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La pyrolyse-incinération des boues

30 janvier 1992 Paru dans le N°151 à la page 63 ( mots)
Rédigé par : Frédéric BERCKMOES et Paul-dominique OUDENNE

L’incinération des boues de station d’épuration s’effectue dans différents types de réacteurs, soit dans des fours à étages, soit dans des fours à lit fluidisé, soit dans des fours rotatifs (1).

Dans ce domaine, l’incinération classique pratiquée dans le four à étages Nichols Herreshoff qui fonctionne depuis 1932 dans plus de 300 installations de par le monde témoigne de la qualité et de la robustesse de ce type d’équipement. Confronté aux restrictions énergétiques des années 70 et aux prescriptions de l’environnement qui s’annonçaient, l’accent s’est porté sur l’aspect énergétique et sur l’amélioration du bilan thermique de l’incinération.

C’est ainsi que la société NESA a mis au point à partir de l’année 1977, dans ses installations pilotes situées à Louvain-La-Neuve, un procédé de pyrolyse-incinération (starved air combustion — SAC — incinération). Le présent article décrit succinctement les principes du procédé et ses applications industrielles.

La pyrolyse peut se définir comme un procédé thermique de transformation de matières solides et liquides en composés gazeux et en résidus solides constitués de carbone fixe et de matières minérales (2). Les réactions chimiques se déroulant au cours de la pyrolyse sont complexes et comprennent des décompositions thermiques, des réarrangements atomiques ou moléculaires et des polymérisations.

Le procédé original de pyrolyse-incinération fut rendu possible grâce au four à étages, particulièrement bien adapté à la combustion étagée des boues.

Il fallait en effet :

— développer une étape de gazéification pyrolytique des matières volatiles qui seraient ensuite oxydées dans une chambre séparée avec un excès d’air mesuré ;

— séparer la zone de combustion du carbone fixe, qui nécessite un taux d’excès d’air plus prononcé.

Le four d’incinération classique NESA devait ainsi être équipé d’options complémentaires :

— deux carneaux équipés de registres et destinés à extraire de manière sélective un volume de fumées plus réduit que dans le procédé classique d’incinération ;

[Photo : Coupe d'un four à étages]
[Photo : Schéma de pyrolyse-incinération.]

— plusieurs admissions d’air préalablement préchauffé dans un échangeur situé en aval de la chambre de post-combustion.

La figure 1 présente une coupe schématique d’un four à étages. Dans ce type de four, les produits à traiter circulent de sole en sole, du haut vers le bas, tandis que les gaz circulent généralement à contre-courant. Dans le procédé de pyrolyse-incinération et dans le cas d’un four à 7 soles, sur les soles supérieures (soles 1 et 2), la matière est séchée par la combustion d’une partie des matières volatiles et par un apport de chaleur éventuel, puis chauffée sur les soles 3 et 4 sous une atmosphère pauvre en oxygène. La chaleur nécessaire est produite par la combustion en tout ou partie des matières volatiles et du combustible d’appoint éventuel.

Après pyrolyse des matières volatiles, il ne reste plus que les matières minérales et du carbone fixe. La sole 5 constitue un étage de transition où la phase gazeuse est déjà en atmosphère oxydante alors que la matière située dans le lit est encore en milieu réducteur. La combustion du carbone fixe se réalise dans les étages inférieurs du four (soles 6 et 7), ce qui requiert un excès d’air élevé.

Une partie des gaz provenant de la combustion du carbone fixe remonte vers les soles supérieures du four alors que l’autre partie est soutirée à la base du four en sole 6 et envoyée directement à la chambre de post-combustion mélangée aux gaz réducteurs extraits au sommet du four en sole 1. La chambre de post-combustion séparée permet la destruction complète des composés organiques et des matières volatiles présents dans les gaz extraits aux soles 1 et 6. Cette combustion s’effectue à une température supérieure à 800 °C, en présence d’un excès d’air adéquat, apport qui permet l’oxydation complète des composés de pyrolyse dans cette chambre.

Les avantages du procédé

Le procédé de pyrolyse-incinération présente de multiples avantages parmi lesquels on peut citer :

  • • au niveau de l’incinération, il permet de réaliser une meilleure séparation de la combustion des solides et des gaz, tout en réduisant au niveau du four le volume des fumées et l’entraînement des poussières (d’où une simplification de l’échangeur de chaleur et du système de dépoussiérage) ;
  • • l’amélioration du bilan thermique obtenu par une réduction de l’excès d’air requis pour l’incinération ;
  • • une marche plus aisée de l’incinération, non perturbée par les fortes variations des caractéristiques de l’alimentation ;
  • • le contrôle de la température d’incinération des produits à haut pouvoir calorifique ;
  • • la destruction de composés dont les cendres présentent une température de fusion relativement basse.

Seul le four à étages Nichols Herreshoff était, au moment de la mise en service, à même de pouvoir atteindre ces objectifs.

Exemples d’application industrielle

Le procédé de pyrolyse-incinération a été industriellement appliqué pour la première fois à la Papeterie Zanders à Bergisch Gladbach en 1980 (3). Cette installation traite trois produits d’origine différente : des boues produites par la station d’épuration d’eaux résiduaires industrielles (3 970 kg/h à 34 % MS), des solvants résiduaires (120 à 250 kg/h) et des déchets de papier de bois.

La figure 2 présente schématiquement l’installation, constituée, comme on l’a vu, d’un four d’incinération à sept étages, dont le diamètre extérieur atteint 5 106 mm, d’une chambre de post-combustion, d’un échangeur thermique fumées/air, d’une chaudière de récupération à tubes d’eau permettant une production de vapeur saturée de 4,5 t/h à 200 °C (15 bars), d’un ensemble de lavage des fumées (comprenant un saturateur et une tour de lavage avec neutralisation), d’un ventilateur de tirage et d’une cheminée.

L’expérience de la Papeterie Zanders dans les 10 dernières années a démontré que le procédé de pyrolyse-incinération permet la destruction des boues en satisfaisant aux normes d’émission de fumées et de rejets des cendres, la chambre de post-combustion assurant par ailleurs une complète désodorisation des fumées. L’entraînement des poussières en suspension dans les fumées est très faible à la sortie de la post-combustion, ce qui assure une durée de vie importante des échangeurs sans nécessiter de système de décolmatage compliqué.

Sa longue expérience, la Papeterie a passé commande fin 1990 d’une nouvelle installation pour le traitement de 5 476 kg de boues industrielles et de 360 kg/h d’eau contenant des solvants. Cette nouvelle unité de pyrolyse-incinération sera constituée d’un four d’incinération à 7 étages de 5 716 mm de diamètre extérieur, d’une chambre de post-combustion séparée opérant à 900 °C et assurant à sa sortie une teneur minimale en oxygène de 6 %, d’un échangeur de chaleur air/fumées (pour préchauffer de l’air à 500 °C), d’une chaudière à tubes d’eau permettant une production de 5 tonnes de vapeur à 16 bars, d’un saturateur suivi d’une tour de neutralisation, d’un ventilateur de tirage et d’une cheminée. L’unité répondra aux nouvelles normes TA LUFT 17. Bim SchV du 30 novembre 1990, à savoir (moyennes journalières rapportées à 11 % O₂, 273 K sur gaz secs et 1 013 hPa) :

• émissions particulaires : 10 mg/m³, • émissions de composés organiques exprimées en carbone total : 10 mg/m³, • émissions de composés inorganiques du chlore exprimées en HCl : 10 mg/m³, • émissions de composés inorganiques du fluor exprimées en HF : 1 mg/m³, • émissions de dioxyde ou trioxyde de soufre, exprimées en dioxyde de soufre : 50 mg/m³, • émissions de monoxyde et dioxyde d’azote exprimées en dioxyde d’azote (NOx) : 200 mg/m³.

Le démarrage de l’installation est prévu pour mai 1992.

En Suisse, la firme de Ciba-Geigy a également passé commande pour équiper son usine de Monthey d’une installation de pyrolyse-incinération de boues résiduaires provenant de sa nouvelle station d’épuration. L’unité comprend un four de 3 912 mm de diamètre extérieur à sept étages, une chambre de post-combustion opérant à 900 °C, un échangeur air-fumées et une chaudière de production d’eau chaude alimentant un sècheur.

L’unité traitera un débit maximum de 1 520 kg/h de boues avec une siccité de 40,1 %. L’installation est actuellement en cours de montage. Le démarrage est programmé en fin 1992. Ces installations portent le nombre de références en pyrolyse-incinération à dix unités.

De nombreux essais réalisés sur des boues dans l’unité pilote de Louvain-la-Neuve, tant d’origine municipales qu’industrielles, ont largement prouvé la fiabilité du procédé.

Conclusion

Le procédé de pyrolyse-incinération (starved air combustion) produit par NESA et exploité industriellement depuis plus d’une dizaine d’années présente de nombreux avantages tant au point de vue de la mise en œuvre que du point de vue énergétique. Les faibles taux d’entrainement de poussières dans les fumées permettent de réduire sensiblement les équipements de dépoussiérage ainsi que la maintenance au niveau des échangeurs de chaleur. Par ailleurs, le procédé décrit ci-dessus et les équipements associés permettent de satisfaire aux normes d’émissions à l’environnement les plus strictes sans pour autant devoir recourir à des procédés très coûteux de traitement des gaz.

(1) Municipal waste water sludge combustion technology. Technomic Publishing Company, Inc. ISBN 87762-483-6. (2) Standard handbook of hazardous waste treatment and disposal by Harry M. Freeman, Editor McGraw Hill Cy. (3) Incinération-pyrolyse : expérience de la papeterie Zanders, Bergisch Gladbach RFA — par C. Fayoux, J.P. Mauchien, H.P. Thormeyer, Économies d’énergie et assainissement, Paris 26-27-28 septembre 1983.

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