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Gestion automatisée du stockage des boues sur la station d'épuration de Besançon

29 decembre 2000 Paru dans le N°237 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : Michel RIOTTE et Johanne GROS

Cet article présente le procédé de stockage des boues déshydratées développé pour la station d'épuration de Port Douvot. L?innovation consistait à utiliser, pour la première fois en France, un grappin embarqué sur un pont roulant, pour d'une part répartir les boues sur l'ensemble de l'aire de stockage - aire aux dimensions exceptionnelles -, d'autre part les charger dans des camions en direction des champs où elles sont ensuite épandues. Fortement automatisé, économique et efficace, ce système prototype présente de nombreux avantages par rapport à une installation classique, et donne entière satisfaction à l'exploitant.

La station d’épuration de la ville de Besançon, à Port Douvot, traite en moyenne 30 000 m³ d’effluents par jour, ce qui correspond à 200 000 équivalents habitants (les eaux se rejetant ensuite dans le Doubs). Les boues issues de ce traitement, une fois digérées et déshydratées, doivent pouvoir être épandues par les agriculteurs locaux

[Photo : Station d’épuration de Port Douvot]

sur leurs champs. Cette pratique, justifiée par la valeur agronomique des boues (elles contiennent azote et phosphore), est très répandue en France, et particulièrement courante à Besançon, du fait de la composition spéciale des boues (faible teneur en métaux lourds : cadmium, mercure, plomb) et de l'importante demande de la part des agriculteurs (cultures extensives). Cependant, elle nécessite une surveillance rapprochée, car il faut éviter tout risque de transfert de pollution vers les terrains cultivés.

Réformes réglementaires sur le recyclage en épandage des boues d’épuration

La réglementation concernant la valorisation en épandage des boues d’épuration a été modifiée en janvier 1998 par le ministère de l’Environnement. La réforme visait à fiabiliser cette pratique, en imposant notamment des conditions plus strictes sur la qualité des boues épandues. Il faut maintenant, par exemple, en connaître la valeur fertilisante et la teneur en micropolluants métalliques.

Ces nouvelles obligations réglementaires ont conduit la mairie de Besançon à repenser globalement la filière de traitement des boues de sa station, et notamment son aire de stockage des boues déshydratées : il fallait une structure de capacité correspondant à plusieurs mois de fonctionnement de la centrale (capacité adaptée aux délais d’analyse et aux contraintes des agriculteurs), avec un cloisonnement des stocks en différents casiers, étanches les uns par rapport aux autres.

Elle a validé un projet et lancé un appel d’offre à ce sujet.

Le projet

L’appel d’offre comprenait, en tranche conditionnelle, la construction d’une aire de stockage munie d’un système de vis permettant de répartir les boues sur l’ensemble de l’aire.

Stereau a pensé pour cette répartition à utiliser un grappin de la société Mennesson embarqué sur un portique couvrant la totalité du silo à boues, idée innovante dans la mesure où l’on n’avait jamais encore utilisé de grappin pour le déplacement de boues. Son offre était intéressante : le système bien adapté à la situation, le prix inférieur à ceux des propositions concurrentes et des garanties plus grandes. La mairie de Besançon lui a confié cette affaire, de 10 millions de francs HT, dont 3,2 millions consacrés à l’aire de stockage.

Les travaux ont débuté en mai 1998 pour s’achever en juin 1999.

L’aire de stockage des boues déshydratées

Elle comprend trois compartiments étanches d’environ 30 mètres sur 12 et de 3,5 mètres de hauteur. Les casiers sont délimités par des voiles en béton armé qui supportent le pont roulant. L’aire est ouverte sur le dernier côté afin que les camions puissent venir se faire charger à l’intérieur du hangar.

D’une capacité totale de 3500 m³, l’aire permet de stocker un volume de boue correspondant à plus d’un mois et demi de production de la station dans chacun de ses trois casiers.

La pente sur radier de 1 % permet l’écoulement des eaux de pluie et de lavage dans un caniveau longeant l’aire au niveau de l’entrée des camions.

Sécurité

Des barrières de sécurité interdisent l’entrée dans l’aire de stockage pendant les déplacements du pont et du grappin en mode automatique.

Chaque compartiment est muni d’une cellule

[Photo : La décantation lamellaire]

photoélectrique arrêtant automatiquement pont et grappin dès qu'une intrusion est détectée.

Architecture

L’aire est surmontée d'une charpente en lamellé-collé supportant une couverture en acier prélaqué 2 faces, couverture qui allie fonctionnalité (elle garde les lots analysables au sec sur une période de plusieurs mois) et esthétique.

Le trajet des boues déshydratées

  1. Les boues déshydratées en provenance des centrifugeuses sont déposées par une vis inclinée dans un coin du casier n° 1 (dépotage). Environ 40 tonnes arrivent ainsi chaque jour dans l'aire de stockage. En raison de sa siccité, la boue forme un demi-cône appuyé dans le fond du casier. Ce cône (représentant la production quotidienne) a un diamètre inférieur de 10 m environ, l'angle du talus étant de l'ordre de 40° à 45°.C'est au niveau de la vis inclinée que sont prélevés quotidiennement les échantillons de boue destinés aux analyses.
  2. Une fois le dépotage terminé, le grappin se met automatiquement en marche pour reprendre les boues et les transporter sur un emplacement précis (programmé à l’avance par l'exploitant) de l'un des trois casiers (répartition). Le grappin balaye la totalité de la zone de réception des boues et la nettoie parfaitement.Une fois réparties, les boues peuvent rester stockées pendant plusieurs mois. Ce temps correspond aux analyses obligatoires sur les boues avant l’épandage, ou aux délais des agriculteurs, qui ne peuvent pas épandre n'importe quand.
  3. Les boues sont enfin reprises et chargées dans des camions (chargement) qui les emmènent dans des champs ou en décharge. La largeur des compartiments permet aux camions d’entrer à l'intérieur des casiers et le grappin peut les charger lui-même. L’utilisation supplémentaire d’un chargeur à roues, plus rapide que le grappin mais moins propre, n'est donc pas indispensable.

L’aire de stockage est ainsi conçue pour comprendre en permanence :

  • - un casier en cours de remplissage
  • - un casier plein en attente d’analyses
  • - un casier en cours d’évacuation
[Photo : Le pont roule sur les voies de séparation des casiers, et le grappin est mobile le long du pont]

Le portique et le grappin

Le grappin, monté sur le portique triple, opère sur la totalité de l'aire sans espace mort.

Les parois des casiers qui compartimentent l’aire à boues servent de chemin de roulement et supportent les rails sur lesquels circulent les sommiers synchronisés du portique. Cette solution permet au grappin de rester indépendant du bâtiment enveloppe, qui est ainsi allégé.

Le grappin, de type électro-hydraulique, est à deux coquilles.Un soin particulier a été porté à leur profil afin que les boues même collantes glissent facilement. Sa forme lui permet également de travailler sur le cône de dépose des boues sans se renverser, malgré l’angle de talus très important. Enfin, il présente la particularité de travailler aussi bien avec des boues fraîches qu’avec des boues tassées, tout en conservant un bon coefficient de remplissage.Il est protégé contre la surcharge et accepte les longues séquences d’évacuation imposées par la marche automatique.

Fonctions et avantages du grappin

Le premier rôle du grappin est de déplacer quotidiennement les boues arrivant à l’extrémité du casier n° 1 par la vis de dépotage, à un emplacement précis, fixé à l’avance par l'exploitant, de l'un des trois casiers (réparti

[Photo : Le grappin se charge dans la zone de réception des boues]

Il présente pour ce faire deux avantages qu’un système de vis horizontales ne pourrait avoir :

  • Il permet tout d’abord d’effectuer des tas de hauteur constante puisqu’il peut se rendre en n’importe quel point de l’aire de stockage (alors qu’une vis ne dépose la boue qu’en un seul point fixe). On atteint ainsi pour chaque casier un volume de stockage maximal.
  • D’autre part, grâce à sa mobilité verticale, il permet d’éviter les effets du « bombardement » (dépose depuis une forte hauteur, inévitable avec la solution « vis »). Le grappin sait en effet déduire la hauteur où déposer les boues de la hauteur du tas existant.

Dans un second temps, le grappin reprend les boues stockées dans un casier pour les charger dans un camion. Il peut ainsi suppléer un chargeur, ce qui représente une économie financière tout en évitant de salir tout le hangar (le chargeur roule sur les boues). Le grappin permet de charger un camion de 20 m³ en 20 minutes (ou 12 m³ en 12 minutes).

Maintenance

L’emploi d’équipements modulaires simplifie la maintenance.

La plupart des sous-ensembles mécaniques (réducteurs, centrale électro-hydraulique) sont sous carter étanche noyés dans l’huile. Cette technique est particulièrement efficace vis-à-vis des brouillards qui accompagnent la manutention des boues.

Pour la surveillance et la visite des mécanismes, un réseau d’accès par crinoline et passerelle solidaires du portique a été installé ainsi qu’une plate-forme fixe. L’accostage du portique le long de cette plate-forme facilite la maintenance : réglages des fins de course, surveillance des enrouleurs et des câbles se font en toute sécurité.

En fonction maintenance, le grappin est placé sur cette plate-forme, ce qui le rend accessible en toute sécurité.

Un système fortement automatisé

La maintenance est réduite grâce au pilotage de l’ensemble de l’installation par un automatisme évolué qui réduit la consommation d’énergie (mise en route automatique et travail de nuit) tout en optimisant la conduite, ce qui a pour effet de diminuer l’usure. L’automatisme assure la conduite complète du grappin, l’économie d’énergie et le « rangement » de la boue.

L’étape de chargement (et même celle de répartition) peut également s’effectuer en mode manuel, à l’aide d’une radiocommande, qui permet à l’exploitant de diriger les mouvements du grappin de tous les points de l’aire de stockage.

Bilan après un an de fonctionnement

Le fonctionnement du grappin donne entière satisfaction à l’exploitant :

  • le grappin accomplit bien sa tâche de répartition : il se remplit entièrement, se vide sans laisser de boues sur ses parois ;
  • les automatismes s’effectuent de la façon prévue ;
  • le grappin travaille jusqu’à épuisement du tas effectué par la vis au bout du casier 1, il optimise bien les hauteurs de boues dans chaque casier…

Quant au fonctionnement global de la station, il est lui aussi satisfaisant, puisque les analyses révèlent des teneurs en polluants constamment inférieures, d’environ 10 %, aux limites imposées par les nouvelles normes.

Une fois résolus les quelques problèmes de mise en route (réglages du grappin, modifications de l’automate), le temps passé à la maintenance a été très faible : l’entretien du pont, du grappin et des moteurs ne pose pas de problèmes.

Enfin, l’automatisation de ce système limite considérablement, comme prévu, le nombre de personnes nécessaires sur le site pour son fonctionnement (une seule suffit à la gestion de toute l’aire de stockage).

Conclusion

La modernisation de la filière de traitement des boues de la station d’épuration de Port Douvot a permis à la ville d’obtenir de meilleures conditions de recyclage des boues en agriculture et de se conformer à la nouvelle réglementation régissant les épandages.

L’aire de stockage, qui constitue la partie la plus innovante du projet (c’est la première de ce type réalisée en France) donne entière satisfaction.

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