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Floculation des boues : méthode d'essais pour l'optimisation de leur épaississement/déshydratation

30 septembre 2008 Paru dans le N°314 à la page 75 ( mots)
Rédigé par : David CHéZAUD et Pascal GINISTY

La valorisation et l'élimination des boues de station d'épuration utilisent toujours un traitement pour la concentration de la matière sèche par épaississement et/ou déshydratation mécanique. Ce traitement passe par un conditionnement physico-chimique de coagulation floculation qui met les matières solides sous une forme telle qu'elles peuvent être séparées à l'aide d'un décanteur, d'une table d'égouttage, d'un filtre à bandes presseuses, d'un filtre-presse ou d'une décanteuse centrifuge. Ce sont la nature et la dose du (des) réactif(s) qui contrôlent la taille des flocs et leur résistance aux contraintes mécaniques qu'ils subissent lors de leur parcours à l'intérieur des technologies de séparation. Nous présenterons les méthodes de caractérisation des flocs et la méthodologie d'optimisation (E.C.O.FLOC) de l'opération de conditionnement chimique d'une boue pour maximiser la siccité en sortie d'épaississement et de déshydratation tout en limitant la consommation de polymère.

Pascal Ginisty et David Chézaud

Département Études & Recherches appliquées,Institut de la Filtration et des Techniques Séparatives (I.F.T.S)

La valorisation et l’élimination des boues de station d’épuration utilisent toujours un traitement pour la concentration de la matière sèche par épaississement et/ou déshydratation mécanique. Ce traitement passe par un conditionnement physico-chimique de coagulation-floculation qui met les matières solides sous une forme telle qu'elles peuvent être séparées à l'aide d’un décanteur, d’une table d’égouttage, d’un filtre à bandes presseuses, d’un filtre-presse ou d’une décanteuse centrifuge.

Ce sont la nature et la dose du (des) réactif(s) qui contrôlent la taille des flocs et leur résistance aux contraintes mécaniques qu’ils subissent lors de leur parcours à l’intérieur des technologies de séparation.

Nous présenterons les méthodes de caractérisation des flocs et la méthodologie d’optimisation (E.C.O.FLOC) de l’opération de conditionnement chimique d’une boue pour maximiser la siccité en sortie d’épaississement et de déshydratation tout en limitant la consommation de polymère.

Le problème posé par le devenir des boues résiduaires urbaines et industrielles est primordial pour l’ensemble des intervenants des métiers de l’assainissement. Les difficultés générées par les boues devraient aller en s’accentuant, du fait d’une part de l’augmentation prévisible des quantités produites (40 % minimum pour les 10 ans à venir) et d’autre part des restrictions d’utilisation voire de l’interdiction des filières d’élimination actuelles.

L’évolution récente du cadre réglementaire de la valorisation des boues d’épuration impose à leur producteur d’une part d’en réduire leur volume et d’autre part de choisir la filière la plus fiable et la plus économique de leur élimination. Quelle que soit la filière utilisée : valorisation agricole, compostage, incinération en solo ou avec les ordures ménagères ou d’autres déchets industriels, sa mise en œuvre est d’autant plus facile que la boue est riche en solides, donc mieux déshydratée : meilleur

Mots clés : Floculation des boues - Épaississement - Déshydratation - Tests laboratoire

à utiliser puis leur dose optimale.

LLET.S a conduit un travail de recherche :

  • pour identifier les méthodes de caractérisation des flocs qui rendent mieux compte de leur aptitude à être épaissis et déshydratés ;
  • pour définir une méthodologie de la floculation.
[Photo : Réacteur de floculation en laboratoire]

PCI, valeur agronomique accrue, moindres nuisances et coût de transport et de stockage réduits.

Il est indispensable de pousser au maximum la déshydratation, quelle que soit la technologie utilisée (table d’égouttage, décanteuse centrifuge à vis, filtre-presse, filtre à bandes).

Le conditionnement physico-chimique des boues est une étape clé de tout processus de concentration des solides. Il consiste à ajouter des réactifs chimiques dans la boue afin d'assembler les particules colloïdales dispersées en flocs plus gros, ce qui facilite d'autant la séparation solide-liquide.

On constate en effet :

  • une amélioration des propriétés mécaniques de la boue : elle résiste mieux aux contraintes de cisaillement (centrifugeuse) et de pressage ;
  • une réduction de la pollution de l’eau interstitielle : retournée en tête de station, elle réduit la charge polluante à traiter ; épandue ou stockée, elle évite le ruissellement ou la pollution des sous-sols ;
  • un accroissement de la vitesse de déshydratation ;
  • une moindre nuisance et une meilleure stabilité dans le temps.

Ce conditionnement physico-chimique peut être réalisé avec une grande diversité de réactifs minéraux ou organiques (sels métalliques, polymères), qui neutralisent les charges de surface des solides et favorisent leur agglomération.

La complexité des processus de floculation et la diversité et la variabilité des boues à traiter expliquent qu’il n’existe pas de traitement, ni de produit de conditionnement miracle. Des essais de faisabilité et d’optimisation sont donc toujours nécessaires pour trouver la nature du ou des produits des boues qui produisent en laboratoire des flocs de manière répétable et se comportant, lors de leur traitement, comme ceux que traitent les équipements industriels en station d’épuration.

Cette méthodologie, validée lors d'une étude comparée laboratoire/site industriel, peut être utilisée aujourd’hui pour :

  • vérifier, sinon corriger, la dose d’emploi d’un coagulant ou d’un floculant pour maximiser la siccité finale de la boue en sortie de la filière de traitement des boues sans nécessiter d’essais à l’échelle industrielle ;
  • tester d’autres réactifs pour augmenter la siccité finale des boues déshydratées ou en réduire la consommation.

D’un point de vue technique et économique, E.C.O.FLOC (optimisation de la dose pour une nature de polymère) ou E.C.O.FLOC+ (comparaison de polymères et détermination de la dose optimale pour les floculants les mieux adaptés) permettent aux industriels qui exploitent leur station d’épuration ou aux collectivités de comparer objectivement les performances annoncées par les fournisseurs.

C’est actuellement la seule et unique prestation capable d’aider les acheteurs à déterminer techniquement l’efficacité d’un polymère. De plus en plus, les industriels ou les collectivités nous sollicitent pour intégrer E.C.O.FLOC+ dans les appels d’offres de fourniture de polymère ou simplement pour remettre en cause et valider les conditions d’exploitation d’un poste de floculation, déshydratation des boues.

Méthodologie de la floculation des boues au laboratoire

Principe de la méthode

Le choix du produit de conditionnement et de sa dose repose sur des essais d’optimisation en laboratoire. Si les processus chimiques sont importants (nature du réactif, dose...), le protocole (type d’agitation, vitesse, mode d’addition du polymère...) selon lequel le réactif est mélangé à la boue est également déterminant. Effectivement, la taille des flocs va être modifiée avec la variation du taux de turbulence et de cisaillement dans le mélangeur. Dans un premier temps, le mélange doit être assez puissant afin de disperser le polymère et de permettre un contact rapide avec la boue. Ensuite, durant la phase de floculation proprement dite, il doit être suffisamment doux pour permettre l’agglomération et la maturation des flocs. Par conséquent, l’unité de conditionnement doit être capable de faire varier le taux de turbulence en fonction des caractéristiques des boues.

De nombreux travaux de recherche ont été publiés et autant d’études ont été menées sur la floculation des eaux. Elles ont permis de développer des outils (jar-test) et des protocoles universellement utilisés pour son optimisation. Ils ne peuvent être appliqués au conditionnement de la boue en raison des plus fortes concentrations en solides, de la viscosité de la suspension floculée et de cinétiques de mélange beaucoup plus rapides.

Relativement peu de données quantitatives sont disponibles sur le conditionnement des boues en raison de leur complexité et de leur variabilité et seules des méthodes d’optimisation manuelles, intuitives et propres à chaque spécialiste sont mises en œuvre.

Pour ces raisons, il est nécessaire de disposer d’un appareillage et d’une procédure opératoire qui permettent de floculer la boue en laboratoire en conditions quantifiées et répétables, indépendantes du savoir-faire de l’opérateur.

Outils de laboratoire

La floculation des boues en laboratoire est réalisée selon la méthodologie définie dans la norme européenne EN 14 742 permettant d’assurer une bonne préparation de l’échantillon floculé.

Le mélange est opéré dans les conditions d’agitation définies par Rushton qui fixent le diamètre et la position de l’agitateur et le volume de boue. Le mobile d’agitation est une hélice tripale qui crée un débit de circulation suffisant sans cisailler.

[Photo : Figure 2 : Principe de fonctionnement du Turbiscan et résultat type de suivi d’une floculation.]

Le mélange est réalisé sous cisaillement contrôlé en conditions quantifiées et répétables en découplant les phases de dispersion du polymère et de maturation des flocs.

Il peut être quantifié par deux grandeurs macroscopiques, utilisées pour la floculation :

  • La durée d’agitation : t,
  • Le gradient d’énergie : G défini par la relation :
G = P / (μ × V)

Avec :

  • P : puissance dissipée par le mobile d’agitation
  • μ : viscosité de la boue
  • V : volume de boue

La phase de dispersion du polymère a pour rôle de répartir le polymère de la manière la plus homogène possible dans tout le volume de boues avant l’apparition des premiers flocs. Elle est réalisée à fort niveau de cisaillement (nombre de Camp G : 3 000 à 5 000 s⁻¹) sur une période très courte (< 5 s).

La phase de maturation du polymère a pour rôle de permettre la croissance des flocs en préservant leur intégrité. Elle est réalisée à bas niveau de cisaillement (nombre de Camp G compris entre 200 et 1 000 s⁻¹) sur une période de temps plus longue (quelques dizaines de secondes en fonction de la forme physico-chimique du polymère et de la concentration de la boue et du polymère) pour éviter une déstructuration des flocs formés.

Le Turbiscan (figure 2), appareil permettant de suivre la croissance et la déstructuration des flocs en continu, a été très utile pour ajuster précisément les paramètres relatifs à chacune de ces phases et pour contrôler la cinétique de deux processus compétitifs : l’agglomération et la destruction des flocs sous cisaillement.

Son fonctionnement est basé sur une mesure de diffusion multiple de la lumière par transmission ou rétrodiffusion. Il effectue une analyse cinétique qui permet de détecter la floculation à un stade naissant et de la suivre jusqu’à la cassure des flocs. Un exemple en est donné figure 2.

Caractérisation des flocs

L’objectif de la caractérisation des flocs est de relier l’efficacité de la floculation des boues à une (ou plusieurs) propriétés de la boue en relation avec le type de traitement que subissent les flocs dans un équipement d’épaississement ou de déshydratation. Des tests comparatifs et spécifiques à chaque technique permettent de classer l’efficacité des différents réactifs testés et leurs doses respectives.

Les tests de laboratoire à développer pour optimiser la floculation d’une boue avant un épaississement ou une déshydratation doivent être faciles et rapides à mettre en œuvre et simuler le plus fidèlement possible le processus réel de concentration des solides.

Épaississement par décantation

Pour un épaississement dans un décanteur, on recherchera des flocs avec une cinétique rapide de sédimentation permettant la libération d’un surnageant clair et la formation de sédiments de siccité élevée.

Une sélection rapide des polymères et de leur dose est réalisée par la mesure d’un indice de boues selon les normes européennes EN 14702-1 et 14702-2.

Les cinétiques de sédimentation et de compression sont obtenues en suivant l’interface solide-liquide dans une colonne de 2 m de haut selon la norme NF T 97-001 et en mesurant la siccité des boues épaissies. Un exemple d’appareillage et de résultats est donné figure 3.

[Photo : Figure 3 : Exemple d’appareillage et de résultats de tests de décantation.]

Épaississement sur table d’égouttage

Pour une table d’égouttage, on cherchera un floc qui libère le maximum d’eau pendant les 30 premières secondes avec une perte minimale de solides dans le filtrat et un solide le plus sec possible en sortie machine.

Les essais consistent à égoutter la boue floculée sur une cellule d’égouttage équipée d’une toile de table d’égouttage industrielle (projet de norme européenne EN 14701-4), à enregistrer le volume de filtrat écoulé en fonction du temps et à mesurer la siccité de la boue obtenue.

Un exemple d’appareillage et de résultat est donné figure 4.

[Photo : Exemple d’appareillage et de résultats de test d’égouttage.]

Déshydratation sur filtre-presse

Pour un filtre-presse, on cherchera à générer des flocs qui possèdent une bonne aptitude à la déshydratation sous pression avec la plus faible résistance spécifique possible, une siccité élevée de la boue, un filtrat clair et un décollement aisé du gâteau des toiles filtrantes.

Les essais consistent à reproduire les conditions de marche d’un filtre à bandes (pression variable, faible durée de pressage, faible épaisseur de boues, toile filtrante très perméable) dans une cellule de filtration-compression munie d’un piston, à enregistrer le volume de filtrat écoulé au cours du temps et à mesurer la siccité de la boue obtenue. Les appareillages et les procédures opératoires sont décrits dans les normes EN 14701-2 et NF T 97-001 et un exemple est donné figure 5.

[Photo : Exemple d’appareillage et de résultats d’essai de filtration-compression.]

Déshydratation sur filtre à bandes

Pour un filtre à bandes, on cherchera des flocs qui possèdent une bonne aptitude à l’égouttage et à la déshydratation sous pression, qui résistent bien au cisaillement, qui produisent un gâteau de siccité aussi élevée que possible et un filtrat clair.

Les essais consistent à cisailler la boue pendant des durées variables et à mesurer son temps de succion capillaire (TSC) selon la norme européenne EN 14701-1. L’augmentation du TSC avec la durée de cisaillement devra être la plus faible possible. Un exemple d’appareillage et de résultat expérimental est donné figure 6.

[Photo : Exemple d’appareillage et de résultats d’essais de TSC-cisaillement.]

Déshydratation par centrifugation

Pour une décanteuse centrifuge à vis, on recherchera des flocs résistants, capables de refloculer après cisaillement, une siccité élevée des boues et un centrat clair.

Les essais consisteront à centrifuger la boue dans une centrifugeuse de laboratoire avec des conditions opératoires représentatives des conditions industrielles (temps de séjour, accélération centrifuge) et à mesurer la siccité obtenue.

[Photo : Exemple d’appareillage et de résultats d’essai de centrifugation.]

Une alternance cisaillement de la boue/compression devra être appliquée pour casser les zones de rétention d'eau dans la matrice floculée. Un exemple d’appareillage et de résultat est donné figure 7.

Conclusion et perspectives

La recherche menée par l’I.F.T.S a permis de valider une nouvelle méthodologie d’optimisation de la floculation (E.C.O.FLOC) des boues d’épuration en préalable à leur épaississement et à leur déshydratation sur les trois familles d’équipements rencontrés sur les stations d’épuration tant urbaines qu’industrielles que sont les épaississeurs statiques et mécaniques, les filtres à bandes et à plateaux et les centrifugeuses.

La comparaison des résultats obtenus en laboratoire et sur site industriel a montré que les tests étaient fiables pour déterminer le(s) réactif(s) les plus efficaces et la dose ou plage de doses optimale. Les meilleurs résultats mesurés en laboratoire conduisent aux meilleures performances sur site.

Des recherches sont actuellement en cours pour améliorer la fiabilité des prévisions données par ces tests pour le filtre à bandes et la décanteuse centrifuge à vis, ce qui passe par une meilleure connaissance des contraintes que subissent les flocs dans ces machines pour les reproduire le plus fidèlement possible en laboratoire.

La variabilité de la boue est un souci pour les exploitants des stations d’épuration qui doivent en permanence ajuster les conditions de marche de la machine et qui surdosent et donc gaspillent le réactif pour s’en affranchir.

La réalisation régulière de tests simples en conditions répétables et quantifiables permet d’appréhender cette variabilité de la boue et son influence sur les performances des équipements d’épaississement et de déshydratation.

L'enjeu est une réduction des coûts de fonctionnement de la station d’épuration par une diminution de la consommation de polymère et/ou un gain sur la siccité des boues épaissies ou déshydratées.

[Encart : Bibliographie des normes Normes européennes rédigées par le CEN/TC 308 sur la caractérisation des boues + EN 14742 : Caractérisation des boues – Mode opératoire de conditionnement chimique en laboratoire. + EN 14702-1 : Caractérisation des boues – Propriétés de sédimentation – Partie 1 : détermination de l'aptitude à la sédimentation (détermination du volume de boues et de l'indice de boues). + EN 14702-2 : Caractérisation des boues – Propriétés de décantation – Partie 2 : détermination de l'aptitude à l’épaississement. + EN 14701-1 : Caractérisation des boues – Propriétés de filtration – Partie 1 : détermination du temps de succion capillaire. + EN 14701-2 : Caractérisation des boues – Propriétés de filtration – Partie 2 : détermination de la résistance spécifique à la filtration. + prEN 14701-4 : Caractérisation des boues – Propriétés de filtration – Partie 4 : détermination de l'aptitude à l’égouttage (sous presse). Autres normes * NFT 97-001 : Détermination des caractéristiques de la boue en liaison avec l’aptitude à la concentration.]
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