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Étude pilote pour l'évaluation de l'efficacité des traitements anti-Légionelles

31 juillet 2009 Paru dans le N°323 à la page 87 ( mots)
Rédigé par : Abdel LAKEL, Marie-cécile TROUILHé et Maha FARHAT

La légionellose, maladie causée par les bactéries du genre Legionella, engendre de forts taux de mortalité parmi les personnes atteintes (15 à 20 %). Ces bactéries rencontrent des conditions de croissance optimales dans les réseaux d'eau chaude sanitaire (RECS). La lutte contre les légionelles est donc d'une grande importance dans le domaine du traitement de l'eau. Ainsi, une unité pilote simulant un RECS à échelle réelle a été construite par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) afin d'évaluer l'efficacité des traitements anti-légionelles à la fois dans l'eau et dans le biofilm où se rencontrent 98 % de ces bactéries.

Caractérisées depuis une trentaine d’années, les légionelles, bactéries pathogènes pour l’homme, sont responsables d’infections respiratoires aiguës ou légionelloses (Fraser et al., 1977). Elles seraient à l'origine de 5 à 15 % des pneumopathies communautaires nécessitant une hospitalisation (Jarraud et al., 1999). En France, la maladie est soumise à déclaration obligatoire depuis 1987. En 2007, les autorités sanitaires ont enregistré 1 428 cas de légionelloses dont 10 % mortels. L’espèce Legionella pneumophila est considérée comme responsable de 90 % des cas de légionellose et la contamination humaine a lieu par inhalation d’aérosols.

[Photo : Figure 1 : Vue d'ensemble.]
[Photo : Vanne 3 voies motorisée en sortie de ballon et vannes de puisage automatisées.]

Contaminés ayant un diamètre inférieur à 5 µm, les légionelles se développent à l'état naturel dans les eaux douces. Cependant, ces bactéries sont thermophiles et leur optimum thermique se situe entre 25 et 43 °C. Ces températures se retrouvent dans de nombreuses installations liées à l'activité humaine : réseaux d’eau chaude sanitaire (RECS), bains bouillonnants, jacuzzi, tours aéroréfrigérantes (TAR) pour les circuits de climatisation ou de refroidissement des machines industrielles, équipements de stations thermales, fontaines décoratives, machines à glace. En plus de se rencontrer libres dans l'eau (bactéries pélagiques), les légionelles se rencontrent dans les biofilms (communauté microbienne) qui se forment à la surface des tuyaux et canalisations en contact avec l'eau (bactéries sessiles) (Schoffield et Locci, 1985). Afin de faciliter leur dissémination, elles y établissent un parasitisme vis-à-vis de certains protozoaires (ciliés, amibes libres de type Naegleria, Acanthamoeba) (Greub et Raoult, 2004).

[Photo : Armoire électrique de l'installation (1er étage).]

Ainsi, l’éradication des légionelles représente un enjeu sanitaire de premier ordre. De plus, les études conduites par McBain et al. (2002) ont montré que les bactéries sessiles étaient de 50 à 1 000 fois plus résistantes aux biocides que les bactéries planctoniques. Jusqu’à présent, différents procédés de désinfection ont été utilisés pour éradiquer les légionelles (Kim et al., 2002). Les résultats des tests de ces procédés montrent des efficacités transitoires et des recolonisations rapides des réseaux. Cependant, l’efficacité des différents traitements n’a pas été étudiée sur des RECS réels car ils présentent des paramètres variables qui ne sont pas contrôlables (température, débits, bras morts…).

Dans cette optique, le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) a développé une unité pilote qui a pour but de simuler à échelle réelle un RECS dans des conditions maîtrisées.

Le pilote est constitué de quatre circuits en acier inoxydable 316L qui sont conçus de manière à fonctionner par couples afin de pouvoir comparer un circuit traité à un circuit témoin non traité (Figures 1, 2 et 3).

[Photo : Boîte à biofilm branchée en dérivation sur la boucle.]
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Développement d’un nouvel outil d’évaluation des traitements anti-légionelles

La légionellose, maladie causée par les bactéries du genre Legionella, est connue depuis 1976. Elle se caractérise par des symptômes respiratoires aigus avec de forts taux de mortalité parmi les sujets atteints (15 à 20 %). L’agent infectieux, d'origine hydrotellurique, rencontre des conditions de croissance optimales dans de nombreuses installations liées aux activités humaines (réseaux d’eau chaude sanitaire, systèmes de climatisation, fontaines décoratives...). En France, la légionellose est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1987. Au cours de la dernière décennie, le nombre de cas enregistrés est en augmentation, ce qui s'explique principalement par une amélioration de la surveillance et du diagnostic mais aussi par des risques d'exposition plus importants. En 2007, la légionellose a entraîné en moyenne le décès d'une personne tous les trois jours.

[Photo : Graphe 1 : Nombre de cas de légionellose et de décès déclarés en France métropolitaine entre 1996 et 2007 (Source : www.invs.sante.fr/surveillance/legionellose).]

L’éradication des légionelles représente donc un enjeu sanitaire de premier ordre et l'objectif de la loi de la santé publique était de réduire de moitié l'incidence de cette maladie en 2008. Dans ce cadre-là, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) a développé une unité pilote simulant à échelle réelle un réseau d'eau chaude sanitaire (RECS). Depuis près de deux ans, des travaux de recherche ont été menés dans l'objectif de mettre au point un outil d’évaluation de l'efficacité des traitements anti-légionelles dans l'eau et dans le biofilm où se retrouvent 98 % des légionelles. Ainsi, au cours du premier semestre 2009, ce banc d'essais sera prêt pour tester des procédés de désinfection en accord avec la saisine 2004:SA.0345 de l'Afssa relative à « la composition des dossiers de demande d’autorisation de traitement de lutte contre les légionelles dans les eaux destinées à la consommation humaine – réalisation des essais portant sur l'efficacité ».

Chacun des circuits est constitué de :

> une boucle de 30 m de longueur,  
> un « bras mort » de 3 m de longueur,  
> un ballon d’eau chaude de 230 L pouvant monter à une température de 90 °C,  
> une vanne trois voies pour le mélange d'eau chaude et froide,  
> des équipements télécommandés (compteurs d’eau, débitmètres et sondes de température),  
> un réchauffeur et un circulateur de boucles,  
> des électrovannes de puisage au niveau des boucles et des bras morts,  
> une « boîte à biofilm » placée en dérivation sur les boucles et permettant l'étude du biofilm adhérant aux canalisations.  

L'originalité de ce pilote repose tout d’abord sur sa structure en acier inoxydable 316L. Ce matériau n'est pas habituel dans les RECS mais il permet de s’affranchir des phénomènes de corrosion et d’entartrage qui peuvent influencer la croissance bactérienne et donc réduire le nombre de paramètres contrôlables. Le couplage de deux boucles identiques qui fonctionnent en parallèle (boucle traitée et boucle témoin) permet aussi d’avoir une flore microbienne identique dans le réseau témoin et le réseau traité. Enfin, la présence d'un système d’échantillonnage qui permet de récupérer facilement du biofilm constitue un atout majeur de ce banc d’essais. La boîte à biofilm est composée de 20 coupons (10 couples de 2 coupons) semi-cylindriques en acier inoxydable d’une surface de 16 cm² fixés autour d’un axe d'une longueur de 50 cm. Ces coupons sont soumis aux mêmes conditions hydrauliques que celles appliquées dans la boucle et peuvent être prélevés indépendamment les uns des autres. L'étanchéité entre les coupons est assurée grâce à des bagues en téflon placées entre chaque couple de coupons.

Depuis près de deux ans, des travaux de recherche sont menés sur ce banc d’essais. L'étape préalable et indispensable à toute étude fut la contamination du pilote en Legionella spp. Cette contamination a été assurée par des alimentations alternées du pilote par de l'eau de rivière, de l'eau de ville et de l'eau issue d’une TAR (Farhat et al., soumis). À chaque étape, le débit de circulation de l'eau dans les boucles était maintenu à 20 L/min et la température de l'eau à 35 °C. Ainsi, des concentrations stables en Legionella spp ont été obtenues dans l’eau et dans le biofilm (100 000 CFU/L et 1 000 CFU/cm² respectivement).

Jusqu’à présent, deux types de traitements curatifs ont été testés sur le pilote. Afin d'obtenir des résultats fiables et d’étudier la reproductibilité des effets des traitements, chaque essai a été réalisé en triplicata. Ainsi, une série de trois chocs thermiques a été réalisée. Au cours de ces tests, la température de la boucle traitée a été portée à 70 °C pendant 30 minutes selon les directives du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Des efficacités transitoires de l'abattement des concentrations en légionelles ont été observées. Ces résultats sont en cours de publication par Farhat et al.

Une autre série de trois traitements chimiques a été appliquée sur le pilote. Ce traitement était basé sur l'injection d’un biodispersant suivi de celle d'un biocide à base de péroxyde d’hydrogène et d'acide péracétique. Les résultats montrent aussi des efficacités transitoires dans l'eau et dans le biofilm.

[Photo : Figure 5 : Axe de la boîte à biofilm avec les coupons séparés par des bagues en téflon.]

biologie et de biologie moléculaire ont été réalisées sur l'eau des boucles traitée et témoin et sur le biofilm traité ou non. Les analyses de microbiologie mises en œuvre ont consisté à quantifier (i) la flore totale cultivable sur milieu R24, (ii) la flore totale par microscopie à épifluorescence et (iii) les légionelles cultivables sur milieu GVPC selon la norme AFNOR NF T90-431. Après extraction de l'ADN à l'aide d'un kit commercial, les analyses de biologie moléculaire ont permis de quantifier par PCR en temps réel les concentrations en Legionella spp et en Legionella pneumophila.

Bien qu’aucune corrélation n’ait encore été établie entre les méthodes de cultures classiques et la quantification par PCR, cette dernière s'avère être un complément intéressant car elle permet de détecter à la fois les ADN des légionelles viables et cultivables, viables mais non cultivables et mortes (Joly et al., 2006 ; Morio et al., 2008).

Ainsi, les travaux de recherche qui ont été menés sur le pilote ont eu pour but de préparer l'installation aux tests d’évaluation de l’efficacité des traitements anti-légionnelles dans le cadre de la saisine 2004-SA-0345 de l'Afssa relative à « la composition des dossiers de demande d’autorisation de traitement de lutte contre les légionelles dans les eaux destinées à la consommation humaine – réalisation des essais portant sur l'efficacité ».

Actuellement situé sur le site du CSTB de Champs-sur-Marne, l’unité pilote sera déplacée au centre de Nantes fin 2009 au moment de la livraison du grand équipement eau « Aquasim » (www.cstb.fr/le-cstb/equipements/aquasim.html).

Références bibliographiques

  • * Association Française de Normalisation (AFNOR) (2003) Qualité de l'eau – Recherche et dénombrement de Legionella spp. et de Legionella pneumophila. Méthode par ensemencement direct et après concentration par filtration sur membrane ou centrifugation. AFNOR NF T90-431, Paris, France.
  • * Fathat M., Trouilhé M-C., Briand E., Moletta-Denat M., Robine E., Frere J. Development of a real-scale test rig for Legionella elimination in biofilm in hot water network: heat shock treatment evaluation. Soumis dans Water Research.
  • * Fraser D. W., Tsai T. F., Orenstein W., Parkin W. E., Beecham H. J., Sharrar R. G., Harris J., Mallison J. F., Martin S. M., McDade J. E., Shepard C. C., Brachman P. S. (1977) Legionnaires' disease: description of an epidemic of pneumonia. New England Journal of Medicine 297: 1189-1197.
  • * Greub G., Raoult D. (2004) Microorganisms resistant to free-living amoebae. Clinical Microbiology Reviews 17: 413-433.
  • * Jarraud S., Reyrolle M., Etienne J. (1999) Diagnostic des légionelloses. Revue Française des Laboratoires 312: 119-124.
  • * Joly P., Falconnet P. A., André J., Weil N., Reyrolle M., Vandenesch F., Maurin M., Etienne J., Jarraud S. (2006) Quantitative Real-Time PCR for environmental water samples: data interpretation. Applied and Environmental Microbiology 72 (4): 2801-2808.
  • * Kim B. R., Anderson J. E., Mueller S. A., Gaines W. A., Kendall A. M. (2002) Efficacy of various disinfectants against Legionella in water systems. Water Research 36: 4433-4444.
  • * McBain A. J., Rickard A. H., Gilbert P. (2002) Possible implication of biocide accumulation in the environment on the prevalence of bacterial antibiotic resistance. Journal of Industrial Microbiology & Biotechnology 29: 326-330.
  • * Morio F., Corvec S., Caroff N., Le Gallou F., Drugeon H., Reynaud A. (2008) Real-time PCR assay for the detection and quantification of Legionella pneumophila in environmental water samples: Utility for daily practice. International Journal of Hygiene and Environmental Health 211: 403-411.
  • * Schofield G. M., Locci R. (1985) Colonization of components of a model hot water system by Legionella pneumophila. Journal of Applied Bacteriology 58: 151-162.
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