Les plages de bord de mer et d'eau douce font l'objet d'un suivi régulier en période estivale. Avec la nouvelle Directive, le suivi sera plus strict même si le nombre de paramètres est plus restreint.
Chaque année, environ 12 % des baigneurs contractent une maladie de type gastro-entérites, conjonctivites, hépatites A... du fait d'une mauvaise qualité des eaux. Parfois, le plaisir de la baignade peut vite se transformer en cauchemar. Avec la nouvelle directive 2006/7/CE concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade, l’objectif est de réduire d’un tiers ces risques (voir encadré). Pour ce faire, la directive prévoit de réduire les contrôles à deux principaux paramètres indicateurs de matières fécales : l'Escherichia coli et les entérocoques – tout en divisant le seuil de présence de ceux-ci dans l'eau. « La valeur seuil du nombre d’Escherichia coli a été réduite par quatre, et passe de 2000 à 500 UFC/100 ml. Cette diminution marque la volonté des autorités internationales d'améliorer la protection sanitaire des baigneurs », souligne Paloma Pascual, responsable commerciale Europe chez Idexx. « Les autres paramètres n’avaient pas vraiment de sens car ils correspondaient à des pollu-
tions récurrentes. La nouvelle Directive vise pour l’essentiel la sécurité des baigneurs », confirme Bruno Tisserand, directeur du développement à la direction des collectivités publiques chez Veolia Eau.
Des méthodes agréées et des méthodes complémentaires
En France, la qualité des eaux de baignades est surveillée de façon régulière par les Directions départementales ou régionales des affaires sanitaires et sociales (Ddass ou Drass). Ces directions se chargent du prélèvement, les analyses sont réalisées par des laboratoires agréés. « Nous envoyons les échantillons pour les mesures microbiologiques dans les laboratoires, et nous nous chargeons de la mesure in situ de la température de l’eau et de l’air, du pH et des observations visuelles comme l’aspect esthétique de l’eau », indique Joël Dufils, chef de service à la Ddass de la Manche. La nouvelle Directive ne devrait pas modifier sensiblement cette organisation. « Il y aura moins de paramètres à mesurer, mais pour le confort de l’homme, il me semble que cela va dans le meilleur sens », estime Patrick Delpuech, gérant du laboratoire Laese. « Avec l’abaissement des seuils, le paramétrage devra aussi être modifié, mais cela n’engendre pas de grands bouleversements au niveau de nos méthodes de travail », poursuit Laurent Garrelly, responsable Recherche et Développement chez Bouisson Bertrand Laboratoires.
Outre les mesures réalisées en laboratoires, des solutions alternatives pour la détection des deux paramètres microbiologiques sont déjà présentes sur le marché. Idexx par exemple propose depuis plusieurs années le Colilert 18 pour la détection de la bactérie Escherichia coli, et l’Enterolert-E pour les entérocoques dans les eaux de baignade. « Nos systèmes garantissent les mêmes résultats qu’en laboratoire mais en moins de temps. Le Colilert 18 fournit des résultats en 18 heures seulement, et l’Enterolert-E en 24 heures », souligne Paloma Pascual. « La France peut réaliser des méthodes d’autocontrôle à partir de nos produits, mais contrairement à d’autres pays européens, nos solutions ne rentrent pas pour l’instant dans les méthodes de référence », regrette Paloma Pascual. De fait, la méthode Colilert-18/Quanti-Tray est déjà homologuée aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Allemagne et dans une douzaine d’autres pays mais pas encore en France.
Cette situation vaut également pour les autres méthodes de détection rapides que proposent certains traiteurs d’eau aux collectivités. Depuis quelques années, Saur propose en plus d’un diagnostic de l’environnement aux collectivités, la mise en place de suivis analytiques pour la détection quantitative d’Escherichia coli et des entérocoques. Il a été développé en partenariat avec Gene-Systems, spécialisée dans le diagnostic moléculaire des micro-organismes. Ce test permet le dosage quantitatif et en simultané des deux bactéries cible tant dans les eaux douces que marines. Le diagnostic repose sur le principe de la biologie moléculaire (l’analyse d’ADN), la technique utilisée étant la PCR quantitative en temps réel, « une méthode souple qui permet, à partir d’une seule analyse, de détecter à la fois Escherichia coli et entérocoques ce qui répond parfaitement aux exigences de la directive » souligne Anne Gresle, Chef de service Recherche & Développement chez Saur France. « Cette méthode assure une réponse globale sur les deux paramètres de la réglementation et présente l’avantage de pouvoir être adaptée si la réglementation venait à évoluer en cas d’ajout d’un microorganisme par exemple ».
Elle permet d’obtenir, à partir d’un échantillon complexe et peu abondant, d’importantes quantités d’un fragment d’ADN spécifique et de longueur définie. Avec cette solution, le délai de réponse est de quatre heures. La méthode a été expérimentée au
Lavandou l’an dernier et doit être étendue dès cet été sur plusieurs points de la côte atlantique.
Ce volet analyse est organisé pour le compte des collectivités en complément du travail réalisé par les DDASS. Il s'intègre dans une démarche plus globale de contrôle et de maîtrise de la qualité des eaux littorales. Saur France propose en effet aux collectivités une approche globale des risques de pollution des zones côtières, l’élaboration d’un diagnostic de vulnérabilité des eaux du littoral parallèlement à la mise en place d’analyses des paramètres indicateurs de contamination. Cette approche s’inscrit dans le cadre d’un partenariat avec l’Ifremer visant à évaluer la criticité des installations d’assainissement susceptibles d’avoir, par leurs rejets, un impact sanitaire sur les usages sensibles (conchyliculture, baignade...).
Dans le cadre de ce partenariat, Saur France et Ifremer ont développé un logiciel baptisé “Galate” (Gestion en Assainissement Collectif des Alertes Techniques et Environnementales), qui permet aux collectivités locales de mettre en œuvre les actions préventives et correctives nécessaires pour préserver la richesse des milieux naturels et la qualité des eaux de baignade. Ce projet commun est soutenu par l’Union Européenne dans le cadre du projet Icrew “Améliorations des eaux côtières pour tous”.
La Lyonnaise des Eaux propose elle aussi une solution rapide de détection, la MER pour Méthode Enzymatique Rapide. Cette méthode consiste à mesurer l’activité d’une enzyme spécifique à l’Escherichia coli en s'affranchissant de la période d’incubation, et en garantissant ainsi un résultat de mesure en moins d’une heure. Grâce à la présence d’un substrat donné, l’enzyme va catalyser en entraînant la formation d’un composé fluorescent. C’est la production de cette fluorescence qui fournit la mesure de la pollution. La Lyonnaise des Eaux présente cette technique aux collectivités en plus des techniques de laboratoires, et leur propose l’interprétation régulière des résultats sur la qualité des eaux. La transmission des résultats sur une zone de baignade peut s’effectuer par email selon les conditions et les caractéristiques du site.
Veolia Eau propose également un service de surveillance de la qualité des eaux de baignades depuis trois ans. Plusieurs prestations sont proposées : « Une identification des risques de contamination, la modélisation des effets des rejets sur les eaux de baignade, mais aussi une aide pour la suppression progressive des causes de pollution sont proposés. Un des intérêts de cette nouvelle Directive “Baignade” est qu’elle met en évidence la qualité des eaux de baignade en tant qu’indicateur de performance des systèmes d’assainissement et que cela nous permet de faire progresser l'exploitation des réseaux d’assainissement », résume Bruno Tisserand. « Pendant la saison estivale, nous réalisons des mesures indicatives à partir de “Coliplage”, une méthode rapide pour détecter les Escherichia coli dans l’eau. Les résultats sont disponibles en une heure. Une centaine de plages sont déjà contrôlées en France, nous devrions en couvrir le double cette année », poursuit-il. L’Association nationale des élus du littoral est partenaire de cette opération Coliplage. Elle propose de labelliser cette prestation au titre de l’autosurveillance dont les collectivités sont désormais responsables. Les contrôleurs des services de santé semblent très prudents vis-à-vis de ces méthodes “express”.
Selon eux, les fermiers devraient plutôt axer leur travail sur la prévention et le suivi des réseaux d’assainissement dont ils sont responsables. Mais nombre de laboratoires les utilisent en complément de la méthode par filtration normalisée pour satisfaire des demandes exigeant des résultats rapides. Elles répondent également aux besoins des élus du littoral, soucieux de disposer d’outils efficaces et de méthodes d’analyse rapides susceptibles de leur permettre d’exercer pleinement leurs responsabilités sanitaires et de répondre aux exigences du grand public en matière d’information.
Pour les élus de ces communes, la qualité des eaux de baignade est un enjeu majeur. Toute l’économie locale est peu ou prou tributaire du tourisme estival qui dépend lui-
Réglementation européenne : un déclassement à prévoir
Vieille de trente ans, la directive Eau de Baignade se fait une nouvelle santé. Un nouveau texte a en effet été adopté en janvier 2006 et a été publié au journal officiel de l'Union européenne début mars. Alors que la directive de 1976 établissait 19 paramètres à surveiller, le nouveau texte ne porte plus que sur deux paramètres pour le classement des sites : les entérocoques intestinaux et l'Escherichia coli, indicateurs de matières fécales présentes dans les eaux de baignade. En outre, le seuil de présence de la bactérie Escherichia coli autorisé par Bruxelles pour 2008 est divisé par quatre. Grâce à ces nouvelles normes, « le risque de contracter une maladie en se baignant (affections respiratoires ou digestives) devrait se réduire d'un tiers par rapport à aujourd'hui », soulignait Jules Maaten, rapporteur de la commission de l'Environnement pour cette directive. Deux autres modifications importantes : le nombre de catégories de qualité des eaux de baignade passe de trois à quatre (la catégorie C « suffisante » vient s’ajouter aux A « excellente », B « bonne » et D « insuffisante ») et les moyens à mettre en œuvre pour améliorer l'information du public devront être plus étendus (internet, médias...).
La France a décidé en mai 2006 de transposer la directive sur les eaux de baignade en droit national. Avec l'application de la directive Eau de baignade, des modifications au niveau du classement de qualité des plages françaises sont donc à prévoir. Mais il faudra être patient. La directive de 1976 sera abrogée par la directive 2006/7/CE à compter du 31 décembre 2014. Cette dernière doit être mise en œuvre au plus tard début 2008, même pour une large part de la qualité des eaux.
Vers plus de suivi
Enfin, un nouveau champ de paramètres pourrait s’ouvrir au niveau du suivi de la qualité des plages. Aujourd’hui, la détection de virus ou des parasites est quasiment absente. « Les moyens mis à disposition pour mesurer ce type de paramètres sont restreints et souvent très coûteux. À l'heure actuelle, il n'existe pas de méthodes normalisées pour mesurer ce type de paramètres », regrette Laurent Garrelly. Mais cela pourrait changer. Dans la directive 2006/7/CE, la Commission demande qu'une recherche sur de nouveaux indicateurs soit organisée, et fixe à 2008 le rendu d'une étude sur les virus et les progrès scientifiques pertinents en matière d'évaluation des eaux. Les chercheurs et les laboratoires ont du pain sur la planche. Suite à ces recherches et en fonction des améliorations qui seront observées sur le plan épidémiologique, un réexamen de la présente directive est prévu pour 2020.
Pour Bruno Tisserand, « Cette nouvelle directive comporte moins de paramètres à surveiller car il a été prouvé que ceux qui ont été supprimés n’apportaient aucune sécurité complémentaire. En revanche, le principal apport de ce texte est l'obligation d'une gestion active en temps réel qui porte en elle-même une capacité de progrès bien supérieure à une multiplication des paramètres mesurés. Il faut avoir à l'esprit que l'échantillonnage et l'analyse sont des opérations longues et coûteuses et que l'idéal serait de ne plus avoir besoin d'en faire grâce à une maîtrise complète des risques à l'échelle d'une zone de baignade donnée. L'enjeu, pour les collectivités, n'est pas de connaître parfaitement la nature et le nombre des microorganismes présents dans l'eau de baignade avec 1, 2 ou 8 jours de retard mais bien de réagir immédiatement pour empêcher des baigneurs d'entrer dans l'eau en cas de risque de contamination. Ce sera le rôle des services de l'État de mener des études sur l'ensemble des paramètres et d'en tirer des conclusions sur la pertinence du dispositif dans son ensemble ».

