L’origine de ces métaux étant essentiellement anthropique, il paraît important de pouvoir déterminer les taux d’émission ; pourtant, il n’existe pas à ce jour de méthode répondant aux critères requis pour réaliser une analyse directe et simultanée des formes gazeuses métalliques à l’état de traces (sensibilité, sélectivité, fiabilité, rapidité) dans l’air. En effet, jusqu’à présent, l’ensemble des aspects de surveillance de la pollution atmosphérique est effectué à partir de collections et analyses d’aérosols en ce qui concerne les métaux traces. Aucune information n’est donnée sur la nature des différentes espèces chimiques métalliques présentes en phase gazeuse. Or, il est bien établi que la toxicité d’un métal n’est pas liée à sa teneur totale, mais aux concentrations de ses différentes formes chimiques.
Pour combler ces lacunes, nous avons développé une méthode permettant d’échantillonner par cryocondensation les formes volatiles des métaux à partir de l’air ambiant. La technique, en cours de développement, repose sur trois étapes : la préconcentration des échantillons par piégeage cryogénique sur le terrain, la séparation par chromatographie en phase gazeuse et la détection multiélémentaire par spectrométrie de masse à ionisation par plasma induit (ICP/MS) au laboratoire.
[Photo : Figure 1.]
[Photo : Figure 2.]
…ment permet de faire la détermination simultanée des formes chimiques de nombreux métaux et notamment du plomb, du mercure, du sélénium et de l’étain.
Développement d’un système de piégeage des formes volatiles des métaux dans l’atmosphère
Spécialement conçu pour être utilisé sur différents types de terrains (bateau, campagne, milieu urbain …), celui-ci est remarquable par sa compacité, sa facilité de mise en œuvre, sa fiabilité et sa reproductibilité (figure 1). Le principe de préconcentration de l’air pompé comprend trois étapes :
- • la filtration (aérosols),
- • l’élimination de l’eau,
- • la préconcentration cryogénique des espèces volatiles.
Cent litres d’air sont pompés à raison de 2 l/minute, à l’aide d’une pompe en Téflon (e). Un système de régulation de débit placé en amont de la pompe permet de connaître avec précision le volume d’air pompé tout au long de l’échantillonnage (d). L’air est dans un premier temps filtré sur un filtre en polycarbonate à 0,4 µm (a), afin d’éliminer la matière particulaire et les aérosols, puis séché au moyen d’un piège à eau constitué d’un tube de verre en U, immergé dans un mélange d’acétone et de glace à –25 °C (b). Les espèces volatiles sont alors piégées dans une colonne de verre linéaire remplie de laine de verre, insérée au sein d’un cryostat conçu au laboratoire, maintenant précisément une température de –170 ± 1 °C à l’intérieur de celle-ci (c). Cette température a été choisie afin d’éviter la liquéfaction de l’oxygène dans la colonne.
Lorsque l’échantillonnage est terminé, la colonne de préconcentration des analytes est déconnectée du système, bouchée à l’aide d’un bouchon en Téflon, et stockée, jusqu’à l’analyse au laboratoire, dans un cryoconservateur rempli d’azote liquide.
Il est à noter que tous les tubes et connections sont en Téflon, afin d’éviter les effets d’adsorption ; par ailleurs, les systèmes de pompage et de contrôle de débit sont placés en aval du piège cryogénique évitant toute contamination par ces derniers.
Le débit de pompage, la température du piège à eau et la température du cryostat ont été optimisés afin d’obtenir une efficacité de piégeage maximale pour une durée d’échantillonnage minimale (< 50 min).
Développement du couplage GC/ICP/MS
L’analyse des échantillons au laboratoire nécessite la mise en œuvre d’un couplage entre une préconcentration cryogénique, une chromatographie en phase gazeuse et une détection multi-élémentaire par ICP/MS (figure 2).
Les colonnes d’échantillonnage (a), stockées dans l’azote liquide, sont introduites dans un four cylindrique (b) et connectées à une colonne chromatographique remplie (Chromosorb WHP 10 % 60/80 mesh) (c), immergées dans un bain d’azote liquide. Les colonnes d’échantillonnage sont alors thermiquement désorbées et les composés volatils, poussés par un flux d’hélium, sont cryocondensés dans la colonne chromatographique. Le bain d’azote liquide est ensuite retiré et la colonne chromatographique est chauffée au moyen d’une résistance chauffante. Les composés volatils, entraînés par un flux d’hélium, sont alors introduits dans le plasma séquentiellement, en fonction de leur point de sublimation.
Les analyses faites sur les organo-mercuriels, stanniques et séléniés montrent que ce couplage permet d’obtenir des limites de détection absolues extrêmement basses, inférieures au picogramme, qui permettent de faire la spéciation des organo-métalliques dans l’environnement.
Une étude de l’influence du débit du gaz de nébulisation (Ar) sur la réponse du signal (Pb, Hg, Se, Sn) montre que les conditions de sensibilité maximales sont différentes pour chaque élément. La vitesse d’entrée de l’échantillon dans le plasma, ainsi que la position axiale de l’injecteur semblent être des facteurs essentiels pour la réponse du signal.
À ce jour, nous ne disposons que de résultats préliminaires sur des échantillons environnementaux. Des analyses d’air ont été réalisées au sein de la Communauté Urbaine de Bordeaux et ont permis de mettre notamment en évidence la présence de formes chimiques alkylées du plomb (Me₄Pb, Me₃EtPb, Me₂Et₂Pb, MeEt₃Pb, Et₄Pb) et du sélénium (Me₂Se) ainsi que la présence de mercure (Hg°). Le système d’échantillonnage de l’air ainsi que le couplage GC/ICP/MS développés au laboratoire ont atteint à l’heure actuelle un degré de maturité suffisant pour nous permettre d’envisager dès maintenant la détermination des formes chimiques volatiles des métaux dans l’atmosphère. Différents environnements seront étudiés : milieu urbain, milieu océanique, lieux de travail, etc.