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Histoire d'eau : Histoire d'une adduction manquée (1ère partie)

28 février 1990 Paru dans le N°134 à la page 59 ( mots)
Rédigé par : Henri TRETON

histoires d'eau

1° partie

[Photo : sans légende]

La rivière d'Yvette, au nom charmeur, prend sa source au hameau d'Yvette près des Essarts-le-Roi dont l'appellation évoque la sylve mérovingienne disparue et défrichée de la forêt des Yvelines qui s'étendait jusque-là.

C'est en effet à cette forêt que l'Yvette emprunta son nom en le déformant au cours des siècles, en même temps qu'elle dessinait et taillait son lit vers l'Orge où elle se jette 50 km plus loin.

Elle jouait alors un rôle économique extrêmement important en alimentant en eau près de 20 moulins à blé, lesquels fournissaient en farine non seulement les localités riveraines mais encore la ville de Paris. En raison des foires, des marchés très actifs animaient toute la vallée pour la desserte de laquelle les propriétaires, seigneurs, princes, clergé, etc. veillaient à assurer les meilleures communications routières.

D'autre part, des règlements draconiens veillaient à la conservation et à l'entretien de ce cours d'eau si précieux, de ses chutes, déversoirs, vannages, etc. C'est une survivance de ces règlements que reflète notamment l'ordonnance royale de Louis-Philippe qui en 1832 détermina les droits d'eau de l'Yvette et de ses affluents, dont certaines dispositions se retrouvent dans les règlements actuels.

L'Yvette assurait aussi le fonctionnement d'une foule d'industries et activités diverses : amidonneries, tanneries, boyauderies, mégisseries, etc., non seulement en leur fournissant l'eau nécessaire, mais aussi en assurant l'évacuation des eaux usées et résidus.

C'est ainsi que de 1762 à 1766 un savant géomètre-mathématicien M. de Parcieux (successeur de d'Alembert à l'Académie des Sciences) avait présenté à cette assemblée plusieurs mémoires tendant à conduire à Paris les eaux de l'Yvette et de la Bièvre dont les deux vallées se trouveraient réunies par un canal souterrain à établir sous le vallonnement dénommé la Montagne de Palaiseau.

Cet obstacle n'embarrassa guère M. de Parcieux qui trouva ainsi l'occasion d'inventer l’aqueduc maçonné souterrain « Ovale », c'est-à-dire l'ovoïde classique actuel (dont les plans et le mémoire justificatif sont visibles aux Archives Nationales). Il est juste de dire qu'il s'appuya pour cela sur l'exemple des canaux souterrains de la « Montagne de Sataury » qui amenaient les eaux de l'Étang de Trappes au Parc de Versailles, de même que sur celui de l'égout (de Louis XIV) évacuant les eaux de Versailles dans le ru de Gally.

Mais la mort surprit M. de Parcieux en 1768 avant la consécration de son projet d'amenée des eaux de l'Yvette « qu’agissant pour le seul bien public, il ne voulait d’ailleurs pas exécuter ni comme architecte, ni comme entrepreneur », ceci lui avait valu les éloges de Voltaire qui de son château de Ferney lui avait adressé plusieurs lettres charmantes s'ajoutant aux encouragements de ses collègues de l'Académie Royale des Sciences.

M. Perronet, Premier Ingénieur des Ponts et Chaussées et fondateur avec M. Trudaine de l’École de dessinateurs, future École Nationale des Ponts et Chaussées, fut alors désigné par un arrêt du Conseil d'État du 30 juillet 1769 pour parachever le projet de M. de Parcieux.

Des plans topographiques très précis furent rapidement levés. C'est à cette occasion que le physicien Egault mit au point son niveau à bulle d’air sur la « bonté et l’exactitude » duquel des mémoires élogieux furent publiés, et grâce auquel il fut démontré que l'eau de l'Yvette pouvait être conduite « gravitairement » jusqu'aux quartiers les plus hauts à desservir de Paris.

Des analyses de l'eau de l'Yvette furent faites parallèlement par les membres des commissions nommées à cet effet, parmi lesquels Lavoisier qui, comme l’avait fait M. de Parcieux, commençait ses analyses par une dégustation.

C'est ainsi qu'il fut notamment reconnu que le goût et l'odeur de marécage que d’aucuns se plaisaient à reprocher à cette eau n’étaient qu’accidentels et disparaissaient au bout de quelques jours, a fortiori après un long parcours à l'air libre jusqu’à Paris dans le canal à ciel ouvert, projeté.

M. Collin, l'intendant de Mme de Pompadour et sur son ordre, se prêta à la même expérience de dégustation et fut du même avis, après qu'il eut goûté périodiquement un échantillon de l’eau de l'Yvette conservé plusieurs mois à cet effet.

(à suivre)

* Cet article, extrait du n° « Hiver 83 » de la revue Seine Normandie, est reproduit avec l'aimable autorisation de cette publication et de son auteur.

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