Ne pas subir les casses, les anticiper, investir dans les réparations et la réhabilitation. Les collectivités doivent optimiser leurs investissements et les arbitrer en connaissance de cause pour intervenir au bon moment et au bon endroit. Après des années de recherches puis de développements, des outils informatiques arrivent sur le marché et au sein des grandes entreprises de l'eau. Ils commencent à se déployer. La réforme des collectivités territoriales pourrait contribuer à accélérer le mouvement.
Réalisé par , Technoscope
Ne pas subir les casses, les anticiper, investir dans les réparations et la réhabilitation. Les collectivités doivent optimiser leurs investissements et les arbitrer en connaissance de cause pour intervenir au bon moment et au bon endroit. Après des années de recherches puis de développements, des outils informatiques arrivent sur le marché et au sein des grandes entreprises de l’eau. Ils commencent à se déployer. La réforme des collectivités territoriales pourrait contribuer à accélérer le mouvement.
« Qui a cassé cassera ! Plus un tronçon a subi de casses, plus il a de risques de casser à nouveau » rappelle Moïra Cambrezy de la direction technique de Veolia Eau. « Cette observation est
Bien connaître ses réseaux
Il n’est pas facile de connaître la nature et l'état réel d'un réseau enterré, en supposant que son état initial le soit. Si certains tronçons peuvent être intègres, d'autres peuvent s’être modifiés au fil des ans et des interventions.
Le Cerib a publié en 2007 une étude très complète intitulée « Réseaux d'assainissement : gestion patrimoniale et tuyaux en béton ». Elle reprend les principaux chiffres sur le patrimoine des réseaux (linéaire et répartition des âges selon les tailles des communes et coûts) et expose les modèles de dégradation des réseaux (déterministes, empiriques), les principes d’évaluation de la performance des réseaux. Un document toujours pertinent compte tenu de la durée de vie de ces équipements.
Il met aussi en évidence la notion d’indicateurs pour le diagnostic et l’évaluation des réseaux d'assainissement. L'utilisation d’indicateurs sur les réseaux se généralise (assainissement et eau potable) et se formalise : indicateurs descriptifs des services de l'eau, indicateurs de performance qui touchent aussi bien les prix que les recettes, des rendements linéaires de réseaux, ou des taux de réclamations (décret et arrêté du 2 mai 2007).
Un critère utilisé parmi d'autres dans les outils d'aide à la décision pour organiser les priorités d'intervention sur un réseau d'eau potable. Aujourd'hui, pour maintenir un réseau et l'améliorer, ces outils élaborés sont indispensables.
Tous ces indicateurs permettent de rendre plus objective la connaissance et le fonctionnement des réseaux. Un autre guide réalisé conjointement par le Cerib, le Syntra et la Fédération de l'Industrie du Béton, sorti en 2010, met l'accent sur l'importance de l'investissement dans les réseaux et passe en revue tous les points importants, à commencer par la pose correcte des canalisations pour assurer leur fonctionnalité et leur pérennité ainsi que l'importance et l'utilité des contrôles par caméra.
La connaissance des réseaux se situe dans le cadre général de la gestion des services publics de l'eau potable et de l’assainissement qui fait l'objet de normes élaborées par l'ISO/TC 224 concernant les services et qui sont en cours d’évaluation en 2011 après trois années d'application.
La gestion des réseaux d'eau potable et d’eaux usées est un problème complexe, multivariable, qui évolue dans un horizon de temps allant de quelques années à 30 ans. Veolia Eau, Lyonnaise des Eaux et Saur proposent différents services à leurs clients pour mieux exploiter les réseaux, anticiper les opérations de réhabilitation et, au-delà, prioriser les travaux en fonction des budgets disponibles au sein des collectivités.
Les collectivités en régie directe s’adressent à des prestataires tels que G2C Environnement, qui propose des outils et des services (logiciels Siroco, Indigau), ou IRH Ingénieur Conseil (logiciel Phare, Programme Hiérarchisé d’Aménagements des Réseaux, décliné en assainissement et eau potable) ainsi que Safege, qui a mis en œuvre un système d’évaluation multicritère pour aider à la définition des priorités et des taux de renouvellement patrimonial pour des dizaines de réseaux. Le marché se développe.
Si les aspects techniques de la gestion et de la réhabilitation des réseaux sont couverts aujourd’hui par un large éventail d'outils informatiques, de matériels et de procédés de surveillance et d’intervention, le défi pour un gestionnaire de réseau et son propriétaire, la collectivité locale, est la priorisation des actions d’entretien lourd, de réhabilitation, voire de reconstruction.
Au-delà de l’aspect purement financier, chaque casse entraîne des pertes et des perturbations coûteuses, des interruptions de service qui gênent les citoyens et obèrent la qualité du service fourni par la collectivité.
Ceci dans un contexte de budgets limités en compétition avec d'autres besoins des collectivités locales comme les transports en commun, les stades... plus visibles et donc plus gratifiants pour les élus que l'entretien d'un patrimoine souterrain : les réseaux d’adduction d’eau, de collecte des eaux usées et pluviales ne sont jamais bien glorieux à inaugurer et pourtant !
Un défi gigantesque
Le défi de taille recouvre des caractéristiques bien connues : en France, les réseaux d'assainissement représentent 250 000 km de canalisations d’eaux usées et 79 000 km de canalisations d’eaux pluviales pour une valeur de remplacement de 76 milliards d’euros (chiffres 2001). Pour la plupart, ces canalisations ont moins de 60 ans. Mais quelle est leur durée de vie réelle selon les matériaux et leurs conditions de service et d’exploitation ? La problématique est la même en ce qui concerne l'eau potable : 850 000 km de réseaux, réalisés en matériaux différents selon les époques, aux durées de vie également très différentes. Mais dans les deux cas, on sait que cet investissement colossal ne fait pas l'objet d'un renouvellement suffisant : de l’ordre de 0,6 % par an, soit un renouvellement complet en un siècle et demi, durée supérieure à la durée de vie moyenne des ouvrages quel que soit le matériau employé. Manifestement insuffisant.
Au-delà de l'aspect purement financier, chaque casse entraîne des pertes et des perturbations coûteuses, des interruptions de service qui gênent les citoyens et obèrent la qualité du service fourni par la collectivité. La menace de pénuries d'eau, la lutte contre la pollution par les réseaux d’assainissement milite en faveur d’un bon fonctionnement des réseaux.
Un problème anticipé à l’échelon national et international
Le problème a été anticipé : le projet national RERAU (Réhabilitation des réseaux d’assainissement urbains) a été lancé en 1992 comme une succession d’actions structurées et progressives, avec des chantiers expérimentaux et l’édition d’ouvrages techniques (plusieurs volumes sortis en 2004 chez Tec et Doc). Cette somme documentée s'est traduite par des outils informatiques facilitant la mise en œuvre, la lisibilité rapide et aussi la visualisation globale des réseaux pour une compréhension rapide : l’aspect communication auprès des élus et de leurs électeurs n’est pas négligeable. « La force de ces outils informatiques réside aussi dans la communication : savoir synthétiser une réflexion longue et poussée pour comprendre rapidement les enjeux. En assainissement, cette gestion existait et était plus ou moins bien faite selon les compétences des structures en charge des réseaux » explique Vincent Parez de la Direction Technique Assainissement de Veolia Eau.
Le monde de l'eau s’est mobilisé à travers différentes initiatives. Canalisateurs de France et d’autres associations et syndicats professionnels, Agences de l'eau et ministères ont signé la première charte de qualité en 2006 dont la nouvelle version a été signée officiellement le 26 mai dernier à Montpellier à l'occasion du salon Hydrogaïa.
Au niveau international, IWA a défini 130 indicateurs de performances des réseaux pour la réhabilitation, dont découlent en partie les indicateurs utilisés en France, introduits par le décret et l'arrêté du 2 mai 2007. Au niveau européen, dès le 5ᵉ programme cadre (FP5) dans les années 1999 — 2002, le projet CARE-W Computer Aided.
Réseaux : améliorer la sécurité des personnes et préserver l’intégrité des réseaux en déclarant
Chaque année, entre 5 et 10 millions de chantiers nécessitent l’envoi aux exploitants de réseaux d’une DR (Demande de Renseignements) et d’une DICT (Déclaration d’Intention de Commencement des Travaux) pour connaître l’emplacement des réseaux et ainsi éviter les accidents.
En effet, 4 millions de kilomètres de réseaux, dont un tiers d’aériens et deux tiers d’enterrés ou subaquatiques, sillonnent la France. 40 % sont sensibles pour la sécurité : électricité, gaz ou matières dangereuses. Quant aux 60 % dits « non sensibles », leur endommagement peut avoir des conséquences graves sur la vie économique et pour les usagers (canalisations d’eau, réseaux de communications électroniques).
Le moyen le plus efficace pour limiter les risques réside dans les Demandes de Renseignements (DR) et Déclarations d’Intention de Commencement de Travaux (DICT), qui permettent de solliciter les exploitants des réseaux et d’informer les déclarants de la présence des réseaux à proximité de leur chantier. Pourtant, seuls 5 à 10 % des maîtres d’ouvrage effectuent une DR et 70 à 75 % des entreprises de travaux, une DICT.
On compte ainsi entre 50 000 et 100 000 endommagements annuels de réseaux, dont 4 500 sur les seuls réseaux de distribution de gaz, dont les conséquences sont parfois meurtrières.
Comment garantir la sécurité lors de travaux à proximité d’infrastructures de réseaux tout en simplifiant les procédures administratives ?
Pour rendre les déclarations systématiques, une réforme réglementaire est attendue courant 2012.
Celle-ci prévoit notamment la publication du décret « DT/DICT » en lieu et place du décret « DR/DICT » datant de 1991, et sera accompagnée par l’instauration d’un guichet unique. Ce dernier, accessible gratuitement, prendra la forme d’un téléservice qui centralisera les données de référencement des exploitants nécessaires aux maîtres d’ouvrage et aux entreprises de travaux pour réaliser leurs déclarations.
Si l’arrivée du guichet unique permettra un meilleur accès des déclarants aux informations utiles, ces derniers ne pourront cependant pas effectuer leurs déclarations en ligne. Le guichet unique propose en effet aux déclarants un formulaire prérempli au format PDF qu’ils devront imprimer, compléter à la main et adresser par courrier aux exploitants.
Protys propose aux déclarants, depuis 2009, une interface de gestion complète et numérisée de leurs déclarations (DR/DICT), en lien direct avec les grands exploitants de réseaux : ERDF, GrDF, RTE, GRTgaz, France Télécom, Lyonnaise des Eaux, TIGF.
La plateforme Protys.fr permet :
- Une saisie en ligne unique, rapide et complète de la DR ou DICT ;
- Une base de données régulièrement mise à jour des coordonnées des exploitants ;
- Un envoi en un clic de la DR ou DICT à l’ensemble des exploitants ;
- Un suivi et une traçabilité des DR, DICT et des récépissés des exploitants, assurés directement dans un tableau de bord spécifique à chaque chantier ou projet.
Pour Alain Galli, Directeur Général de Protys : « La sécurité sur les chantiers passe par un développement des déclarations de travaux, indispensables à une bonne connaissance des emplacements de réseaux présents sur la zone concernée. À ce jour, Protys.fr est la solution de référence pour gérer l’intégralité du processus DR et DICT sous format numérique. Elle permet en outre de réduire les délais de transmission de la DR ou DICT et d’obtenir des réponses plus réactives de nombreux exploitants de réseaux, clients de Protys. Enfin, elle présente un avantage économique vis-à-vis de solutions concurrentes : seul l’envoi est facturé aux utilisateurs, le destinataire n’ayant pas à payer pour recevoir les déclarations. »
Rehabilitation of Water Networks rassemblait une dizaine de centres de recherches et collectivités coordonnés par la Norvège, suivi du projet CARE-S (S pour sewer).
« S’il existe un site dans le monde qui utilise largement les résultats de Care-W, c’est Lyon » affirme Pascal Le Gauffre de l’Insa de Lyon, qui a participé au projet national RERAU, au projet européen CARE-W et à Indigau, projet ANR (2007/2010). Le Cemagref a participé à ces travaux et développé le logiciel Casses, de prédiction de rupture de canalisations sur des réseaux d’eau potable utilisant une approche statistique, logiciel repris par plusieurs sociétés dont G2C environnement. Plusieurs villes européennes et même Las Vegas exploitent les résultats de ces programmes de recherche.
L’effort de conceptualisation des réseaux, de leurs défauts, de leur environnement et des conditions d’exploitation s’est accompagné de progrès réalisés dans différents domaines : généralisation des SIG (systèmes d’informations géographiques), développement des ressources informatiques (vitesses de calcul, réseaux, interfaces graphiques), développement des capacités d’expertise des réseaux d’eaux (écoutes sonores, robots d’inspections télévisées, sectorisation et comptage volumique, etc.), auxquels s’ajoutent des outils très formels comme la normalisation, particulièrement la norme EN 13508-2. Celle-ci normalise les compte-rendus d’inspections télévisées des canalisations en éliminant la subjectivité, évitant des oublis et surtout en permettant d’intégrer ces informations sous forme codée dans les données d’un SIG pour profiter pleinement de ces inspections. C’est donc une avance continue sur différents fronts qui a permis d’aboutir aux outils actuels.
Des outils opérationnels
À voir les exemples déjà opérationnels de mise en place de moyens dans certaines collectivités, on se dit que les outils sont là mais qu’il reste à faire preuve de volonté politique. Tant du côté des distributeurs qu’au sein des sociétés qui développent des logiciels et proposent des services, on constate qu’il faut déployer de gros efforts pour convaincre les élus de l’utilité de cette approche. Le processus est très lent. G2C environnement revendique une dizaine de références pour son application Siroco (eau potable) alors qu’Indigau (eaux usées) est en phase de valorisation (lancement début 2011) avec un exemple significatif sur Caen-la-mer. « Mais peu de collectivités souhaitent s’engager dans une prise en mains de l’outil. Elles optent... »
« … plutôt pour la prestation de service que nous proposons » indique Kevin Nirsimloo de G2C Environnement. IRH Ingénieur Conseil a entamé sa démarche en 2007 sur la ville de Lorient dont la demande de schéma directeur mentionnait explicitement un outil informatique s'appuyant sur le guide méthodologique Rerau, pour développer OAGP (outil aide gestion patrimoine) devenu PHARE dans une démarche plus générale, et adopté maintenant par le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle qui s’en sert auprès des petites collectivités à travers un accès web. « Il y a de gros efforts à faire pour convaincre les collectivités locales mais on peut s’appuyer sur la pression réglementaire avec la nécessité d’autosurveillance (décret du 22/6/2007), l’instauration des indicateurs de performances, et sur la pression économique sans oublier celle sur la ressource » explique Pierre Lazzarotto d’IRH Ingénieur Conseil. « Le calcul des primes Aquae des Agences de l'eau, qui tient compte du taux de collecte des pollutions domestiques et non domestiques, est de fait relié à la surveillance effective du patrimoine au travers de la connaissance réelle des branchements et de leur conformité, donc à la mise en place d'outils comme Phare. » Veolia Eau, pour sa part, indique que Mosare (eau potable) est déployé dans toutes ses directions techniques en France et les grandes agglomérations comme Paris ou Berlin. Octave, pour les eaux usées, commence à être installé dans quelques sites en version d’évaluation.
Saur, très implanté en milieu rural et périurbain, a structuré son exploitation au niveau français selon six Centres de Pilotage Opérationnel (CPO) qui regroupent toutes les surveillances et interventions sur les 180 000 km de réseaux exploités (eau potable et assainissement). Ceci permet d’alimenter l'historique des interventions, repris par différents moyens informatiques. Des moyens développés en interne mais aussi des outils mis au point par G2C Environnement et IRH Ingénieur Conseil. « La société disposait de la cartographie de ses réseaux et a tout basculé sur le géoréférencement IGN depuis deux ans ; 100 % du réseau est traité et les données sont constamment actualisées en intégrant les compte-rendus d’intervention. À partir de là, nous pouvons mener des analyses et devenir force de proposition vis-à-vis des collectivités pour l’amélioration du réseau » indique Frédéric Renaut, directeur exploitation QSE et achats du pôle eau et assainissement, qui précise : « nous réparons environ 15 000 fuites d'eau par an et par CPO ; cette centralisation apporte la réactivité immédiate et permet de cumuler les informations. »
Lyonnaise des Eaux et Safege ont développé toute une panoplie d'outils spécifiques progressifs : Piccolo pour la modélisation des flux et de la qualité d’eau des canalisations, Avertir, un système de détection permanent des fuites par capteur de bruit à poste fixe, Anticiper, une méthodologie pour hiérarchiser les canalisations par ordre de priorité de remplacement à cinq ans, et Prévoir, un modèle prédictif de vieillissement des canalisations à un horizon de quinze ans. En assainissement, Lyonnaise des Eaux a développé Diagrap (diagnostic rapide) pour identifier les zones à risques et Diagperm (diagnostic permanent) qui utilise des capteurs à demeure.
Le rural aussi : regrouper pour être efficace.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 impose aux conseils généraux de mettre en place une assistance technique dans les domaines de l'assainissement, la protection de la ressource en eau et de l’entretien des milieux aquatiques auprès des collectivités rurales qui ne bénéficient pas de moyens suffisants.
Avant le 31 décembre 2011, les schémas départementaux de coopération intercommunale devront être mis en place avec la désignation des collectivités qui exerceront les compétences en matière d'eau et d'assainissement. Les Sociétés Publiques Locales de l’Eau (SPL) pourraient bien modifier le paysage de l'eau dans les années à venir par le retour de la gestion dans des structures publiques.
Certains départements font figure de pionniers en gestion patrimoniale comme le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle qui s’est doté du logiciel Phare pour assister les petites communes, comme l’explique Philippe Larivière, chef du service eau-assainissement-rivières. « Le Conseil Général, pour assurer sa mission d'assistance, souhaitait un SIG pour localiser les ouvrages et disposer d'un outil opérationnel pour les interventions. Nous avons lancé des consultations et nous avons découvert Phare Réseau Assainissement de IRH Ingénieur Conseil et toutes ses possibilités, y compris les liaisons web et la gestion patrimoniale. Ainsi, les collectivités peuvent nous remonter des fiches d’intervention que nous validons et intégrons dans Phare ; elles visualisent directement leur réseau, les informations associées (âge et nature des tronçons, interventions) et disposent des principales fonctionnalités de Phare. L’accumulation des données nous permettra d'élaborer des priorités d’intervention que nous soumettrons aux élus. Sur les 594 communes du département, près de 550 sont éligibles à l'assistance, près de 108 nous ont demandé une assistance sur les réseaux d’assainissement, sur environ 150 qui sont conventionnées. L'information sur Phare s'est faite par le bouche-à-oreille et lors de journées du territoire avec visites. » Le département de la Somme devrait également s’équiper.
Mais l'arrivée des regroupements d'intercommunalités pourrait modifier la donne. Il existe en effet un seuil d'éligibilité à l'assistance par le département jusqu’à 15 000 habitants. Certaines communes pourraient ainsi changer de périmètre et ne plus bénéficier de ce service ; pour le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle, ce serait aussi une perte vis-à-vis de l'amortissement de cet outil.
sur le réseau pour assurer une gestion préventive (détection au plus tôt d'un dysfonctionnement).
Ainsi, chaque exploitant à sa manière et selon les besoins des collectivités implante progressivement et utilise différentes briques opérationnelles.
Les SIG : un apport fondamental
La mise en place de ces outils de gestion doit beaucoup aux SIG. Leur coût, modéré, ne représente en général que moins de 0,5 % de la valeur du patrimoine qu’ils vont contribuer à maintenir.
Le SIG fournit en parallèle la vision cartographique de terrain et la vision symbolique sur laquelle se placent de nombreux renseignements sur les ouvrages du réseau, les interventions contenues dans des bases de données. Les cotes, le diamètre des canalisations, la nature du matériau sont les paramètres de base auxquelles viennent s’ajouter d'autres données moins faciles à récupérer. Par exemple, la date de pose n'est pas toujours simple à retrouver : on ne dispose bien souvent que d’une période, souvent reliée à un type de matériau (arrivée du PEHD, PVC collé etc). Kevin Nirsimloo insiste sur ce point : « La gestion patrimoniale n'est pas une démarche compliquée mais il faut disposer de données brutes qui soient bien archivées pour être exploitables. Il faut profiter de toutes les interventions sur le terrain pour alimenter le SIG, archiver les défaillances et leurs historiques. De ce point de vue, la norme sur les inspections télévisées est très importante pour l'intégration directe en informatique ».
Des entreprises comme G2C environnement, Star Apic, Somei, Générale d’Infographie, GeoMap, Haestad Methods (Bentley), SIG Image, GFI Informatique, Structure & Réhabilitation ou encore Geosig ont développé des outils spécifiques au monde de chantier.
Mais le succès enregistré par cette plateforme n’a pas empêché Sogelink d’ajouter de nombreux services complémentaires qui constituent, selon Matthieu Ponson, « autant de briques destinées à intensifier les efforts de sensibilisation visant à réduire les risques de sinistres à proximité d'ouvrages ». Parmi celles-ci, www.laviedesréseaux.fr, un site communautaire dédié à l'univers des réseaux aériens, souterrains et subaquatiques. Ce site collaboratif est un lieu d'information et d’échanges dédié à tous les acteurs concernés par l'environnement des réseaux : collectivités locales, entreprises, exploitants, particuliers et fournisseurs. DeclarerMonChantier.fr est un autre site internet à destination des particuliers et des petites entreprises (artisans, architectes, paysagistes,...) afin de les accompagner dans les démarches administratives préalables à leurs travaux à proximité de réseaux. D’autres services vont plus loin que la mise à disposition de la plateforme. C’est par exemple le cas de la délégation, qui permet aux exploitants qui ne souhaitent pas utiliser eux-mêmes la plateforme de déléguer l'accomplissement de leurs démarches à Sogelink.
Autre outil proposé aux collectivités, Coordin, un logiciel métier de gestion des événements impactant la voirie. « Cet outil permet le recensement, la programmation et la coordination des chantiers ainsi que l’édition des formulaires administratifs associés, explique Matthieu Ponson. Il assure également la gestion des arrêtés municipaux temporaires et permanents. À terme, une solution full web connectée à DICT.fr proposera une solution collaborative permettant de réunir tous les acteurs : collectivités, concessionnaires de réseaux, entreprises de travaux, usagers du domaine public ». Intégrant un SIG, Coordin offre la possibilité de visualiser les événements directement sur un fond de carte en facilitant la planification des chantiers, la mise en place de déviations et le suivi d'un chantier et de son déroulement.
Autre grand projet en cours de développement, le fameux Guichet unique qui se substituera aux mairies aujourd'hui chargées de tenir à la disposition du public les informations nécessaires aux DR et aux DICT pour lequel Sogelink a remporté l'appel d'offres concernant son développement mais aussi son exploitation durant 5 années. Opérationnel dès 2012, il pourrait bien constituer une étape décisive en matière d’échange dématérialisé de documents de chantier.
Ces systèmes aident, à partir de plusieurs sources, à rassembler, organiser, gérer, analyser, combiner, élaborer et présenter des informations géographiquement localisées. Le SIG constitue un véritable outil d’aide à la décision : chaque fuite ou arrêt d’eau, programmé ou réalisé dans l’urgence, est gérée de façon assistée. En quelques secondes, l’application permet de localiser la zone privée d’eau, les appareils à manœuvrer sur le réseau pour l’isoler et le nombre de clients à informer.
Star-Apic propose par exemple sa solution logicielle Elyx Aqua qui offre toutes les fonctionnalités utiles à la gestion cartographique du patrimoine enterré et dont s’est par exemple équipé le Syndicat des Eaux et de l’Assainissement du Bas-Rhin (SDEA) qui assure la gestion publique locale de l’eau et de l’assainissement de 740000 habitants répartis sur plus de 450 communes. Traduisant rigoureusement les processus métier, Elyx Aqua permet d’améliorer l’exploitation et la productivité d’un réseau d’eau ou d’assainissement, grâce à une gestion efficace et intégrée, en prenant en compte toutes les problématiques critiques comme les fuites, les coupures, les hydrants ou les interventions. Cette gestion fine va jusqu’à l’optimisation du plan de renouvellement et d’extension du réseau et par conséquent l’optimisation des investissements futurs du gestionnaire.
De son côté, la société Ginger Environnement et Infrastructures propose une démarche globale d’aide à la décision et à la gestion en passant par la mise en œuvre des solutions d’optimisation du fonctionnement des réseaux.
Sa filiale Ginger Stratégies a développé un applicatif Mapras™ sur le logiciel SIG MapInfo®. Les équipes de Ginger Environnement et Infrastructures (GEI) utilisent Mapras pour la réalisation des études de schémas directeurs confiées par les collectivités en eau potable et en assainissement.
Ces études, appuyées sur cet outil de cartographie, permettent de dresser un état des lieux aussi exhaustif que possible des réseaux et de leurs ouvrages, permettant de préconiser les programmes priorisés de travaux nécessaires à l’optimisation de leurs fonctionnements. Ces préconisations débouchent souvent pour GEI par la réalisation des missions de maîtrise d’œuvre travaux afin de les rendre opérationnels.
Les états patrimoniaux issus des études de schéma directeur mais également les plans de récolement des nouveaux ouvrages construits ou réhabilités sont portés par GEI sur les systèmes SIG des collectivités, s’ils [...]
existents, ou implantés sur système spécifique SigWeb® Assainissement également proposé par Ginger Stratégies. L'application cartographique SigWeb® Assainissement conçue par Ginger Stratégies pour accompagner les exploitants dans leurs démarches.
Par ailleurs, le sujet de la gestion et de la réhabilitation des réseaux n’échappe pas aux exigences du développement durable : Arcet Cotation, autre société du Groupe Ginger, a développé une méthode unique d'évaluation et de certification développement durable :
- des chantiers de pose et rénovation de canalisations d’eau potable et d’eaux usées,
- de gestion en délégation de service public de réseaux de distribution d’eau potable et de réseaux de collecte d’eaux usées.
Cette certification unique en France, déjà délivrée à 54 reprises, permet d’attester du degré de performance au regard d’indicateurs de développement durable des techniques et matériaux utilisés pour le transport des eaux et les évaluations sur lesquelles elle est fondée conduisent à la fourniture de préconisations d’évolution des techniques et modes de gestion utilisés.
DHI Eau & Environnement, bureau d'études indépendant spécialisé dans les domaines de l’eau, de l'environnement et de la santé propose de son côté plusieurs applications interfacées avec un système d'information géographique. Mike Urban permet de gérer les données des réseaux d’assainissement et de distribution d’eau potable, pour modéliser la collecte des eaux usées et/ou pluviales, pour analyser les effets d’inondations urbaines ainsi que pour mettre en place des protections appropriées, ou pour modéliser la distribution d'eau potable. Il bénéficie d'une intégration complète de l'environnement et de la technologie SIG développée par Esri permettant de gérer les données du réseau sous forme de couches d’information. Les données sont stockées dans une base de données géographique Esri. Il est donc possible d’éditer les données de son modèle avec ArcMap ou toute autre application travaillant avec des bases de données géographiques.
Geomod distribue la suite InfoWorks de Innovyze, gamme logicielle pour la modélisation des réseaux d’assainissement, des réseaux d'eau potable, des rivières, et FloodWorks, système d'information pour la prévision d’inondation et la gestion d’alerte. La nouvelle génération InfoWorks ICM répond aux nouveaux besoins sur l’intégration des réseaux et rivières avec les fonctions 2D intégrées.
À usage des opérateurs, outil d'aide à la décision, InfoNet est un SIG de gestion et d’exploitation des données de réseaux assainissement et eau potable ; il fédère les différentes sources de données (relevé, inspection, incident, maintenance, donnée temporelle), valide et met à jour, génère des rapports dans les formats standards.
En eau potable, Geosig propose une application de gestion des réseaux d’eau potable, accessible par le biais d’un simple navigateur Internet. “Eau Potable@la carte” permet de signaler des fuites et d’identifier automatiquement les vannes à fermer, d’instruire les demandes de raccordement, d'effectuer toutes les opérations de gestion et de maintenance.
La Société Méditerranéenne d'Etudes et d’Informatique, SOMEI, propose également son expertise pour les gestionnaires de services publics dans trois domaines de compétences : l’édition de logiciels avec des applications qui concernent notamment l'eau et l’assainissement et la cartographie numérique (SIG), l'intégration et la mise en œuvre dans les environnements informatiques et de communication de ses clients et l’infogérance pour les exploitants qui souhaitent se concentrer sur leur cœur de métier. Ainsi, plus de deux millions d’abonnés à divers services.
La donnée de qualité reste essentielle
Un avis partagé par tous : la donnée est essentielle. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs : d’abord connaître son réseau et archiver correctement pour nourrir les logiciels afin d’en retirer des scénarii. Les informations factuelles sur le réseau vont très loin : l’environnement de la canalisation (sol, matériau et conditions de remplissage de tranchée) a son importance compte tenu des interactions avec celle-ci, la nature de la voirie plus ou moins fréquentée, la géographie des lieux (zones en bordure de mer, zones sensibles aux glissements de terrains...), tous ces paramètres sont pris en compte, par exemple dans le logiciel Casses du Cemagref.
Mais ça n’est pas tout ! Dans la décision de lancement de travaux intervient un autre paramètre, la criticité. Une casse n’a pas le même impact selon l’endroit où elle se produit : c’est la vulnérabilité locale : est-ce que le réseau d'eau potable dessert un hôpital (continuité du service, qualité de l’eau), ou pour les eaux usées un effondrement dans les champs ou dans un carrefour sensible n’a pas les mêmes conséquences. On dispose au final de séries d’indicateurs d’état, de vulnérabilité, de facteurs de danger, de danger potentiel etc., que l’on peut combiner pour obtenir d'autres indicateurs dits composites ; on peut mettre en relation une probabilité de casse avec les répercussions de cette casse sur le réseau.
De toutes ces informations ressortent des notes générales par tronçon de canalisation, des critères qui pousseront à prioriser des inspections, des interventions plus ou moins lourdes. « Un autre facteur intervient : l'interaction entre les différents tronçons à réhabiliter ; si un tronçon pas trop mauvais est situé entre deux tronçons à réhabiliter, il peut être préférable de tout reprendre » indique Pascal Le Gauffre. C’est là qu’il y a réellement discussion au sein des collectivités en pondérant certains indicateurs mais pour finir sur ce genre d'interrogation : faut-il entreprendre les travaux rapidement vu le risque important, attendre la prochaine réfection de chaussée ou l’enterrement des réseaux électriques pour intervenir, ou faut-il profiter de ces travaux pour rénover un tronçon plus tôt que prévu, quitte à consommer des crédits, qui risquent d’être sollicités s'il y a une casse à réparer immédiatement : attentisme, opportunisme ou volontarisme ? Il faudra choisir ensuite la technique d’intervention, avec ou sans tranchée par exemple, chiffrer, et éventuellement réaliser des simulations pour comparer des solutions plus ou moins durables.
Eau potable, eaux usées : des problématiques différentes
Si l’esprit de la gestion patrimoniale est le même pour l'eau potable que pour les eaux usées, il existe tout de même des différences. Il faut garder à l’esprit le poids relatif entre usine et réseau : si l'usine est la partie visible, ce n'est pas elle qui pèse le plus : « en moyenne, la valeur du système d’eau potable se répartit en un quart pour l’usine et le reste pour le réseau, c’est donc là qu'il faut faire porter l’effort » affirme Moira Cambrezy. Mais les réseaux sont fondamentalement différents : le réseau d'eau potable est souterrain, non visitable, quasiment inaccessible en routine et jusqu’à présent très peu instrumenté à part des débitmètres et plus récemment des capteurs acoustiques. Pas question d’introduire quoi que ce soit dans les canalisations pour aller observer quelque chose (problème de contamination). « C’est tout l’inverse avec les réseaux d’eaux usées ou pluviales qui disposent de regards tous les 50 à 60 m à partir desquels il est possible d’entrer (portions visitables) ou d’introduire des dispositifs d’inspection et d’intervention (robots) et ainsi de recueillir directement des données sur l’état d’une canalisation » explique Vincent Parez.
Sur un réseau d’eau potable on rencontre trois types de canalisations : le feeder, grosse canalisation qui part d’un réservoir et nourrit le réseau de distribution, sur lequel se greffent les branchements individuels. « En France un feeder est une canalisation supérieure à 300 mm, alors qu’en Chine c’est plutôt 800 mm » précise Moira Cambrezy. Les branchements individuels sont, comme leur nom l’indique, individuels donc avec un comportement singulier. Les feeders sont aussi d’une certaine manière des cas particuliers par leur longueur relativement faible. Par contre, le réseau de distribution peut s'appréhender de manière statistique vis-à-vis d’un risque de casse : les longueurs
Sont importantes, les critères variés (matériau, historiques des casses, etc.) ; on peut donc tirer des informations statistiques pour dire « tel tronçon présente plus de risques que tel autre ». Encore faut-il disposer de suffisamment de données générales. « Les modèles statistiques sont d’autant plus intéressants que l'on ne dispose que d’un faible historique sur une canalisation mais que l'on connaît ses caractéristiques : il y a une certaine similitude de comportement », indique Pascal Le Gauffre.
Sur l’assainissement, Vincent Parez souligne que chaque réseau est différent, même si l'on retrouve des similitudes : les branchements individuels, le réseau de collecte, gravitaire le plus souvent mais qui comporte parfois des postes de relèvement (changement de niveau en un même lieu) ou de refoulement sous pression (changement de niveau sur une distance plus ou moins grande) et, pour quelques grandes agglomérations, des réseaux de transfert purs (utilisés parfois en stockage) jusqu’à la station d’épuration. Les défauts sur le réseau de collecte sont très variés et fonction du matériau. Les canalisations en plastique ont tendance à s’ovaliser ou à « faire la banane », créant des zones de sédimentation anaérobies qui provoquent de mauvaises odeurs dues à la présence de sulfure d’hydrogène, gaz mortel. De telles zones se rencontrent aussi dans les réseaux en canalisation béton (s’ils sont mal conçus) où ils peuvent générer des phénomènes de corrosion parfois rapides et graves (les polymères sont quasiment insensibles). L’entrée de racines, les mouvements de terrain qui modifient les pentes et brisent des joints, les raccordements plus ou moins bien réalisés sont autant de dysfonctionnements à détecter au plus tôt, à surveiller, à éliminer et à archiver ! De même pour les curages. Les renseignements contenus dans les bases de données sont très divers, mais grâce à la méthodologie développée, leur accumulation et leur traitement permettent le calcul des indicateurs et la hiérarchisation des interventions : inspection, curage, réparation.
Tout cela se fait petit à petit et s’améliore peu à peu : « Aujourd’hui, plus de 90 % de nos réseaux sont sur SIG pour ce qui concerne la localisation, un peu moins pour le renseignement complet sur les ouvrages. La précision géographique s’améliore : il existe trois niveaux de précision, A, B, C ; la classe A correspondant à une précision de ± 40 cm donc une géolocalisation à ± 10 cm. Les municipalités doivent viser la classe A à différentes échéances, de manière obligatoire sous peine de sanction », explique Vincent Parez.
En complément de l’outil SIG, la société D3E Électronique importe en France les solutions GNSS Trimble (positionnement par satellites GPS + Glonass + Galileo), pour l’inventaire et la mise à jour des bases de données SIG avec une précision < 10 cm dans les trois axes X, Y et Z. De nombreux gestionnaires privés ou collectivités sont déjà équipés.
Entre pression réglementaire et intérêts bien compris, la gestion patrimoniale devrait se généraliser rapidement. Il