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La gestion et le traitement des déchets de bacs à graisses : organisation des filières

30 septembre 2003 Paru dans le N°264 à la page 61 ( mots)
Rédigé par : P. KERBIRIOU et L. KRAEUTLER

A l'issue d'une étude ADEME-EME intitulée ? l'état de l'art des traitements de déchets de bacs à graisses ?, les auteurs ont rassemblé dans cette article une comparaison technico-économique des différents types de traitements possibles, afin d'en tirer quelques recommandations en vue d'organiser les filières. Celles-ci doivent être évidemment adaptées à l'échelle des territoires qui sont concernés par cette problématique, qui touche les secteurs professionnels de la restauration collective, du commerce de bouche et de l'assainissement collectif et autonome.

Le rejet d'effluents graisseux dans les canalisations en aval des restaurants, ateliers traiteurs ou équipements d'assainissement provoque des nuisances liées au caractère fermentescible et au pouvoir colmatant. Ces nuisances ne sont pas uniquement présentes au niveau du restaurant. Les graisses perturbent, en effet, l'ensemble du système d'assainissement et le milieu naturel ; du réseau d'assainissement aux eaux superficielles en passant par la station d'épuration des eaux usées.

Responsabilités du producteur de déchets graisseux : le cas de la restauration

Les prescriptions réglementaires françaises tendent à considérer le bac à graisses comme l'équipement obligatoire pour le pré-traitement des eaux de cuisines de la restauration.

Réglementairement, le restaurateur est responsable de ses déchets de bacs à graisses jusqu'à l'élimination. Ceci implique que le restaurateur doit confier ces déchets à un collecteur ayant déclaré son activité en préfecture. Le restaurateur doit s'assurer que les déchets graisseux sont éliminés dans des conditions propres à éviter les nuisances. Il doit mettre en place avec le collecteur un système de traçabilité avec bordereau de suivi du déchet.

[Encart : Déchets de bacs à graisses Siccité : 5 % à 10 % MS Graisses : 5 % à 10 % MEH Densité : 0,9 PCI : 2000 DCO : 300 g/l]

Les déchets de bacs à graisses

Les vidanges de bac à graisses de restauration, d'ateliers de préparations culinaires ou d'assainissement présentent certaines caractéristiques communes, mais ne peuvent pas être éliminés de la même façon. Ils sont issus de la vidange en mélange, d'un summa—

En cours de publication aux éditions Ademe.

[Photo : Figure 1 : Circuits des déchets graisseux de la restauration.]

geant très gras (notamment pour les bacs à graisses de restauration) avec la phase aqueuse et la phase sédimentée. Ils sont donc fortement dilués.

On distingue trois phases au niveau d’un séparateur à graisses :

  • • une couche graisseuse,
  • • une phase aqueuse (eau, matière en suspension),
  • • une phase sédimentée (fécules, boues).
[Photo : Schéma d'un bac à graisses.]

Dans le cadre réglementaire français, ces déchets graisseux sont classés comme DIB (19 08 09) s'ils proviennent d’effluent d'origine « alimentaire » ou DIS (19 08 10*) sinon.

La collecte

Organisation professionnelle

La profession de la vidange et du curage de fosses est une profession à deux vitesses. En 2002, il existe encore des « vidangeurs » dont l’activité n’est pas déclarée en préfecture. Certains mélangent des déchets parfois difficilement compatibles afin d’optimiser les tournées : vidanges de fosses septiques et bacs à graisses, curage d’assainissement.

Près de 3 millions de tonnes de déchets graisseux sont produits par la restauration et 0,5 million de tonnes seulement sont collectées au rythme actuel des vidanges et compte tenu d'un taux d’équipement en bac à graisses de l'ordre de 55 % seulement.

[Photo : Figure 3 : Les équipements de collecte ne sont pas toujours compartimentés.]

Fréquence de collecte et efficacité du bac à graisses

Malheureusement, les vidanges sont réalisées en moyenne tous les trois à quatre mois seulement. Or, d’après Adam [2000], le rendement d’un bac à graisses de restaurant correctement dimensionné est de 70 % au bout de 30 jours et de 50 % le 45ᵉ jour. Dans le cas d'un bac à graisses sous-dimensionné, le rendement tomberait à 10 % après le 40ᵉ jour.

[Photo : Figure 2 : Rendement d'un bac à graisses sur 150 jours d'activité.]

On observe sur la figure 2 la baisse en moins de 50 jours du rendement qui passe de 80 % à 10 % entre deux vidanges.

D’après ces chiffres, on peut estimer que le rendement des bacs à graisses est de 50 % minimum au bout de trente jours de fonctionnement.

Afin de mieux structurer la profession et pour accompagner les évolutions du marché et répondre aux nouvelles attentes des clients, la Fédération Nationale des Syndicats d’Assainissement (FNSA) et de la maintenance industrielle, qui représente 80 % des sociétés de vidange au niveau national, a mis en place un certain nombre de prescriptions de qualité de service.

Vers une qualification des pratiques professionnelles

En 1996, est créé le Code Professionnel pour fédérer les entreprises d’assainissement et de collecte des déchets autour d'une démarche visant l'amélioration de la qualité des services de la profession. Ce Code Professionnel s’inspire des concepts de l’Assurance Qualité tels qu’ils sont décrits dans les normes ISO 9000.

Tableau I : Grille de cotation des impacts sur l’environnement

NoteImpact
2Marqué
1Moyen
0Nul
-1Réduit un impact

FNSA propose à ses adhérents depuis mai 2002 la qualification professionnelle QUALITASS.

Cette qualification professionnelle est gage de compétence et de qualité des prestations. Pour obtenir cette qualification, les entreprises doivent justifier de leur régularité sur les plans administratif, fiscal, social et de références attestant de leurs compétences techniques. Elles doivent aussi s’engager sur le respect des réglementations en vigueur et sur l’application d’un système de management de la qualité et de la sécurité.

Pour le restaurateur, le choix d’un prestataire de vidange possédant la qualification QUALITASS constitue un atout supplémentaire quant à la gestion de ses déchets graisseux.

L’élimination des déchets de bacs à graisses

Des régions sous-équipées

La filière des stations d’épuration est saturée dans certains départements de France. Les autres filières de traitement des déchets graisseux issus de la restauration existent. Malheureusement, à l’heure actuelle les centres de traitement sont en nombre trop limité sur le territoire français.

Concernant les sites centralisés de traitement acceptant des graisses de restauration et d’assainissement, il n’y aurait (en 2002) que 3 sites de centrifugation, 1 bioréacteur, 4 compostages, 1 thermique et 1 physico-chimique.

Le dépotage en stations d’épuration représente 50 % des exutoires des bacs à graisses de restauration, et les traitements physico-chimiques 25 % (enquête nationale 2002 auprès des collecteurs).

Les déchets graisseux, composés à plus de 80 % d’eau, parcourent parfois plus de 300 kilomètres jusqu’au site de traitement. Or le transport en camions-citerne n’est pas négligeable en termes d’impact sur l’environnement (85 g éq. CO₂ / t-km).

La première évolution pour une meilleure gestion des déchets graisseux serait d’optimiser la répartition géographique des centres de traitement de ces déchets.

Impacts selon les procédés de traitements

Certaines filières ont plus d’impact sur l’air et d’autres sur l’eau ou l’utilisation des ressources naturelles. Il est possible de répartir les impacts des différentes filières de traitement par milieux : l’eau, l’air, le sol, les ressources naturelles.

  • – Les impacts sur l’eau dépendent de la qualité de rejet de la phase aqueuse après traitement ;
  • – Les impacts sur l’air tiennent compte des émissions atmosphériques lors du traitement ainsi que des odeurs ;
  • – Pour les impacts sur le sol, nous avons émis l’hypothèse d’un épandage des coproduits issus des différents traitements ;
  • – Les impacts sur les ressources naturelles prennent en compte les consommations énergétiques, de réactifs ou au contraire les économies réalisées en termes de ressources naturelles (exemple : combustible de substitution, biogaz...).

L’impact sur l’eau, sur les ressources naturelles ou sur l’air n’a pas la même importance, selon la situation environnementale des régions. Une pondération à l’échelle nationale des milieux impactés a donc été nécessaire, qu’il convient d’ajuster en fonction de chaque région.

Dans le tableau II, la colonne « autres nuisances » indique l’ensemble des nuisances annexes générées par le procédé de traitement (bruit, nuisances visuelles, trafic routier...).

Pour comparer l’impact sur l’air, l’eau, le sol, les ressources naturelles et les autres nuisances, il faut multiplier la cotation des impacts de chaque milieu par les coefficients de la grille présentée en tableau I.

Cette méthode (basée sur les données techniques de l’état de l’art précité) permet d’estimer les impacts comparés des différentes filières de traitement des déchets graisseux. Les impacts par milieux (décrits dans le tableau II) font ressortir en impacts négatifs (gain pour l’environnement) la combustion, le compostage et la méthanisation.

[Photo : Figure 4 – Les exutoires des déchets graisseux de restauration par régions (STEP, CT2, valorisation chimique, compostage, bioréacteurs, physico-chimique, thermique, autres).]

Tableau II : Grille de hiérarchisation des impacts

MilieuxAirEauSolRessources naturellesAutres nuisances
Coefficient de pondération23211
[Photo : Tableau 11 : Commentaires sur les impacts des différentes filières de traitement des déchets graisseux de restauration]

Indice d'impact

[Photo : Figure 5 : Impacts comparés des filières de traitement des déchets graisseux de restauration.]

Impacts estimés les plus forts portent sur l'eau, pour le traitement physico-chimique (floculation) et la centrifugation.

Aide à la décision à l'échelle régionale

Impacts

Le tableau III montre que les sept filières possibles pour le traitement des graisses de restauration comportent des impacts différents sur les domaines que sont l'air, l'eau, le sol, les ressources naturelles et les nuisances annexes. Ces différents impacts sont à mettre en parallèle avec la sensibilité locale des milieux où l'unité de traitement doit être installée.

Principe de valorisation

Peu de procédés permettent une valorisation de la fraction grasse des déchets graisseux de bacs à graisses. La seule valorisation est la substitution d'un combustible.

Aspects économiques

Par contre ce genre de procédé nécessite un gisement minimum de 10 000 m³ par an pour être viable.

[Photo : Figure 6 : Le traitement biologique (réacteur raccordé aux E.U.) est le moins cher. Les physico-chimiques suivis d'enfouissement coûtent de l’ordre de 50 €/T comme la filière centrifugation + valorisation thermique. Le plus onéreux reste la centrifugation + enfouissement.]

Approche multicritères

Outre les orientations des plans d’élimination des déchets, les critères suivants demandent à être analysés pour faire le choix d'une filière de traitement des déchets graisseux :

- le gisement de déchets graisseux à traiter (et des autres déchets organiques dans le cas d'un traitement biologique) ;

- la proximité ou non d’un exutoire conforme à la réglementation (station d’épuration équipée d’un traitement des graisses, traitement centralisé...) ;

- la gestion des coproduits du traitement (épandage, compostage des boues...) ;

- la sensibilité des milieux récepteurs (eau, air, sol) ;

- la politique de l’entreprise en terme d’image (privilégier une valorisation en interne plutôt que sur une unité centralisée).

[Encart : Références bibliographiques + ADEME, Les déchets de la restauration en France : état des lieux, Ademe Éditions, 2000 + Adam P., Lefebvre F., Cholin B., Les bacs dégraisseurs : étude expérimentale et proposition d’un programme de gestion intégrée, TSM n°9, 2000 * Boulant A., Procédé de biodégradation Carbofil – réunion d'information sur les déchets graisseux : filières d’élimination, Bretagne Environnement Plus, 25 octobre 2001 * Bridoux G., Dhulster P., Manem J., Analyse des graisses dans les stations d’épuration, TSM n°5, 1994 * Helaine D., Robino T., Labatut S., Un nouveau concept de traitement et de valorisation des déchets graisseux alimentaires, Techniques Sciences et Méthodes, n°7-8, 1995 * Lebesgue Y., Traitement des graisses in situ ou sur site industriel, conférence EFEPollutec, 1993 + Rougelot J.Y., Traitement des graisses des déchets agroalimentaires, SAUR, 1999 + Vidal H., Gestion des déchets graisseux sur le bassin Seine-Normandie, étude agence de l'eau Seine Normandie, 2000 * Norme européenne NF EN 1825.2, Installation de séparation de graisses – partie 2 : choix des tailles nominales, installation, service et entretien, novembre 2002 * Brevet n°99 16302, Méthode et dispositif d’autocombustion de déchets organiques graisseux comportant un foyer à chauffe tangentielle, INPI, 1999]
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