L?intégration de lagunes existantes dans une filière de filtres plantés permet d'améliorer la performance épuratoire, particulièrement en été, et d'assurer un traitement sommaire des eaux brutes excédentaires. L?article analyse cette innovation sous l'angle épuratoire, économique, environnemental, patrimonial' à partir de deux réalisations récentes dans le Tarn-et-Garonne.
La Communauté de Communes Terrasses et Vallée de l’Aveyron (CCTVA – à l'est de Montauban) a entrepris, dans le cadre de la compétence assainissement-eaux usées qu'elle exerce pour les communes de son territoire, de renforcer les stations d’épuration de Saint-Étienne-de-Tulmont de 450 à 1 900 EH extensible à 2 300 EH et de Nègrepelisse, chef-lieu cantonal et siège de la communauté de communes, de 1 400 à 4 000 EH extensible à 6 000 EH. La station de Saint-Étienne est en service depuis décembre 2007, celle de Nègrepelisse depuis février 2009.
Une question s'est posée au démarrage des deux opérations : que faire des lagunes qui assurent le traitement des eaux usées de ces communes depuis 1982 ?
Un premier dilemme : conservera, conservera pas ?
L’élimination des lagunes permettait de résoudre la question foncière, les superficies des lagunes existantes (Saint-Étienne : 5 000 m² ; Nègrepelisse : 14 300 m² soit 10 m²/EH environ aux capacités nominales) étant nettement supérieures à celles requises pour la technique de filtres plantés retenue par les élus (2 m²/EH) même en prenant en compte les augmentations de capacité imposées par l’accroissement démographique. La solution de la conservation intégrale l’a emporté néanmoins, essentiellement parce que le maître d'ouvrage a pu acquérir les terrains nécessaires dans des conditions satisfaisantes (acquisitions amiables, < 2 €/m²), également pour conserver la station existante.
en fonctionnement jusqu'à la mise en service des nouvelles installations et éviter les fonctionnements dégradés en cours de travaux qui font frémir les agents des MISE et de l'ONEMA.
Le parti de conservation ouvrait une question subsidiaire : que faire de ces lagunes, en bon état dans les deux cas, dont les superficies utiles totales, ramenées à la capacité nominale des nouvelles stations, sont de 2,6 m²/EH à Saint-Etienne, 3,6 m²/EH à Négrepelisse, en première tranche d’aménagement ? Après réflexion, elles ont été intégrées dans la filière avec deux objectifs principaux : réception des eaux brutes en cas de dysfonctionnement (ou de saturation) de la filière filtres plantés et amélioration du traitement.
Réception des eaux brutes excédentaires
Les milieux récepteurs, on le sait, sont très affectés par les déversements d'eaux brutes, si occasionnels soient-ils. Les MISE en sont conscientes et demandent d'intégrer dans la conception des stations des dispositifs permettant de les éviter. Les lagunes existantes offrent là une réponse simple et économique puisqu'elles assurent, pour un coût de réalisation à peu près nul et un coût d'exploitation très modique (les curages, élément essentiel du coût d’exploitation des lagunes, sont exceptionnels) un traitement certes sommaire mais non négligeable des eaux qu'elles reçoivent et tamponnent par leur volume le rejet au milieu. En somme, elles permettent à moindre frais d’éliminer le mot « by-pass » des plans de stations et ainsi de pacifier le débat sur le niveau de rejet.
À Saint-Etienne, l'importance des eaux parasites a conduit à mettre en place un système particulier : les eaux brutes sont dérivées vers les lagunes dès que les volumes entrants (comptés à partir de 8 h chaque matin) atteignent le volume journalier nominal des filtres (intégrant une partie des eaux parasites).
À Négrepelisse, un système de vannes automatiques dérive les eaux brutes vers le lagunage en cas de dysfonctionnement des filtres, c’est-à-dire pratiquement en cas de panne d’alimentation électrique du site puisque tous les équipements sont au moins doublés et peuvent fonctionner en secours l'un de l'autre.
Amélioration du traitement
Conçues à leur création comme outils de
Traitement intégral des eaux brutes, les lagunes abattent en moyenne 65 à 70 % des nutriments (avec toutefois des variations saisonnières importantes) pour des installations à 50 % de leur capacité nominale(1). D’où l’idée de les intégrer dans la nouvelle filière de traitement. Les filtres plantés sont dimensionnés par application de la règle désormais classique : 1,2 + 0,8 = 2,0 m²/EH nominal, et l’autorisation de rejet est sollicitée (et accordée dans nos deux cas) sur cette base, mais l’intégration des lagunes permet dans un premier temps d’améliorer la qualité du rejet par rapport à la norme retenue, dans un second temps de différer la mise en œuvre de l’extension puisque les lagunes permettent d’assurer la norme de rejet au-delà de la capacité nominale (autrement dit elles augmentent la capacité réelle de la station).
À Saint-Étienne, une première campagne de mesure menée six mois après la mise en service a montré que le passage par les lagunes porte le rendement sur l’azote global à 44 %, sur le phosphore à 37 % d’avril à juin pour l’ensemble de la filière quand le débit reste inférieur à 300 m³/jour. Résultats encore indicatifs, à confirmer par de nouvelles campagnes.
Autres effets
Les lagunes peuvent être utilisées également pour leur effet bactéricide, notamment en cas de présence d’une zone de baignade sur le cours d’eau récepteur puisque cette contrainte s’applique en été, au moment où l’effet bactéricide des lagunes est le plus élevé.
Accessoirement, l’évaporation en surface des lagunes réduit les volumes rejetés au milieu récepteur et particulièrement au moment de l’étiage. Cet effet peut venir à point en cas de rejet dans un cours d’eau à étiage sévère (voire nul) puisqu’il réduit le volume rejeté. Dans une option « rejet 0 », il permet de réduire les superficies de plantation ou d’infiltration à mettre en place à l’aval du traitement.
Quelle filière ?
Les stations combinant lagunes et filtres plantés sont encore rares et les retours d’expérience lacunaires. D’où le dilemme : faut-il mettre les lagunes en fin de filière et risquer une pollution du rejet par les algues générées dans les lagunes par les apports N et P inhérents aux filtres verticaux ? Faut-il les placer en amont d’un filtre planté au
(1) Source : Le lagunage naturel, les lagunes dites « à bas coûts » pratiqué en France. Document réalisé par un groupe de travail associant les Agences de l’eau, le CEMAGREF et le SATESE.
risque de le colmater par des apports d’algues ?
À Saint-Étienne comme à Nègrepelisse, la réflexion a conduit à adopter deux régimes de fonctionnement, imposés en solution de base dans le dossier de consultation des entreprises et intégrés ensuite au marché de réalisation :
- - régime hiver : filière limitée aux deux étages de filtration, pas de passage par les lagunes (sauf en cas de dépassement des débits en entrée ou de dysfonctionnement de la station – voir ci-dessus) ;
- - régime été : filière intégrant les lagunes existantes selon le schéma filtre étage 1 + lagunes + filtre étage 2.
Le basculement entre les deux régimes est manuel : fermeture d'une vanne et ouverture d'une autre vanne dans le regard de sortie du premier étage.
À Saint-Étienne, le dispositif permet en outre, dans un esprit de recherche-développement, de ramener en tête de lagunage les eaux en sortie de l’étage 2 et ainsi de comparer les teneurs en sortie dans deux cas de figure : intégration des lagunes entre les deux étages ou en sortie de deuxième étage. Une affaire à suivre, donc.
Coûts
Dans les deux cas considérés, le coût foncier (acquisition de terrains supplémentaires pour les filtres plantés) est de l’ordre de 10 €/EH (pour un coût de réalisation de l’ordre de 400 €/EH), compensé largement dès le départ par la simplification du chantier.
L'intégration des lagunes entraîne une extension de l’automate ainsi que la mise en place de canalisations et éventuellement d’un poste de relevage supplémentaire pour un coût approximatif de :
- - à Saint-Étienne : 50 000 € HT pour un coût total station de 0,75 M€ HT (26 € HT/EH, 7 % du coût) ;
- - à Nègrepelisse : 100 000 € HT pour un coût total station de 1,6 M€ HT (17 € HT/EH, 6 % du coût).
Le surcoût d’exploitation est lié au rele-
Lavage (éventuel) vers les lagunes et au curage (exceptionnel) des lagunes. Compter 0,10 €/EH·an.
Incidences immatérielles
Outre ses effets quantifiables sur la qualité du rejet en sortie (voir ci-dessus), le maintien des lagunes a des incidences positives sur des plans plus qualitatifs. Sur le plan de l’histoire, il conserve et valorise un équipement remarquable du patrimoine communal, contribution des générations précédentes, et sa trace dans le paysage. Sur le plan naturel, il maintient la faune et la flore, souvent intéressantes, parfois remarquables, attirées par les lagunes, et étend le secteur protégé constitué par la station d’épuration. Sur le plan climatique, il entretient localement une humidité estivale parfois appréciable. Sur le plan esthétique, il préserve un élément marquant, agréable du paysage, et fournit un contrepoint plaisant aux étendues verdoyantes des filtres plantés. Sur le plan foncier, il constitue une réserve de terrains à côté d’équipements publics importants et réserve une possibilité d’implantation à long terme, dans un secteur a priori peu sensible (pas d’habitation proche notamment), d’équipements nouveaux qui seraient imposés par des évolutions démographiques ou réglementaires inconnues aujourd’hui.
Conclusion
Les exemples de Saint-Étienne-de-Tulmont et de Négrepelisse montrent que l’intégration de lagunes existantes dans une filière neuve de filtres plantés permet d’améliorer le rejet (particulièrement en été, au moment où le cours d’eau récepteur est le plus sensible à la pollution générée par la station) et de différer la mise en œuvre de l’extension de la station, moyennant un surcoût faible tant en réalisation qu’en exploitation.
En somme, une dépense minime permet de valoriser un élément remarquable du patrimoine communal.

