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Eaux de baignade: éviter les pollutions et alerter au plus vite

29 mai 2009 Paru dans le N°322 à la page 59 ( mots)
Rédigé par : Christian GUYARD

La baignade est une activité importante dont dépend le succès touristique d'une ville voire d'une région. La directive européenne de 2006 sur les eaux de baignade unifie l'approche sur la qualité d'eau de baignade, la simplifie et responsabilise les municipalités et exploitants de sites. L?information des baigneurs s'effectue au plus vite pour répondre au quotidien à leurs attentes. Mais tout se joue à l'amont : propreté des espaces publics, amélioration des réseaux, anticipation des dysfonctionnements et des épisodes pluvieux, identification de points de vulnérabilité, analyses rapides in situ pour suivre les situations.

Réalisé par , Technoscope

Lorsque l'on va se baigner, la propreté de l'eau est décisive. La directive 2006/7/CE sur la qualité des eaux de baignade apporte des changements profonds sur l'approche de ce problème. L'objectif européen est de réduire d’un facteur deux à trois le risque de contracter une gastroentérite, des maladies respiratoires ou cutanées suite à une baignade. Premier souci, la santé des baigneurs. La directive simplifie les choses puisque seuls deux paramètres de qualité sont retenus, entérocoques intestinaux et Escherichia coli, mais avec un durcissement pointant ainsi le risque majeur qui est bactériologique.

Quand on parle de baignade, il ne s’agit pas d’avoir une description étendue des polluants présents dans l'eau de baignade par de nombreuses analyses mais bien d’identifier le danger en utilisant des marqueurs de pollution vis-à-vis de la baignade. S'ils sont détectés, le risque est fort que d'autres bactéries ou virus soient présents : par exemple les bactéries leptospires responsables de la leptospirose dont on recense 200 à 300 cas annuels en France métropolitaine (365 en 2002) et qui peut se contracter en baignade en eau douce.

Ceci est cohérent avec la DCE (Directive cadre sur l'eau) qui traite du bon état des

[Photo : La grande variété de situations ne doit pas faire oublier une constante : la grande majorité de la pollution des eaux de baignades provient des terres.]

Le profil (avant la saison de 2011) c’est recenser toutes les menaces potentielles à la qualité d’eau de baignade sur une plage donnée (déversoirs d’orage, postes de relevage, ruissellements et rivières, etc.), les facteurs modulant cette pollution, hiérarchiser ces menaces.

Le massif d'eaux et pour laquelle d'autres paramètres physico-chimiques sont déterminés. Ces mesures n’excluent pas non plus le bon sens : toute altération visible de la couleur, l’apparition d’irisations liées à des hydrocarbures doit être immédiatement prise en compte.

La directive pousse aussi à une information rapide des baigneurs par une surveillance responsable et active de la part des municipalités et gestionnaires de sites. Celles-ci doivent recenser les sites de baignade, les caractériser et en assurer la surveillance sanitaire. La prise d’échantillons pour analyse, en début de saison et une fois par mois, sera complétée par des pratiques beaucoup plus ciblées et, s’il le faut, des analyses quotidiennes. Les baigneurs doivent savoir rapidement si la baignade est interdite, quand elle est à nouveau praticable, les raisons de l’interdiction momentanée.

La qualité des baignades se jugera sur le long terme puisque la directive prévoit, au vu des résultats annuels et avec un horizon glissant de quatre ans, un classement des plages. Il est donc essentiel de bâtir un système structuré relatif à la baignade. Un outil privilégié apporté par la directive est le profilage des lieux de baignade et de leurs eaux. « Le côté intelligent de cette directive est la définition du profil d'un site de baignade, c’est-à-dire sa vulnérabilité à des pollutions entraînant l’interdiction de baignade. Ainsi les mesures de surveillance doivent s’adapter aux risques réellement encourus », souligne Bruno Tisserand, directeur délégué à la Direction des collectivités publiques de Veolia Eau. Inutile de faire des analyses quotidiennes sur une plage sans problème pendant une situation météorologique stable, par contre en réaliser dès qu'un événement significatif, une pluie intervient.

Élaborer un profil est défini dans l’article D.1332-20 du Code de la santé publique, repris dans le référentiel de certification du système de gestion de la qualité des eaux de baignade bientôt publié. Pour Jean-Philippe Gircal, responsable Développement chez SGS Multilab, « Cette nouvelle démarche encadrée par la réglementation ne fait que conforter une approche que nous avions pour notre part initiée il y a plus de dix ans maintenant. Le constat était le même : nos clients, gestionnaires d’eaux de baignade, avaient besoin de profils de qualité pour pouvoir anticiper sur les sources de pollution. »

90 % de la pollution océanique est d'origine continentale

Reste que chaque plage s'insère dans un contexte particulier et les cas de figure sont très divers. Les plages littorales océanes sont marquées par les marées qui renouvellent plus ou moins l'eau. Mais il faut faire la différence entre une côte linéaire des Landes et les anses de la Bretagne ou sur la Manche. Les marées sont modulées par l'influence des courants et des vents qui auront selon leur direction un effet diluant ou au contraire confinant. En Méditerranée, les marées sont insignifiantes, mais la navigation de plaisance est plus pressante. À l'intérieur des terres les baignades sont aussi très variées : rivières, lacs et étangs naturels, plans d’eau artificiels créés pour la baignade ou sites d’extraction reconvertis, lacs de barrages.

[Encart : texte : Besoin d’analyses rapides et discriminantes La méthode de référence officielle de qualité bactériologique consiste à faire un prélèvement, le mettre en culture et après 36 heures émettre un résultat (NF EN ISO 9308-3 et 7899-1). Soit deux jours au mieux, mais on est dans des conditions biologiques (bactéries vivantes et pouvant se développer) et l'on peut dénombrer et identifier. Faut-il ces données détaillées pour décider de fermer ou de rouvrir une plage à la baignade ? Pas vraiment, d’autant qu'il faut réagir vite. D'où le succès des méthodes alternatives. Idexx, par exemple, propose depuis plusieurs années le Colilert 18 pour la détection de la bactérie Escherichia coli, et l'Enterolert® pour les entérocoques dans les eaux de baignade. De fait, la méthode Colilert 18/Quanti-Tray est déjà homologuée aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Allemagne et dans une douzaine d'autres pays mais pas encore en France. La société Chemunex a, quant à elle, développé une analyse sous forme de kit (Kit E. coli, AES), basée sur l'utilisation d'un cytomètre à balayage (Chemscan) pour détecter des cellules dont le marquage fluorescence a été préalablement réalisé à l'aide d'une procédure enzymatique en deux étapes. D'autres tests rapides sont proposés par Novakits qui permettent de détecter et quantifier rapidement et simplement des contaminants dans les eaux de baignades. Ces tests sont développés sous format de microplaque ELISA, de tests unitaires rapides ou de tests en tubes. Autre type d’analyse basée sur la PCR, le GeneDisc « Eaux de Baignade » de Pall GeneSystems permet de quantifier en moins de trois heures les Escherichia coli et les Enterococcus simultanément dans tout type d'eaux. Le test GeneDisc® Bathing Water est en ce moment en validation aux États-Unis au sein d'un test piloté par l’EPA. « Saur s'est tourné très tôt vers les méthodes génétiques avec la PCR (Polymerase chain reaction), sur l’ADN des bactéries », souligne Pascal Kohaut, animateur filière littorale à la direction marketing de Saur. Depuis 2003, Veolia utilise la méthode Coliplage®, basée sur la mesure de l’activité enzymatique spécifique d'Escherichia coli. Simple à mettre en œuvre, reproductible et rapide (résultat en moins de deux heures), cette méthode donne une indication de la contamination fécale, à mettre en relation avec la méthode de référence et les observations de terrain. Lyonnaise des Eaux a lancé MER (Méthode enzymatique rapide). Mais dans certains cas (zones de mélange eau salée/eau douce, présence de chlorophylle ou de certains ions métalliques), cette méthode montre ses limites (cf. EIN 313) d’où le développement de la méthode Gen-Spot basée sur la biologie moléculaire et les ARN spécifiques des bactéries à détecter « et seulement les vivantes, susceptibles de se multiplier », précise Peggy Bergeron du CTL. « De telles analyses de biologie moléculaire coûtent près de 100 €, mais certaines communes sont prêtes à payer ce prix. Des méthodes encore plus élaborées comme la cytométrie en flux sont à l'étude. « À Marseille, pour 2009, nous allons tester une méthode développée par le CNRS, toujours pour obtenir des résultats rapides et fiables », annonce Dominique Laplace de Seram. Ces méthodes alternatives doivent être corrélées à la méthode de référence. Globalement leur fiabilité n'est pas mise en doute ; ce qu'il faut c'est garder en tête les limites d'utilisation. Une analyse donne toujours un résultat et l’important est son analyse critique. Surtout que dans ce cas, et comme dans tout problème d’environnement, la qualité et la représentativité de l'échantillonnage sont décisives. Le choix des lieux et des conditions de prélèvements fait partie du référentiel qualité.]
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Avec l’Ifremer, Saur a monté le programme Galaté (Gestion en assainissement collectif des alertes techniques et environnementales) dont les objectifs étaient l’analyse de la criticité des ouvrages d’assainissement pour hiérarchiser les installations et les actions correctives à mener, la circulation de l’information entre organismes et l’optimisation du système d’alerte en cas d’incident sur le réseau d’eaux usées.

[Photo : Les usages sensibles du Golfe du Morbihan (Année 2002)]

Cette variété de situations ne doit pas faire oublier une constante : la grande majorité de la pollution des eaux vient des terres ! Les contaminations fécales humaines et animales (élevages, rongeurs, animaux de compagnie et oiseaux) sont contenues dans les eaux usées, pas ou mal traitées, les eaux de lavage des rues, de manière chronique par les réseaux unitaires ou séparatifs, ou ponctuelle lors des pluies et orages par le lessivage des sols, les surverses des déversoirs d’orage et les by-pass de stations d’épuration. Autre paramètre décisif, la montée en charge rapide des réseaux d’eaux usées et stations du fait de l’arrivée du jour au lendemain des estivants : il n’est pas rare qu’une municipalité triple sa population en été.

L’association Surfrider indique que 90 % de la pollution océanique est d’origine continentale. Pour tous les lieux de baignade la démarche est la même : identifier sur une zone donnée les sources de la pollution bactérienne. Globalement, la qualité des eaux de baignade s’est considérablement améliorée en une vingtaine d’années avec une conformité passée de 60 % à 95 %. Mais Surfrider soulignait ces dernières années que, si les critères nouveaux étaient appliqués, près de 10 % des plages actuelles seraient déclassées.

La variété des situations locales et la variabilité météorologique excluent les mesures spectaculaires consistant à remédier aux situations polluées. D’où la hiérarchisation des réponses. Dans un premier temps : recensement des installations, amélioration du fonctionnement des réseaux, des postes de relevage, des stations, installation de capteurs de bon fonctionnement. En parallèle, mise en place d’observation des situations au jour le jour. « Depuis 2003 nous avons accumulé beaucoup de connaissances par des observations de terrain. Il faut savoir réaliser un compromis entre un diagnostic exhaustif (coûteux et lent) et l’efficacité des démarches de terrain », affirme Bruno Tisserand.

Dominique Laplace, directeur d’exploitation de la Seram (assainissement de Marseille), souligne l’importance de la connaissance réelle des réseaux : « Nous avons réalisé des campagnes de mesure d’étanchéité des réseaux en bord de mer pour détecter des joints fuyards, des malfaçons, des casses dues à des mouvements de terrain ou des travaux. Ensuite nous avons engagé des travaux de réhabilitation, de reprise des branchements notamment à Pointe Rouge. Nous sommes en rapport étroit avec la Direction de la santé publique de la ville de Marseille (autorité habilitée à fermer les plages) et la Direction des eaux et de l’assainissement. Grâce à nos observations, à des analyses quotidiennes des bactéries, nous avons une meilleure connaissance des interactions entre précipitations et qualité des eaux de baignade ».

L’important est d’accumuler de la connaissance des situations. Et aussi d’agir : « On n’est jamais à l’abri d’un dysfonctionnement. Aujourd’hui, sur chaque plage sensible, nous avons élaboré des documents de diagnostic méthodologique pour le personnel qui intervient en urgence : plans et photos des regards à visiter, quoi observer. Ainsi, nous pouvons affiner nos analyses des situations. Autre mesure prise en 2008 sur Marseille et les calanques, l’accroissement de la dis-»

[Photo : Safege a développé avec Actimar le système Qualicote de prévision de la qualité des eaux de baignade et de gestion dynamique. Il a été développé et testé sous forme pilote en 2007 sur Guethary et sera installé à partir de juin 2009 sur Cannes pour les besoins de la ville et de son exploitant, Lyonnaise des Eaux]
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[Encart : texte : Risque émergent : les cyanobactéries et leurs toxines Article D.1332-15 du code de santé publique intègre dans sa définition de la pollution les cyanobactéries, macro-algues et phytoplancton marin. Les cyanobactéries, appelées aussi microalgues, peuvent se développer rapidement dans des conditions préférentielles de chaleur et courant et c'est une menace surveillée. Un rapport Afssa-Afsset de septembre 2006 a fait le point sur la question. Jusqu'à présent en France il n'y a pas eu de cas documenté d'intoxication humaine associée aux cyanotoxines. La toxicité est hépatique (foie), neurotoxique et peut-être dermatotoxique (peau et muqueuses). La fréquence d’apparition des cyanobactéries semble s’accroître depuis quelques décennies. La circulaire du 5 juillet 2005 définit les modalités de surveillance et de gestion des eaux de loisirs. Leur présence se manifeste visuellement par une baisse de la transparence de l'eau et le changement de couleur. Plus que la microalgue ce sont les toxines qu'elles contiennent qui sont dangereuses, surtout lorsqu’elles sont libérées dans le milieu (rupture des membranes cellulaires). En cas d’observations douteuses on procède à un dénombrement des cellules avec un premier niveau d'alerte 20 000 cellules/ml ; si leur quantité est supérieure à 100 000 cellules/ml il faut doser les toxines avec un résultat exprimé en équivalent microcystine-LR. S'il est inférieur à 25 µg/l les baignades sont limitées, s'il est supérieur à 25 µg/l la baignade est interdite et les loisirs nautiques limités. La situation est suivie par des dénombrements hebdomadaires et des suivis de concentration en toxines au moins bimensuels jusqu’à un retour à la normale. En 2007, sur 36 sites de baignades et de loisirs nautiques de Bretagne suivis de mai à septembre, 83,3 % ont été le siège de prolifération de cyanobactéries au moins une fois au cours de l’été (> 20 000 cellules/ml) et 41,7 % ont connu des épisodes de fortes proliférations (> 100 000 cellules/ml). Ainsi, 30,5 % des sites, contre 61,8 % en 2006, ont fait objet d'une interdiction ou d'une limitation d’usage durant la période estivale de 2007. Dans les eaux tropicales, une autre microalgue, Ostreopsis ovata, est redoutable par sa toxine (palytoxine). Le trafic maritime, le réchauffement des eaux font qu’elle a été repérée en 2003 en Grèce et en Espagne, et en 2005 sur les côtes génoises. Dans ce dernier cas la baignade n’était pas incriminée car la contamination s'est produite par inhalation d’embruns. En 2006 la microalgue était détectée par Ifremer de Toulon, et la présence confirmée aussi en 2007. Tous ces microorganismes (et pollutions chimiques) sont surveillés par Ifremer au travers de ses laboratoires, notamment le MIC pour la microbiologie et des réseaux RNO (Réseau national d’observation), REPHY (Réseau de surveillance du phytoplancton et des phycotoxines) et REMI (Réseau de contrôle microbiologique). En effet les microorganismes représentent aussi un risque important pour les exploitants d'huîtres, moules, coquillages en général.]

tance de mouillage des bateaux de plaisance.

Une démarche de longue haleine

Si la directive européenne a été adoptée début 2006, les actions ont débuté avant cela. Et l'on retrouve les trois distributeurs d'eau français étant donné leur expertise en matière d’analyse des eaux et la connaissance d'une des principales sources potentielles de la contamination bactérienne : les réseaux de collecte d’eaux usées et pluviales, les stations de traitement, les déversements sauvages. « Dès 2003, l'ANEL (Association nationale des élus du littoral) avait identifié l'évolution réglementaire européenne et avait sollicité Veolia Eau ; dès cette année 6 sites étaient surveillés. En 2008 nous surveillons 135 sites pour une vingtaine de communes. L'analyse bactériologique rapide est apparue dès 2005 – méthode Coliplage – » explique Bruno Tisserand. « Il faut adopter une démarche itérative : d'abord chercher les risques les plus importants puis affiner les actions tous les ans au fil des observations. Le retour d’expérience et sa capitalisation sont essentiels ».

[Photo : La mesure du phytoplancton rapide, in situ, avec la Torche-Algues, AlgaeTorch de bbe-BIONEF. La sonde très simple d'emploi quantifie, par spectrofluorimétrie, en quelques secondes, le phytoplancton total et en extrait la concentration des cyanobactéries (valeurs fournies en µg de Chl a/L). Les profils dans la colonne d’eau, sur 0-10 m ou 0-100 m, et la mesure de la turbidité en simultané sont possibles.]

Ifremer avec ses savoir-faire scientifiques en matière notamment de modélisation des eaux et de développement d’outils logiciels associés, a contribué auprès des distributeurs d’eau et notamment Veolia Eau et Saur, pour le suivi et la gestion de la qualité des eaux littorales.

Veolia Eau a ainsi mis au point sur la zone de Dieppe-Quiberville la première gestion active de la qualité des eaux littorales par temps sec et temps de pluie.

Saur a participé de son côté au programme européen ICREW (Improving coastal and recreational waters) mené entre 2003 et 2006 avec l'aide de l’Agence de l’eau Loire Bretagne. Il couvrait sept objectifs comme l’identification des sources de pollution diffuses, l’assainissement collectif côtier, l’échantillonnage et le contrôle sanitaire des eaux de baignades etc. Avec l’aide de l’Ifremer, elle a monté le programme Galaté (Gestion en assainissement collectif des alertes techniques et environnementales par temps sec) dont les objectifs étaient l’analyse spécifique de la criticité des ouvrages d’assainissement pour hiérarchiser les installations et les actions correctives à mener, la circulation de l’information entre organismes et l’optimisation du système d’alerte en cas d’incident sur le réseau d’eaux usées. Ce qui est recherché étant l’impact des sources sur la qualité d’eau et en particulier les dysfonctionnements liés aux postes de relevage d’assainissements, il faut donc hiérarchiser à la fois les sources et les situations à risque.

Le site pilote retenu était le Golfe du Morbihan, lieu très touristique avec une pression d'urbanisation forte et zone de production huitrière : la baignade n’est qu’un des volets de la qualité des eaux. Au cours de ce programme, 150 postes de relèvement ont été diagnostiqués (débits, maintenance, impact), les lieux de rejets potentiels localisés, une cartographie réalisée. Le recensement des postes est décisif dans la mesure où leur défaillance peut devenir rapidement une source de pollution majeure vis-à-vis de la baignade : vu les faibles taux de contamination bactérienne acceptés, l’arrivée de quelques mètres cubes ou dizaines de mètres cubes suffit pour dégrader une vaste zone.

Le problème est particulièrement sensible sur des rivages soumis à des marées dont l'amplitude est variable. À la différence d'un polluant chimique de quantité finie, un point d’eau stagnant pourra être un point de prolifération bactérienne important et proliférant, jusqu’à ce qu'une grande marée, ou un orage lessive tout vers la mer. Issue d'un programme européen la démarche Galaté, outil d’aide à la décision pour les collectivités littorales, est transposable aux sites qui le souhaitent. Saur l’a particulièrement développée sur la Bretagne en collaboration avec les collectivités locales (Golfe du Morbihan, Carnac, Arzon etc) et les conchyliculteurs.

Lyonnaise des Eaux, Suez Environnement, a créé le CTL (Centre technique littoral) à Biarritz-Bidart qui regroupe les compétences nécessaires à l'étude de ces interactions complexes entre sources de pollution et situation locale. « Nous intervenons sur le bassin méditerranéen, une partie de l’Atlantique et la Normandie, les Dom-

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[Photo : La méthode Gen-Spot développée par Lyonnaise des Eaux est basée sur la biologie moléculaire et les ARN spécifiques des bactéries à détecter.]

Tant en mer que dans les eaux intérieures. Nous accompagnons les collectivités pour mettre en place un profil de baignade, diagnostiquer le plan d’eau, hiérarchiser les risques, placer de l’instrumentation sur les eaux, les réseaux et les bassins versants. Le dispositif mis au point a été développé sur plusieurs dizaines de plages en 2006 sur Biarritz, Étretat, Agde, Cannes. « C’est un service proposé aux collectivités », affirme Peggy Bergeron, responsable du pôle analytique du CTL.

La compréhension des situations s’affine : ainsi à Anglet, la pollution est principalement de fond, due à l’arrivée de l’Adour et des prélèvements quotidiens sont nécessaires. Ce qui n’est pas le cas à Biarritz où rien ne se passe tant que le soleil brille avec une situation stable. Mais dès qu’une pluie se manifeste, le prélèvement est recommandé car le ruissellement d’eau de pluie est la cause majeure des pollutions.

Mais quand on fait le total des plages effectivement concernées par ces prestations, quelques centaines, on est loin du compte puisqu’en France on recense plus de 3 300 lieux de baignade. D’où le lancement mi-2008 d’une réflexion pour l’élaboration d’un référentiel de certification du système de gestion de la qualité des eaux de baignade qui sera bientôt publié. Il a été élaboré entre l’ANEL (Association nationale des élus du littoral), l’ANMSCCT (Association nationale des maires des stations classées & communes touristiques), le MEEDDAT et la DGS (Direction générale de la santé) en collaboration avec le Bureau Veritas. Il s’adresse à tous les responsables de baignades, publiques et privées. Il s’agit bien d’une démarche volontaire pour certifier une démarche et un système de gestion pour améliorer la qualité de l’eau de baignade et informer largement le public afin de protéger la santé des baigneurs. Le texte s’appuie sur les principes de l’ISO 14001, a l’avantage de reprendre simplement les obligations légales et d’être clairement dans une démarche de progrès des situations.

Anticiper les situations

Le baigneur en vacances, le véliplanchiste, le surfeur, le skieur nautique vivent au jour le jour et n’aiment pas perdre de temps : il faut les informer de la situation réelle, mieux, anticiper les situations. Le constat de pollution ne suffit plus. Certaines municipalités l’ont bien compris et mesurent leurs nouvelles responsabilités en matière de gestion active de leurs eaux de baignade et commencent à faire appel aux outils les plus modernes.

« Les modèles numériques de simulation

[Encart : Risque microcystines : alerter au plus vite Lorsque les conditions environnementales deviennent favorables, les cyanobactéries peuvent entrer en phase de proliférations massives appelées efflorescences ou blooms. Sur une courte période, la biomasse peut devenir très importante. Se pose alors la question de la toxicité potentielle du phénomène observé. Durant cette phase de développement, les toxines sont principalement intra-algales et peuvent être rapidement relarguées dans le milieu. Un nouveau test terrain proposé par Novakits permet de mesurer dans l’heure, simplement et sans matériel complémentaire, le taux de microcystines totales présentes dès 1 µg/L. Les mesures préventives pourront alors être mises en place de suite, le suivi renforcé et l’échantillon envoyé au laboratoire dans les meilleurs délais pour confirmation de ce risque identifié.]
[Photo : Autre type d’analyse basée sur la PCR, le GeneDisc “Eaux de Baignade” de Pall GeneSystems qui permet de quantifier en moins de 3 heures les Escherichia coli et les Enterococcus simultanément dans tout type d’eaux.]

Des masses d'eau côtières sont utilisées depuis plus de vingt ans pour positionner par exemple le point de rejet d'un émissaire en mer », explique Olivier Raillard, docteur en océanographie de Safege. « Dans le contexte de la directive eaux de baignade, nous avons conçu avec Actimar le système Qualicote de prévision de la qualité des eaux de baignade et de gestion dynamique des flux polluants à terre. Ce système a été développé sous forme pilote en 2007 sur Guethary et sera mis en place à partir de juin 2009 sur Cannes pour les besoins de la ville et de son exploitant Lyonnaise des Eaux. L'innovation de ce système repose sur sa capacité à coupler en temps réel des modèles de natures très diverses et à assimiler des données de mesures. Les rejets en mer (débit, concentration) sont prédits par le couplage de prévisions radar, de modèles météorologiques, hydrologiques et hydrauliques (des bassins versants et des réseaux). Un modèle hydrodynamique maritime 3D imbriqué dans une plate-forme océanique opérationnelle (Previmer) calcule la dispersion en mer de ces rejets et permet ainsi de prévoir la qualité des eaux de baignade.

En 1 à 2 heures de calcul, sont fournies pour toutes les plages, les prévisions à 48 heures de pluie, de vent, de houle, de courant et de concentrations en E.Coli. Il sera possible d'anticiper des fermetures de plage mais aussi d'optimiser le fonctionnement des réseaux et organes de régulation pour limiter les pollutions ».

Olivier Raillard pointe le fait que de tels systèmes ne sont possibles aujourd'hui que grâce à l’optimisation numérique réalisée par Safege sur son code de calcul d'hydrodynamique côtière, aux progrès des modèles marins et côtiers ainsi qu’à l'union des savoir-faire en modélisation opérationnelle (temps réel) d’équipes spécialistes de ces aspects en domaine terrestre chez Safege et en domaine maritime chez Actimar.

Veolia a développé le Saers (Système d'aide à l’évaluation des risques sanitaires) dès 2005 en collaboration avec l’Ifremer. Il fait appel au logiciel Mars 2D pour étudier la dispersion des polluants. Il a été développé sur Dieppe-Quiberville qui l'utilise. Ici, une centaine de scénarii en fonction de coefficients de marée, de vents, d’hydrologie ont été pré-calculés et sont mis à la disposition du décideur qui choisira, en fonction d'une situation réelle, le scénario se rapprochant le plus. Il y a donc une part subjective d’appréciation dans ce système tout en étant au plus proche de la situation réelle rencontrée grâce à des scénarii affinés.

Le programme GIRAC (Gestion Intégrée des Rejets d’Assainissement Côtiers), labellisé Pôle Mer, regroupe depuis 2007 différents partenaires (Veolia Eau, Ifremer, Idhesa, Météo-France, Hocer, NKE) pour développer des outils de gestion préventive de la qualité des eaux de baignade (modélisation, recherche d’indicateurs rapides de détection de la pollution fécale).

D'autres systèmes sont en développement comme Cowama (Costal water management) implanté sur Barcelone en 2007 et qui se développe en France avec Lyonnaise des Eaux.

En couplant les outils modernes d’analyse bactériologique qui distingueront bactéries humaines et animales, et la simulation des masses d’eau, on pourra remonter aux vraies sources de pollution donc améliorer les situations locales. Ainsi, le projet Marquopoleau, associant des laboratoires de recherche, des laboratoires d’analyses des eaux et des utilisateurs finaux a pour objectif de mettre à disposition des laboratoires d'analyses, des outils analytiques per-

[Photo : Prélèvement et analyses rapides Coliplage, dans le cadre de la surveillance de la qualité des eaux de baignade exercée par Veolia Eau au cours de l’été 2008 sur les 60 plages de TPM, la communauté de communes de Toulon Provence Méditerranée. © Veolia Eau]
[Encart : Alerter et faciliter la gestion des pollutions accidentelles en rivières et estuaires par hydrocarbures Face à des événements tels que le rejet accidentel d'hydrocarbures survenu au printemps 2008 à Donges dans l'estuaire de la Loire, les industriels et les pouvoirs publics sont souvent démunis pour juguler, en situation d'urgence, l'impact de ces accidents et les gérer lorsque leur emprise et leur dynamique sont mal connues. Les phénomènes qui régissent le devenir de ces rejets sont en effet complexes à appréhender : dispersion, émulsion, étalement, échouage sur les berges puis reprise par les courants, dépôt sur le fond, évaporation, etc. Le projet de recherche MIGR'HYCAR (MIGRation de nappes d'HYdroCARbure) vise au développement, à la validation et à la pré-industrialisation d’un outil de gestion des risques liés aux nappes d'hydrocarbures d'origine accidentelle dans les milieux fluviaux et estuariens, à la fois pour des besoins d'alerte, de gestion de crise et pour la recherche de l'origine de pollutions non identifiées. Il prévoit la gestion de l'information d'alerte, la réalisation d’une base de données du comportement physico-chimique des hydrocarbures, y compris les bio-carburants, le développement d'outils de modélisation prédictifs, l'automatisation de l'intégration des données dans la modélisation, le développement d'outils d'aide à la décision pour les gestionnaires, le pré-développement de procédures d'alerte vers les exploitants et les intervenants, et la validation du système sur deux sites représentatifs. Le projet a débuté en février 2009, dans le cadre du programme Precodd de l'Agence Nationale de la Recherche ; il est mené par un consortium piloté par Sogreah et composé du Cedre, de Veolia Environnement Recherche et Innovation, Total Raffinage Marketing, Electricité de France, du Laboratoire d'Hydraulique Saint-Venant et le Laboratoire de Chimie Agro-Industrielle.
[Photo : Exemple de suivi du déplacement d'une nappe d’hydrocarbure.]]

Formants de discrimination des sources de contamination fécale, basés sur la recherche de bactéries, bactériophages ou composés chimiques.

Ce projet de trois ans, qui vient de débuter, a été labellisé par le pôle Mer Bretagne et est financé par le FUI, la région Bretagne et les collectivités territoriales. Il permettra (i) de finaliser et valider des marqueurs microbiologiques et chimiques d'origine humaine ou animale, dont les développements ont été initiés dans un projet national AFSSET Traces, au niveau des instituts de recherche – Ifremer, centre de Brest, Cemagref et CNRS Géosciences de Rennes et l'Université d’Angers – et (ii) de transférer au niveau de laboratoires d’analyses des eaux – LITTORALIS/IDHESA (coordinateur du projet), IPL SED Est et Bretagne – les méthodes les plus performantes. Ce projet permettra ainsi de satisfaire aux impératifs des gestionnaires des eaux et des maîtres d’ouvrage souhaitant réagir efficacement et rapidement lors d’apparition ponctuelle d'une pollution d'origine inconnue entraînant, par exemple, une non-conformité d’une zone de baignade.

[Encart : Le premier système de surveillance en temps réel des micro-organismes phytoplanctoniques en eaux douces. Les écosystèmes aquatiques continentaux sont au centre de multiples enjeux. Leur gestion et leur conservation, dans une optique de développement durable, sont une préoccupation majeure dans un contexte mondial de dégradation de leur qualité, en liaison avec des pressions anthropiques croissantes. Cet état dégradé se manifeste couramment par des proliférations de micro-organismes phytoplanctoniques qui perturbent l'ensemble des usages (eau potable, activités récréatives, pêche...) et traduisent une perte de biodiversité. Ces proliférations peuvent notamment être associées à un risque sanitaire élevé dans le cas des cyanobactéries. C'est pourquoi, depuis quelques années, l'OMS a proposé des recommandations sur la prise en compte des risques associés à ces micro-organismes. Dans ce contexte particulier, mais aussi dans le cadre plus général de la DCE qui demande aux pays de l'Union européenne d’atteindre et de préserver le bon état écologique de leurs milieux aquatiques, une forte demande s'est rapidement développée sur des approches et des outils permettant d’évaluer et de surveiller la qualité des écosystèmes aquatiques. Le projet PROLIPHYC s’inscrit dans ce cadre et a pour objectif le développement, la validation et l’industrialisation d'un système de surveillance et d’alerte en temps réel pour la gestion des risques de proliférations algales, dont les cyanobactéries, dans les lacs, les réservoirs et les plans d'eau. Ce système de surveillance et d’alerte, développé dans le cadre du programme Precodd de l'Agence Nationale de la Recherche, est actuellement en test de validation sur le lac du Bourget, le lac d’Enghien et très prochainement sur la retenue de Grangent. Le projet PROLIPHYC, piloté par Sogreah, a débuté en novembre 2006. Le partenariat pluridisciplinaire est composé de cinq laboratoires : Cereve, Écoles des Ponts ParisTech et UMR des ministères de la Recherche et de l'Agriculture ; Laboratoire de Géochimie des Eaux, Université Paris 7 et Institut de Physique du globe ; UMR CARRTEL de Thonon-les-Bains ; Muséum National d'Histoire Naturelle (équipe écosystèmes et interactions toxiques) ; la division technique de l'Institut National des Sciences de l'Univers, une PME : NKE, et un organisme gestionnaire de la ressource en eau, le Comité Intersyndical pour l’Assainissement du Lac du Bourget. Contact : catherine.freissinet@sogreah.fr]
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Tous ces outils de modélisation sont désormais faciles à mettre en œuvre, des données bathymétriques fiables étant souvent disponibles, et les temps de calcul étant à présent très courts. Ils demandent, dans certains cas, d’être alimentés en données de mesure, dont on sait bien qu’elles sont coûteuses à récupérer même si leur coût baisse, par exemple avec les données radars bipolaires pour les prévisions de pluies à court terme, notamment pour les épisodes orageux, souvent à l’origine des déclassements.

Mais ces données sont utiles à de très nombreux acteurs, et leur coût doit être mutualisé car elles sont d'une aide précieuse au quotidien pour de nombreuses professions. Les outils de modélisation intégrée apportent une véritable aide à la compréhension des phénomènes littoraux.

De très nombreuses communes pourront se les offrir, car ces outils sont pour certains très modulaires et donc à des coûts très variables suivant la gamme choisie. En outre, les municipalités qui les utiliseront pourront en faire des outils de communication, montrant à quel point elles se soucient de leurs estivants, et pourront utiliser les calculs à petites échelles de vent, de courant, de houle pour fournir des prévisions précises à tous les usagers de la mer.

Le souhait du baigneur restera bien sûr toujours de disposer d’une eau propre, et pas seulement de s’émerveiller devant les prouesses de modèles hydrodynamiques de pointe.

Comme pour tous les problèmes de pollution, c’est la lutte en amont qui paiera : bon fonctionnement d’installations, chasse aux branchements illégaux et non conformes, traitements tertiaires d’épuration (bioréacteurs à membrane, stérilisation UV d’effluents), évolution des comportements pour réduire les pollutions.

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