PIZANCON (Drôme) – (Mars - Novembre 1979)
, ENSMIC
Directeur de CEMIAP - PARIS.
Dans les années 1955 se construisait en Normandie, sur un projet du professeur PIEN, une station d'épuration d'eaux résiduaires de laiterie par filtration sur lit de tourbe.
Après neutralisation et coagulation, les eaux étaient décantées dans des bacs ; le surnageant et les boues étaient envoyés séparément en alternance sur les lits de tourbe. Les eaux clarifiées partaient directement à la rivière.
Pour traiter jusqu'à près de 240 m³ par jour, on disposait de 120 m² de ce filtre naturel dont 40 m² seulement en service journalier. Cette installation remarquable a été arrêtée (par suite de la fermeture de l'établissement) en automne 79 après avoir prouvé pendant 24 ans la permanence et la qualité des résultats.
Cette expérience a incité l'Agence de Bassin Seine-Normandie à entreprendre depuis 1975 une série d'essais en plate-forme tant à Pontoise qu'à Colombes pour mettre en évidence les performances de cette technique.
Cf. : Étude tamisage-filtration Pontoise :
M. J. BAZIN, ICG ROM.
Étude sur tourbe plate-forme d'essais :
G. BARIOU, ingénieur INSA.
Les travaux de l'Université de SHERBROOK au Canada, les réalisations américaines, allemandes, russes et nordiques concluent également à la valeur épuratoire étonnante de la tourbe sur de nombreux effluents issus des industries des métaux lourds ou du pétrole, effluents contenant des colorants en provenance de l'industrie textile, effluents contenant des matières oxydables en provenance d'eaux urbaines ou d'eaux résiduaires d'abattoirs, avec une fixation moyenne de pollution atteignant 13 % en poids.
La régénération biologique de la tourbe apparaît comme un atout majeur de cette méthode. Il suffit de disposer de deux lits en alternance pour assurer le succès de l'opération globale, avec éventuellement implantation de végétaux. (Se reporter aux études réalisées par la plate-forme de l'Agence Financière de Bassin SEINE-NORMANDIE.)
De ces expériences nous avons retenu la nécessité de disposer d'une filtration préalable très fine et d'un dégraissage poussé pour éviter un colmatage trop rapide de la surface des lits. Nous avons en outre compris l'importance de la composition et de la variété de la tourbe en même temps que la disposition des couches filtrantes.
Partis de l'idée d'une filière rénovée, nous avons présenté au Ministère de l'Environnement un dossier technique définissant un objectif de qualité espéré au niveau III sur des eaux de abattoir de volailles (dinde en particulier) de 26 - PIZANCON « LA SACOP ». Nous avons obtenu une subvention de recherche et de fonctionnement qui nous a permis de mener à bien cette opération avec le concours de l'Agence Financière de Bassin Rhône-Méditerranée-Corse, de la Direction départementale de l'Agriculture de la Drôme chargée de la gestion sur dossier et de la Direction des Services Vétérinaires de la Drôme.
Nous remercions tous les organismes et entreprises qui nous ont aidé à cette réalisation, en particulier Mme le Docteur GRANGE, Mme Florence PETILLOT, ing. I.A.A., M. J.-F. DAVID, I.G.R.E.F., du Ministère de l'Environnement, M. JANODY et M. COCHET, de l'Agence de Bassin Rhône-Méditerranée-Corse, M. LABADENS, ing. du G.R. et M. Patrick LE MEIGNEN, ing. T.R. de la D.D.A. de la Drôme, M. le Docteur CHEYRE, de la D.S.V. de la Drôme, M. LE DISSEZ, représentant de la Société SWECO Europe à Paris et la Société GERVAT à Lyon.
SITUATION GÉNÉRALE
L'abattoir SACOP situé à 26 - PIZANCON traite environ 7 000 tonnes de carcasses par an dont 85 % de dindes. La production journalière est donc de 25 tonnes et nécessite une consommation d'eau de l'ordre de 150 m³/jour avec des pointes à 25 m³/heure.
Le transport des plumes et des viscères se fait par voie hydraulique avec recyclage partiel. On a donc une dilution assez forte et l'analyse moyenne pendant les heures d’abattage se situe aux environs de :
- — 400 mg/l pour les MES,
- — 500 mg/l pour la DBO,
- — 1 100 mg/l pour la DCO,
- — 180 mg/l pour les MG.
INSTALLATION DU PILOTE
Après des essais infructueux de tamisage sur grille statique ou rotative fine — 250 microns — et sur tamis plan de 42 microns (insuffisance de débit) nous avons adopté un concentrateur SWECO — cylindre tournant vertical de 300 mm de diamètre garni de panneaux filtrants en toile inox de 25 microns qui retiennent environ 30 % des matières en suspension dans un refus liquide équivalent à 10 à 15 % de l'effluent initial.
Ce refus est lui-même traité sur un tamis plan SWECO de Ø 800 mm avec une toile de 42 microns.
L'eau extraite est recyclée, les eaux claires issues du concentrateur subissent un dégraissage avant d'être envoyées sur les lits de tourbe pour une filtration finale.
UNITÉ D'ÉPURATION SUR TOURBE
- Arrivée effluent dégrillé
- Dégraisseur
- Concentrateur Sweco 0,5 cv
- Lits de tourbe 350 m² – 50 l/h/m² – Tourbe Ø 40 – Gravier Ø 15
- Boues
- Pompe Flygt 3 cv
- Séparateur Sweco 0,5 cv
- Comptage
- Vers rivière
Le pompage et le tamisage sont en vraie grandeuret assurent un débit qui pourrait dépasser 30 m³/h.
Le dégraissage et le traitement final concernent,dans le pilote, 1/10 de l’effluent global.
À ce stade, le rendement brut de ce pré-traitementest de 50 % sur MES - DBO - DCO et de 95 % sur MG.
Dans l’installation définitive, le dégraissage parbullage précédera le tamisage ce qui constituera unesécurité supplémentaire (voir croquis).
LITS DE TOURBE.
Nous disposons de 4 cuvettes de 16 m² dont 2en opération et 2 au repos. Les tourniquets à rampeperforée (1 mm) se bouchaient par des concrétionsde graisse, c’est finalement des sprinklers bassepression qui ont été adoptés. L’arrosage a été faitconjointement à raison de 100 litres/m²/heure et50 litres/h/m² pendant trois mois. Les deux der-niers mois, le débit a été ramené uniformément à50 litres/h/m². L’examen des résultats prouve eneffet que les rendements sont régulièrement meil-leurs à 50 l/h, mais nous savons aussi que le débitde 100 l/h — voire davantage (jusqu’à 130 l/h) —peut être absorbé momentanément par la tourbe.
La tourbe, mélange de plusieurs qualités, est encouche de 40 cm reposant sur une toile intissée quila sépare de 15 cm du gravier cru rond de 20-30. Unetoile plastifiée en LATIM recueille les effluents etles dirige vers une gouttière d’écoulement sur la-quelle sont faits les prélèvements.
C’est à ce niveau que le « Miracle » se produit,l’effluent arrivé est rouge, turbide, sale et malodo-rant, l’eau qui en sort est incolore, limpide et nesent rien. On sait déjà qu’on est à un niveau trèsélevé d’épuration, l’analyse nous le confirme, lesrendements dépassent 96 % on est en dessous de10 mg/l pour les MES et DBO — en dessous de50 mg/l pour la DCO — les MG ont disparu — l’azotetotal aussi. L’objectif espéré est même dépassé, etcela avec une endurance de près de 5 mois sansfaiblir.
Sachant que la surface de la tourbe est doubléepour permettre une alternance en vue de l’entretienet de la régénération biologique, la Direction de SA-COP donne son accord pour passer en vraie grandeur.
INSTALLATION PROJETÉE.
Nous allons donc inclure, dans le circuit, le dé-graisseur dynamique de 3 500 litres prévu. La sta-tion de pompage et de tamisage sera déplacée àproximité immédiate des deux lits de 350 m² cha-cun situés en bordure de la rivière qui recevra lesrejets finaux.
SACOP - 26 PIZANCON
STATION PILOTE D'ÉPURATION SUR TOURBE
DÉPOUILLEMENT RÉSUMÉ DES ANALYSES
-Valeurs Moyennes et Extrêmes-
Moyenne des effluents bruts.. Sortie claire concentrateur 20 mu der Stage... Rendement moyen - dégraisseur plus tamisage. Rendement sur tourbe seule sur effluent dégraissé et tamisé. débit 100 l/m²/H... 50 l/m²/H. Rendement final par rapport à effluent brut ~ 100 l/m²/H... 50 l/m²/H... Les meilleurs résultats globaux enregistrés... Les moins bons résultats globaux /m². 50 l/m².. 63/516 45/516 : 350 238 20 65 16 50 a7 65 9 40 2/300 8/1120 48/574 20/574 : 1514/1065, 2113/1388
ANALYSE BACTÉRIOLOGIQUE
ENTRÉE SUR LITS SORTIE DE LITS Coliformes - 100 l/m²/H 21 000 000 73 000 10⁴ 50 l/m²/H 21 000 000 38 000 10⁴ Coliformes fécaux - 100 l/m²/H 24 500 000 66 000 10⁴ 50 l/m²/H 24 500 000 27 500 10⁴
COMPOSITION DES BOUES - MS : 6 39 % - Mat. Az. : 42 % - MG: 43 % -
La durée de la tourbe ? Au moins trois ans (expérience basée sur les résultats de Normandie avec 4 fois plus de débit) plus vraisemblablement cinq ou huit ans si on se réfère aux essais canadiens. La possibilité de « rafraîchir » la surface par une succession de scarifications légères et de raclages superficiels, pour éliminer les dépôts supérieurs, pourrait faire penser à une longévité encore plus importante sous réserve d'un renouvellement partiel.
Les dépenses de fonctionnement ? Minimes, et réduites au prix du courant électrique (3,5 kW), soit environ 7 000 kW par an pour un fonctionnement moyen à 20 m³/h — et un rejet global de l'ordre de 40 000 m³/an — quelques centaines de francs pour l'entretien des tamis. Main-d'œuvre intégrée dans le système actuel.
Les boues de dégraissage et de tamisage représenteront environ 60 à 100 kilos par jour et seront traitées en équarrissage.
Le fournisseur de tourbe reprendrait la tourbe usée, s'il y avait à la changer, pour son intérêt agronomique accru. Seuls le transport et la manutention seraient à la charge du preneur.
L'investissement initial se situe singulièrement en dessous du prix des formules traditionnelles (— 30 % environ) pour des résultats plus performants et des dépenses journalières moindres. Aucune odeur ne vient perturber ces éléments positifs. Cette filière paraît vraiment aujourd'hui comme une des meilleures et des plus fiables dans les solutions possibles pour ce type de traitement.

