Your browser does not support JavaScript!

La régulation des minicentrales hydroélectriques par absorbeur de puissance

28 septembre 1990 Paru dans le N°139 à la page 63 ( mots)

Depuis la crise du pétrole, la plupart des pays ont accéléré leurs programmes de recherche de sources d'énergie, et cette recherche a renouvelé l'intérêt pour l'une des formes de production d’énergie les plus anciennes : la mini-centrale hydroélectrique. En effet, ces petites centrales qui exploitent les forces naturelles couramment disponibles et respectent l'écologie, sont robustes, d’entretien réduit, et d'une durée de vie plus grande que les installations utilisant d'autres sources d'énergie.

Elles sont souples d'emploi : leur production peut s’adapter aux besoins des consommateurs. Elles sont économiques : elles fournissent l'énergie nécessaire à une région à faible densité, sans coût de transport prohibitif. Elles combinent le développement des zones rurales isolées avec l'établissement d'habitants dans ces zones. Enfin, elles ont également bénéficié des développements technologiques récents apportés aux groupes de forte puissance et leur technique découle de méthodes d'études modernes.

LES PROBLÈMES TECHNIQUES POSÉS PAR LES MINICENTRALES HYDROÉLECTRIQUES

Une mini-centrale doit assurer la fourniture d'une énergie électrique de qualité ; la fréquence et la tension du courant produit doivent donc être stables.

Lorsqu’elle est reliée à un réseau puissant, c'est ce dernier qui impose la fréquence et même la tension. L’emploi d'une génératrice asynchrone est possible. Quand elle alimente un réseau autonome dont la consommation varie au cours de la journée et au cours de l'année, c’est la mini-centrale elle-même qui doit réguler la tension et la fréquence. Un alternateur synchrone est alors indispensable.

Le réglage de fréquence

Pour des raisons économiques, les turbines sont souvent équipées d'un distributeur à pales fixes. Les moyens habituels de réglage de vitesse par action sur le couple moteur ne sont donc plus utilisables. Même la vanne de garde ne peut servir que pour le démarrage et l'arrêt de la turbine et elle est impropre à un réglage de vitesse.

Dans ces conditions, on en vient tout naturellement à vouloir agir sur le couple résistant du groupe turbine/alternateur pour régler la vitesse (et donc la fréquence du courant produit).

Le réglage de tension

Pour la tension, le problème paraît simple puisque c'est l'excitation de l'alternateur qu'il suffit de réguler. En réalité la aussi les moyens traditionnels rustiques ne suffisent plus et il a fallu reconsidérer la question et les solutions ; ainsi, la simplicité mécanique reporte les problèmes sur la partie électrique et électronique.

CEGELEC possède une grande expérience en équipements électriques de centrales de tous types et de toutes puissances et a développé des systèmes électroniques spécialement adaptés à ce cas particulier.

PROBLÈMES LIÉS À LA RÉGULATION DE FRÉQUENCE

Pour un groupe turbine-alternateur débitant sur une charge autonome, l'équation du mouvement s’écrit :

dW  
I —— = Cm — Cr  
dt
avec : W = vitesse  
        Cm = couple moteur  
        Cr = couple résistant  
        I = inertie de l'ensemble

La vitesse du groupe est constante lorsque le couple moteur est égal au couple résistant. Or, cette vitesse est liée à la fréquence par le nombre de paires de pôles de l'alternateur. La turbine ne possédant pas d’organes de réglage, si l'on néglige les variations de hauteur de chute et de débit, on peut considérer son couple Cm comme invariable. Pour stabiliser la vitesse à la valeur souhaitée, on agira donc sur le couple résistant Cr.

Lorsque la centrale est équipée de plusieurs groupes, deux actions sont possibles :

  • — soit sur le nombre de groupes en service,
  • — soit sur la puissance consommée aux bornes des alternateurs.

La première action est réalisée par un automate de mise en et hors service des groupes.

La deuxième action est réalisée par absorption de l'excédent de production sur la consommation, pour chaque groupe et sous la dépendance de la régulation de fréquence (figure 1).

PROBLÈMES LIÉSÀ LA RÉGULATION DE TENSION

Les mini-centrales connaissent les mêmes contraintes de régulation de tension que les centrales de plus forte puissance mais, en outre, la régulation de tension n’est pas indépendante de la régulation de fréquence.

L'équation générale de la puissance consommée par l'absorbeur s’écrit :

U²  
― = Pm — Pr = (Cm — Cr) W  
R

avec :

U = tension aux bornes de l'alternateur, Pm = puissance motrice, Pr = puissance absorbée par le réseau, Cm = couple moteur, Cr = couple résistant dû à la charge du réseau, W = vitesse de rotation liée à la fréquence par le nombre de pôles de l'alternateur, R = valeur des résistances aux bornes de l'alternateur.

Cette équation fait apparaître que toute variation de tension se traduit par des variations de fréquence, même s'il n’y a pas de variation de couple. Ces variations pourraient être dues à une instabilité du régulateur de tension ou à des variations de puissance réactive appelée par le réseau (mise en service de lignes ou de transformateurs, etc.). L’action du régulateur de fréquence ne doit pas être contrariée par le régulateur de tension qui peut apparaître comme élément perturbateur à l'intérieur de la boucle.

Pour répondre à ces contraintes, les alternateurs doivent être équipés de régulateurs de tension très performants.

STRUCTURE GÉNÉRALEDE LA RÉGULATIOND'UNE CENTRALE

Chaque groupe est équipé d'un régulateur de tension et d’un régulateur de fréquence agissant sur les contacteurs de mise en service des résistances et sur un gradateur à thyristor. Un automate émet les ordres de démarrage et d’arrêt des turbines (figure 2).

Le régulateur de tension

Il commande le courant d’excitation et est particulièrement performant (plafond de tension élevé, régulation dans les 2 quadrants, algorithmes complets). Il est complété de dispositifs de limitation du courant d’excitation et de surexcitation temporaire (afin de maîtriser des perturbations importantes).

La charge réactive est également répartie entre les groupes, afin d’assurer la stabilité des alternateurs couplés bornes à bornes ou couplés à un réseau de puissance importante. De même, la chute de tension des transformateurs de liaison peut être partiellement compensée par le régulateur.

Le régulateur de fréquence

La structure du régulateur est particulière à cette application. La mesure de fréquence est comparée à une référence fixe proportionnelle à la valeur nominale de la fréquence (50 Hz ou 60 Hz).

Le régulateur commande un gradateur et des contacteurs. Ces contacteurs sont, avec les relais auxiliaires, les principaux composants sujets à usure et il convient de limiter leur nombre de manœuvres. Sur des perturbations importantes une régulation classique provoque des dépassements de la valeur de sortie (il y aurait enclenchement et déclenchement presque immédiats de contacteur).

Une disposition particulière de notre régulateur lui permet de prédéterminer la puissance absorbée à supprimer ou à mettre en service, pour compenser la variation de charge du réseau.

L’équation mécanique du système est :

dw/dt = Cm — Cr
[Photo : Fig. 1 : Régulation par absorption de l'excédent de production. Schéma de principe de l'absorbeur.]
[Photo : Fig. 2 : Structure générale de la régulation d'une centrale.]
[Photo : Fig. 3 - Pont à thyristors.]

C'est donc la dérivée de la fréquence (ou de la vitesse) qui donne la variation de couple à appliquer à l'alternateur (ou la variation de puissance, en supposant les variations de fréquence faibles).

La commande des charges

Le régulateur commande la puissance à absorber, c’est-à-dire l'enclenchement et le déclenchement des contacteurs, ainsi que la puissance absorbée par le gradateur à thyristors.

En vue de répartir l'usure du matériel, une permutation de contacteurs est prévue, le premier déclenché étant celui qui a été le premier enclenché et vice-versa (figure 3).

La répartition des puissances dissipées

Lorsque la mini-centrale comporte plusieurs groupes en parallèle, chaque groupe étant équipé d’un régulateur, le fonctionnement stable de l'ensemble nécessite une répartition de la puissance dissipée.

Un dispositif particulier a donc été prévu pour cela, prenant en compte la puissance fournie par chaque alternateur en service et renvoyant à chacun d’eux un signal de consigne.

Dispositifs particuliers

Ils permettent :

  • — le couplage à un réseau ou l’interconnexion à un autre alternateur,
  • — le couplage à un réseau ou à une centrale très éloignée.

Le gradateur

Il permet le réglage fin de la puissance à absorber.

Le dimensionnement du gradateur, de ses composants principaux et des éléments annexes est réalisé de manière à limiter le taux d’harmoniques dû à son emploi à une faible valeur acceptable. Le système tient compte automatiquement des variations de résistance en fonction de la température.

Le régulateur de tension

Il commande le courant d’excitation et est particulièrement performant (plafond de tension élevé, régulation dans les deux quadrants, algorithmes complets) (figure 4).

Il est complété de dispositifs de limitation du courant d’excitation et de surexcitation temporaire (afin de maîtriser des perturbations importantes).

Automate de démarrage et d’arrêt

L'automate émetteur d’ordres est chargé d’adapter le nombre de groupes en service aux besoins du réseau. Le temps de démarrage d'une turbine étant relativement long, pour répondre à un appel de puissance du réseau, l’automate doit maintenir une réserve de puissance disponible : c’est la réserve tournante. Cette réserve est représentée par la puissance dissipée dans l’absorbeur.

[Photo : Fig. 4 - Régulation en rack pour turbo-alternateur.]

L'automate calcule la réserve tournante et démarre ou arrête les groupes. Il assure une permutation des groupes en fonctionnement en arrêtant d’abord le groupe qui a démarré le premier et en faisant démarrer d'abord le groupe qui a été arrêté le premier. Des précautions sont prises pour éviter des démarrages et arrêts inutiles.

[Photo : Fig. 5 - Mini-centrale de Culuene (Brésil).]

CONCLUSION

Le système de régulation de mini-centrales hydroélectriques ainsi développé est très complet et performant.

Son utilisation n'est pas limitée aux seuls groupes à pales et distributeur fixes. C’est ainsi que, lorsque la puissance fournie par chaque turbine est asservie au niveau (par action sur les pales et/ou le distributeur) il permet une régulation fine de la fréquence et de la tension.

Nous avons mis en œuvre pour la première fois ce type de régulation dans les cinq mini-centrales hydroélectriques brésiliennes de Culuene, Braco Norte, Juina, Aripuana et Primavera de la Cemat (Centrais Elétricas Mato-Grossenses), dans l’État de Mato Grosso (figure 5).

Les deux groupes de la centrale de Culuene ont été couplés en novembre 1985 et les résultats sont excellents puisque la fréquence est maintenue dans une fourchette de ±0,5 % de la fréquence nominale, soit 4 ±0,3 Hz, le rattrapage étant quasi immédiat.

Ce système a prouvé sa parfaite adaptation aux réseaux isolés et son succès a ouvert des perspectives nouvelles en mini-centrales hydroélectriques.

NDLR : Les illustrations sont de source CEGELEC.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements