En France, le marché de la réhabilitation des réseaux d'assainissement ne se développe pas aussi rapidement qu'on pouvait l'imaginer. Après avoir tenté d'en déterminer les raisons, cet article propose un certain nombre de pistes permettant de vérifier la pertinence de la démarche réhabilitation et de mesurer l'efficience des techniques mises en oeuvre.
Qui se souvient en effet des entreprises pionnières comme Terastic (Consolidation des sols) ou Laterini (devenue Axeo depuis 2003) qui ont introduit en France des techniques venues de l’étranger (États-Unis) comme par exemple le procédé d’étanchement par injection de résine ?
Le flambeau a été repris depuis par une vingtaine de sociétés dont la taille varie de 10 à 50 personnes pour un chiffre d’affaires correspondant de 1 à 20 millions d’euros, la plus importante représentant à fin 2006 environ 15 % de part de marché.
Le chiffre d’affaires global de la profession avoisinait en 2006 les 100 millions d’euros (ce chiffre mériterait d'être affiné même s’il reste au moins deux fois plus important qu’en 1996).
La profession s'est organisée depuis quelques années autour de la F.S.T.T. (en français : Comité Français des Travaux sans Tranchée) puis en référençant ses différentes activités dans la nomenclature de la Fédération Nationale des Travaux Publics (rubrique 5.8 - Travaux de réhabilitation sans tranchée).
En France, le marché de la réhabilitation des réseaux d’assainissement ne se développe pas aussi rapidement qu’on pouvait l’imaginer. Après avoir tenté d’en déterminer les raisons, cet article propose un certain nombre de pistes permettant de vérifier la pertinence de la démarche réhabilitation et de mesurer l’efficience des techniques mises en œuvre.
Aux termes de la définition proposée par l’ASTEE, la réhabilitation consiste à rétablir un ouvrage dégradé dans ses fonctions d’origine ou, dans certains cas, à améliorer un ouvrage pour une durée déterminée en adéquation avec son environnement physique, l’évolution des besoins et les conditions normales d’usage. Elle peut avoir des objectifs multiples concernant la structure, l’étanchéité, l’écoulement, la corrosion et l’abrasion.
Le point de vue du maître d’ouvrage
Le maître d’ouvrage, qu’il soit maire d'une petite commune ou à la tête d’une grande collectivité, fait toujours le choix définitif de la solution à mettre en œuvre.
Son choix repose en général sur des critères économiques, techniques et politiques. Pour ce dernier point, il sera vigilant en particulier sur les perturbations de l’activité causées par les travaux. La réhabilitation sans tranchée s'impose donc a priori car elle permet en général de remettre un réseau à neuf dans des conditions de gêne les plus faibles.
De plus, ces différentes techniques permettent d'utiliser des matériaux nouveaux pouvant répondre à des contraintes domestiques ou industrielles particulières.
La confiance existe a priori par rapport à ces nouvelles techniques mais il faut mettre en place un système de contrôle a posteriori, soit en interne lorsque l’organisation de la collectivité le permet, soit en externalisant ces opérations pour les petites collectivités qui sont souvent démunies face à ces contrôles.
Ces contrôles se feront en parallèle de la garantie décennale lorsqu’elle est accordée et en général au moins une fois tous les 10 ans.
L'obtention ou non des différentes aides ne sont pas toujours liées à la décision d’engagement de travaux en particulier lorsque ces derniers s’avèrent indispensables : corrosion, désordres mécaniques... En effet, la réhabilitation des réseaux d’eaux usées peut porter essentiellement sur des problèmes structurels et s’étendre à la lutte contre les eaux de pluie : il y a parfois 10 fois plus de pénétration d'eau de pluie dans le réseau que d'eau parasite d’infiltration.
D'autre part, la réduction des eaux parasites peut coûter cher mais reste plus facile à décider administrativement par rapport à une lutte contre les mauvais raccordements qui engage plus politiquement la collectivité.
D'ailleurs, à ce sujet, les maîtres d’œuvre ont tendance à proposer des travaux sur le collecteur mais pas toujours sur les branchements.
Le rôle de l’exploitant ou du fermier est toujours important puisqu’il peut se situer en amont et en aval des travaux de réhabilitation mais sans y participer.
Par contre, certaines collectivités sont réti-
certaines dans la délégation de service public en ce qui concerne l’assainissement car elles craignent en particulier la rétention d’informations. Pour conjurer ce risque, certaines communautés urbaines ont opté pour la mixité des modes de gestion (régie et délégation), ce qui entraîne une certaine concurrence et donc un effet d’émulation.
Le point de vue du maître d’œuvre
Le marché de la réhabilitation ne se développe pas aussi rapidement qu’on pouvait l’imaginer.
En effet, ces dernières années, les collectivités ont voulu achever en priorité leur programme d’extension. Nous retiendrons pour ce plafonnement momentané, des raisons conjoncturelles liées aux engagements et à l’avenir de nos élus.
On notera que dans certains cas (2003-2004), les études et maîtrises d’œuvre pouvaient représenter de 20 à 25 % de l’ensemble des dossiers (y compris les extensions), ce qui n’est plus le cas actuellement.
Mais le besoin existe, et si le remodelage des centres-villes et le développement des modes de transport en commun a permis de mettre à jour le patrimoine-assainissement, le renforcement des stations d’épuration, bien subventionné (30 à 40 %), a sans doute aussi pénalisé momentanément le développement de la réhabilitation des réseaux d’assainissement qui n’est pas toujours aidée par les agences de l’eau. En effet, celles-ci depuis quelques années ne retiennent que le critère de réduction des eaux parasites pour subventionner les programmes de réhabilitation des réseaux.
Or, il y a bien d’autres éléments à prendre en compte comme la corrosion, l’abrasion... Certains collecteurs menacent de s’effondrer et seule la mise en place d’une démarche systématique de reconnaissance (inspection télévisée du collecteur, des branchements et des regards de visite) des réseaux en place permettra de quantifier et de hiérarchiser les besoins. Le rythme d’inspection peut être de 10 % du linéaire concerné avec un programme d’investigation sur 10 ans. Ainsi, une collectivité qui possède un réseau d’eaux usées de 100 km doit s’engager dans un programme “d’enquête” de 10 km par an. Ce qui représente un coût moyen pour un collecteur de Ø 200 de l’ordre de 50 000 euros soit environ 3 % du montant prévisionnel des travaux de réhabilitation ! (l’ensemble des études amont pouvant représenter 15 à 20 % du coût total).
Le Grenelle de l’Environnement devra peut-être apporter une réponse positive au besoin de subvention des programmes de réhabilitation.
Personne ne sera insensible à la comparaison que l’on peut faire entre un chantier traditionnel de repose de réseaux Ø 200 sur 500 ml en milieu urbain qui se déroule sur 6 à 8 semaines avec son lot de nuisances (rue barrée, transport des matériaux, bruit...) et une réhabilitation par chemisage continu sans effet négatif majeur qui ne durera que 2 à 3 semaines (finitions comprises !).
Il est important de noter au passage que la profession des travaux publics génère 350 millions de tonnes de déblais par an y compris bien sûr lors de travaux d’assainissement à ciel ouvert !
Il reste bien sûr le choix de la technique à mettre en œuvre qui est du domaine de compétences du maître d’œuvre. Celui-ci résulte d’une certaine logique qui s’appuie sur :
- l’état du collecteur (nécessité en particulier de posséder une inspection télévisée de qualité mais aussi des plans de récolement fiables...);
- un certain contexte environnemental (centre-ville, état de la voirie, présence de commerçants…);
- la prise en compte de problèmes industriels.
Ensuite, lors du dépouillement des offres, la difficulté consiste parfois à faire un choix objectif car chaque entreprise propose souvent un produit particulier. On s’appuiera alors sur des éléments techniques plus fondamentaux qui seront mis en valeur dans les mémoires techniques au moment des consultations. On retiendra entre autres :
- organisation du chantier (sécurité, information des riverains, délais...);
- la ventilation du réseau pendant et après les opérations par l’intérieur (parfois dégagement gazeux);
- les garanties proposées et la durée de vie du matériau (on voit apparaître la notion de garantie active où l’entreprise s’engage à vérifier dans le temps le vieillissement et le comportement des techniques mises en œuvre);
- la réactivité de l’entreprise dans le cas de marché à bons de commande.
En conclusion, les maîtres d’œuvre ont un rôle important à jouer dans le développement de la réhabilitation et dans la préconisation des techniques car ils sont avant tout des prescripteurs !
Ils doivent encourager les maîtres d’ouvrage à bien identifier leur patrimoine-assainissement et surtout à l’entretenir. Sur ce dernier point, le rôle du fermier ou de l’exploitant lorsqu’il existe est important car s’il est témoin il doit être aussi source de proposition pour sécuriser (H.S : réhabilitation des postes) et pérenniser les réseaux.
On pourra toutefois regretter que si l’assainissement n’a pas encore gagné ses lettres de noblesse comme l’eau potable en s’organisant dès l’après-guerre dans un cycle extension-renforcement et renouvellement des conduites (à travers des syndicats d’eau), il demeure néanmoins un patrimoine incontournable qu’il faut entretenir ne serait-ce qu’au titre du principe de précaution !
Un maître d’œuvre un peu désabusé mais encore optimiste m’a confié : « On a posé, on a enterré, on a fermé les yeux ! ».
Le point de vue de l’entreprise
L’entreprise est un acteur majeur dans la réussite d’un chantier de réhabilitation.
Pourquoi ? Parce qu’elle est à la fois entreprise au sens de la démarche commerciale et de la production mais aussi parce qu’elle endosse souvent le rôle de fabricant en maîtrisant en interne ou en externe la fabrication des différents composants (résine, feutre, fibre de verre…).
Pour faire face à ce manque de transparence, il est important d’instaurer une réelle confiance entre les différents acteurs : maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises.
Tout d’abord, l’entreprise doit s’appuyer sur une étude, un schéma directeur qui feront apparaître clairement les objectifs de la réhabilitation :
- - réduire les eaux parasites
- - éliminer les exfiltrations
- - restructurer
- - réduire les pénétrations de racines
- - prendre en compte le phénomène H₂S…
- - l’abrasion
L’entrepreneur devra également vérifier que ces différents problèmes ont bien été identifiés en amont : par quel moyen ? À quelle époque ? Hauteur réelle de la nappe ? Tout cela est très important car une absence d’identification des véritables problèmes peut remettre en cause la nature même de la réhabilitation à mettre en œuvre.
Mais il faut admettre également que l’erreur est possible aussi bien dans le choix de la technique que dans sa mise en œuvre. N’a-t-on pas commis une erreur fondamentale en utilisant pendant des dizaines d’années dans la construction des réseaux, des matériaux impropres à la santé et parfois mal adaptés à la nature même de l’effluent ?
Mais il faut avant tout rester constructif et ne pas oublier la finalité d’un réseau d’assainissement : véhiculer entre deux points un effluent aux caractéristiques parfois très différentes, sans apport extérieur (nappe, eau de pluie…) et sans perte.
On s’interrogera sur la réelle nécessité de rectifier en particulier les flaches ou les ruptures de profil dans la mesure où elles ne posent pas de problèmes (formation de graisses, mise en charge…) et lorsque c’est le cas, un entretien ne suffirait-il pas ?
La même question se posera également avec la suppression ou non des boîtes borgnes souvent peu étanches et mal façonnées.
Les branchements doivent faire l’objet également d’une attention particulière et s’intégrer à un programme de réhabilitation global.
Les garanties “maison” accompagnent parfois certaines prestations comme l’étanchement par injection de résine ou le chemisage partiel mais ces techniques de réparation ne constituent pas un ouvrage au sens de la loi et ne peuvent pas rentrer dans le cadre d’une garantie décennale comme le chemisage continu.
Au-delà des garanties contractuelles, certaines entreprises annoncent des durées de vie allant jusqu’à 50 ans pour du chemisage continu !
Les entreprises en général ont conscience qu’il faut valoriser leurs techniques donc leur métier en proposant des solutions adaptées, fiables mais en restant plus humbles dans les objectifs à atteindre, c’est-à-dire ne pas s’engager sur des résultats trop élevés surtout en termes de réduction des eaux parasites (le 100 % coûtera trop cher !). L’engagement de l’entreprise pourrait se résumer ainsi : « dépenser l’argent au mieux avec le maximum de rendement ».
Conclusions
La réhabilitation doit-elle faire sa révolution ? Non, mais faire prendre conscience aux différents acteurs qu’il faut dans un premier temps porter un regard plus “affectif” sur l’assainissement en général. Pour cela tous les intervenants s’accordent à reconnaître aujourd’hui qu’il est urgent d’inventorier le patrimoine assainissement.
Si certains donneurs d’ordre ont déjà organisé ce type de mission, il est en effet plus difficile pour les plus petites collectivités de s’inscrire dans un programme annuel et rationnel. Dans ces cas-là, seule la Maîtrise d’œuvre pourra conduire des programmes d’investigation en amont de la réhabilitation éventuelle.
Cette profession de “l’ombre” doit encore clarifier et valoriser l’usage des techniques sans tranchée en s’engageant globalement avec des obligations de résultats.
Enfin, pour que la confiance s’installe définitivement, il faut mettre en place des contrôles a posteriori (à la réception, à cinq ans, à dix ans) qui permettront de vérifier la pertinence de la réhabilitation et de mesurer le comportement des techniques utilisées.
Certaines agences de l’eau ont d’ailleurs lancé des programmes de contrôle quelques années après la fin des travaux de réhabilitation…
Il faut également noter que les organisations et associations comme la F.S.T.T. et l’A.S.T.E.E. communiquent régulièrement pour apporter un éclairage scientifique et technique sur les travaux sans tranchée. La promotion de ces différentes techniques se fait à travers des manifestations annuelles ou plus comme les Trophées du Sans Tranchée (depuis 2005), le Salon « Ville sans tranchée » (prochaine édition en 2009), la Charte de la Ville sans tranchée sans oublier les programmes de formation spécifiques aux travaux sans tranchée.
Notons enfin qu’en 2004, et pour la première fois, une collectivité (Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise) a été récompensée au niveau international pour un projet caractérisé par l’utilisation des technologies dites sans tranchée (chemisage et autres techniques).