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La digestion anaérobie en déchets municipaux : déchets gris

30 janvier 2008 Paru dans le N°308 à la page 52 ( mots)
Rédigé par : Luc DE BAERE

Le traitement anaérobie de la fraction résiduaire, dite également ?déchets gris', contenue dans les déchets ménagers ne cesse de gagner en importance. La digestion anaérobie des déchets ménagers a connu un développement rapide en Europe vers le milieu des années 1990; toutefois, elle restait principalement réservée au traitement des biodéchets en raison de l'existence, dans un grand nombre de pays, d'un système de collecte séparée de la fraction organique des déchets ménagers. Le tri à la source au niveau des ménages avait pour but de permettre la préparation de compost de bonne qualité, à très faible teneur en métaux lourds.

Au cours des cinq dernières années, la digestion anaérobie appliquée aux déchets gris a connu une croissance exponentielle : en 1998, seuls 13 % de la capacité totale de biométhanisation des déchets ménagers installée en Europe convenaient au traitement de déchets gris ; en 2006, ce pourcentage était passé à pas moins de 52 %. Actuellement, 2/3 des installations de biométhanisation des déchets ménagers en cours de construction sont destinées au traitement des déchets gris, 1/3 étant réservées au traitement de déchets organiques triés à la source.

Dans le traitement des déchets ménagers, la matière la plus difficile à traiter est celle constituée des déchets gris subsistant après le tri des matières recyclables et de la fraction organique. Dans l'élimination sélective, on sépare en effet d’emblée les matières aisément fermentescibles, laissant des déchets gris contenant une grande quantité d’impuretés telles que du verre, des pierres ou des plastiques. La digestion anaérobie de ces déchets gris vise avant tout à obtenir une matière inerte et stable pouvant être mise en décharge dans le respect de la réglementation allemande. La plus ancienne installation de biométhanisation intégrant le traitement des déchets gris après collecte séparée de la fraction organique se trouve à Bassum en Allemagne ; cette installation fait appel à la technologie Dranco.

[Photo : Digesteur à flux partiel de Pohlsche Heide à Hille en Allemagne]

Digesteur à flux partiel de Pohlsche Heide à Hille en Allemagne

Construite en 2005, l’installation de Pohlsche Heide à Hille contient un digesteur destiné au traitement de la fraction organique des déchets ménagers gris. De construction récente, cette installation a une capacité de 100 000 tonnes/an, dont 37 500 tonnes/an sont traitées par biométhanisation. L’installation traite des déchets industriels, des déchets ménagers et des boues déshydratées provenant de stations d’épuration des eaux usées situées à proximité. Seules les matières organiques contenues dans les déchets ménagers gris et les boues sont traitées dans le digesteur.

Les déchets ménagers gris sont tout d’abord broyés et tamisés sur des cribles tournants de 60 et de 300 mm. Après retrait des métaux ferreux, la fraction à moins de 60 mm est envoyée dans un séparateur balistique pour en retirer les corps lourds tels que verre, pierres, etc. Les composants lourds sont dirigés directement vers la phase de compostage. La fraction organique fine obtenue après séparation des corps lourds est acheminée vers une trémie doseuse destinée à alimenter le digesteur selon les proportions requises pour le processus de fermentation. Une partie de cette fraction organique est envoyée dans un circuit parallèle et mélangée sans traitement au résidu digéré à la sortie du fermenteur. Le reste de la fraction organique est acheminé vers l'unité de mélange-alimentation du digesteur, qui assure un mélange énergique de matière organique fraîche et de résidu digéré en proportions de 1 pour 6. Cette préparation s’accompagne de l’ajout de chlorure de fer.

[Photo : Diagramme fonctionnel du digesteur Dranco de Pohische Heide en Allemagne.]

d'eau de traitement selon besoin. On ajoute également au mélange une quantité de 50 à 100 tonnes de boues par semaine ; de même, on injecte la quantité nécessaire de vapeur pour porter la température de l’ensemble à environ 50 °C afin d’obtenir les conditions thermophiles souhaitées. À l’aide d’une pompe à piston, le mélange est amené dans la partie haute du digesteur ; la fermentation démarre immédiatement.

Le volume du digesteur est de 2 260 m³ pour une hauteur totale de 25 m. Le temps de séjour moyen est de 25 jours. Le biogaz produit est extrait par le haut du digesteur ; la matière en cours de fermentation transite dans le digesteur de haut en bas par gravité. Aucun mélange mécanique n’est effectué dans la cuve de fermentation, qui est dépourvue de dispositifs en mouvement. La matière digérée, extraite du digesteur par une vis, est soit renvoyée vers l’unité de mélange-alimentation pour la préparation d’un nouveau lot de matière prête à fermenter, soit sortie du processus et dirigée vers un deuxième mélangeur avant l’entrée en phase de compostage.

Le résidu digéré y est mélangé à de la matière organique fraîche à raison de deux parts pour une ; il est ensuite soumis à un compostage intensif dans des tunnels chauffés. Après un compostage intensif de deux à trois jours, la matière est transférée dans des tunnels non chauffés pour stabilisation et séchage. Le produit final offre la stabilité requise selon les normes relatives à la mise en décharge de déchets inertes applicables en Allemagne.

Le biogaz produit est recueilli à la partie supérieure du digesteur et stocké pendant une brève période dans un gazomètre. Il est ensuite refroidi et envoyé sur un épurateur à charbon actif pour en éliminer les siloxanes. Le biogaz purifié est utilisé pour la production de vapeur, la production d’électricité à l’aide de moteurs à gaz ou comme produit auxiliaire pour l’alimentation des brûleurs de l’unité OTR (oxydation thermique régénérative) destinée à l’épuration de l’air de processus le plus contaminé (voir figure 2).

[Photo : Diagramme de circulation de l'air.]

Processus de digestion et résultats

La quantité de matière organique fraîche obtenue par prétraitement des déchets ménagers gris s’élève à environ 500 tonnes par semaine. Cette matière se caractérise par une teneur élevée en matière sèche (MS 54 %) et une teneur en solides volatils de 55 % (tableau 1). Les boues ajoutées contiennent environ 21 % de matière sèche pour une teneur en solides volatils de 61 %. La digestion produit 120 Nm³ de biogaz par tonne de matière organique issue des déchets gris et 23,5 Nm³ de biogaz par tonne de boue. La teneur en méthane du biogaz est de 56,2 % en moyenne.

Les figures 3, 4 et 5 présentent une vue synthétique des résultats obtenus pendant les semaines 34 à 43 de l’année 2006. La figure 3 indique également le poids, en tonnes, de matière de départ pour chaque semaine. Au cours de la semaine 39, le digesteur n’a été alimenté que pendant trois jours en raison de travaux d’entretien de la section de prétraitement. Pendant cette période de dix semaines, le volume de production de biogaz a très peu fluctué. La figure 4 résume les tonnages hebdomadaires de déchets organiques et de boues. Les boues ont représenté en moyenne environ 10 % de la quantité de matière à l’entrée ; cette proportion a toutefois crû à 25 % pendant la période considérée.

Tableau 1 : Composition de la fraction organique après prétraitement

Inertes
Plastiques
Textiles
Reste

semaine où la section de prétraitement des matières organiques n’a été en service que durant 3 jours. La figure 5 présente la production hebdomadaire de biogaz en Nm³, soit une production moyenne d’environ 55 000 Nm³ pour une productivité spécifique de 4,5 Nm³ par Nm³ de volume actif du réacteur et par jour.

[Photo : Figure 3 : Entrée totale dans le réacteur & production de biogaz (Installation Dranco Pohlsche Heide)]

Produit final stabilisé

La biométhanisation d’une partie de la fraction organique réduit le temps de compostage nécessaire au respect des normes de stabilité applicables au compost stabilisé. Les matières organiques non traitées par fermentation anaérobie demandent un temps de compostage en tunnel de 8 à 10 semaines, contre 4 à 6 semaines seulement pour un mélange de 2 parts de résidu digéré et 1 part de matière organique fraîche. Ainsi, la digestion anaérobie ne produit pas seulement de l’énergie, mais permet également de réduire de manière considérable la surface de compostage en tunnels, à quoi s’ajoute une réduction de l’énergie nécessaire à la ventilation de ces derniers.

Tous les paramètres de stabilité ont été respectés pendant les tests de mise en service. Les analyses ont été réalisées sur des échantillons de produit traité prélevés toutes les 2 000 tonnes, ce qui équivaut à une analyse complète toutes les 4 semaines (voir tableau 2).

[Photo : Figure 4 : Entrée dans le réacteur (Installation Dranco Pohlsche Heide)]

Tableau 2 : Mesures de stabilité

Paramètre Norme Plage Moyenne
Teneur en eau (% MS) ≤ 35 26 – 28 26,5
Teneur en cendres (% MS) < 18 12 – 17 14,4
COT sur résidu sec (mg C / g MS) < 50 10 – 37 24
Respirabilité (mg O₂ / g MS) < 5,0 1,8 – 2,4 2,2
Production de gaz (l / kg MS) < 2 000 370 – 390 385
Valeur calorifique (kJ / kg MS) < 6 000 4 850 – 4 900 4 875
[Photo : Figure 5 : Production de biogaz par semaine & productivité de biogaz (Installation Dranco Pohlsche Heide)]

Conclusions

La digestion anaérobie à flux partiel des déchets ménagers gris permet de réduire de façon significative les coûts d’investissement et d’exploitation de la phase suivante de compostage aérobie et de stabilisation. Dans le même temps, la digestion anaérobie se traduit par des avantages tels que la production concomitante d’énergie, la diminution importante des odeurs et la réduction de la surface d’exploitation requise pour les deux tiers de la matière organique compostée, correspondant à la fraction prétraitée. De plus, l’utilisation d’une fermentation à sec, capable de produire un résidu digéré ayant une teneur totale en solides de plus de 35 %, élimine la nécessité d’une déshydratation coûteuse et du traitement d’eaux usées excédentaires.

Références bibliographiques

1. De Baere L. et Boelens J. (1999) The treatment of grey and mixed solid waste by means of anaerobic digestion: future developments. In: Presentations (Volume II) of the II International symposium on anaerobic digestion of solid waste, Barcelone, Espagne.

2. De Baere L. (2005) Will anaerobic digestion of solid waste survive in the future? In: Water Science & Technology Vol. 53, n° 8, pp 187 – 194.

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