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Filtration rapide : un substitut du sable bio-réfractaire à base de verre recyclé et activé

30 mai 2012 Paru dans le N°352 à la page 86 ( mots)
Rédigé par : Cédric GUIGNARD et Arnaud TIQUET

Employé avec succès depuis 2003 dans de nombreuses applications (industrie, eau potable, piscines, aquaculture, eaux usées, agroalimentaire?), ce substitut direct du sable à base de verre recyclé et activé permet de solutionner les problèmes de colmatage et d'instabilité de la filtration.

Des écrits anciens indiquent que la filtration de l'eau de boisson par le sable, un procédé décrit en Inde puis en Grèce antique, remonte à plus de 4000 ans. L’objectif principal était la baisse de la turbidité et l’amélioration des propriétés organoleptiques de l'eau. En effet, les connaissances de cette époque ne leur permettaient pas de comprendre les enjeux de la filtration vis-à-vis des micro-organismes et des contaminants chimiques.

Le principe de la floculation a lui été découvert par les Égyptiens il y a près de 3500 ans. Dans plusieurs tombes royales est décrit l’ajout de sels d’aluminium dans l'eau dans le but de faciliter la décantation des particules en suspension.

Il faudra attendre le 18ᵉ siècle pour voir se développer les premiers filtres à sable domestiques. C’est à la fin du 19ᵉ siècle que les premiers filtres à sable pressurisés seront développés pour créer ce que l’on appelle la filtration rapide, cette invention ayant permis une augmentation conséquente des débits filtrés par unité de surface.

Il faudra attendre le début du 20ᵉ siècle pour voir apparaître l'utilisation conjointe de la filtration rapide et de la floculation. Bien que la qualité des équipements (filtres, pompes...) et des moyens de contrôle (automation, débit...) aient été grandement améliorés, le principe n’a que très peu évolué et le problème principal de la filtration sur sable reste le même, à savoir le colmatage systématique du lit filtrant et la baisse relative des capacités de filtration dans le temps. Toutefois, une innovation récente est venue changer la donne. Le développement d’un substitut au sable à base de verre recyclé et activé AFM® suite à des années de recherche, résolvant ainsi le problème du colmatage tout en optimisant les propriétés mécaniques du média.

Le colmatage, un problème biologique avant tout

Le sable reste jusqu’à aujourd’hui le principal média filtrant utilisé en filtration mécanique dans les filtres pressions et gravitaires, que ce soit pour le traitement de l'eau potable et des eaux usées (filtration lente) ou pour les piscines et l’aquaculture (filtration rapide). Sa disponibilité et son faible coût en ont fait un substrat de choix depuis quelques décennies.

Cependant, quel que soit l’application dans laquelle il est employé, les opérateurs sont systématiquement confrontés à des problèmes de colmatage à plus ou moins long terme et à sa faible durée de vie, en moyenne de 5 ans. Ces problèmes de col-

Certaines zéolites (tels que ZSM-5 et zéolite A) possèdent les propriétés hydrophiles et antimicrobiennes idéales pour un substitut du sable en filtration. Toutefois leur porosité et leur coût de production n'ont pas permis d’en faire un candidat viable.

Colmatage entraînent un manque de stabilité du lit filtrant et de ce fait une diminution de l'efficacité de la filtration en altérant la finesse de celle-ci. Seule une bonne gestion hydraulique des systèmes (vitesse de filtration et de contre lavage) permet d’atténuer la propension du sable au colmatage, celle-ci ne pouvant toutefois qu’augmenter avec l'âge du média.

Si les caractéristiques du sable entraînent inéluctablement un certain degré de colmatage à moyen/long terme, c’est parce qu’il est un substrat idéal pour le développement bactérien. Il s’agit d’ailleurs de ses « bactériophiles » qui en font un substrat largement utilisé en aquaculture et en aquariologie pour la filtration biologique (nitrification). La preuve en est que les problèmes de colmatage du sable ont dirigé ces structures vers des filtres à sable à lit fluidisé, reproduisant le mode contre-lavage des filtres pression. Malgré une vitesse passage élevée (>60 m/h) il est remarquable que les biofilms parviennent à adhérer au sable sans la moindre difficulté.

Ces filtres peuvent donc accueillir une très grande population bactérienne sans colmater, perdant toutefois toute propriété de filtration mécanique.

Le biofilm bactérien se développe aussi bien en milieu non chloré que chloré. Ce biofilm permet justement aux bactéries d'en quelque sorte s'isoler et de se protéger de leur environnement pour pouvoir proliférer. Pour cela, elles excrètent des polysaccharides extracellulaires de type alginate recouvrant toutes surfaces en contact avec l'eau. Ces biofilms colonisent rapidement la totalité de la surface du sable (en 3 jours à 20 °C) et s’épaississent avec le temps. Comme le décrit le schéma ci-contre, la formation des biofilms passe par différentes phases. Se succèdent une phase d’attachement (1) devenant irréversible suite à la production d’alginates (2) puis des phases de croissance (3) et de maturation (4) pour finir par une phase de dispersion (5) permettant de coloniser d’autres surfaces. Ces alginates ont pour conséquence d’agglomérer les grains entre eux diminuant ainsi la finesse de filtration et provoquant à terme la création de passages préférentiels dans le lit filtrant. Ces derniers diminuent drastiquement l'efficacité de la filtration et accroissent les risques sanitaires en laissant passer les cystes d’organismes pathogènes (ex : Cryptosporidium, Giardia…).

Il est par ailleurs remarquable que ces biofilms ont d'autres effets délétères, notamment dans les piscines publiques où ils sont le précurseur principal des trichloramines, un composé volatil responsable de l’odeur de chlore et des irritations des yeux et de la peau des baigneurs, sans compter les problèmes d’asthme des personnes travaillant dans ces installations. Il s'agit en effet des conditions de pH en surface des biofilms résultant de leur activité métabolique qui permettent la transformation des mono et di-chloramines beaucoup moins toxiques en trichloramines.

Il n’existe actuellement aucun moyen de pallier réellement le problème inhérent au sable, hormis l'emploi d'un nouveau média filtrant se substituant au sable avec de nombreux avantages.

Un nouveau substitut du sable à base de verre recyclé et activé

Le colmatage, longtemps considéré comme un problème purement mécanique, s'est donc révélé avoir une origine biologique relevant des propriétés intrinsèques du sable. Pour régler ce problème, il fallait donc développer un média aux qualités mécaniques optimisées et pouvant permettre d’empêcher les bactéries d’adhérer aux grains et de les envelopper de biofilms. C'est dans cette perspective que le chercheur écossais Howard Dryden, docteur en chimie et biologie marine et spécialiste des zéolites, s'est lancé dans les années 90 dans l’élaboration du substitut idéal.

Les zéolites, un type particulier d’aluminosilicate poreux, sont bien connues dans le domaine du traitement de l'eau car elles possèdent des propriétés absorptives très utiles dans de nombreuses applications. Ces propriétés de passoire moléculaire sélective sont dues à la fois à la porosité

[Photo : La formation des biofilms passent par différentes phases. Se succèdent une phase d'attachement (1) devenant irréversible suite à la production d’alginates (2) puis des phases de croissance (3) et de maturation (4) pour finir par une phase de dispersion (5) permettant de coloniser d'autres surfaces.]
[Photo : L'AFM® permet en moyenne d’extraire 50 % de particules de plus qu’avec un sable de granulométrie similaire. Beaucoup plus résistant que le sable de silice, sa durée de vie est d’au moins 30 ans. Moins dense que le sable et ne colmatant pas, il permet par ailleurs des contre-lavages beaucoup plus courts et plus efficaces générant des économies d'eau très importantes.]

…des zéolites et aux charges de surface de la matrice d’aluminosilicate. Ces charges de surface permettent d’adsorber les ions en solution en échangeant des ions à valence faible pour des ions à valence plus élevée. Il s'agit du diamètre des pores qui permet de différencier les ions qui seront adsorbés par chaque type de zéolite. Par ailleurs, les zéolites peuvent avoir des propriétés hydrophiles ou hydrophobes en fonction du ratio Al/Si de la matrice. Certaines zéolites (telles que ZSM-5 et zéolite A) possèdent ainsi les propriétés hydrophiles et antimicrobiennes idéales pour un substitut du sable en filtration, toutefois leur porosité et leur coût de production n’ont pas permis d’en faire un candidat viable.

C'est avec le support du fond Européen « Life environnement » que le Dr Howard Dryden s'est lancé dans près de 10 ans de recherches en vue de développer un substrat dont la surface posséderait certaines des propriétés connues des zéolites. Il lui a fallu déterminer quelle matière première pouvait se prêter à cet objectif. Le verre recyclé s'est avéré être le candidat idéal en tant qu’aluminosilicate disponible en grande quantité et à un coût raisonnable. Le verre a été employé ponctuellement depuis les années 30 comme média de filtration. Toutefois, les difficultés de sa transformation en granulés uniformes et les risques sanitaires (paillettes de verre) n’en avaient pas fait un substrat de choix. Au cours de ces 10 années de recherches, le Dr Howard Dryden s'est donc attelé à la fois à développer des procédés de traitement physiques et chimiques pour aboutir à un produit standard, efficace et sûr.

Le développement d’un nouveau procédé de fragmentation a tout d’abord permis de conférer au verre des coefficients d’uniformité et de sphéricité optimaux offrant des capacités de filtration mécanique supérieures au sable. La partie la plus compliquée s'est avérée de conférer les propriétés de surface désirées au verre. C’est en 2003, après de nombreux essais, qu’il a abouti à un procédé qu'il a nommé « Activation » et qu’il s'est lancé dans l'industrialisation de l'AFM® – « Active filter media ». Protégé par plusieurs brevets internationaux, il garde jalousement ses secrets de fabrication. Cependant, les résultats sont au rendez-vous : ainsi, plusieurs batteries de tests ont démontré la quasi-absence de bactéries sur les grains après contre-lavage quand tous les autres substrats en comptent des millions.

Par ailleurs, l’AFM® permet en moyenne d’extraire 50 % de particules en plus qu’avec un sable de granulométrie similaire. Beaucoup plus résistant que le sable de silice, il possède une durée de vie d’au moins 30 ans. Étant moins dense que le sable et ne colmatant pas, il permet des contre-lavages beaucoup plus courts et plus efficaces générant des économies d'eau très importantes. Le produit a reçu l’homologation européenne pour l'utilisation en eau potable, confirmant par là un haut niveau de sûreté sanitaire et son degré de standardisation (production contrôlée ISO 9001). Il est par ailleurs en cours d’homologation eau potable pour la France par l’ANSES.

L’AFM® est désormais employé avec succès dans de nombreuses applications (industrie, eau potable, piscines, aquaculture, eaux usées, agroalimentaire…) en substitut direct du sable dans des filtres existants sans besoin d’apporter de modifications spécifiques. Face à ce succès, plusieurs sociétés se sont lancées dans le marché du verre de filtration, mais avec des produits non activés qui s’avèrent être du simple verre pilé ne possédant aucune des propriétés faisant de l'AFM® un produit révolutionnaire. Aucun d’entre eux n’a d’ailleurs pu être certifié en eau potable car ils contiennent une part de paillettes de verre coupantes pouvant être dangereuses si elles sont ingérées ou tout simplement manipulées sans précautions. Plusieurs piscines aux Pays-Bas ont d'ailleurs dû retirer ces produits de leurs filtres après injonction des autorités sanitaires pour cette raison. Leur remplacement par l’AFM® leur a permis non seulement de se mettre aux normes mais aussi d’améliorer nettement la qualité de leur filtration. Plus récemment, l’aquarium Nausicaa, Centre national de la mer, a mis en test dans leurs quarantaines à requins divers types de médias filtrants. Des résultats très significatifs en font le favori pour l’extension de l’aquarium devant aboutir en 2016 et en faire le plus grand aquarium d'Europe avec plus de 18 000 m³ de bassin.

Conclusion

Il aura donc fallu attendre près de 4 000 ans pour trouver un substitut optimisé du sable : après les Grecs anciens et les Égyptiens c’est donc au tour des Écossais de marquer l'histoire de la filtration ! L'entente cordiale, bien connue entre Écossais et Français face aux Anglais, fait de la France une terre privilégiée pour le développement de ce produit issu de longues recherches qui ont permis de solutionner le problème de colmatage et d’instabilité de la filtration. L’AFM® est distribué en France depuis 2009 par la société Ocean Projects, elle-même composée de biologistes marins et spécialistes de la filtration.

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