Les ultraviolets voient leur cote de popularité augmenter. En témoignent d'importants projets à l'international mais aussi en France comme par exemple les usines de production d'eau potable de Joinville et d'Orly qui viennent de s'équiper de réacteurs dernière génération capable de traiter 300.000 m3/jour. Pour l'industrie, un dispositif novateur de lampes UV particulièrement économe est désormais disponible.
Si les propriétés germicides des UV sont connues depuis le début du XXe siècle, l'utilisation de ces rayonnements pour la désinfection des eaux a véritablement connu un tournant décisif à la fin des années 1990 avec la découverte de l’effet germicide des UV sur deux parasites intestinaux : Giardia Lamblia et Cryptosporidium Parvum, qui fut responsable notamment en 1993 d’une vaste épidémie de parasitose (sans traitement curatif) aux États-Unis avec plus de 400 000 personnes contaminées à Milwaukee.
Certes, le chlore possède des propriétés désinfectantes mais il n'est pas efficace pour détruire ces protozoaires. Seul, l’ozone, en désinfectant, permet également de tuer les cryptosporidium mais des doses importantes sont nécessaires. D’où le risque de formation d’ions bromates (réaction entre les bromures naturellement présents dans l'eau et l'ozone), susceptibles d’être cancérigènes.
La concentration acceptable définie par le Code de la Santé Publique a d’ailleurs été revue à la baisse en décembre 2008 : 10 µg/L versus 25 µg/L.
Enfin, reste la solution des membranes, technologie efficace mais onéreuse comparativement aux rayonnements UV qui se distinguent par leur simplicité de mise en œuvre, leur coût d’investissement relativement faible, tout comme celui lié à leur fonctionnement et à leur entretien.
Dès lors, une attention particulière fut portée à l’utilisation des rayonnements UV dès la fin des années 90, reconnue comme méthode de choix pour lutter contre la prolifération des parasites, Giardia et Cryptosporidium, mais aussi, comme l'ont montré d'autres études, contre certains virus, bactéries, algues et levures.
Au fil de ces dix/quinze dernières années, le secteur a connu de belles avancées technologiques liées à l’amélioration des différents constituants d’un réacteur UV (les lampes, les ballasts, la sonde), à une meilleure compréhension des mécanismes liés à l’hydraulicité des réacteurs et au calcul réel de la dose UV générée. Ces avancées ont permis d’investir plusieurs marchés à commencer par celui de la désinfection de l’eau potable (petit puis gros débit), puis celui des eaux industrielles dans les secteurs de l’électronique, de la pharmacie et de l’agroalimentaire, et enfin celui des eaux usées notamment en vue de leur réutilisation... La certification des réacteurs UV par biodosimétrie est également devenue un argument de poids pour garantir aux exploitants un niveau de désinfection conforme à leurs exigences.
Un marché en développement
Frappés à plusieurs reprises par des épidémies de cryptosporidium et donc plus sensibilisés, les États-Unis se sont rapidement démarqués, devenant précurseurs notamment pour la potabilisation d’eau et le traitement des eaux usées (dès 1985, des UV sont installés). En Europe, les équipements UV sont plus récents. La France compte aujourd’hui une centaine de stations d’épuration équipées. Fait marquant toutefois, pour l’eau potable, notre pays vient de prendre une longueur d’avance avec l’équipement des deux usines de traitement d’Eau de Paris à Orly et à Joinville, avec des réacteurs UV moyenne pression (Aquaray® H20) développés par Dégremont Technologies-Ozonia. L’affaire remportée par l’ingénieriste français représente, à ce jour, le plus important marché en Europe pour l’eau potable, avec une capacité de traitement de 2 x 300 000 m³/jour.
Première caractéristique du projet, « il a fallu installer le réacteur sur une installation existante avec pour défi majeur de ne pas perturber son fonctionnement », précise Frédérick Cousin, chef de marché « ozone, UV, membranes » chez Dégremont Technologies-Ozonia. « Il fallait intégrer le réacteur dans la ligne d’eau existante, en minimisant la perte de charge à l’aide d’une analyse fonctionnelle du couplage filtres/réacteurs UV. » Une dose UV de 40 mJ/cm² devait être garantie, par ailleurs, même dans les conditions les plus défavorables (débit maximum, transmittance minimum). Pour répondre à ces impératifs, Dégremont Technologies-Ozonia a utilisé, dans un premier temps, un paramétrage de la modélisation hydraulique très poussée, dite CFD (Computerized Fluid Dynamic, utilisant le logiciel Fluent), aujourd’hui utilisée par tous les grands constructeurs, et qui permet de calculer.
et quantifier précisément les incidences des perturbations hydrauliques et des pertes de charge. « Cette étude préliminaire a été cruciale démontrant que l'installation des réacteurs Aquaray® H2O (20’’ Mono et 20’’ Duplex) moyenne pression ne perturbait pas l'hydraulique de la station », souligne Frédérick Cousin. Restait ensuite à vérifier l’efficacité du traitement. Et pour cause, entre la dose d’UV calculée et la réalité, il est possible de trouver des différences.
« La seule manière de vérifier l’efficacité d’un traitement est de réaliser des tests d'abattement biologique sur des germes déterminés, dénommés Bioassay. Ces tests sont réalisés en laboratoire par des organismes agréés par la DVGW – certification allemande – ou l'US-EPA, une certification américaine », poursuit Frédérick Cousin. « Ainsi, la DVGW et l'US-EPA ont pu certifier que les réacteurs Aquaray® H2O permettaient d'atteindre les objectifs d'abattement (4 log sur les bactéries et les virus) en garantissant la dose de 40 mJ/cm² définie dans le contrat ».
Il existe une troisième certification reconnue à l'échelle européenne. Il s’agit de la certification autrichienne suivant le référentiel la norme 5873-1 O-NORM, libellée « Installations pour la désinfection d’eau par rayonnement UV – Exigences et essais ». Comme les deux autres certifications précitées, elle vise à attester du transfert effectif de la dose de 40 mJ/cm² par validation bio-dosimétrique. À l'appui de cette certification O-NORM, la société OEI France, représentant LIT-UV en France, a récemment équipé l'usine de production d’eau potable des Maurettes dont la capacité de traitement a été portée à 1 100 m³/h. La désinfection y est assurée par plusieurs réacteurs à lampes basse pression à amalgame pour assurer la sécurité de l'exploitation.
Précisons qu’en France, lorsqu’elles sont utilisées pour prévenir des risques sanitaires, les solutions de traitement par UV doivent faire l'objet d'un agrément délivré par le ministère de la santé. L'agrément est indispensable dans deux cas de figure :
- * Utilisation de lampes moyenne pression pour le traitement de l'eau potable ;
- * Demande de garanties spécifiques sur l'abattement de Cryptosporidium et de Giardia.
Or, actuellement, Dégrémont est le seul fabricant ayant obtenu cet agrément, suite à un avis favorable de l’AFSSA pour traiter la plage de débit couverte par sa gamme d’appareil d'eau potable Aquaray® H2O.
ITT Water & Wastewater n’est pas en reste et sa filiale allemande Wedeco a installé depuis 2003 en Europe, en Asie et aux USA, des réacteurs de type K143 traitant journellement jusqu’à 4 100 m³/h, la plus grosse installation du monde se trouvant à Vancouver (Seymour-Capilano) au Canada et traitant 90 083 m³/h.
Ces réacteurs K143 sont équipés de lampes à vapeur de mercure basse pression, forte intensité.
À ce jour, ITT Water & Wastewater, par le biais de son unité de production Wedeco en Allemagne, fabrique, commercialise et installe des lampes à vapeur de mercure basse pression, forte intensité à amalgame.
d’indium qui sont les plus puissantes du marché.
« À dose UV identique, le niveau de désinfection sera aussi efficace avec des lampes basse ou moyenne pression » estime Jean-Yves Perrot, responsable des applications industrielles Ozone-UV chez ITT Water & Wastewater France, « mais en termes de coûts d’exploitation, les écarts sont significatifs : les lampes moyenne pression sont bien plus énergivores que les lampes basse pression du fait de leur très mauvais rendement énergétique (12 à 13 % en comparaison avec 40 %) et Wedeco, soucieux des économies d’énergie et de la protection de l’environnement (teneur en mercure très faible), en a fait son cheval de bataille ».
Cependant, pour répondre aux spécificités du marché français des très grosses usines de production d’eau potable existantes qui pratiquent un traitement « multi barrières » et qui imposent d’installer des réacteurs de très faible encombrement, la filiale allemande d’ITT Water & Wastewater met actuellement au point de nouveaux réacteurs UV moyenne pression qui verront le jour très prochainement.
Aujourd’hui, afin de répondre à une demande croissante du marché pour le traitement de très importants débits, Degrémont Technologies-Ozonia vient de lancer un nouveau réacteur particulièrement puissant capable de traiter des débits allant jusqu’à 7 000 m³/h.
De gros marchés se profilent, en particulier l’équipement du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif), qui devrait rendre sa décision mi-2009. À l’étranger, d’autres grandes métropoles ont déjà entamé cette démarche depuis plusieurs années. C’est par exemple le cas de New-York ou Rotterdam avec Trojan ou encore Saint-Pétersbourg où le constructeur LIT-UV a installé depuis 2003 et en plusieurs tranches un ensemble de systèmes capables de traiter à ce jour plus de 5 000 000 m³/j répartis sur 4 usines.
Le marché, au niveau des petites collectivités et des particuliers, est également en plein essor. Philippe Bouteloup, directeur de Gedo EauPropre (travaillant en partenariat avec les principaux acteurs dans ce secteur, Bio-UV, RER, COMAP, UV-Germi, ...), insiste auprès des installateurs sur l’importance des différents paramètres pour garantir l’efficacité des installations (débit, perméabilité UV, température, dose à appliquer, ...). Gedo EauPropre préconise d’appliquer une dose calculée de 40 mJ/cm² (pour 25 mJ/cm² requis) et d’installer une filtration amont adaptée pour fiabiliser au maximum le processus.
Les UV progressent également sur le marché du traitement des eaux de piscines, boostés par une offre variée proposée par Bio-UV, Cifec, ProMinent, Bordas UV-Germi, Rime, Siemens-Wallace & Tiernan ou encore Abiotec. En construction comme en rénovation, la plupart des projets comprennent aujourd’hui une déchloramination principalement UV, parfois ozone. Suite à une évaluation de plus de 6 mois sur un process de 2 ans et en concurrence avec des appareils munis de lampes basse pression, la société Bio-UV a été choisie parmi les fabricants de destructeurs de chloramines pour équiper l’ensemble des piscines gérées par la ville de Genève (Suisse). Sept bassins seront prochainement munis d’appareils de traitement de l’eau par ultraviolets Bio-UV. La destruction des chloramines sera assurée par des lampes moyenne pression, garantissant une eau non irritante et non allergisante. Spécialisée dans la technologie UV, Abiotec propose également différentes solutions dédiées au traitement des eaux de piscines : des systèmes de désinfection (200 – 400 nm), de destruction des chloramines (245, 297, 340 nm) ou de destruction de l’ozone (240 – 280 nm).
ProMinent propose également un ensemble de solutions globales (ozone, UV, chlore, correction de pH, floculation, etc.) dédiées
Des lampes plus économes, qui durent plus longtemps
Au-delà de l'eau potable, le traitement des eaux usées initialement développé en Amérique du Nord a également progressé en Europe. « C’est un marché en pleine évolution que ce soit pour la réutilisation de l'eau, l’irrigation ou encore pour la production d’eau industrielle sur les stations d’épuration », souligne Jean-Philippe Caillères, directeur commercial chez Trojan France. Leader dans le monde sur le marché des traitements UV, le fabricant, pour répondre aux besoins de nombreuses stations, notamment à des fins d’irrigation, vient d’étoffer sa gamme avec un dispositif comprenant des lampes basse pression haute intensité, spécialement dévolu au traitement des eaux usées sous pression en chambre fermée. « Les performances du matériel viennent d’être validées, des projets d’installation devraient se mettre en place dans les mois qui viennent », indique Jean-Philippe Caillères.
Deux grands types de lampes sont présents sur le marché du traitement des eaux ; les lampes basse pression à amalgame et les lampes moyenne pression. Ce sont des lampes à décharge dans lesquelles la vapeur de mercure émet un spectre particulier.
Dans les lampes basse pression (BP), l’émission UV est essentiellement centrée à 254 nm. Elles sont dites monochromatiques, alors que dans les lampes moyenne pression (MP), la pression du mercure est plus élevée, ce qui produit un spectre plus large, dit polychromatique.
ITT Wedeco, qui figure parmi les tous premiers fabricants mondiaux de systèmes de désinfection de l'eau par l’ozone et le rayonnement ultraviolet, a fait le choix des lampes à vapeur de mercure basse pression – forte intensité – car elles génèrent une longueur d’onde monochromatique à 254 nm, longueur d’onde très proche de celle de l’absorption de l’ADN des microorganismes (260 nm). Le rendement des lampes BP a nettement progressé ces dernières années. Elles contiennent désormais de l'indium en couche mince qui forme un amalgame avec le mercure lorsque la lampe est froide. « Plus rentables, pas ou peu influencées par les variations de température, la durée de vie des lampes à amalgame est deux à trois fois plus longue que les lampes BP traditionnelles », souligne Didier Chavanon, directeur commercial de RER, société spécialisée depuis plus de 20 ans dans la technologie UVC qui commercialise près de 30 000 lampes UVC et 5 000 bactéricides chaque année. « Cette évolution technologique répond aux attentes du marché en termes d’économie d’énergie et de développement durable. » Ainsi, de nombreux fabricants offrent des lampes basse pression nouvelle génération pour le traitement des effluents des eaux usées.
Un dispositif hydro-optique novateur
Les lampes à moyenne pression, qui sont généralement utilisées pour le traitement des gros débits, sont plus puissantes, donc plus compactes, mais leur rendement n’est que de 12 %. Elles sont plus chaudes (perte thermique sur les parois du canal) et leur durée de vie est plus courte également. En matière d’innovation technologique, plusieurs développements sont en cours.
Un système UV moyenne pression hydro-optique a été mis au point par Atlantium, start-up israélienne créée en 2003, permettant d’assurer une désinfection jusqu’à Log 5. « On envoie des UV dans une chambre à tube quartz, les rayons vont rebondir sur les parois, ce qui permet d’avoir un rideau d’UV uniformes pour traiter l’eau. Le système fonctionne ainsi sur le principe de la fibre optique », explique Laurent Gendre, représentant d’Atlantium en France. « Dans un réacteur traditionnel, l’eau court le long des lampes. Ainsi les germes en circulation reçoivent des doses extrêmement inégales d’UV en fonction de leur position par rapport aux lampes. D’où la supériorité démontrée du système UV hydro-optique en termes d’éradication microbienne ». En outre, à consommation énergétique équivalente, le système délivre une dose moyenne de deux à trois fois supérieure à celle du dispositif UV-MP traditionnel. Un système de contrôle en temps réel des performances du dispositif a été développé ainsi que de la qualité de l’eau (transmittance).
Conséquence : si la technologie demeure plus chère en termes d’investissement (chambre de quartz, système de contrôle) que les dispositifs UV-MP classiques, à moyen terme elle peut s’avérer plus rentable avec une moindre consommation énergétique et moins d’entretien pour un niveau de désinfection supérieur.
Validé par l’US-EPA, la technologie de désinfection hydro-optique (ou HOD) d’Atlantium est déjà utilisée dans l’industrie, très demandeuse d’une meilleure efficacité de désinfection (afin notamment de supprimer des traitements thermiques). Dans l’agroalimentaire par exemple, le dispositif d’Atlantium a été choisi par le groupe Coca-Cola. Pour le traitement de l’eau des municipalités, la procédure d’agrément sur le matériel est en cours.