Faire toujours mieux tout en comprimant les coûts toujours plus. Dépolluer coûte cher. Comment baisser les coûts, ou plutôt investir le moins possible pour atteindre un objectif de dépollution donné ? La bonne identification des pollutions constatées est un préalable essentiel. Certaines méthodes sont bien établies, de nouvelles se développent pour les cas complexes. Le coût environnemental des chantiers, leur empreinte carbone commence à être pris en compte. La phytoremédiation reste trop peu utilisée, malgré son potentiel.
De nombreuses zones urbaines ou péri-urbaines sont en pleine transformation en France et en Europe. La volonté de réhabiliter ces zones, le départ des activités industrielles polluantes, un mouvement général de désindustrialisation des zones urbaines historiques au profit d’habitations et d’activités tertiaires ouvrent sans cesse de nouveaux chantiers. Un motif de satisfaction pour l’UPDS qui représente les deux tiers du marché de la dépollution des sols. Son volume d’activités, de l’ordre de 350 M€ sur 2012, a été multiplié par trois en une décennie ! « Mais l’activité semble se stabiliser maintenant » affirme Roland Marion en charge de ces questions à l’Ademe. Nathalie Montigny, expert technique chez Bur-
Geap remarque tout de même que « sur 2011 et 2012 des projets ont été retardés quand c’était possible, malgré l'amorce d'une légère reprise ».
Le temps : un paramètre essentiel
Le choix des traitements utilisés est très orienté par la destination future des terrains concernés. S'il s’agit d’opérations immobilières, le temps de remise à disposition du terrain est un paramètre essentiel : il n'y aura donc que peu de place pour des traitements au long cours. L’excavation et l’exportation des terres polluées est choisie dans 95 % des cas. Ce qui règle la question localement mais pose la question du traitement des terres excavées. Plutôt que d’exporter indifféremment la totalité du tonnage, des opérations de tri plus ou moins poussées selon la nature des terres, pourront alléger la facture globale du traitement tout en les dépolluant au mieux. Réduire le volume d’exportation de terres entraîne des économies sur les transports directs et indirects. « Le bilan environnemental et la bonne perception sociale dans la réalisation des chantiers (empreinte carbone) est une donnée de mieux en mieux intégrée par les entreprises » souligne Roland Marion.
Christophe Chêne, Directeur technique chez Soleo Services, remarque : « les clients sont prêts à payer un peu plus cher s’ils ont la certitude que le problème de pollution sera réglé de manière positive en un temps plus court, ils ne veulent plus voir traîner les choses ». Un procédé un peu plus onéreux mais plus efficace qui conduira à un chantier finalement moins coûteux. Avec le développement de la certification LNE et de la démarche ETV (Environmental technology verification) au niveau européen (Ademe et BRGM en France), les entreprises qui proposent des procédés innovants pourront afficher des preuves de l'efficacité de leurs prestations et les donneurs d’ordre seront rassurés par des évaluations impartiales et unifiées.
Sur des sites industriels en exploitation, ou après l'arrêt des activités sans urgence de reconversion, les méthodes in situ, lentes mais très peu perturbantes pour les terres (et le paysage) seront préférées car moins coûteuses à de nombreux points de vue : financier mais aussi environnemental. Les excavations sont pratiquées lorsqu’il s'agit, après une délinéation serrée des zones polluées à haute concentration (déversement, cuve...), de retirer sélectivement ce volume pour éliminer la source des polluants.
Les terres excavées seront soit traitées sur site par différentes méthodes, soit
expédiées en centre spécialisé de traitement ou en centre de stockage ; un premier traitement sur site pourra “déclasser” ces terres et réduire le coût de mise en centre spécialisé.
La possibilité d’exporter (Règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006) les terres polluées vers des centres situés à la périphérie du territoire (Belgique, Pays-Bas, Allemagne) existe également. L’avantage de cette solution est de pouvoir bénéficier de réglementations environnementales qui autorisent le recyclage des terres en dehors du centre de traitement.
Ce type d’exportations est déjà réalisé depuis plusieurs années, principalement depuis la région parisienne.
Le lavage physico-chimique est particulièrement sollicité car cette technique agit sur tous les polluants — que les valeurs seuils à atteindre pour autoriser le recyclage après lavage soient “normées” ou “non-normées”. En effet, à la fin du lavage physico-chimique, la majorité des polluants se retrouvent concentrés dans la fraction « fine » du sol (± 20 %). Seule cette fraction fine résiduelle est mise en décharge, et la fraction sableuse du sol (± 80 %), totalement épurée, peut être recyclée. De ce fait, la question des concentrations maximales “normées” ou “non-normées” à atteindre dans la fraction sableuse réutilisable ne se pose pratiquement pas. On parle de polluants normés quand les concentrations maximales admissibles sont définies par le législateur (par exemple les polluants concernés par l’Arrêté du 28 octobre 2010 qui définit les seuils des ISDI – CET 3). On parle de polluants non-normés quand le législateur n’a pas (encore) prévu de valeurs maximales. Pour ces polluants, les valeurs maximales admissibles pour le recyclage (ou pour la mise en ISDI) doivent alors être définies au cas par cas (autorisation spécifique/polluant). D’un pays à l’autre, les concentrations maximales des polluants normés, définies par le législateur, ne sont pas les mêmes. Ce qui nécessite une attention particulière lors de la comparaison des seuils entre les centres nationaux et ceux des pays limitrophes !
Le panache résiduel, avec des concentrations moins fortes mais sur des zones et des volumes beaucoup plus grands, sera mieux traité par des méthodes en place. Les méthodes par barrières réactives et de stimulation des biomasses actives locales ont alors toute leur pertinence.
Les traitements biologiques dominent
Une étude montre que la quantité de terres polluées traitées en France en 2010 est estimée à 3 700 000 tonnes. Près de la moitié de ces terres est envoyée en centre de stockage de déchets. Concernant les techniques de traitement, il apparaît que plus de 60 % des terres sont traitées soit dans une installation de traitement biologique hors site, soit in situ par venting/bioventing. Ces méthodes bien rodées sont adaptées pour les composés volatils comme les hydrocarbures et les composés chlorés, mais non opérationnelles pour des molécules lourdes, les composés métalliques (hormis le mercure, très volatil mais rare et très contraignant au niveau du chantier).
La quantité d’eaux souterraines traitées en France en 2010 est estimée à 7 023 000 m³. La technique la plus utilisée en 2010 est la bio-augmentation avec plus de 75 % des volumes traités in situ par de nombreux opérateurs comme Brézillon, Colas Environnement, GTS, Sol Environment, ATI Services, GRS Valtech, Extract Eco-
Une fondation pour les traitements in situ
Le 29 novembre 2012 lors de Pollutec Lyon a eu lieu la première journée technique de la fondation InnovaSol sur le thème : Traitement des pollutions organiques in situ : diagnostic, gestion et réception des travaux. Vincent Auriat, Président d’InnovaSol, a rappelé le besoin pressant en connaissances scientifiques sur la question des sites et sols pollués. Les scientifiques doivent s'intéresser à ce thème, et les industriels formuler plus clairement leurs besoins. En injectant plus de sciences dans les pratiques tout en se pliant aux contraintes économiques de réalisation des chantiers, on peut espérer développer des procédés plus efficaces à des coûts raisonnables. Le mouvement est parti de l’Aquitaine (pôle Avenia) pour créer cette fondation partenariale qui s'est donnée un plan d'actions quinquennal.
www.innovasol.org
Cinq projets étaient présentés concernant les capteurs, Serpol, Envisan ou encore Sita Remédiation. Il s'agit de stimuler par différents moyens les microorganismes locaux (voire enrichir en certaines cultures) responsables de la décomposition des polluants par des cascades complexes de réactions biochimiques en interaction avec les conditions physico-chimiques locales. La technique sur site la plus sollicitée est le pompage suivi d'une adsorption sur charbon actif qui a concerné près de 35 % des volumes traités. Le pompage n’est pas une opération triviale : pomper où et à quel niveau, avec quelle efficacité réelle sur les polluants ? Les débits doivent être ajustés en fonction des terrains, des périodes (battement de nappes, périodes pluvieuses) ; il est impératif de suivre l’évolution des concentrations en polluants et l’on observe parfois des rebonds de teneurs lors de la remise à l'équilibre de la nappe. La solubilité des polluants peut être très variable, du quasi insoluble à la solubilité intégrale ; s'ils sont peu solubles et leur densité plus faible que l’eau, ils se confinent au toit de la nappe ou, pour les plus denses que l'eau, se rassemblent sur le substratum imperméable. L'expérience de l’entreprise et des outils informatiques sont déterminants dans le succès de l’opération.
Des outils pour affiner les évaluations préalables
Mais avant de se lancer dans les travaux, les études préalables sont indispensables ; avec une cartographie précise des pollutions, voire le recours sur de grands sites à la simulation des diffusions des polluants. Ceci pourra affiner les choix de traitements à utiliser, leur implantation et même le calendrier des interventions pour raccourcir la durée du chantier et optimiser la dépollution. « Un moyen d'optimiser la durée est le changement de procédé de traitement des polluants afin d’utiliser chacun à leur optimum d’efficacité », comme le souligne Christophe Chêne. Stratégie confirmée par Nathalie Montigny : « les entreprises sont bien souvent spécialisées sur une méthode. Lorsque l’efficacité du traitement s’essouffle, il faut savoir passer à un autre type de traitement. Mais cela doit être anticipé. D’où l’intérêt pour le client d'avoir un maître d’œuvre à même d’interpréter au jour le jour les résultats pour moduler le traitement, le faire évoluer, voire en changer pour atteindre
les résultats visés. Chaque cas de pollution est unique par le mélange des substances polluantes et l'hydrogéologie du site, il faut donc savoir se remettre en question à chaque dossier ». Quelle que soit la méthode retenue, un pilote sur site est indispensable pour suivre l’efficacité du traitement retenu, avant d’engager son déploiement. « Il arrive sur des sites difficiles de renoncer à un traitement en place et d'excaver » reconnaît Christophe Chéne. La multiplicité des paramètres en jeu sur un site pollué est désormais plus facilement gérable grâce au développement d'outils informatiques élaborés.
Colas Environnement met en œuvre des unités mobiles permettant la réalisation de pilotes. Son directeur, Jérôme Rheinbold, précise « qu’un premier essai de faisabilité peu onéreux permet de valider la technique puis de mettre en place un pilote pour déterminer des moyens, des délais et in fine des coûts ».
Burgeap a ainsi présenté à Pollutec 2012 Oreos, un logiciel permettant l’analyse des sites pollués par des composés organiques. Outil d’interprétation des diagnostics caractérisant les zones sources (extension, volume, masse, composition de la phase organique), ce logiciel permet de quantifier la répartition des polluants dans les aquifères (solide, eau, gaz, NAPL) à partir des concentrations en polluants dans les sols et de données pétro-physiques. Oreos inclut des phénomènes physiques qui, souvent, ne sont pas pris en compte dans les outils existants tels que les cinétiques d’échange entre phases. Il est optimisé en termes de temps de calcul et de fonctionnalités de pré et post-traitement. Son intérêt tient au fait qu’il permet d’estimer de façon nettement plus précise la répartition de la pollution dans les zones sources (compréhension et quantification, identification de la présence/absence de phase organique). Oreos assure ainsi une prédiction plus fiable de l’évolution spatiale et temporelle des concentrations en polluants dans les panaches d’eau souterraine et de gaz dans les sols.
La majorité des bureaux d’études gèrent leurs chantiers sur des tableurs, souvent insuffisants pour appréhender la complexité et l’hétérogénéité des données. On utilise des logiciels de simulations d’écoulements (Modflow), de représentation 3D du sous-sol et de ses pollutions comme Surfer (version 11 parue mi-2012).
Mais des outils plus complets apparaissent. Kartotrak de Geovariances est une solution logicielle tout-en-un dédiée à l'ensemble des étapes d’un programme de décontamination de sites. Combinant SIG et traitement géostatistique, elle a été conçue pour caractériser avec précision les contaminations chimiques ou radiologiques. Outre une cartographie 2D en temps réel, Kartotrak permet de réaliser et visualiser une modélisation 3D de la contamination à partir de données de sondages. Le logiciel propose aussi des tests statistiques pour l’optimisation des campagnes d’échantillonnage et divers outils géostatistiques et statistiques pour quantifier précisément les volumes de terres à excaver et à traiter en fonction de la probabilité de dépassement d’un niveau de pollution donné, tout en proposant une analyse des incertitudes associées aux volumes pollués.
La société Kidova développe de son côté la SoilRemediation® Suite, un ensemble de modules logiciels (plugins) dédiés aux sites et sols pollués et liés au modeleur géologique GOCAD issu de la recherche française (www.gocad.org) et commercialisé par la société Paradigm, partenaire du projet. Cet outil permet de gérer, visualiser et étudier l'ensemble des données.
d'un site dans toute leur multiplicité et variété : cartes et photos géoréférencées, historique, coupes de sondage, mesures physico-chimiques sur échantillons (sols, nappe ou air) ou in situ dans les sondages, données piézométriques, données géophysiques de surface, etc. Dans son module de base, SoilRemediation® Data Analysis, l'application fournit une large panoplie d'outils de gestion, de contrôle qualité, de visualisation (2D et 3D) et d’analyse exploratoire, statistique et géostatistique des données de site. Dès 2013, de nouveaux modules s'ajouteront notamment pour traiter de l'incertitude sur les volumes et la localisation des sols pollués, de la conduite de campagne de reconnaissance mais aussi du suivi et de la modélisation de la qualité des eaux souterraines et de l’évaluation des risques sanitaires (exposition sous différentes formes des populations aux sources de pollution situées dans les sols). Certains de ces modules font l’objet de co-développements avec des organisations spécialisées dans l'environnement comme l'INERIS pour un module adapté à l'étude des biogaz.
Destinée aux professionnels de l'environnement et conçue dans leur langage métier, l'avantage d’une telle application logicielle réside aussi dans le fait qu’elle s’appuie sur la mise en œuvre informatique (workflows) de démarches méthodologiques définies sous la forme d’étapes successives à réaliser pour atteindre un objectif d’étude spécifique. Ces workflows permettent ainsi de conduire un ingénieur spécialisé en environnement à exploiter facilement et convenablement ses données pour en tirer des interprétations et des évaluations de l’état de pollution des milieux qui sont suffisamment fiables pour servir d’éléments d'aide à la décision. SoilRemediation® Data Analysis fournit par exemple un workflow qui traite de l’analyse de données avec successivement leur chargement, la construction d'une colonne stratigraphique à partir de coupes de sondage (regroupement et empilement des différents terrains), l’identification des contaminants potentiellement critiques et des types de sols affectés, la construction d’un modèle structural (géologique) du site adapté à la complexité de la pollution potentielle à étudier. Dans un second temps, un autre workflow pourra être mis en œuvre pour délimiter les terrains pollués et quantifier les incertitudes correspondantes. Les workflows gardent aussi la mémoire des choix et des actions des utilisateurs sans oubli, ce qui est particulièrement utile dans un souci de contrôle qualité des études et pour la conservation des opérations réalisées et l'accumulation de savoir-faire.
Des techniques qui mûrissent
« Les techniques exploratoires des années 2000 sont devenues courantes : venting, extraction triple phase pour les traitements in situ, la dépollution des terres excavées en andains (biotertre) ou par traitement thermique, etc. Leurs contraintes et leurs limites sont bien connues aujourd'hui », explique Roland Marion. Toutes les entreprises utilisent ces procédés parfois sous des noms particuliers. Brézillon pratique le Terras-
trip® qui consiste à excaver les terres, extraire les polluants volatils dans une installation mise sous dépression où les terres sont malaxées, éventuellement avec addition de chaux ; l’air aspiré est épuré par oxydation catalytique et lavage. Les terres, après contrôle analytique sont réutilisables, éventuellement après un passage en tertre ventilé. Dans le même esprit, les terres excavées sont traitables thermiquement par des unités mobiles travaillant sur site, ce qui évite des transports. Ce traitement extrait les polluants organiques volatils qui sont ensuite brûlés dans un four. Sita utilise Volatilis®, un traitement par volatilisation contrôlée.
La désorption thermique a beaucoup progressé comme l’affirment Franck Leclerc de Sita Remédiation (Desotherm®) et Claude Cedou de GTS (procédé NSR City®) ; une méthode également mise en avant par Deep Green avec son procédé Thermopile®. L’accent est mis sur l’élimination des phases liquides non aqueuses NAPL (non aqueous phase liquid) légères LNAPL (densité inférieure à 1) ou denses DNAPL.
Claude Cedou explique qu’à température ambiante, le pompage et l’écrémage ne donnent pas des résultats suffisants en raison de la viscosité élevée des produits, de la faible mobilité des polluants et de leur affinité pour les sols. La chaleur apportée par des gaz de combustion (brûleurs gaz) à une température d’environ 300 °C dans le sol par le procédé NSR volatilise les produits organiques, qui peuvent être alors aspirés dans des tubes perforés en phase vapeur ; on peut également observer la constitution de mélanges azéotropes avec l’eau du sol qui, abaissant la température d’ébullition des polluants, facilitent leur volatilisation, ainsi que d’autres mécanismes chimiques de dégradation.
La chaleur est injectée dans le sol par des cannes à double enveloppe ayant chacune leur brûleur couvrant aussi bien la zone saturée que non saturée. Le traitement dure quelques semaines et assure des taux d’abattement remarquables. À son installation, et lors de son exploitation, le chantier ne génère quasiment pas de nuisance (pas de bruit, pas de camions).
Pour Deep Green, la mise en œuvre de la technologie Thermopile® dans sa version in-situ permet de décontaminer simultanément les sols, la nappe et d’extraire les couches flottantes. Ce large spectre d’action est particulièrement important lorsque les chantiers doivent être réalisés rapidement, avec un minimum de nuisances, sur des sites en activité ou sous des bâtiments. La technique est également utilement associée à d’autres technologies complémentaires plus conventionnelles comme le venting, le pump & treat et l’air sparging. Le Thermopile® est alors mis en œuvre dans les zones complexes (couches denses, couche flottante, sous un bâtiment), les techniques conventionnelles étant dédiées aux zones moins critiques permettant d’optimiser le budget d’intervention.
De son côté, GRS Valtech, premier opérateur en France en termes de volumes de terres traitées par désorption thermique, possède une grande expérience en désorption thermique sur site, hors site et in situ. En 2004, l’entreprise a ouvert en région lyonnaise le premier centre fixe français de traitement des terres par désorption thermique. Ce centre est aujourd’hui unique en France. GRS Valtech possède également
La phytoremédiation, une pratique à développer
Thierry Jacquet, dirigeant de Phytorestore, indique que sa société réalise 15 à 20 chantiers par an essentiellement sur des sites industriels en traitant les pollutions par des plantes. Phytorestore et Rhodia ont déposé un brevet fin 2011 de « dépollution d’eau contaminée par des micro-polluants… notamment des composés organochlorés » par des filtres organiques plantés. Dans ce brevet, l’état de l’art des techniques actuelles et de leurs limitations est posé, et les avantages de ce procédé sur un large spectre de polluants dégradables avec une haute efficacité sont décrits. Il s’agit de faire de la phytolixiviation (jardins filtrants) : l’eau traverse le massif de terre planté, se charge en polluants retenus par un autre massif à base de tourbe et de compost. « Le faible coût de traitement a permis de débloquer l’opération », assure Thierry Jacquet. On a ainsi traité un volume de terres polluées de 50 000 m³ par un massif de 10 à 15 m³ environ le long des voies ferrées.
On est loin des idées initiales concernant la phytorémédiation qui faisaient craindre l’accumulation de polluants dans les plantes pendant des décennies. Un important travail scientifique a permis de comprendre les mécanismes de dépollution en jeu dans la rhizosphère, c’est-à-dire le sol et tout le système racinaire des plantes, le mycélium (champignons) et ses modifications selon que le sol est plus ou moins saturé en eau. On fait ainsi passer des polluants d’une forme toxique à une forme non toxique pour rendre des sols cultivables. Phytorestore a ouvert depuis quelques années une unité mobile de traitement des terres par désorption thermique et vient d’achever, grâce à cette installation, le traitement de 200 000 tonnes de terres sur un site en activité en Serbie.
En 2010, l’entreprise a développé un procédé de traitement des sols par désorption thermique in situ, appelé S.V.T.E. (Soil Venting Thermal Extraction). Ce procédé a été spécialement dimensionné et conçu pour répondre aux problématiques de pollutions organiques, notamment dans le cadre de la réhabilitation d’espaces urbains dégradés. GRS Valtech s’est appuyée sur son expertise et son expérience pour mettre en place le procédé SVTE qui a nécessité de nombreuses études de dimensionnement technique. Cette technique a été éprouvée sur différents chantiers, notamment en France et en Suisse.
La désorption thermique est également mise en avant par Züblin qui pratique l’injection de vapeur. Sur le site d’une ancienne usine à gaz dans le canton de Genève, en Suisse, Züblin a réalisé avec succès pendant plusieurs mois une opération d’injection de vapeur saturée en fond d’aquifère afin d’augmenter le rendement de récupération de phase goudronneuse liquide en complément d’une station Pump & Treat.
Les polluants ainsi mobilisés peuvent être captés sous forme gazeuse, liquide ou dissoute et être transférés vers un traitement adapté. Ce procédé permet de diminuer significativement la durée de l’assainissement du site et peut être appliqué avec grande efficacité aux sols peu perméables et difficilement accessibles.
Autre technique innovante, économe et efficace qui monte en puissance pour le traitement des panaches de nappes : les barrières réactives. Après une bonne reconnaissance des sources de pollution et du panache, et si les conditions hydrogéologiques s’y prêtent, on peut confiner et diriger la nappe par un système de barrières étanches vers des portions de la barrière équipées d’un système réactif filtrant conçu en fonction des polluants dissous à retenir ou détruire. L’écoulement est gravitaire. L’efficacité du traitement est suivie par analyse d’eau en aval pour renouveler le système réactif si nécessaire. Cette méthode, très efficace et peu impactante, ne nécessite qu’un suivi réduit. Sol Environment a breveté cette méthode utilisée par plusieurs sociétés. Cetco a exposé au congrès Intersol 2012 les derniers progrès en la matière aux États-Unis (voir le site de l’ITRC Interstate Technology & Regulatory Council http://www.itreweb.org/prb) avec l’utilisation de nouveaux médias filtrants réactifs comme les argiles organophiles (rétention de composés organiques), l’apatite, la magnésie ou la poudre de fer.
Étanchéifier les parois de terrils
L'industrie produit parfois des quantités importantes de déchets non valorisables. Ceux-ci sont stockés sous forme de terrils près de lieux de production. Ces terrils ne présentent pas de dangers connus pour l'environnement et la pousse de végétation sauvage facilite leur intégration dans le paysage. Néanmoins, les stériles stockés en terrils peuvent se dissoudre sous l'action des eaux pluviales et entraîner des matériaux polluants vers les eaux naturelles, cours d'eau et nappes souterraines. La couverture de ces terrils par une géomembrane bitumineuse engazonnée ou non a donné des résultats très positifs.
Les Mines de potasse d'Alsace ont ainsi entrepris il y a quelques années l'étanchéification de ses terrils (MPDA68). L'étanchéité, d'une conception différente, a été réalisée avec Coletanche® et a permis l'essorage des eaux d'origine interne du terril (des lés de géomembrane ont été appliqués presque horizontalement avec une pente vers l'extérieur).
Cette disposition qui rappelle les lames de volets de fenêtres empêche les eaux de pluie ruisselant à l'extérieur de pénétrer dans le terril. Recueillies sur l'étanchéité et n'ayant pas été en contact avec le sel, elles peuvent être redirigées vers le réseau des eaux pluviales. Coletanche® a permis de contribuer à soulager la nappe du Rhin d'un apport chronique de sel et ainsi protéger l'environnement et les ressources en eaux potables.
À signaler également les traitements par réduction des polluants dans les nappes, par opposition à l'orientation oxydation qui prédomine actuellement. Brézillon travaille par exemple sur un programme financé en partie par l'Ademe avec le BRGM et Silex International. C'est le traitement par réduction des chlorés « Dechlored » pour « Déchloration réductive in situ des solvants chlorés, présents dans les aquifères, par traitement chimique à base de dithionite ». Cette technique, qui doit être brevetée début 2014, a l'avantage de mieux préserver le milieu par rapport à l'oxydation et permet un maintien de l'atténuation naturelle post-traitement. Le BRGM fera une conférence sur les résultats laboratoire à Barcelone pour Aquaconsoil en avril 2013. Une présentation en sera également faite sur Pollutec 2013.
On peut aussi citer Chromstab® (BRGM), un procédé (appliqué 4 fois) d'immobilisation par réduction in situ du chrome VI (ou chromate) en chrome III insoluble, par traitement chimique à base de dithionite ou encore Biophy (BRGM coordinateur), un projet ANR Ecotech 2010 en cours, la restauration des aquifères pollués par BTEX par bio-oxydation. Dans tous les cas, les progrès technologiques sont accompagnés d'améliorations dans les méthodologies de suivi de la dépollution (Chromstab, Dechlored, Biophy...).
Stimuler la biodégradation naturelle des composés organiques
Les tertres sont un bon moyen d'éliminer bon nombre de polluants. Ils sont utilisés notamment sur les friches industrielles après excavation ou sur des sites spécialisés comme le pratique Biogénie, le plus gros acteur du marché en matière de traitement biologique avec 300 000 tonnes en 2012, dans ses deux biocentres avec son concept de Biopile qui stimule la biodégradation naturelle des composés organiques par des bactéries et champignons endogènes. Les biotertres sont utilisés par de nombreux acteurs comme Apinor, Biobasic, Colas Environnement, GTS, Ortec, Soleo Services ou encore GRS Valtech. « Cette biodégradation en tertre élargit son domaine d'application en utilisant des souches plus adaptées aux besoins selon l'évolution du traitement. Il faut avoir les meilleures souches et bien maîtriser les flux dans le tertre, ajuster les paramètres biologiques pour que la dégradation se déroule plus rapidement et plus complètement. Avec une bonne géométrie et un bon équipement des tertres, on peut abattre plus de 90 % de la pollution en trois à quatre mois contre 12 à 18 et même traiter des molécules plus lourdes en C30 et C35 » explique Claude Cedou de GTS.
Ces dégradations chimiques et biochimiques effectuées en biotertre sont de plus en plus réalisées in situ avec les méthodes d'injection de différents réactifs pour oxyder, réduire des polluants et nourrir et stimuler par de bonnes conditions physico-chimiques locales les microorganismes. Les changements du potentiel redox peuvent être provoqués aussi par l'utilisation intelligente des possibilités des végétaux (voir encadré phytoremédiation).
Ces méthodes qui modulent le redox concernent aussi bien la zone non saturée que la zone saturée ou être utilisées en tertre. « Ces méthodes ont leurs avantages et inconvénients et les sociétés ont maintenant bien exploré leur domaine d'applicabilité » affirme Roland Marion qui cite les opérations réalisées à Nancy sur l'oxydation du lindane et à Bordeaux. Sur ce site, les méthodes d'oxydation et de réduction ont été testées et comparées : ISCO (In Situ Chemical Oxidation) et ISCR (In Situ Chemical Reduction).
Les oxydants les plus utilisés sont le permanganate, le peroxyde d'hydrogène, l'ozone. L'oxydant sert directement de réactif chimique mais aussi comme source.
Les jus sont régulièrement pulvérisés sur les andains pour maintenir le taux d'humidité requis par les bactéries pour permettre leur activité, d'une part, et pour homogénéiser le taux de pollution, d'autre part. Ce dernier point est important pour maintenir l'activité bactérienne le plus longtemps possible.
La terre est criblée et triée en fonction du taux de pollution. Les cailloux sont soit lavés aux solvants, soit broyés et mélangés ensuite à la terre fine. Du broyat de déchets verts est ajouté à la terre polluée pour amorcer l'activité bactérienne. Les andains sont construits sur le site aménagé et retournés ensuite à un rythme hebdomadaire, de manière à apporter l'oxygène dans le tas, et à mélanger la matière qui sera rendue homogène dès les premiers retournements. Après 3 à 5 mois de traitement, le taux de dépollution sera de l'ordre de 90 à 95 %.
La terre est ensuite remise en place tandis que des plantations de végétaux poursuivent l'assainissement de façon naturelle.
d'oxygène pour les réactions biologiques. Carus s'est fait une spécialité du permanganate et a développé des bougies (cylindres de quelques centimètres de diamètre sur un à deux mètres) à insérer dans des forages pour une libération lente (plusieurs mois) de l'oxydant. Les composés halogénés comme le chlorure de vinyle sont dégradables (procédé Bionappe de Sita Remediation). C'est un traitement à long terme adapté au traitement des panaches pollués dans les nappes. L'important est d'avoir une diffusion lente et suffisante de l'oxydant.
La réduction peut être directe en utilisant de la poudre de fer (on parle de méthode ZVI, zero valent iron), ou indirecte par des microorganismes en injectant des sources de carbone en solution. Différents modes d'injection sont utilisés.
FMC Adventus pratique, s'il le faut, une fracturation hydraulique ou pneumatique pour rendre le sol plus accessible et utilise des tubes à manchettes pour mieux cibler ses injections à différentes profondeurs. Soleo mise beaucoup sur sa méthode de malaxage des terres in situ par des tarières dénommée Mixis® avec une version réduction grâce à l'injection de poudre de fer (traitement des solvants chlorés) et une version oxydation en introduisant des oxydants (traitement d'hydrocarbures, BTEX etc). « La méthode a l'avantage de traiter simultanément zone saturée et non saturée et de traiter en profondeur (15 m) en une seule fois sans excavation. Nous évaluons ce traitement pour les PCB et pesticides. Le procédé ne génère pas de déchets, et réduit quasiment à zéro les risques sanitaires. Nous avons traité mi 2012 un site pollué par des solvants chlorés à forte concentration près d'Orléans de 250 m² sur 13 m de profondeur (3000 m³) en un mois et demi, avec un très bon résultat » explique Christophe Chêne qui souligne qu'un tel chantier en excavation aurait été très compliqué (mise sous tente, port de masques respiratoires...) quasiment irréalisable et pas moins coûteux. Les abattements de concentrations sont supérieurs à 90 % et même 99 % selon les composés.
Bioremédiation, mode d'emploi
Ce principe de dépollution utilisé dans cet exemple sur des sols pollués aux hydrocarbures représente un coût de 5 à 10 fois moins élevé que le traitement par solvants ou le traitement thermique.
Généraliser l'approche toxicologique des substances
Les polluants non destructibles (métaux)
lourds, quelques composés organiques très stables) peuvent être confinés en place par des géomembranes (Colétanche d’AXTER, groupe COLAS par exemple).
Les volumes de terre sont encapsulés de manière étanche, ce qui évite les transports hors site, économise des matériaux de remblais.
L'important est de rendre inaccessible aux personnes ces terres polluées. Jérôme Rheinbold confirme que « ces nouvelles approches in situ ont un avenir prometteur. Leur efficacité est rapide dans les zones sources et permet également dans le temps une stimulation de la biodégradation pour traiter un panache ».
Une question cependant : quelle est la réelle toxicité des sols. Thierry Jacquet de Phytorestore a son avis sur la question : « L’analyse chimique d’un échantillon de terre fournit la composition chimique quantitative ; mais celle-ci ne correspond pas à la toxicité effective sur site. La spéciation, c'est l'étude des différentes formes physico-chimiques d’une molécule, par exemple un élément trace métallique, on ne peut pas utiliser l’expression “composés”, qui pour les chercheurs CNRS, veut dire autre chose. La spéciation de métaux lourds, par exemple, permet de comprendre les liaisons avec la matrice du sol pollué étudié, qui sont plus ou moins fortes ou faibles, et par conséquence sa biodisponibilité et sa réelle toxicité pour l'environnement. Des polluants non mobiles dans un sol et donc non remobilisables ne représentent plus un risque de transfert dans l'environnement. Ces polluants ne pouvant plus être assimilés par un organisme vivant (faune ou flore), ils ont un faible risque de toxicité. Cette approche offre donc de nouvelle voie de traitement des sols pollués in situ bien moins onéreuses que l'excavation et l’évacuation vers un CET » explique-t-il. Une approche qui, pour lui, est une retombée indirecte de la démarche REACH (règlement européen sur les produits chimiques) qui a généralisé l'approche toxicologique des substances. Ce n’est sans doute pas un hasard si Phytorestore compte dans sa clientèle de nombreux chimistes bien au fait de ces concepts...

