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[Photo : Mer Baltique]
Plus des deux-tiers de la surface de la Terre sont couverts par les mers et les océans. La mer Baltique et ses rivages déchiquetés n’en représentent qu'une infime partie.
Enclavée au sein du continent européen, elle constitue pourtant l'un des plus grands systèmes d'eau saumâtre du monde. La Baltique recueille en effet les eaux fluviales d'une grande partie de l'Europe du Nord. Cet important apport d'eau douce, conjugué à une communication restreinte avec la
[Encart :
L'ambre Baltique est une résine qui s'est écoulée il y a 30 millions d'années d'un arbre aujourd'hui disparu qui prospérait alors sur les plateaux qui se trouvaient à l’emplacement actuel de la mer Baltique : le Pinus Succinifera. Quand ces résines s'écoulaient des arbres qui composaient ces immenses forêts, il n'était pas rare que des insectes s'y retrouvent piégés, soit parce que la résine les attirait, soit parce qu’une bourrasque les projetait contre la résine, soit par ruissellement. Le fait est que ces insectes se sont retrouvés piégés, qu'ils y sont morts, et que, au fil des millénaires, cette résine s'est peu à peu fossilisée pour finalement devenir de l'ambre.
On en déduira très logiquement que les insectes, fleurs, végétaux, pollens, etc. inclus dans ces ambres étaient contemporains de l'époque où ils se sont formés. Bien plus anciens que certains dinosaures, ils nous sont livrés dans un état de conservation exceptionnel grâce à leur inclusion dans l'ambre. Ensevelis sous la mer Baltique, sous d'épaisses couches de sédiments, ils réapparaissent aujourd'hui à la faveur de violentes tempêtes qui les arrachent des fonds marins. Libérés de leur gangue, ces morceaux d'ambre remontent par thixotropie à la surface et vont se déposer sur les plages de la Baltique où depuis des centaines d'années, les riverains les recueillent pour les vendre.]
La mer du Nord, explique la faible salinité de l'eau de la Baltique (un tiers de moins que dans l'océan Atlantique). C’est l'une des mers du monde les plus petites, les moins profondes (55 mètres en moyenne), les plus parsemées d'îles mais aussi d'écueils faisant la joie des archéologues et des plongeurs. Mais c’est aussi un milieu riche et fascinant, un joyau situé au sein même de l'Europe. Car depuis l'élargissement de 2004, la mer Baltique est pleinement devenue une mer « européenne » : elle est bordée par 8 États membres (Danemark, Estonie, Finlande, Allemagne, Lettonie, Lituanie, Pologne et Suède), représentant un tiers de la population européenne. C’est aussi le point de rencontre géographique entre l'Union et la Russie. Car le bassin hydrographique de la Baltique, immense, s’étend jusqu’au Bélarus, à l'Ukraine, à la République slovaque, à la République tchèque et à la Norvège.
La mer Baltique présente plusieurs particularités qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Il s'agit d'une mer jeune, la plus jeune de la planète. Elle est apparue à la fin de la dernière glaciation par suite de la fonte de la calotte glaciaire et de l’élévation consécutive du niveau des eaux. Tour à tour détroit, vaste baie, lac et enfin mer intérieure, elle est le fruit d'une histoire géologique exceptionnelle.
La mer Baltique : le fruit d'une histoire géologique exceptionnelle
Pour bien comprendre la genèse de la formation de la mer Baltique, il faut remonter plusieurs millions d’années en arrière. Ce qui forme alors la cuvette scandinave est à cette époque constitué de vastes plateaux recouverts d'immenses forêts. Mais dans l'hémisphère nord, les phénomènes de glaciation successifs vont se traduire par la formation de deux énormes calottes glaciaires à l'échelle continentale, les boucliers glaciaires laurentide (Amérique du Nord) et finno-scandinave (Europe), qui s'étendaient du pôle jusqu’aux latitudes moyennes. Tous deux ont pour l’essentiel disparu suite à la fonte postglaciaire il y a environ 15 000 ans.
C'est à cette époque, autrement dit hier à l'échelle des temps géologiques, que commence à se former la mer Baltique. L'inlandsis nord-européen au cours de son retrait marque un arrêt au sud de la Finlande. Les eaux froides, provenant de la fonte de l'Inlandsis, barrées par de grandes moraines au Nord, par le continent au Sud et à l'Est, formèrent un lac glaciaire Baltique il y a environ 12 000 ans.
Au gré de la déglaciation et de la remontée concomitante du niveau marin, ce lac Baltique entra en communication avec la Mer du Nord et la mer Blanche. L'eau salée se déversa dans le lac qui devint, pendant une courte période, une mer. Puis le relèvement graduel du continent, libéré du poids de l'Inlandsis, entraîna ensuite une régression qui eut comme conséquence de transformer à nouveau la mer en lac.
Mais la remontée des eaux marines étant plus rapide que le relèvement isostatique du continent, l'eau de la mer du Nord pénétra dans le lac par
[Photo : Depuis l'élargissement de 2004, la mer Baltique est pleinement devenue une mer « européenne » : elle est bordée par 8 États membres, représentant un tiers de la population européenne. C’est aussi le point de rencontre géographique entre l'Union et la Russie. La région doit pourtant faire face à une menace imminente : une catastrophe environnementale majeure.]
Les détroits danois déterminant la formation d’une nouvelle mer. Cette étendue salée devint par la suite saumâtre avant de devenir progressivement la mer Baltique telle que nous la connaissons aujourd'hui. Cette histoire géologique tourmentée est à l'origine de bien des particularités de la mer Baltique qui en font un écosystème totalement à part.
La mer Baltique, un écosystème totalement à part
Le fond de la mer Baltique est formé d'une série de vastes bassins séparés par des reliefs sous-marins appelés seuils. Cette configuration particulière, alliée à l'étroitesse et à la faible profondeur des passages reliant les Belt, l'Öresund et le Kattegat, limite considérablement les échanges d'eau entre la mer Baltique et la mer du Nord. Du coup, il faut près de trente ans pour assurer le renouvellement total de ces eaux. À des intervalles variables, de l’ordre de quelques années, on observe des arrivées importantes d'eau de salinité plus élevée, mais celles-ci fragilisent la faune et la flore qui communiquent assez peu avec les autres mers. Ces arrivées, liées au volume des apports d'eau douce des fleuves qui se jettent dans la mer, sont à l'origine de l'extrême variabilité des conditions hydrophysiques (oxygène et salinité) qui règnent dans la Baltique.
[Photo : L'ambre Baltique est une résine qui s'est écoulée il y a 30 millions d'années d'un arbre aujourd'hui disparu qui prospérait alors sur les plateaux qui se trouvaient à l’emplacement actuel de la mer Baltique.]
Des biotopes spécifiques ainsi qu'une faune et une flore composées d'espèces peu nombreuses mais adaptées au milieu s'y sont bien développés mais de manière limitée. Certaines espèces supportant mal les taux de salinité élevés finissent par disparaître tandis que d'autres, exigeant au contraire un taux de salinité important et constant, ne peuvent s’adapter durablement. Résultat, on dénombre aujourd'hui moins d’une centaine d’espèces vivant dans la mer Baltique, contre plus de 1 600 en moyenne dans les autres mers du globe.
Autre particularité, l’importance de l'amplitude thermique des eaux de la mer : alors qu’en hiver, la banquise recouvre le fond des golfes de Botnie et de Finlande ainsi que la quasi-totalité des côtes qui se trouvent au nord de l'île de Gotland au large de Stockholm, la température des eaux peut monter jusqu’à 16 °C l'été dans le Sud et 12 °C dans le golfe de Botnie. Tout ceci fait de la mer Baltique un milieu fragile, composé d’écosystèmes peu nombreux et très vulnérables. C'est à ces fragilités naturelles que se sont ajoutées les pressions anthropiques intenses qui sont à l'origine du dépérissement de la mer Baltique que nous observons aujourd'hui.
[Encart : Les « zones mortes » : la plus grande menace du 21ᵉ siècle ?
Les zones mortes sont des zones anormalement anoxiques, c'est-à-dire déficitaires en oxygène dissous au sein d'un environnement aquatique. Ces phénomènes, temporaires ou permanents, aboutissent à tuer par asphyxie toute la faune et la flore situées dans la zone concernée. Toute forme de vie disparaît alors au profit de bactéries primitives et d'organismes fongiques.
150 zones mortes ont été recensées de par le monde dans le dernier rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Une menace très inquiétante selon les experts, puisqu'elle a des retombées sur les stocks de poissons et donc sur les populations dépendant de la pêche pour leur survie alimentaire et économique.
Si certaines de ces zones sont limitées (moins d'un kilomètre carré), d'autres sont proprement gigantesques. C'est le cas de la plus importante d'entre elles, recensée justement en mer Baltique, qui occupe quelque 70 000 km², quasiment la surface de l'Irlande. Plus inquiétant encore, contrairement à la plupart des autres zones mortes recensées dans le monde, celle-ci ne disparaît pas en hiver. Selon certains experts, le réchauffement planétaire, l'augmentation des précipitations et la hausse des températures qui s'ensuit, pourraient aggraver la situation...]
[Photo : Historiquement, la Baltique a été un important champ de bataille lors de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale. Toutes deux ont laissé d'importantes séquelles environnementales.]
Des pressions anthropiques intenses à l'origine du dépérissement de la mer Baltique
La pollution d'origine tellurique est largement responsable de la pollution globale de la mer Baltique. Historiquement, la Baltique a été un important champ de bataille lors de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale.
Toutes deux ont laissé d’importantes séquelles environnementales. Non seulement de nombreux navires y ont coulé avec leurs chargements toxiques, mais après ces deux guerres, des centaines de milliers de tonnes de munitions conventionnelles et chimiques y ont été volontairement immergées. On estime qu’après la seconde guerre mondiale, plus de 290 000 tonnes de munitions contenant plus de 14 substances toxiques différentes ont été immergées.
Et bien que tous les sites d’immersion ne soient pas encore répertoriés, on sait aujourd’hui que plus de 35 000 tonnes de munitions reposent près de Gotland et que 5 000 tonnes d’obus chimiques remplis de gaz moutarde ont été immergés à 70 km de la ville de Liepaja en Lettonie.
Minés par la corrosion, ils distillent chaque jour un peu plus leurs mortels poisons dans la Baltique.
Ensuite, même si la Baltique est exploitée depuis bien longtemps par les populations vivant et commerçant sur son pourtour, que ce soit pour la pêche ou pour le transport de marchandises entre les deux rives, elle doit aujourd’hui faire face à de nouvelles pressions, liées par exemple au développement des loisirs et du tourisme. S’y ajoute la pollution résultant des activités des 85 millions de personnes qui vivent et travaillent dans le bassin et qui commence à se faire lourdement sentir. Au cours des dernières décennies, la pollution de la mer Baltique est devenue de plus en plus critique. Ainsi, les fleuves des pays baltes charrient une pollution considérable, d’origines agricole, industrielle, mais aussi radioactive, bien avant que le nuage de Tchernobyl ne survole et contamine gravement cette zone. De nombreux foies et reins de poissons et mammifères marins dépassent les teneurs admissibles pour plusieurs métaux lourds et polluants organiques.
[Photo : Le trafic maritime augmente en outre rapidement. Des dizaines de milliers de navires transitent chaque année sur la Baltique et on prévoit que le transport du pétrole par mer augmente de façon vertigineuse durant la prochaine décennie.]
[Photo : L’exploitation du pétrole et du gaz ont également laissé des traces sur ces importants écosystèmes marins.]
Autre phénomène, presque plus préoccupant encore, la pollution par les substances nutritives qui favorise une prolifération excessive des algues et provoque un appauvrissement des eaux profondes en oxygène.
Résultat, en moins de dix ans une « zone morte » exempte de toute vie benthique s’est formée dans la région du Skagerrak. Dans cette zone, déficitaire en oxygène dissous, les poissons, crustacés, coquillages et coraux meurent asphyxiés et se décomposent sur les fonds marins accentuant encore le phénomène. Déjà, les experts observent la formation d’autres zones mortes traduisant la rapide dégradation de la qualité des eaux de la mer.
En 1992, la Commission d’Helsinki (HELCOM) a lancé le Programme international d’action environnementale pour la mer Baltique.
L’objectif de ce programme, étalé sur vingt ans et doté d’une enveloppe de 18 milliards d’euros, est d’engager la dépollution de la Baltique qui se trouve dans un état alarmant.
Outre les pollutions industrielles et l’insuffisance ou l’absence de stations d’épuration, ce sont les pollutions agricoles, voire atmosphériques, qui sont aujourd’hui les plus problématiques.
Si les premières ont régressé, les secondes se sont aggravées ces dernières années. Autant dire qu’avec la mer Baltique, l’Europe pourrait bien connaître sa première catastrophe écologique majeure…