Le procédé Ducelier-Isman, constitue un procédé fiable et reproductible pour autant que la matière première s'y prête, humidité 20-50 % ms, densité de chargement < 200 kgMS/m3.
Les principes de base définis par les concepteurs du procédé étaient les suivants :
- – Le procédé doit être simple, fiable et reproductible.
- – Le matériel classique de l'exploitation agricole doit suffire à la manutention des produits.
Les résultats présentés ici sont ceux qu’ils ont obtenus au cours des campagnes 1986-1987 sur le site expérimental de la ferme de Boigneville (78).
L’installation pilote de Boigneville
Les principes de base retenus pour la conception de cette installation étaient :
- – Aération des fumiers en place pour emmagasiner rapidement une grande quantité de chaleur et chauffer de façon homogène l’ensemble de la masse.
- – Immersion totale du fumier en utilisant un pied de cuve qui assure la mise en anaérobiose rapide, l'ensemencement et l'homogénéisation des conditions de milieu (température…).
Le matériel courant d'une exploitation doit pouvoir pénétrer dans la cuve pour la remplir et la vider. Elle doit donc être équipée d'une porte d’au moins 2,5 m de large. Le remplissage total étant effectué une fois la porte fermée, la hauteur ne doit pas dépasser 2,3 m.
La cuve doit répondre à trois impératifs techniques :
- – Solidité : les cuves sont réalisées en béton armé vibré ; parois et portes sont calculées pour encaisser une poussée équivalente à 2,3 m de hauteur d’eau.
- – Étanchéité aux liquides et aux gaz.
- – Isolation thermique soignée pour maintenir une température intérieure de 30 à 40 °C.
L’installation pilote de Boigneville était constituée de deux méthaniseurs de 15 m³ chacun, 13 m³ utiles, du type silo-couloir fermé par une porte étanche.
Le chargement et le déchargement se font avec une fourche hydraulique. Des caillebotis bovins ou un rainurage en fond de cuve permettent l'aération initiale.
La cuve est fermée par un couvercle amovible pour la récupération du gaz ; l'étanchéité est assurée par un joint d’eau. Le fumier est maintenu immergé par des barres anti-flottaison placées sous le couvercle.
Principes du procédé Ducellier-Isman
Ce procédé est basé sur plusieurs observations. Pour des substrats tels que les fumiers, le contrôle de la méthanisation passe par le contrôle de la température de fermentation et par la mise en anaérobiose rapide de la matière à fermenter.
Les fumiers sont de mauvais conducteurs de la chaleur, difficiles à réchauffer. Par contre, leur aération permet de développer une fermentation aérobie très exothermique ; des températures de l’ordre de 70 °C sont ainsi atteignables. Ce sont des milieux poreux peu homogènes ; la circulation des liquides y est assez capricieuse et le volume d’air contenu y est assez important.
Contrôle de la température, la préfermentation aérobie
L’aération d’un fumier humide provoque une réaction fortement exothermique ; elle est utilisée pour augmenter la température du tas de façon homogène et créer les conditions favorables au bon démarrage de la fermentation. Le fumier est plutôt un isolant et son chauffage par une autre méthode serait long et aléatoire.
Cette aération doit se faire en conservant une faible vitesse de passage de l’air pour que l’échauffement soit aussi homogène que possible sans sécher ni refroidir le fumier. Son débit ne doit pas dépasser 1 à 2 m³/m²/h, de façon continue ou discontinue pendant une période de 24 à 36 h, durée au-delà de laquelle la température se stabilise.
La ventilation initiale entraîne un tassement qui autorise un chargement supérieur d’environ 15 % de la cuve, respectivement 15 m³ et 13 m³/j. Les deux essais, même matière première, étant conduits à la même température, les productions spécifiques (m³/kg MS) sont identiques.
Pour être efficace, l’humidité de la matière doit être de l’ordre de 60 à 75 %. Pour les fumiers humides, la température finale est plus faible. Les fumiers très compactés, peu perméables à l’air, chauffent mal. Par comparaison avec une fermentation sans ventilation préalable mais dont la température a été contrôlée par un chauffage extérieur, on a pu estimer que la ventilation permettait une économie de chauffage de l’ordre de 15 kWh/m³ de fumier.
Bilan hiver 1984 Effet aération
ms fumier % | 28,5 | |
AERAT® | oui | Non |
fumier chargé t | 7,34 | 6,35 |
T° immersion °C | 36 | 25 |
prod gaz m³ | 470 | 410 |
teneur CH₄ % | 52 | 53 |
énergie produite kWh | 2302 | 2047 |
énergie conso kWh | 861 | 1023 |
énergie nette kWh | 1441 | 1024 |
prod specif m³/kgms | 225 | 227 |
Au final, la préfementation aérobie permet d’assurer une température de fermentation optimale à l’immersion, une augmentation du taux de chargement, et donc une amélioration du bilan énergétique net. Nous n’avons pas observé de perte mesurable de potentiel CH₄.
Immersion des fumiers
L’anaérobiose, condition de la méthanisation, est facilement obtenue par immersion du fumier. En introduisant dans la cuve de l’eau, puis « un pied de cuve » provenant d’une fermentation précédente, cette pratique permet un ensemencement du fumier et un démarrage plus rapide de la fermentation.
L’immersion à l’eau permet d’obtenir un gaz combustible au bout de 6 jours, cette durée serait encore beaucoup plus longue sans immersion. Si l’immersion est réalisée avec un pied de cuve provenant d’une fermentation précédente, ce délai est réduit à deux jours et la cinétique est nettement accélérée. La production totale pour un cycle de 42 jours est supérieure de 11 %.
L’immersion impose des contraintes techniques : la cuve doit résister à la poussée du liquide et il faut prévoir un système maintenant le fumier immergé.
Comparaisons de différentes matières premières, résultats
Les fumiers étant très hétérogènes, ils sont difficiles à caractériser simplement, au regard de leur aptitude à la méthanisation. Ils présentent des comportements différents suivant l’âge, le type d’élevage et l’espèce considérée.
Les critères objectifs les plus pertinents pour caractériser un fumier sont :
- le taux de matière sèche (M.S. en % du poids humide)
- le poids spécifique (kg/m³)
Ils dépendent de la quantité de paille distribuée par animal mais aussi de l’âge du fumier.
Ces deux critères permettent d’évaluer la densité de chargement (poids de M.S./volume de fumier installé) dont dépend directement la production de gaz. Pour nos essais, cette densité de chargement se situait, en moyenne, entre 175 kg de M.S./m³ pour les litières accumulées et 125 kg de M.S./m³ pour les fumiers évacués tous les jours.
Les résultats présentés correspondent à ceux obtenus pendant les différentes campagnes d’essais d’août 1980 à août 1984. Les performances obtenues avec ces fumiers sont très hétérogènes, de 75 m³/tms à 317 m³/tms, pour des cycles de 35 jours.
La densité de chargement semble avoir une influence : pour les fumiers 2 et 9, très dégradés, très compacts, présentant une densité de chargement de l’ordre de 200 kgMS/m³, la production de gaz était faible, 92 et 75 m³/tms. Pour des fumiers pailleux, « légers », peu évolués (essais 6 et 7), leurs productions spécifiques de gaz se situent à plus de 300 m³/tms. Une limite au tassement de la matière semble devoir être observée. Pour une épaisseur moyenne de fumier de 2 m, le maximum admissible semble se situer autour de 150-170 kg de M.S./m³.
L’humidité est un paramètre fondamental : en dessous de 50 % d’humidité, l’activité bactérienne est très ralentie. Ils chauffent mal et nécessitent une humidification préalable jusqu’à 60-70 % d’eau. C’est le cas pour les fumiers de volailles trop secs (essai 9). Par contre, les fumiers trop humides, et trop denses (essai 8) ne sauraient être traités efficacement selon ce procédé. On se méfiera des produits ayant moins de 20 % de matière sèche. L’efficacité de l’aération permet de limiter l’autoconsommation à moins de 20 %.
Pour l’essai 10, l’immersion à l’eau explique une production en 35 j plus faible que pour l’essai 11.
La mise en œuvre de ce procédé conduit à un démarrage plus rapide de la fermentation et à une accentuation du caractère dissymétrique de la cinétique de production de gaz en discontinu.
Pour assurer une production à peu près constante, au minimum, trois fermenteurs en parallèle sont nécessaires.
fumier chargé t | 6,26 | |
Taux ms fumier % | 35,5 | |
durée fermentation j | 42 | |
ventilation h | 24 | |
immersion | eau | pied cuve |
nb j/gaz combustible | 6 | 2 |
prod gaz m³ | 431 | 480 |
teneur CH₄ % | 53 | 52 |
prod specif m³/kgms | 193 | 216 |
Conclusion
Le procédé Ducelier-Isman constitue un procédé fiable et reproductible pour autant que la matière première s’y prête, humidité 20-50 % ms, densité de chargement < 200 kgMS/m³.
N° essai | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 |
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type fumier | mouton | mouton | bovin | bovin | bovin | poulet | cheval | porc | poulet | bovin | bovin |
date (mm,aa) | 08,80 | 10,80 | 12,80 | 01,81 | 03,81 | 06,81 | 07,81 | 12,81 | 04,82 | 06,84 | 08,84 |
Matière première | |||||||||||
MS % | 33 | 36 | 29 | 31 | 28 | 56 | 49 | 19 | 67 | 37 | 34 |
poids spécif kg/m³ | 440 | 540 | 480 | 380 | 500 | 260 | 200 | 720 | 313 | 445 | 466 |
dens chgmt kgMS/m³ | 144 | 204 | 135 | 120 | 140 | 146 | 101 | 134 | 207 | 165 | 160 |
PREFERM AEROBIE | |||||||||||
durée h | 25 | 38 | 40 | 0 | 0 | 30 | 28 | 45 | 30 | 20 | 17 |
T moy finale °C | 70 | 65 | 70 | 35 | 28 | 70 | 70 | 45 | 49 | 72 | 70 |
T immersion °C | 30 | 50 | 36 | 22 | 25 | 37 | 30 | 35 | 28 | 36 | 35 |
FERMENTATION 35 jours | |||||||||||
T moy °C | 39 | 42 | 39 | 39 | 39 | 39 | 39 | 37 | 40 | 38 | 39 |
teneur CH₄ % | 55 | 59 | 52 | 54 | 53 | 51 | 49 | 87 | 45 | 55 | 56 |
Production gaz m³ | 415 | 300 | 442 | 290 | 380 | 564 | 468 | 475 | 218 | 394 | 459 |
Prod spécif m³/tMS | 188 | 92 | 214 | 190 | 209 | 317 | 310 | 232 | 75 | 170 | 240 |
Prod moy m³/m³/j | 0,79 | 0,57 | 0,84 | 0,55 | 0,72 | 1,10 | 0,89 | 0,41 | 0,80 | 0,98 | |
autocons % | 18 | 3 | 37 | 57 | 51 | 17 | 22 | 13 | 60 | 18 | 4 |
La préfermentation aérobie permet de bénéficier d'une température optimale à l’immersion et, par conséquent, d’un démarrage rapide de la production de gaz et d’une limitation du besoin de chauffage. L’immersion par un pied de cuve diminue la phase de latence de 6 à 2 jours. La production d’un gaz combustible est plus rapide.
Pour les fermentations conduites dans de bonnes conditions (densité de chargement < 200 kgMS/m³, préfermentation aérobie et immersion par un pied de cuve actif), les performances suivantes sont raisonnables (35 jours, 39 °C).