La norme européenne EN 14742 « Caractérisation des boues - Mode opératoire de conditionnement chimique en laboratoire » vient d’être publiée en juin 2015. Ce texte produit par le comité de normalisation européen CEN TC 308 est le résultat de divers travaux : expérimentation en laboratoires français et étrangers, confrontation à des résultats de « production » machines en stations de traitement des boues urbaines et industrielles, conception et validation d’un outil d’essais en laboratoire et d’un outil terrain pour tester la floculation. Méthode, norme et outils d’essais sont maintenant disponibles :
- * pour les exploitants des filières d’épaississement et de déshydratation des boues qui souhaitent vérifier et ajuster si nécessaire les doses et/ou la nature du ou des réactifs qu’ils utilisent pour gérer au mieux les coûts de fonctionnement,
- * pour les fabricants/fournisseurs de réactifs, coagulants et floculants, qui trouvent là un mode de qualification de leurs produits pour leurs propriétés d’application chez leurs clients,
- * pour les équipementiers ou bureaux d'études qui peuvent confirmer les filières complètes de conditionnement de boues.
L’épaississement des boues primaires, activées, digérées ou de procédés industriels utilisent des décanteurs, des flottateurs ou des tables d’égouttage ; la déshydratation mécanique des presses à bandes ou à vis,
[Photo : Campagne d’essais inter-laboratoires pour la norme européenne sur le conditionnement chimique par floculation des boues au laboratoire ; (a) et (b) experts européens réunis dans les laboratoires de l’IFTS pour mener de nombreux essais pour valider la méthode en cours de normalisation ; (c) différents échantillons produits à l’issue des essais de floculation ; (d), (e) et (f) différentes boues floculées en cours d’essais.]
Des filtres-presses à plateaux ou des décanteuses centrifuges permettent de :
- - réduire la quantité d’eau interstitielle de 90-99 % (valeur initiale) à 70-85 % (après déshydratation),
- - rendre les boues traitées dans une consistance et une présentation qui permettent leur manutention, leur transport sans égouttures, leur stockage,
- - limiter les coûts des opérations ultérieures (transport, séchage, valorisation matière, élimination).
Les coûts d’exploitation de ces filières en station d’épuration sont très dépendants du conditionnement chimique (coagulation, floculation, chaulage) préalable des boues. Son optimisation est donc importante.
L’addition des réactifs chimiques dans la boue doit assembler les particules colloïdales dispersées en flocs plus gros, plus compacts pour :
- - faciliter la séparation solide-liquide et avoir à la fois un bon taux de capture des solides dans les flocs,
- - faciliter l’expulsion de l’eau et atteindre une siccité élevée de la boue finale traitée.
Méthode normalisée
De nombreux paramètres chimiques et physiques influencent la consistance d’une boue floculée et son comportement lors de la séparation liquide-solide.
Les travaux des membres du comité de normalisation CEN TC 308, menés sur plusieurs années, ont conduit à dégager les conditions opératoires les mieux adaptées pour conduire les essais de floculation en laboratoire et produire des flocs répétables dont les caractéristiques en fin d’épaississement ou de déshydratation coïncident avec les qualités des flocs produits et traités sur machines à grande échelle sur sites industriels. Ce mode opératoire forme le cœur de la méthode normalisée EN 14742. Cette méthode a fait l’objet d’une validation dans le cadre d’un essai inter-laboratoires européen. Quinze experts, dont l’IFTS, venus de six pays, ont mené 270 essais de floculation sur des boues activées, des boues digérées et des boues d’eau potable à l’aide de trois réactifs de floculation différents.
Les données de validation, examinées conformément aux prescriptions statistiques de l’ISO 5725-2, sont consignées dans la norme EN 14742. Les valeurs moyennes des écarts-types relatifs à la répétabilité ont été de 1,8 % (min. 0,9 % – max. 3,5 %) ; celles correspondant à la reproductibilité ont été de 2,9 % (min. 1,5 % – max. 5,5 %), valeurs tout à fait acceptables pour inscrire cette méthode dans une norme. La norme EN 14742 décrit le mode opératoire pour floculer en discontinu une boue ou une suspension afin de déterminer la nature du réactif, le dosage et la séquence d’ajout d’un ou plusieurs réactifs.
Les moyens à utiliser doivent assurer une bonne dispersion initiale des produits sans cisaillement intense qui nuirrait à la floculation à étudier.
Les dimensions du « réacteur agité » de laboratoire et les caractéristiques de l’agitation sont ainsi décrites dans la norme. Le mode opératoire détaille chacune des étapes des essais et argumente les choix des différentes conditions au regard des effets négatifs qu’ils pourraient développer.
Moyen d’essai : le Bootest Laboratoire et le Bootest Terrain
Au vu de la sensibilité des résultats de floculation des boues ou des suspensions à la mise en œuvre des essais, l’IFTS a conçu et
[Photo : Schéma et photo du Bootest Laboratoire. © Cellules de floculation agitées (pales réglables et fond à ouverture automatique) ; © Choix des vitesses d’agitation ; © Choix des temps d’agitation ; © Entonnoirs de transfert ; © Cellules d’égouttage ; © Collectes et pesées du filtrat.]
[Photo : Bootest Terrain]
développé pour cela un appareil spécifique, le Bootest, en parallèle aux travaux menés pour définir les meilleures conditions de floculation des boues au laboratoire en permettant l’application de la norme.
Il développe la procédure simple et fiable :
- un transfert automatique et direct de la boue floculée dans la cellule d’égouttage,
- une cellule d’égouttage,
- une pesée de la masse de filtrat écoulée au cours du temps,
- l’enregistrement des conditions d’essais et le relevé de production en continu.
Cet appareil permet :
- la coagulation-floculation des échantillons de boues avec différents floculants sous conditions maîtrisées, quantifiées et répétables, indépendamment de l’opérateur,
- la mesure de l’aptitude à l’égouttage des boues floculées, base du dimensionnement et de l’optimisation des tables d’égouttage,
- l’optimisation, en conditions répétables, maîtrisées et traçables, de la nature et de la dose des floculants utilisés en déshydratation sur filtre à bande, sur filtre-presse et sur centrifugeuse,
- la préparation de boues floculées épaissies reproductibles pour étudier leur déshydratation par filtration sous pression ou centrifugation (tests sur banc d’essais de filtration-compression ou sur centrifugeuse à godets) ou pour fiabiliser les mesures de siccité limite (ce paramètre dispose d’une méthode normalisée en cours de révision à l’AFNOR).
Le Bootest Laboratoire, très fonctionnel, permet d’enchaîner des essais de floculation très rapidement en laissant à l’opérateur le choix des conditions de la floculation (nature et dose de réactifs).
Les résultats de répétabilité/reproductibilité décrits dans la norme EN 14742 ont été produits avec cet outil.
L’IFTS a aussi développé un équipement, le Bootest Terrain, plus adapté aux besoins des exploitants d’usines d’épuration, pour les assister dans leur démarche quotidienne d’adaptation du conditionnement chimique à la variabilité de la boue et à la diminution des coûts d’exploitation.
L’appareil Bootest Terrain est pratique (figure 3) pour conduire des essais sur site (en station d’épuration) de floculation des boues selon la méthode normalisée. De taille et poids réduits (moins de 20 kg, valise, gabarit bagage cabine d’avion) il est très maniable et facile à utiliser ; il fonctionne à l’électricité suivant un programme des séquences d’agitation (vitesses et durées) et d’enregistrement du volume de filtrat écoulé.
Les résultats produits par le Bootest Terrain renseignent l’exploitant sur la dose juste nécessaire de floculant. Il pourra ajuster en temps réel la dose industrielle en conséquence et supporter des variations de qualité de boue tout en maintenant la siccité des boues déshydratées et la productivité de la filière boues, en réduisant la consommation de polymères et en évitant les surdosages.
Le tableau 1 compare les deux équipements.
Tableau 1 : Comparaison du Bootest Laboratoire et du Bootest Terrain
| Matériel |
Bootest Laboratoire |
Bootest Terrain |
| Caractéristiques |
1 à 2 cellules |
1 : 1 cellule |
| Poids total |
< 40 kg |
< 15 kg |
| Dimensions L x l x h |
0,65 × 0,7 × 1 m |
0,35 × 0,4 × 0,35 m |
| Affichage |
Écran PC |
Afficheur digital + Écran PC |
| Volume boues |
350 × 2 mL |
350 mL |
| Alimentation |
220 V, 16 A – Air (6 bar) |
220 V, 16 A – prise domestique |
| de série |
PC, logiciels d’acquisition, de traitement des résultats |
|
| ou en option |
2 à 4 autres cellules |
|
Des essais de répétabilité (en triplicats par le même opérateur) et de reproductibilité ont été réalisés ; les résultats sont présentés au tableau 2.
Tableau 2 : Comparaison du Bootest Laboratoire et du Bootest Terrain
| Bootest |
Paramètre |
M10 (%) |
M30 (%) |
M90 (%) |
t50 (s) |
Sicc (%) |
MES (g/L) |
| Terrain |
Valeur moyenne |
34,5 |
54,2 |
61,7 |
23,1 |
4,96 |
0,307 |
| SD répétabilité |
2,8 |
2,1 |
0,7 |
3,5 |
0,042 |
0,012 |
| CV répétabilité (%) |
8,57 |
3,97 |
1,15 |
14,4 |
0,88 |
4 |
| SD reproductibilité |
2,6 |
1,61 |
0,76 |
3,4 |
0,134 |
0,032 |
| CV reproductibilité (%) |
7,53 |
2,97 |
1,24 |
13,4 |
2,64 |
10,6 |
| Laboratoire |
Valeur moyenne |
34 |
56,5 |
63,5 |
19 |
4,91 |
0,415 |
| SD répétabilité |
3,19 |
2,48 |
1,31 |
1,42 |
0,15 |
0,077 |
| CV répétabilité (%) |
8,52 |
4,38 |
2,43 |
13,4 |
1,48 |
1,78 |
| SD reproductibilité |
4,06 |
3,24 |
1,81 |
1,88 |
0,237 |
0,04 |
| CV reproductibilité (%) |
11,2 |
6,39 |
3,07 |
18,7 |
2,63 |
10,8 |
(M10, M30, M90 : masse filtrante initiale à t = 10, 30 et 90 s ; t50 : durée pour récupérer 50 % du volume de filtrat produit en 2 min ; Sicc : siccité de la boue épaissie par filtration gravitaire ; MES : teneur en MES du filtrat ; SD : écart-type ; CV : coefficient de variation – écart-type/moyenne)
(3 opérateurs différents) ont été menés sur une boue activée floculée avec un polymère moyennement réticulé à 14 kg/T MS. Les résultats sont regroupés dans le tableau 2.
Les résultats obtenus sur le Bootest Terrain mettent en évidence des résultats similaires à ceux obtenus avec le Bootest Laboratoire. Les coefficients de variation en répétabilité et reproductibilité sont conformes à ceux obtenus à l’échelle laboratoire et spécifiés dans la norme EN 14742.
Conclusions
Pour améliorer les performances de la filière traitement des boues et réduire ses coûts, il est nécessaire d’optimiser la première étape de floculation des boues.
Or, les pratiques courantes d’essais de floculation n’assurent ni traçabilité, ni répétabilité, ni précision aux résultats, conduisant à des surdosages coûteux de réactifs parfois voire souvent inefficaces.
La recherche expérimentale menée par l’IFTS sur la floculation des boues depuis quelques années et son rôle actif dans le comité de normalisation européen CEN TC 308 s’est matérialisée par la construction du Bootest et le développement de la méthode d’essais associée devenue la norme européenne EN 14742 publiée en juin 2015.
Ils sont l’outil et la méthode de référence européens pour la floculation des boues, même chargées ou visqueuses. Ils permettent de floculer à l’échelle du laboratoire dans des conditions rigoureusement identiques, contrôlées, quantifiées et répétables et de qualifier l’aptitude des flocs formés à être épaissis.
Pour répondre aux besoins de la profession, l’IFTS propose deux équipements :
- • un Bootest Laboratoire pour optimiser les conditions de floculation (nature des réactifs, dose) lors de l’épaississement des boues et fiabiliser les tests de déshydratation ultérieurs,
- • un Bootest Terrain pour contrôler la floculation et ajuster ses conditions à la variabilité de la boue en vue de réduire les coûts de la filière boue.
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