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Eaux de piscines (Partie II) : Traitement innovant par ultrafiltration ? adsorption

28 février 2008 Paru dans le N°309 à la page 71 ( mots)
Rédigé par : Philippe MOULIN et Élise BARBOT

Face à la problématique des sous-produits de désinfection présente dans les eaux de piscine, un nouveau procédé de traitement a été ici étudié en conditions réelles sur une piscine municipale. Il consiste en une ultrafiltration suivie d'une adsorption sur charbon actif. Les conditions opératoires optimales du procédé ont ainsi été déterminées. Après 18 mois de fonctionnement, et face à des contraintes importantes en terme de qualité de l'eau de piscine, le procédé répond parfaitement aux critères de qualité, et assure notamment une concentration en chlore combiné inférieure à 0,35 ppm. Les membranes d'ultrafiltration ont montré une bonne flexibilité et la perméabilité est toujours restée supérieure à 155 L.h-1.m-2.bar-1.

Face à la problématique des eaux de piscines (Barbot et al., 2008), l’ultrafiltration est apparue comme un procédé potentiel pour le traitement de l’eau. Elle permet en effet d’obtenir une qualité d’eau supérieure à celle obtenue par coagulation et filtration sur sable. Elle effectue aussi une désinfection de l’eau puisque les membranes retiennent bactéries et virus. Un ajout de chlore reste nécessaire pour assurer le caractère désinfectant de l’eau. L’ultrafiltration, en réduisant les doses de chlore à ajouter, permet donc de limiter la formation de sous-produits de désinfection, mais elle ne résout pas totalement le problème. Même si les membranes d’ultrafiltration ont une sélectivité très supérieure aux filtres à sable, elles ne permettent de retenir ni les principales molécules organiques à l’origine des chloramines, comme l’urée, ni les chloramines elles-mêmes ou les trihalométhanes. Un couplage avec un autre procédé, l’adsorption, a été envisagé. Le choix d’un charbon actif permettant de retenir le chlore combiné permettrait d’obtenir une qualité d’eau répondant aux critères chimiques de la réglementation. L’unité d’ultrafiltration est placée après le bac tampon et en amont de l’injection de coagulant et de la filtration sur sable. Il aurait été plus intéressant de placer le pilote en parallèle de la filière classique de traitement, mais ce positionnement a été strictement interdit par la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales des Bouches-du-Rhône. Le traitement de l’eau doit dans tous les cas être assuré par les installations existantes. Les directives imposées par la DDASS ou la Direction Santé et Environnement de la ville de Marseille (DSE) ont déterminé le choix de nombreux paramètres, comme les membranes utilisées.

Matériel et méthodes

L’unité de filtration est un Ultrasource, fabriqué par la société Degrémont Technologie — Aquasource. Elle est pilotée de façon automatique, ce qui assure une filtration en continu (figure 1). L'eau passe dans un préfiltre éliminant ainsi les particules de taille supérieure à 100 μm, puis est introduite dans les membranes. Les cycles de filtration sont entrecoupés de rétrolavages, cependant la production n’est pas arrêtée mais seulement diminuée : une partie de l'eau ultrafiltrée par 14 modules sert au rétrolavage des deux modules restants. L’eau des rétrolavages est

[Photo : Figure 1 : Pilote ultrasource.]

Évacuée à l'égout. Les membranes utilisées sont en acétate de cellulose. Bien que moins résistantes au chlore que les fibres creuses en polysulfone, leur accréditation « eau potable » a permis leur insertion sur la filière de traitement de la piscine. Seize modules ont été installés, développant ainsi une surface filtrante totale de 115,2 m².

Le charbon actif utilisé est de l’Everzit® Spezial Plus (Evers, Allemagne), spécialement développé afin d’éliminer les chloramines, mais aussi les trihalométhanes et les composés organiques halogénés. Une petite unité d’adsorption a été placée en sortie du pilote d’ultrafiltration. Elle ne traite qu’une petite partie du volume d’eau ultrafiltrée.

Résultats

Variation des paramètres opératoires

La qualité de l’eau a surtout été suivie en termes de concentration en chlore combiné. La figure 2 reprend la variation de la fréquentation pendant la semaine étudiée précédemment, et met en valeur une forte dépendance de la fréquentation sur la perméabilité des membranes. Lors de forte affluence, la perméabilité peut chuter de 2,4 L·h⁻¹·m⁻²·bar⁻¹ par heure. De même, une chute de perméabilité est détectée après chaque séance de bébés-nageurs. Cette diminution de perméabilité commence en moyenne entre deux et trois heures après le démarrage de la séance. Cette variation révèle un colmatage non négligeable des membranes, et est donc le signe que les membranes d’ultrafiltration retiennent une grande partie de la pollution apportée par les baigneurs. Des mesures d’absorbance UV, de DCO et de matières en suspension ont été effectuées sur les eaux de rétrolavage des membranes mais n’ont pas donné de résultats concluants. Des mesures de turbidité ont été réalisées sur le bassin et sur les eaux de rétrolavage qui doivent présenter de plus fortes concentrations. Les valeurs obtenues sont très faibles (< 2 NTU) car il s’agit d’une eau de baignade, rendant celles-ci difficilement exploitables. L’implication des maîtres-nageurs ainsi que les observations réalisées au bord de bassin témoignent que l’ultrafiltration d’un débit représentant seulement 1/7 du débit total traité a permis d’éliminer le trouble qui apparaît dans le bassin, en particulier à la fin de la séance de bébés-nageurs.

La température de l’eau brute est en général maintenue à 27-28 °C, sauf pour les séances de bébés-nageurs où l’eau est chauffée à 32 °C. La montée en température commence à 8 h 00 la veille des séances, et la température voulue est atteinte environ dix heures plus tard. Aucune modification liée à la température n’a été observée, sauf la variation attendue de la viscosité de l’eau.

[Photo : Figure 2 : Variations de la fréquentation et de la perméabilité en fonction du temps (PTM = 0,55 bar ; Tf = 60 min).]
[Photo : Figure 3 : Variation de la perméabilité en fonction du temps (6 modules en fonctionnement).]

tration n’a fonctionné qu’à pression transmembranaire constante, afin de ne pas endommager les membranes en cas de forte pollution. La gamme de pression transmembranaire testée va de 0,3 à 0,55 bar, pour des temps de filtration compris entre 60 et 150 min. L’étude de l'influence des conditions opératoires a été réalisée sur 6 modules membranaires pendant 2 mois. Le pilote enregistre, toutes les minutes, les valeurs de pression, débit, etc. Afin d’améliorer la clarté des informations recueillies, les points représentés sur la figure 3 correspondent à la valeur moyenne sur 6 minutes de la perméabilité (Lp) en début du cycle de filtration, à 6 h, 12 h, 18 h et minuit. Sur cette période, la perméabilité chute lentement à partir de 260 L·h⁻¹·m⁻²·bar⁻¹ qui correspond à

Tableau 1 : Perméabilité moyenne pour différentes conditions opératoires [6 modules en fonctionnement]

dant chaque expérience, dans l’ordre où celles-ci ont été effectuées. Il est à noter que ces valeurs moyennes correspondent à des conditions « stabilisées ».

L’étude a débuté en appliquant une pression transmembranaire assez faible, égale à 0,3 bar, et en faisant varier le temps de filtration. Un temps de filtration de 120 min a entraîné une chute importante de la perméabilité, même si les conditions de pression étaient douces. Les cycles de filtration ont donc été restreints à 60 et 90 min pour les pressions transmembranaires plus importantes. Pour une pression transmembranaire (figure 4). À 0,55 bar, par exemple, le passage d’un temps de filtration de 60 à 90 minutes entraîne en deux jours une chute de 4-5 % de la perméabilité. La pression transmembranaire joue donc un rôle primordial sur le colmatage des membranes.

[Photo : Variation de la perméabilité en fonction du temps (a) PTM = 0,45 bar ; (b) PTM = 0,55 bar.]

La perméabilité des membranes neuves ne descend jamais en dessous de 200 L·h⁻¹·m⁻²·bar⁻¹. Le tableau 1 rassemble les valeurs moyennes de perméabilité mesurées pendant chaque expérience. Pour une pression transmembranaire de 0,3 bar, il n’y a pas de différence notable de perméabilité entre un cycle de 60 et 90 min. La différence tend à s’accroître avec l’augmentation de la pression transmembranaire.

[Photo : Variation du flux en fonction de la pression transmembranaire pour deux temps de filtration [expérience sur 6 modules].]

Le maintien d’un temps de filtration constant a permis de définir l'influence de la pression transmembranaire sur la perméabilité des membranes. Pour un cycle de filtration de 60 min, le passage d’une pression transmembranaire de 0,45 bar à 0,55 bar fait chuter la perméabilité de 7 % en 36 h. La même augmentation de pression transmembranaire pour un temps de filtration de 90 min implique une chute de perméabilité de 9 %. Lorsque la pression transmembranaire passe de 0,3 à 0,55 bar pour un temps de filtration de 60 min, la perméabilité diminue aussi de 9 %. Ces résultats apparaissent plus clairement sur la figure 5 qui reprend la variation du flux en fonction de la pression transmembranaire. Le flux correspond à la moyenne calculée sur la durée de chaque expérience. Cette figure permet de déterminer la pression transmembranaire critique.

[Photo : Variation de la pente de la droite Lp = f(t) sur chaque cycle de filtration (PTM = 0,55 bar, Tf = 60 min)]
[Photo : Variation de la perméabilité en fonction du temps (PTM = 0,3 bar ; Tf = 90 min)]

Voisine de 0,35 bar. L’influence du temps de filtration est elle aussi mise en évidence. L’allongement des cycles de filtration augmente le colmatage de la membrane, et cet effet est accentué par la pression transmembranaire.

Suite à cette série d’expériences et pour l’ensemble des conditions de baignade rencontrées pour ce bassin observées sur 18 mois d’étude, les paramètres de filtration qui semblent optimaux sont une pression transmembranaire de 0,45 bar pour un temps de filtration de 60 min.

Régénération des membranes

En dépit des variations de perméabilité engendrées par les fortes fréquentations ou les activités auxquelles est soumis le bassin, les membranes montrent une grande capacité à se régénérer par la succession des cycles filtration/rétrolavage. Après chaque fermeture de la piscine, la perméabilité tend à regagner sa valeur initiale. Afin de mettre en évidence ce phénomène, la pente de la droite Lp = f(t) sur chaque cycle (L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹) a été calculée pendant une journée complète (figure 6-a). La perméabilité de la membrane chute de plus en plus rapidement au fur et à mesure que la fréquentation augmente, et lorsque la piscine ferme, la succession des rétrolavages limite la chute de la perméabilité jusqu’à ce que celle-ci reste constante. Au cours de la nuit, les membranes filtrant de l’eau de plus en plus propre, la perméabilité remonte. Ce phénomène s’accentue durant le week-end où la perméabilité remonte lentement (figure 6-b).

Le même phénomène de régénération des membranes par simple rétrolavage sans nécessité d’effectuer un nettoyage lessiviel a été observé pendant les deux semaines de fermeture de la piscine en mai 2006. Après la série de tests où la pression transmembranaire avait été augmentée jusqu’à 0,55 bar, la filtration a été replacée sous conditions douces, à savoir pression transmembranaire = 0,3 bar et Tf = 60 min. Ces seules conditions ont permis à la perméabilité de remonter de 13 % au bout de 6 jours.

Il a déjà été remarqué que sur une durée de fonctionnement de deux mois, la perméabilité des membranes a chuté de 260 à 200 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹. Cependant, les conditions opératoires ont sans cesse été modifiées et les résultats détaillés précédemment concernent des expériences de relativement courte durée. Afin de déterminer le comportement à long terme des membranes, celles-ci ont subi un nettoyage lessiviel et les 16 modules ont été mis en fonctionnement. Le nettoyage lessiviel comprenait un choc au chlore, puis un nettoyage à base d’Ultrasil 43, c’est-à-dire alcalin. Le nettoyage acide s’est révélé inefficace, montrant que les membranes ont été colmatées principalement par de la matière organique.

La mise en fonctionnement des 16 modules s’est faite de façon progressive : une semaine sous une pression transmembranaire de 0,3 bar et un temps de filtration de 60 min, puis deux semaines sous une pression transmembranaire de 0,45 bar et un temps de filtration de 60 min, et enfin, un mois sous une pression transmembranaire de 0,55 bar et un temps de filtration de 60 min. La variation de perméabilité au cours du temps pendant ce mois est représentée en figure 7. Pendant les deux premières semaines, la perméabilité subit une diminution légère au cours du temps et passe de 196 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹ à 190 L.h⁻¹.m⁻².bar⁻¹. À partir du mois de juillet, la chute est beaucoup plus importante. Une diminution de la perméabilité de la membrane est observée et très accentuée en raison d’une très forte fréquentation du bassin en cette période de l’année, égale en moyenne à 50 personnes présentes dès l’ouverture de la piscine à 12 h 00 jusqu’à la fermeture à 19 h 00. On observe une chute importante de la perméabilité tous les jours pendant cette période, couplée à des pics de concentration en chlore combiné, révélant un fort apport de matière organique. Les rétrolavages ne permettent pas toujours de retrouver la perméabilité initiale, et cela même pendant la filtration de nuit.

[Photo : Variation de la perméabilité en fonction du temps sur un mois de fonctionnement (PTM = 0,55 bar ; Tf = 60 min)]

chute de 16 % en trois semaines. Les membranes ont ensuite été nettoyées puis conditionnées sous bisulfite pour la fermeture du mois d’août. Le nettoyage a permis de retrouver une perméabilité égale à 220 L·h⁻¹·m⁻²·bar⁻¹. Cette valeur est correcte pour une membrane organique après une première série de filtrations par rapport à la perméabilité de la membrane neuve (perte de 15 %). Le pilote a été remis en fonctionnement en septembre 2006 sous des conditions de filtration douces (0,3 bar et 60 minutes de filtration) et a fonctionné pendant un an. Durant cette période, la perméabilité a chuté tout au long des premiers mois pour se stabiliser à une valeur de 155 L·h⁻¹·m⁻²·bar⁻¹. La chute est très importante pendant les deux premiers mois, mais la période des vacances correspondant à la fermeture de la piscine entraîne une remontée de la perméabilité de 4 %. Cette remontée ne semblant pas suffisante, un nettoyage lessiviel alcalin a été réalisé après cette période de fermeture et la perméabilité a atteint 210 L·h⁻¹·m⁻²·bar⁻¹. Une valeur identique fut obtenue après un lessivage en juillet 2007 avant la fermeture estivale. Durant cette année, les membranes ont dû faire face à de fortes contraintes, détaillées par Barbot et al. (2008). Ces conditions non optimales peuvent en partie expliquer la chute de perméabilité observée au cours du temps. Les membranes ont donc été soumises à de fortes contraintes, la plupart du temps de façon ponctuelle. Les membranes d'ultrafiltration ont ainsi filtré de l’eau de baignade à un pH voisin de 3 ou de 10, ou pouvant contenir des concentrations en chlore libre trois fois supérieures à la norme, ou encore provenant d'un bassin contenant plus de 80 personnes. La régénération des membranes malgré ces conditions extrêmes montre la parfaite flexibilité de l'ultrafiltration pour ce type d’eau.

[Photo : Figure 8 – Variation de la perméabilité en fonction du temps pendant 10 mois (PTM = 0,3 bar ; Tf = 60 min).]

Les quantités de chlore filtré sont importantes :

  • (i) dix modules ont filtré une quantité totale de chlore libre égale à 0,89 kgₗ/m³·m³ pendant 240 jours de fonctionnement ;
  • (ii) six modules ont filtré une quantité totale de chlore libre égale à 1,2 kgₗ/m³·m³ pendant 301 jours de fonctionnement.

Les membranes ont été en permanence en contact de chlore, que ce soit en filtration ou non. Malgré la présence constante de chlore (en moyenne 1,95 ppm) depuis mars 2006 et des conditions de filtration temporairement extrêmes, les tests d’intégrité disponibles sur le pilote et réalisés au cours des expériences montrent que les modules sont toujours intégrés à ce jour.

[Photo : Figure 9 – Variation de la concentration en chlore combiné dans le bassin, l'eau du bac tampon et après ultrafiltration (PTM = 0,55 bar ; Tf = 60 min).]

Performances du procédé couplé

Le procédé de couplage ultrafiltration-adsorption présenté ici se rapproche du procédé Cristal® (Degrémont Technologies, Suez) utilisé pour la production d’eau potable. Cependant, notre étude concerne le traitement d'un effluent très différent, fortement chargé en matière organique, et où les concentrations en sous-produits de désinfection sont plus élevées.

[Photo : Figure 10 – Variation du pourcentage d’élimination du chlore libre en fonction du temps et du charbon actif.]
[Photo : Figure 11 - Variation du chlore actif en fonction du temps dans l'eau ultrafiltrée et après adsorption (débit = 50 L h⁻¹)]

L’eau du bassin est envoyée dans un bac tampon où elle subit une dilution ainsi qu'une purge, et est ensuite ultrafiltrée. Il existe une différence de concentration en chlore combiné entre l'eau du bassin et celle issue du bac tampon, en moyenne égale à 0,2 ppm, due à la dilution qui est effectuée dans le bac tampon intermédiaire. Cependant, il apparaît aussi une différence de concentration entre l'eau issue du bac tampon et l'eau ultrafiltrée, ce qui semble surprenant car les membranes d'ultrafiltration ne permettent pas de retenir les petites molécules formant le chlore combiné (figure 9). La plupart du temps, l'eau ultrafiltrée contient une concentration en chlore combiné plus importante que dans le bac tampon. Cette différence peut être expliquée par une réaction du chlore libre avec la matière organique retenue par la membrane. Plus le temps de filtration augmente, et plus les écarts de concentration se creusent. Ainsi, les plus forts écarts de concentration ont été notés en fin de cycle, avant le rétrolavage. Cette formation supplémentaire de chlore combiné est donc à prendre en compte lors de l’étape d'adsorption.

Le principal paramètre étudié lors de l’adsorption sur charbon actif est la vitesse de passage dans l'unité. À partir des données du fabricant, la plage de débits testés est de 20 à 50 L h⁻¹, correspondant à des vitesses de passage comprises entre 14 et 36 m h⁻¹. Une première série d’expériences a été réalisée pour plusieurs vitesses sur une journée. En traçant la variation du pourcentage d’élimination du chlore combiné en fonction du débit, il apparaît logiquement que l’efficacité d'adsorption augmente avec le débit, jusqu’à atteindre un palier pour des concentrations d’entrée peu différentes (0,4 ppm). Outre sa capacité à adsorber le chlore combiné, le charbon actif testé adsorbe également le chlore libre, ce qui est un effet secondaire à prendre en compte pour le dimensionnement du procédé. Le temps d'utilisation du charbon apparaît alors comme un paramètre à prendre en compte (figure 10).

Il semble qu’en début de fonctionnement, le charbon se charge fortement en chlore libre, puis l’adsorption se fait préférentiellement sur le chlore combiné. Le chlore actif est soumis à une réglementation stricte et sa concentration doit être comprise entre 0,4 et 1,4 ppm. L’unité d’adsorption éliminant une partie du chlore libre, et donc du chlore actif, il est nécessaire de vérifier sa concentration en sortie. En dehors des premières heures de fonctionnement de l’unité, la concentration en chlore actif en sortie est restée conforme à la norme (figure 11).

L’exploitation des résultats obtenus lors de l’adsorption est rendue difficile par la grande variabilité de l’eau brute. La concentration en chlore combiné de l’eau brute varie avec le temps. La figure 12 regroupe les résultats des expériences d’adsorption, tous débits confondus. Quelle que soit la concentration en chlore combiné en amont du procédé ultrafiltration-adsorption, la concentration après adsorption n’a jamais dépassé 0,35 ppm, ce qui est une excellente valeur compte tenu de la législation (< 0,6 ppm). Cette valeur basse doit ainsi permettre de limiter le transfert liquide-air, responsable des problèmes de santé publique rencontrés dans les piscines. Il apparaît souvent sur ce graphique que la variation de chlore combiné dans l'eau après adsorption suit celle de la concentration en chlore combiné dans l’eau ultrafiltrée, quel que soit le débit de passage dans l'unité. Ce graphique laisse donc présager qu'il existe un lien entre les performances de l'adsorption et la qualité de l'eau brute. Cependant, si l'on trace, pour chaque débit, la variation du pourcentage de chlore combiné adsorbé en fonction de la concentration dans l'eau ultrafiltrée, aucune corrélation ne peut être mise en évidence. Aucune étude du vieillissement du charbon actif n’a été effectuée, mais l'utilisation du même charbon actif en haut de lit des filtres à sables sur une autre piscine municipale de Marseille montre une durée de vie du charbon égale à trois ans.

Conclusion

Ce travail présente les performances d'un procédé innovant pour le traitement des eaux de piscines. Il est à noter que cette étude a été réalisée sur un bassin réel. Pour le couplage ultrafiltration-adsorption les conditions opératoires optimales déterminées sont un temps de filtration de 60 min pour une pression transmembranaire de 0,45 bar et une vitesse de passage dans l'unité d’adsorption de 32 m h⁻¹. Un temps de

[Photo : Figure 12 - Variation de la concentration en chlore combiné dans l’eau ultrafiltrée et après adsorption en fonction du temps]

Filtration et/ou une pression transmembranaire plus grande ne permettent pas dans tous les cas de figure de s'affranchir d'une très forte chute de perméabilité. Un temps plus court et/ou une pression transmembranaire plus faible baisse nettement la production d'eau purifiée. Avec un procédé ne filtrant pourtant que 1/7 de la capacité imposée par les normes du Ministère de la Santé, une meilleure clarté et une disparition du trouble de l'eau, en particulier en fin de séances des bébés-nageurs, sont observées. Malgré un colmatage des membranes, la perméabilité des membranes est restée bonne et n'est jamais descendue en dessous des 155 L·h⁻¹·m⁻²·bar⁻¹. Un simple nettoyage lessiviel annuel est suffisant. Ce nettoyage peut aisément être effectué avant la fermeture de la piscine au mois d'août en prenant donc en compte la période de forte dégradation de la qualité de l'eau observée en juillet. En hiver, les rétrolavages couplés à la fermeture de la piscine la nuit limitent la chute de perméabilité au cours du temps. Cela devient impossible lors des très fortes fréquentations estivales. Le maintien d'une bonne perméabilité et d'une parfaite intégrité est d'autant plus important que les membranes ont été soumises à de fortes variations à la fois de pH, de concentration en chlore libre et de température. Même si ces conditions extrêmes de pH (3 et 10), des concentrations en chlore trois fois supérieures à la norme ont été ponctuelles, la flexibilité de l'ultrafiltration a ainsi été démontrée pour cette application.

Au vu de la littérature, le maintien de l'intégrité des membranes est d'autant plus remarquable que l'ajout de coagulant minéral (sulfate d'aluminium) n'a jamais été arrêté. Ainsi la quantité de chlore filtrée par les membranes est très importante : 1,2 kg an⁻¹·m⁻². Le couplage à l'adsorption a toujours permis de maintenir une concentration en chlore combiné répondant parfaitement à la législation. Une adsorption du chlore actif est malheureusement subie mais, là aussi, la concentration reste encore dans la norme. Une variation classique des performances de l'adsorption en fonction de la vitesse de passage a été mise en évidence, à savoir une augmentation du pourcentage de chlore combiné adsorbé avec le débit, jusqu'à atteindre un palier. Toutefois la modélisation de l'adsorption en fonction de la concentration n'a pas été possible sans doute à cause de la grande variabilité et la grande complexité de l'eau. La concentration en chlore combiné après adsorption a toujours été inférieure à 0,35 ppm, soit très en dessous de la norme. Le couplage ultrafiltration-adsorption répond donc bien aux critères de qualité de l'eau de piscine. Une eau clarifiée, désinfectée, contenant peu de sous-produits de désinfection et une concentration limitée en chlore libre doit ainsi améliorer à la fois les conditions de travail du personnel ainsi que les conditions de baignade des usagers.

Remerciements :

Les auteurs souhaitent remercier la Ville de Marseille, la direction déléguée à la Recherche Scientifique, à l'Enseignement Supérieur, aux Pôles Technologiques, aux Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, aux Relations avec les Communautés et à Marseille Espérance, la direction déléguée à l'Hygiène et Santé, à la Toxicomanie, au Sida et à la Prévention des Risques Sanitaires chez l'Adolescent et la direction déléguée aux Services Technique et des Sports ainsi que le Ministère de la Santé pour leur support financier et technique.

Référence bibliographique

Barbot, E. et P. Moulin, « Eaux de Piscines, Partie I : Étude de cas », L'eau, l'industrie et les nuisances, n° 308 (2008).

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