœur du pays. Apparue au XIIIᵉ siècle et désignée sous le nom de Zuyderzee, elle s’élargit en une véritable mer intérieure à fond argileux, peu profonde (jamais plus de 5 mètres) et constituant par gros temps une menace dangereuse pour les basses terres avoisinantes. Si l’on considère de plus que le niveau du sol des Pays-Bas s’abaisse régulièrement par rapport à la mer d’un mètre par millénaire, on comprend que, sans la résistance opiniâtre des hommes, il est vraisemblable que la quasi-totalité de la partie maritime du pays aurait disparu aujourd’hui sous les eaux.
Une lutte séculaire contre les eaux
Les premières tribus qui élurent domicile sur ces basses terres se protégeaient avec peine contre les assauts de la mer en construisant des tertres de terre où elles se réfugiaient lors des grandes marées. C’est vers l’an 1000, semble-t-il, qu’on a commencé à relier ces tertres par des digues continues. À l’abri de ces digues, construites courageusement à la pelle, naquirent de petits « polders », nom donné à des étendues de terres arables conquises sur l’eau en partant de la vase, dont le destin fut d’être souvent submergées par des raz de marée.
Les premiers endiguements coordonnés à grande échelle débutèrent vers l’an 1200, avec une succession d’épisodes dramatiques comme l’inondation de Sainte-Élisabeth en l’an 1421, consécutive à un raz de marée qui détruisit plusieurs dizaines de villages et engloutit 10 000 personnes. Vers le XVIᵉ siècle, l’utilisation de la force motrice des moulins à vent permit d’envisager, en plus de l’endiguement protecteur contre la mer, la création systématique de polders en asséchant d’abord des lacs. L’invention de la calotte tournante de moulin, permettant le fonctionnement quelle que soit la direction du vent, fut un progrès supplémentaire. L’apparition de la machine à vapeur donna une nouvelle dimension aux performances de pompage. Entre 1848 et 1852, le Haarlemmermeer, le plus grand lac de Hollande, fut épuisé par pompage, ce qui permit de gagner 20 000 hectares. L’aéroport moderne d’Amsterdam-Schiphol a d’ailleurs été aménagé depuis sur son ancien fond, à 4,50 mètres au-dessous du niveau de la mer.
Mais la mer est un ennemi tenace et puissant, et la lutte restait inégale malgré l’opiniâtreté déployée. Il fallait compter avec des contre-attaques terribles, de sorte qu’au début du XXᵉ siècle le bilan restait très précaire.
Le projet Lely sur le Zuyderzee
Ce bilan jusqu’alors défavorable allait s’inverser au XXᵉ siècle par la réalisation de grands travaux, dont la station de pompage à vapeur de Wouda, mise en service en 1920, est la plus importante station de pompage à vapeur toujours en activité dans le monde.
Réalisation d'une œuvre gigantesque : les travaux du Zuyderzee.
Dès 1667, un précurseur de génie, Hendric Stevin, avait publié une première étude qui resta sans suite, faute de moyens. L'idée fit cependant son chemin durant tout le XIXᵉ siècle, et c'est en 1893 que parut un projet de grande envergure, œuvre de l’hydraulicien visionnaire Cornelis Lely. Son plan était très simple : isoler le Zuiderzee de la mer en jetant une digue de 32 km dans le goulet entre la Frise et la pointe de la Hollande septentrionale. Une fois isolé, le Zuiderzee ne recevrait plus que des eaux douces, celles de l'Ijssel, un bras du Rhin, et se désaliniserait ainsi progressivement. On créerait ensuite dans l’ancienne mer, que l’on appellerait lac d'Ijssel, ou Ijsselmeer, cinq polders destinés à l’agriculture et totalisant 225 000 ha ; le reste de l'Ijsselmeer constituerait un immense bassin d’eau douce, pouvant jouer un rôle important dans un pays dont les terres sont constamment menacées par la salinisation.
Par chance, Lely devint homme politique, puis homme d’État, et c’est en qualité de Ministre qu'il put revenir plusieurs fois à la charge pour faire adopter son projet par le Parlement. Il lui fallut convaincre les sceptiques et triompher de l’opposition des pêcheurs. C’est ainsi qu’en septembre 1913, vingt ans après la sortie du projet, la Reine Wilhelmine prononçait à l’ouverture de la session parlementaire les paroles suivantes : « J’estime que le temps est venu d’entreprendre le barrage et l’assèchement du Zuyderzee. Les travaux permettront d’améliorer la situation hydrologique des provinces environnantes, d’étendre le territoire et d’augmenter le nombre des emplois ».
Mais du fait de la première Guerre Mondiale, ce n’est qu’en 1918 que fut enfin promulguée la loi sur le Zuyderzee avec prise en charge des travaux par l’État, ce qui permit de commencer les préparatifs d’exécution du projet.
La grande digue de fermeture : L'Afsluitdijk
L’ouvrage-clé de tout le projet était la construction d'une digue d’une longueur totale de 32,5 km barrant audacieusement le Zuyderzee, de façon à transformer cette ancienne avancée de la Mer du Nord en un lac d’eau douce qui fut nommé « Ijsselmeer » (lac d'Ijssel), du nom du bras du Rhin qui s'y déverse. Les travaux commencèrent dès 1920 par la construction du petit tronçon de 2,5 km de la digue de Westerland, destiné à barrer un petit bras de mer et à relier la côte à l'île de Wieringen. Cette tranche fut terminée en 1925 et le lac d’Amstelmeer se forma en retrait, tandis qu'un premier polder était réalisé : le Wieringermeerpolder.
Quant à la grande digue du Nord proprement dite, longue de 30 km, large de 90 m et dominant la mer de 7,50 m, elle devait s'édifier sur des fonds marins sableux sillonnés de profonds chenaux creusés par les mouvements de flux et de reflux. Les travaux démarrèrent en janvier 1927 par la création d'une île artificielle à la hauteur de son futur milieu, destinée à servir de dépôt central des matériaux, avec deux ports-refuges pour abriter les navires de service en cas de tempête.
La construction fut attaquée en six endroits à la fois, choisis parmi les moins profonds. Au début, il n’y eut pas trop de problèmes, mais ceux-ci surgiraient à mesure que l'on arrivait à combler des eaux de plus en plus profondes. Les formidables masses liquides se déplaçant dans le Zuyderzee étaient bloquées devant les tronçons terminés et leurs tourbillons s’engouffraient dans le reste des ouvertures, devenant chaque jour plus puissants.
Pour les maîtriser, on réalisa des barrages régulateurs sous-marins couverts de matelas de fascines, eux-mêmes recouverts de blocs de basalte. Le fond de la mer se trouvait ainsi armé de lourds blocs qui pouvaient résister aux pressions.
Arriva le moment où tous les tronçons de la digue furent solidarisés les uns aux autres à l'exception de deux passes : celle des Mittelgronden et celle de Vlieter dont la fermeture était prévue pour le printemps de 1932.
Mais bientôt on s'aperçut que le taret s’était attaqué au fascinage du barrage régulateur des Mittelgronden et que les câbles étaient en train de rouiller. Ainsi fut-il décidé de fermer cette passe dès l’automne 1931, et pour y parvenir on dut procéder à une énorme concentration de tout le personnel et tout le matériel disponibles.
La situation pouvait devenir très dangereuse à tout moment, car à l'occasion d'une tempête on observa que s'était creusé un gouffre-tourbillon de 28 m de profondeur. Il fallut multiplier les matelas de fascines pour opérer la fermeture de la dernière passe : celle de Vlieter.
Enfin, le 28 mai 1932, la dernière passe fut à son tour fermée.
La lutte contre la mer avait duré plus de cinq ans, une lutte à laquelle avaient participé des cen-
Centaines d’hommes et plus de 500 navires de toutes dimensions.
De la mer au lac, du lac à la terre…
Le barrage du Zuyderzee achevé, on put, à l’abri de ce formidable rempart, procéder aux aménagements suivant le plan prévu et c’est une œuvre de longue haleine qui se poursuivit sans désemparer durant près de 50 ans, avec un programme méthodique de travaux d’endiguements, d’assèchements, de défrichements, de mises en culture et d’urbanisations. La superficie des Pays-Bas s’est trouvée augmentée de 12 % et on estime que les polders de l’IJsselmeer comptaient un demi-million d’habitants en 2000. Dans l’espace de l’IJsselmeer, on assécha quatre grands polders, ce qui représente une récupération de 1 650 km² de terres. À l’assèchement de ces fonds marins qui n’étaient pas tous submergés dans les temps anciens, les surprises ne manquèrent pas. Ainsi a-t-on pu rassembler des collections de reliques diverses témoignant de la vie des hommes dans cette contrée depuis quelque 3 000 ans avant J.-C., et on a exhumé plusieurs centaines d’épaves de bateaux de toutes sortes ainsi que d’émouvantes carcasses d’avions, restants des combats de la dernière guerre.
Le polder dit Wieringermeer et le polder dit Nord-Est, les deux plus anciens, sont devenus typiquement agricoles. Quant au Flevoland-Est et au Flevoland-Sud, ils ont été conçus comme zones d’habitation, de travail et de loisirs. Depuis le 1ᵉʳ janvier 1986, le polder du Nord-Est constitue avec le Flevoland-Est et le Flevoland-Sud la province de Flevoland, la douzième du pays, avec Lelystad pour chef-lieu.
Et la grande digue a déjà sauvé une fois le pays d’une inondation qui aurait été catastrophique, celle de février 1953.
Le plan Delta
Dans la nuit du 31 janvier au 1ᵉʳ février 1953, une marée de vives eaux coïncida avec une très violente tempête du nord-ouest, inondant une grande partie du sud-ouest des Pays-Bas. Cette catastrophe, qui coûta la vie à 1 835 personnes et fit 100 000 sans-abris, détruisit la Zélande et menaça Rotterdam. Elle rappela aux Néerlandais l’urgence de mettre en chantier le plan Delta. Le but de ce « Plan Delta » était de fermer les estuaires des trois fleuves (Rhin, Meuse, Escaut) et leurs affluents. Ces travaux vont s’étaler sur 32 ans et coûteront 36 milliards de francs. Ils vont surtout entraîner des innovations technologiques qu’il faudra mettre en place sur une grandeur jamais envisagée. Aujourd’hui, tous les bras de mer sont fermés, sauf l’Escaut occidental, voie d’accès au port d’Anvers, en Belgique. Dans l’estuaire de l’Escaut oriental a été construit un barrage anti-tempête : un gigantesque ouvrage hydraulique, composé de vannes d’acier coulissant entre des piles de béton. En temps normal, les vannes sont toujours levées et le mouvement des marées est donc largement préservé dans le bras de mer. Les vannes ne sont abaissées qu’en cas de tempête. Cette solution a été retenue pour préserver une zone naturelle unique, ainsi que la conchyliculture, impossible en eau douce et sans marnage. Le barrage a été mis en service officiellement le 4 octobre 1986 par la Reine Beatrix. Les lacs qui se sont ainsi formés permettent de combattre la salinisation des terres cultivables. De plus, les nouveaux plans d’eau constituent une zone naturelle de grande valeur et sont largement utilisés pour les loisirs nautiques. Le dernier ouvrage entrepris dans le cadre du Plan Delta, le barrage anti-tempête dans le Nieuwe Waterweg, la voie d’accès au port de Rotterdam, a été achevé en 1997. Cet ouvrage, constitué de deux immenses portes en arc-de-cercle qui pourront fermer le chenal de 360 mètres de large en cas de marée de tempête, protège un million de personnes, dans la région de Rotterdam, de tout danger d’inondation.
L’eau : un souci permanent
Depuis une trentaine d’années, les Hollandais ne cherchent plus à gagner de nouvelles terres. Car depuis 1993, la réglementation exige en effet qu’une partie des terres retournent à l’état naturel. Jusqu’au début des années 1990, la politique consistait souvent à rehausser le sommet des digues pour que celles-ci atteignent un niveau suffisant pour prévenir des inondations. Cette politique séculaire a laissé place à une autre, appelée « De l’espace pour la rivière » selon laquelle il est jugé préférable de placer les digues plus loin de la rivière ou de rabaisser les rives inondables de sorte à élargir le lit de la rivière.
Mais l’eau reste le souci permanent des Hollandais. En 2015, les Pays-Bas ont décidé de lancer un nouveau « Plan Delta », doté de 20 milliards d’euros sur trente ans, pour protéger le territoire néerlandais contre une éventuelle montée des eaux due au changement climatique. L’objectif est de renforcer, d’ici à 2050, la protection de 1 500 km de rivières sur les 1 700 km que compte le pays.