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Dimensionnement d'une installation de désinfection d'eau par rayonnement ultraviolet

30 septembre 1992 Paru dans le N°157 à la page 60 ( mots)
Rédigé par : Jacques FAILLY

La technique de désinfection de l'eau par rayonnement ultraviolet, connue depuis de nombreuses années, a fait ses preuves tant dans les applications collectives (eau potable) que dans les applications industrielles.

Ce procédé de traitement physique présente de nombreux avantages par rapport aux autres techniques :

* aucun mauvais goût et aucune substance secondaire indésirable ne sont créés pendant le traitement de l'eau potable, ce qui n’est pas le cas des traitements chimiques. Par ailleurs, le rayonnement UV présente un effet virulicide que ne possèdent pas les composés chlorés ;

* le traitement sans modification des caractéristiques chimiques de l'eau des procédés industriels permet son utilisation sur des eaux distillées, déminéralisées ou ultrapures.

En outre, la simplicité de son système de fonctionnement et d’entretien en font une technologie de plus en plus appréciée. Cependant, l'efficacité du traitement germicide du rayonnement ultraviolet est liée à des principes physiques précis qu'il convient d’utiliser avec rigueur dans le dimensionnement des appareils.

L'objet de cet article est de décrire les méthodes de calcul et de dimensionnement d’un système ultraviolet et d’en tirer des conclusions applicables à différents types d'utilisation.

[Photo : Fig. 1 – Stérilisateur fourni aux usines Citroën pour le traitement de 35 m³/h d’eau déminéralisée (documentation Ecoflux).]
[Photo : Fig. 2 – Variation de la dose UV 253,7 nm en fonction du coefficient d’absorption k pour une lame d’eau variant de 0 à 50 mm.]

Les rayons ultraviolets, d’une longueur d’onde de 253,7 nanomètres, présentent un pouvoir germicide important. En quantité suffisante, ils détériorent l'ADN et l'ARN des micro-organismes (bactéries, virus, levures, champignons...) en inhibant leurs capacités de reproduction ou entraînant leur mort.

Le choix du générateur UV est essentiel. Il doit être centré sur cette longueur d’onde, les autres raies entraînant un rendement germicide du générateur plus faible (rapport puissance UV germicide sur puissance électrique) et un risque de transformation chimique de l’eau par oxydation.

C’est pourquoi nous avons adopté, depuis de nombreuses années, les lampes à basse pression de mercure qui présentent un rendement de l’ordre de 30 % à 35 % et un rapport qualité/prix meilleur que les lampes à haute pression. Néanmoins, tout générateur connaît une baisse de rendement au cours de son utilisation (de l’ordre de 20 % après 8 000 heures) dont il faut tenir compte au moment des calculs de dimensionnement.

La désinfection s’effectue dans une chambre de traitement où l’eau est irradiée par un ou plusieurs générateurs. Chaque générateur est isolé du contact de l’eau par une gaine isothermique en silice pure, perméable aux rayons UV. Ce dispositif permet d’assurer un traitement constant, indépendant de la température de l’eau. La dose UV reçue par l’eau est exprimée en J/cm². La résistance des micro-organismes au rayonnement UV peut varier de manière importante, de quelques millijoules par cm² à plusieurs joules par cm².

En France, la Direction Générale de la Santé préconise, pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine, une dose d’exposition minimum de 25 mJ/cm² en tous points de la chambre d'irradiation (circulaire du 19 janvier 1987).

Critères influençant le dimensionnement

La dose D, d’ultraviolet 253,7 nm reçue en un point A s’exprime par la loi de Beer-Lambert :

Dₐ = (P / Sₐ) · e^(-k·xₐ) · T

où :

P = Puissance germicide de la lampe UV (y compris déperdition due à la gaine de silice),

Sₐ = Surface du cylindre entourant la lampe et passant par le point A,

k = Coefficient d'absorption des UV dans l'eau traitée,

xₐ = Distance entre la surface de la gaine de quartz et le point A,

T = Temps de séjour de l'eau dans la chambre de traitement.

[Photo : Tunnel d’électrophorèse (document Alsthom).]

La lame d'eau traitée doit donc être limitée (un maximum de 50 mm étant recommandé).

Influence de P :

La dose Dₐ diminue lorsque P diminue ; notamment, en fin de vie de la lampe, la dose UV diminue dans les mêmes proportions que la puissance germicide de la lampe. Il est en conséquence nécessaire de dimensionner l'appareil sur la base de la puissance germicide la plus faible en tenant également compte de la déperdition liée à la couche d’air et à la gaine de quartz (en général de l'ordre de 15 % à 25 %).

Influence de Sₐ :

Dₐ varie inversement proportionnellement à Sₐ, la dose diminuant avec l'éloignement du point considéré de la lampe. Il est en général recommandé de ne pas dépasser des épaisseurs de lame d’eau de 50 mm.

Influence de k :

Le coefficient d'absorption des UV de longueur d’onde 253,7 nm est directement lié à la nature du liquide à traiter (tableau II). Une augmentation du coefficient entraîne une réduction notable de la dose UV reçue (figure 2). La qualité de l’eau et ses variations sont en conséquence un paramètre important à connaître avant tout dimensionnement. Il est, de plus, généralement nécessaire de prévoir une filtration en amont du stérilisateur afin de réduire le coefficient d’absorption et améliorer l’efficacité du traitement.

Influence de xₐ :

L'absorption du rayonnement UV augmente de manière exponentielle en fonction de l'épaisseur de la lame d'eau, la dose UV reçue en un point diminuant dans les mêmes proportions. À nouveau, l'épaisseur de la lame d'eau traitée doit donc être limitée (un maximum de 50 mm étant recommandé).

Influence de T :

Le temps d’exposition au rayonnement est lié à la géométrie de la chambre d’irradiation et au débit traité ; à géométrie donnée, la dose Dₐ diminue proportionnellement à l’augmentation du débit d'eau à traiter : il faut en conséquence noter que le dimensionnement de l'appareil doit impérativement être basé sur le débit instantané (ou débit de pointe).

Influence de la turbulence :

Bien que ce facteur n'apparaisse pas dans le calcul de la dose UV, le régime turbulent améliore l'homogénéité du traitement et favorise son efficacité ; c’est pourquoi le choix de la géométrie de l’appareil est essentiel, l’idéal étant de concilier turbulence et faibles pertes de charge. Notre système multi-lampes constitue sur ce point un bon compromis.

Cas des appareils multi-lampes :

La dose UV reçue en un point correspond à la somme des doses reçues de chaque lampe ; tous les critères analysés précédemment restent valables. Le calcul devient cependant plus complexe et le constructeur doit avoir recours à l’informatique pour le dimensionnement de ses appareils.

Dimensionnement d’une installation

L’ensemble des critères analysés montre qu’il est nécessaire d’adopter une politique de prudence dans le calcul d’un appareil de désinfection par rayonnement UV.

Les hypothèses suivantes seront notamment retenues :

- les micro-organismes subissent tous un temps d’exposition identique (vitesse de passage calculée en moyenne). Cette hypothèse est rendue possible grâce à une géométrie permettant un régime turbulent ;

- les micro-organismes voyagent dans la chambre d’irradiation à une distance constante du générateur UV.

Cette hypothèse exclut tout calcul de dose moyenne et implique le dimensionnement de l’appareil sur la position la plus défavorable.

Il est à noter que certains constructeurs calculent leurs appareils sur la base de la dose moyenne et prennent ainsi un risque de sous-dimensionnement important et préjudiciable au traitement.

Ces hypothèses ont été validées par la Direction Générale de la Santé dans le cas de l'eau pour la consommation humaine (circulaire du 19 janvier 1987 précitée) qui préconise notamment :

- une dose d’exposition supérieure à 25 mJ/cm² en tous points de la chambre ;

- un écoulement de l’eau en régime turbulent.

Sur la base de ces hypothèses — que nous utilisons systématiquement dans tout dimensionnement, aussi bien en ce qui concerne les eaux de consommation que les eaux industrielles, le constructeur définit les paramètres de l’appareil (P, Sₐ, xₐ) ainsi que sa géométrie, les autres paramètres (k, T) étant directement liés à l’installation et au liquide à traiter.

Les trois critères principaux pour le dimensionnement de l’installation sont alors les suivants :

- qualité de l'eau et variation du coefficient d’absorption,

- débit instantané maximum,

- type d’application (type de germes à détruire et abattement recherché).

[Photo : Disposition générale d’une cabine de peinture (document Alsthom).]

Tableau I

Résistance de différents micro-organismes aux UV 253,7 nm en mJ/cm².

Nature des micro-organismes Abattement 90 % Abattement 99,9 %
Bactéries
Bacillus Subtilis 12 22
Escherichia Coli 3 6,6
Pseudomonas Aeruginosa 5,5 10,5
Salmonella Enteridis 4 7,6
Staphylococcus Aureus 2,6 6,6
Vibrio Comma Cholera 3,4 8
Champignons
Aspergillus Niger 18 33
Penicillium Digitatum 48 88
Rhizopus Nigricans 120 220
Virus
Poliovirus 7 23
Virus Hepatitis 8 18
Autres
Algues Vertes 500
Paramécies 80

Tableau II

Exemples de coefficients d’absorption des rayons UV 253,7 nm.

Milieux k en cm⁻¹ Perméabilité pour une lame d’eau de 50 mm
Air sec 10⁻⁴ 99,9 %
Eau distillée 0,007 à 0,01 95 % à 96,5 %
Eau potable 0,02 à 0,1 60 % à 90 %
Eau de mer filtrée 0,15 à 0,30 20 % à 40 %
Bière 2,9
Petit lait 15 à 20

Tableau III

Exemple de doses UV 253,7 nm préconisées par Ecoflux.

Type d’eau Dose minimum (mJ/cm²)
Eau potable 25-30
Eau potable pour industrie alimentaire (process, lavage) 30-50
Eau de mer (thalassothérapie) 25-30
Eau de mer (pisciculture) 20-50
Eau déminéralisée/distillée pour process 20-30
Eau déminéralisée ultra-pure (électronique, industrie pharmaceutique, médical) 40-70

Applications

Tous les paramètres étant intégrés, il reste à définir la dose UV nécessaire pour obtenir l’abattement bactériologique demandé. Quelques indications de valeurs sont fournies en annexe (tableau III).

Le cas de l’eau de consommation (eau potable) est simple : la dose UV minimum en tous points doit suivre la réglementation (25 mJ/cm²) ; nous préconisons des doses comprises entre 25 et 30 mJ/cm².

Dans le cas d’applications industrielles, aucune norme et aucunes règles ne sont imposées ; les doses minimum à fournir étant essentiellement basées sur l’expérience du constructeur. Notamment, dans le cas d’eau déminéralisée, le stérilisateur UV est un organe de sécurité. En effet, les différents traitements pratiqués sur l’eau (filtration — chloration/déchloration — déminéralisation) pour obtenir une eau pure exempte de sels minéraux laissent une probabilité faible de pollution bactériologique. Cependant, la mise en place d’un stérilisateur par rayonnement ultraviolet accroît de manière notable la sécurité du process, une dose UV de l’ordre de 20 à 30 mJ/cm² étant nécessaire pour les applications traditionnelles (automobile, agro-alimentaire) et de 40 à 70 mJ/cm² pour les applications nécessitant de l’eau ultra-pure (électronique, pharmacie, médical).

Dans tous les cas, le calcul de la dose UV reçue, au point le plus défavorable — et non pas en moyenne — permet de ne pas entacher le traitement d’un risque de sous-dimensionnement incompatible avec la notion de sécurité. Sur ce point, nous garantissons systématiquement la valeur minimum de la dose reçue au point le plus défavorable pendant toute la durée de vie de la lampe.

Un cas d’application

L’industrie mécanique fait face à une demande des consommateurs de plus en plus exigeante, notamment au niveau de la finition des produits.

La peinture des équipements n’échappe pas à la règle — notamment pour l’automobile. C’est pourquoi l’eau déminéralisée est fréquemment utilisée dans les cabines de peinture, aussi bien dans les bains de préparation avant peinture que pour le rinçage ou l’humidification de l’air à l’intérieur du tunnel de peinture.

C’est le cas des installations de cataphorèse dans l’industrie automobile (figures 3 et 4).

Les traitements subis par l’eau permettent l’obtention en sortie du tunnel de peinture d’une laque homogène et sans reflet. L’utilisation de la stérilisation par rayonnement ultraviolet a pour objet d’éviter toute pollution de micro-organismes préjudiciable à l’adhérence et à l’homogénéité de la couche de peinture.

Le stérilisateur UV se comporte dans ce cas essentiellement comme un organe de sécurité qu’il convient de dimensionner suivant les règles vues précédemment, sans diminuer les coefficients de sécurité, même si l’eau déminéralisée a été traitée au préalable : c’est à ce prix que la sécurité sera totale.

Conclusion

La technique de désinfection de l’eau par rayonnement ultraviolet constitue une technique fiable présentant une grande simplicité d’utilisation ; toutefois, son efficacité est directement liée au choix des paramètres de dimensionnement de l’appareil. Ce sont eux, en effet, qui confèrent au traitement de stérilisation la sécurité indispensable à sa mise en œuvre.

Le développement de la technologie de désinfection par rayonnement ultraviolet — aussi bien dans l’industrie que dans les collectivités — nécessite en conséquence une spécialisation accrue des constructeurs, notamment au niveau de leurs méthodes de dimensionnement de leurs appareils.

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