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Histoire d'eau : Bassin du fleuve Congo : la nature des sols module les effets de la sécheresse

30 avril 2002 Paru dans le N°251 à la page 62 ( mots)

Avec un bassin versant de 3,7 millions de km2, le fleuve Congo et ses affluents représentent le plus important système hydrologique d'Afrique centrale. Des chercheurs de l'IRD (Institut de recherche pour le développement, ex. Orstom) ont étudié les relations entre les précipitations et le débit du fleuve et de ses principaux affluents tout au long du XXe siècle. Cette étude montre d'une part que le débit du Congo a été marqué par une instabilité au cours de la seconde moitié du siècle et une forte baisse durant la dernière décennie. D?autre part, elle révèle que si les fluctuations du débit sont dues aux variations des précipitations, cette influence est largement modulée par la nature des sols où coulent le fleuve et ses affluents.

Situé au centre de l'Afrique, le bassin hydrologique du Congo est à cheval sur un grand nombre de pays (Congo et République démocratique du Congo principalement, mais également l’Angola, le Cameroun, la République centrafricaine, la Zambie, la Tanzanie, au-delà jusqu’au lac Tanganyika, Soudan). Plus long fleuve d'Afrique après le Nil, deuxième fleuve du monde en débit après l’Amazone, le Congo repré-

Représente la moitié des eaux africaines déversées dans l'océan Atlantique. Comprendre son fonctionnement se révèle ainsi capital en ce début de siècle où l'eau est un enjeu majeur, particulièrement en Afrique.

Dans un premier temps, les chercheurs de l'IRD ont étudié les précipitations sur le bassin versant du fleuve Congo. Comme l'ensemble de l'Afrique, et tout particulièrement le nord du continent, le bassin du Congo a été touché par une période de sécheresse au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Cette diminution se manifeste tout d'abord dans le bassin de l'Oubangui, principal affluent du Congo, qui enregistre une baisse de la pluviométrie à partir de 1960 : celle-ci atteint 3 % entre 1951-1959 et 1960-1989. Dans les autres bassins, Sangha et Kouyou, situés plus au sud, les précipitations commencent à diminuer dix à treize ans plus tard. Pour l'ensemble du bassin, la baisse de la pluviométrie atteint 4,5 % entre 1951-1969 et 1970-1989.

En étudiant ensuite les variations de débit du Congo et de l'Oubangui depuis le début du XXe siècle, les hydrologues ont mis en évidence quatre périodes successives de débit. Stable jusqu’en 1960, leurs débits se modifient ensuite à chaque décennie. Durant les années 1960, ils augmentent et dépassent leurs moyennes sur le siècle. Alors que le Congo revient à un débit normal en 1970, l'Oubangui entre pour sa part dans une phase de sécheresse. La tendance s'accentue à partir de 1980 et, jusqu’en 1996, les deux fleuves restent en dessous de leurs débits moyens sur le siècle. Ainsi, depuis les années 1980 et jusqu’en 1996, le débit du Congo a diminué de 10 % (37 400 m³/s en 1992 contre une moyenne de 40 600 m³/s sur la période), ce qui représente la plus forte baisse du siècle. Cette diminution

[Photo : Carte du bassin du fleuve Congo]
[Encart : Le fleuve Congo, le plus important système hydrologique d’Afrique Centrale La majeure partie du Congo est drainée par le bassin du fleuve Congo. Par sa longueur, estimée à plus de 4 700 km, le fleuve Congo occupe le 5ᵉ rang dans l'échelle mondiale. La largeur de son lit majeur est très variable. Elle atteindrait environ 15 500 mètres au confluent avec l'Oubangui ; au Pool de Malembo, on relève 23 400 mètres ; à Kinshasa, le lit se rétrécit jusqu'à 1 650 mètres ; à l'embouchure, la largeur est de l'ordre de 9 850 mètres. Un tiers du bassin se trouve dans l'hémisphère nord et deux tiers sont localisés dans l'hémisphère sud. Cette répartition asymétrique par rapport à l'Équateur a des conséquences importantes sur le régime du bassin. En effet, la saison sèche de l'hémisphère nord apparaît en général vers janvier, alors que dans l'hémisphère sud, elle se fixe autour de juillet. Dans le temps, il y a donc opposition entre le régime de l'Oubangui, au nord, et du Kasai, au sud. Le haut Congo, appelé Lualaba, connaît d'abord un régime d'hémisphère sud qui s'atténue en s'approchant de Kisangani. En aval de cette ville, le régime s'inverse à cause de l'apport des eaux des rivières venant du nord, dont l'importance devient prépondérante en aval du confluent avec l'Oubangui. Il en résulte que le fleuve Congo, en aval de Kisangani, est caractérisé par un régime d'une certaine régularité. Une grande partie du bassin du Congo est localisée de manière asymétrique dans la zone climatique Aw. Cette zone est caractérisée par une alternance de saisons humide et sèche. Comme les précipitations représentent le facteur le plus important pour le débit des cours d'eau, il s'ensuit que l'écart entre le débit des basses eaux et celui des hautes eaux est également important. Le débit des basses eaux moyennes de juillet serait de l'ordre de 29 000 m³/s, celui des hautes eaux moyennes de décembre atteindrait 60 000 m³/s. Le débit moyen pour la période 1902-1950 est d'environ 41 300 m³/s. La variabilité assez importante des précipitations entraîne des écarts notables entre les minima et maxima du débit. Ce dernier oscille entre un minimum de 23 000 m³/s et un maximum de 75 000 m³/s. Tout cela n'empêche pas d'affirmer que le fleuve Congo possède un débit considérable, le deuxième après l'Amazone. Néanmoins, on constate que le coefficient d'écoulement du bassin du Congo est faible (environ 22,5 %). Cela est dû aux pertes par infiltration des eaux dans les roches perméables de la cuvette centrale ainsi qu'à l'évaporation considérable qui existe dans ce bassin (évaporation physique et évapotranspiration). ]
[Photo : Plus long fleuve d'Afrique après le Nil, le fleuve Congo est le deuxième fleuve du monde en débit, après l'Amazone.]

Est beaucoup plus accentuée sur l'Oubangui (- 29 %) et quasi inexistante (- 0,2 %) sur le bassin du Kouyou. Globalement, alors que la baisse du débit dans le bassin du Congo est de deux à quatre fois supérieure à celle des précipitations, elle est neuf fois supérieure dans le cas de l'Oubangui.

Comment expliquer que, dans un contexte de sécheresse généralisée, la diminution du débit ne soit pas la même d'un cours d'eau à l'autre ? Les chercheurs ont mis en évidence l'importance de la composition géologique des sols dans l'impact d'une variation de précipitation sur le débit.

La composition géologique de ces différents bassins secondaires diffère énormément. Au nord, le bassin de l'Oubangui est une pénéplaine cuirassée et ferrugineuse sur laquelle l'eau ruisselle. Plus au sud, le bassin de la Shangha et son sol sablonneux sont partiellement inondés en période de forte pluie. Enfin, proche de l'embouchure, le bassin du Kouyou est bordé par les plateaux « Batékés » et leurs sols de grès, sols poreux et perméables capables de stocker un excès d'eau.

De l'un à l'autre, la sécheresse n’a pas eu le même impact. Ainsi, le « bouclier » géologique du bassin de l'Oubangui accentue toute variation de précipitation dans des proportions considérables ; entre 1982 et 1993, une baisse de 3 % des précipitations a entraîné une baisse de 29 % de son débit. Au contraire, les sols gréseux du bassin du Kouyou ont un effet stabilisateur, stockant ou rejetant de l'eau. Durant la période humide des années 1960, ils ont retenu l'eau en excès pour la restituer lors de la sécheresse qui est arrivée par la suite. Ainsi, la baisse de précipitation sur cette zone est de l'ordre de 5,3 % mais l'impact sur le débit est 26 fois moindre et il n'a diminué que de 0,2 % !

Sans remettre en cause l'importance de la sécheresse qui sévit en Afrique depuis les années 1970, cette étude précise ses conséquences sur la ressource en eau. La taille du bassin congolais et la diversité de ses affluents sont des atouts remarquables qui lui donnent une grande inertie face aux variations de précipitations. Si le fleuve était aussi sensible que l'est l'Oubangui, on imagine facilement les conséquences catastrophiques de la récente sécheresse sur cette région d'Afrique. Il

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