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L'ATP-métrie : un outil de surveillance en temps réel du risque légionelles sur les tours aéroréfrigérantes et réseaux d'eaux

30 janvier 2007 Paru dans le N°298 à la page 53 ( mots)
Rédigé par : Laurent GARRELLY et Marc RAYMOND

Évaluation de l'efficacité des traitements de désinfection sur les installations de tours aéroréfrigérantes, mise sous surveillance d'une installation ou d'un réseau d'eau dans le cadre de la mise en place d'une stratégie de maîtrise des risques sanitaires, sont quelques-unes des nouveaux intérêts de la mesure de la Biomasse par ATP- métrie.

Les biofilms se développent sur les surfaces en contact avec l'eau. Leur croissance dépend notamment de la qualité de l'eau, de la microbiologie présente, de la température et de la qualité des matériaux de la surface. Les amibes colonisent les biofilms où elles trouvent leur nourriture et un biotope favorable. Legionella colonise les surfaces des installations industrielles de refroidissement ou des réseaux de distribution d'eau chaude ou froide sanitaire en se développant à l'intérieur des amibes. Legionella est capable d’empêcher les amibes de les digérer comme cela se produit pour toute autre bactérie. De la même façon, elle est capable de déjouer la phagocytose des macrophages alvéolaires lorsqu’elle pénètre dans les poumons, ce qui entraîne alors une pathologie infectieuse appelée légionellose. Surveiller la qualité microbiologique de l'eau des réseaux est la première étape de la gestion du risque Legionella.

La qualité microbiologique de l'eau peut être évaluée par différentes méthodes ; le dénombrement des HPC (heterotrophic plate count) qui compte toutes bactéries formant colonie sur une gélose nutritive mais ne représente que 0,1 à 1 % de la flore totale ; ce dénombrement sera quantitativement dépendant de la composition de la gélose et de la température d’incubation ; le dénombrement par épifluorescence des bactéries totales donne des résultats 100 à 1 000 fois supérieurs. Il est aussi possible d’effectuer une mesure indirecte de la flore totale par la mesure quantitative de l’ATP puisque toute bactérie contient environ 1 femtogramme d’ATP. On peut donc affirmer que l'ATP-métrie est un outil intéressant de suivi de la qualité des eaux mais aussi de leur potentiel à former des biofilms.

L’encrassement des surfaces par le biofilm ou biomasse fixée est à considérer comme un facteur important du risque de développement des légionnelles dans les installations. Il est possible d’évaluer quantitativement le biofilm installé sur une surface par différents outils : des mesures quantitatives de polysaccharides et de protéines ou encore des mesures quantitatives d’ATP. Pour évaluer qualitativement les biofilms installés sur les surfaces il est possible de réaliser des dénombrements spécifiques de Legionella par PCR temps réel. Il faut savoir que la bactérie Legionella est un genre bactérien minoritaire des biofilms et Legionella pneumophila est une espèce minoritaire du genre Legionella. Le dénombrement des légionelles renseigne sur le niveau actuel de risque d'une installation alors que la mesure de la biomasse fixée par ATP-métrie permet d'évaluer le risque potentiel de développement.

Etude de la répétabilité des kits Quench Gone™ (aqua-tools)

Quantité d'ATP en nanogramme

Blanc

0,001

0,01

0,1

1

10

…ment des amibes et des légionelles.

La mesure d’ATP

Le principe de la mesure de l'ATP repose sur le comptage de photons produit par l'action d'une enzyme, la luciférase, qui émet des photons en hydrolysant les molécules d'ATP. C'est la bioluminescence. Plusieurs types de mesures sont réalisables : la mesure de l'ATP total d'un échantillon ou la mesure de l’ATP extra-cellulaire ou encore la mesure de l’ATP intra-cellulaire.

Ces trois grandeurs sont reliées par l'équation : ATP total = ATP intra-cellulaire + ATP extra-cellulaire.

Le paramètre le plus pertinent pour l’évaluation de la qualité microbiologique d’une eau est l'ATP intra-cellulaire. Il est possible d'accéder à cette valeur en filtrant l’échantillon et en procédant à une lyse des bactéries retenues sur le filtre pour libérer leur ATP. La limite de quantification en mesure directe sans tenir compte de la concentration est de 1 pg d'ATP avec une reproductibilité représentée par un coefficient de variation de 7 %. Sur des eaux très propres comme des eaux froides sanitaires, grâce à l’étape de concentration sur filtre, il est possible de mesurer l'ATP contenu dans un à cinq millilitres d'eau, ce qui permet d’obtenir une limite de quantification de l’ordre de 0,2 pg par ml soit environ 200 bactéries par ml.

À l'inverse, sur des eaux très chargées, il est possible de mesurer directement jusqu’à 100 ng d'ATP par ml.

Ce domaine de mesure est parfaitement adapté à l'analyse des eaux tout au long du process de refroidissement dans les tours aéroréfrigérantes.

UltraCheck™ permet également de contrôler l’activité des enzymes Luciférine/Luciférase et ainsi de compenser la perte de cette activité rendant possible le suivi dans le temps d'un point de prélèvement.

Pour chaque luminomètre, une valeur limite basse et une valeur limite haute permettent de vérifier l'état du système de mesure et d'accepter la calibration.

[Photo : Figure 1 : La mesure de l'ATP est une mesure quantitative. La relation Quantité de photon = f(quantité d’ATP) est linéaire sur plus de 4 ordres entre 1 et 10 000 pg d’ATP]

Comment utiliser l’outil ATP sur une installation à risque ?

1/ pour définir des points de surveillance en utilisant l’Analyse Méthodique Risque ?

Si l’on considère un circuit d'eau de tour aéroréfrigérante en suivant la démarche…

Utilisation d’un étalon d’ATP, UltraCheck™, permettant d’exprimer les résultats en pg/ml d’ATP

RLUbase  
4  
4  

RLUexemple  
15085  
14025  

RLUUltraCheck (pg/ml)  
13748  

ATP (pg/ml)  
1097  
1020  

Moyenne ATP Deviation (pg/ml)  
1058  

ATP Standard Deviation (%)  
55  

Relative Standard Deviation  
5,2 %  

4  
3  

174  
174  

10196  

1,667  
1,677  

1,672  

0,007  

0,4 %  

3  

13004  
12779  

10196  

1,275  
1,253  

1,264  

16  

1,2 %  

28  
25  

2760  
2707  

13780  

79,30  
78,20  

78,75  

0,78  

1,0 %

d’analyse méthodique des risques, il est possible de déterminer entre 5 et 12 points critiques selon la complexité du réseau. Une mesure de biomasse (ATP intracellulaire) planctonique sur chaque point critique permet de caractériser le niveau de risque du point.

La figure 2 décrit la mesure de la biomasse (ATP intracellulaire) dans un réseau d’eau de tour aéro-réfrigérante.

2/ pour suivre les points critiques et déclencher des prélèvements pour analyse spécifique.

Les points critiques majeurs peuvent être suivis à cadence élevée car la mesure n’est pas très coûteuse et les dérives (élévation de la biomasse) supérieures à 0,3 log soit une croissance de 100 % peuvent être considérées comme significatives et doivent être expliquées ou du moins surveillées.

Des analyses spécifiques par PCR peuvent être réalisées pour caractériser la dangerosité de la croissance de la biomasse détectée.

3/ pour suivre à cadence élevée une action préventive ou une action curative.

Les actions de maîtrise décidées par le comité de pilotage de l’AMR visent à réduire le risque pour l'installation. Ces actions peuvent le plus souvent être suivies par des mesures d’ATP.

Par exemple : une action de nettoyage chimique visant à réduire la biomasse fixée sur les surfaces de l'installation va avoir pour conséquence de faire diminuer la biomasse fixée et de faire augmenter la biomasse planctonique. La cinétique de ces deux phénomènes doit être surveillée pour décider de l’arrêt de l'action, de la purge du circuit, ou de l'injection de biocide pour neutraliser les bactéries décrochées. La mesure de l’ATP est parfaitement adaptée à cet objectif.

4/ pour surveiller une installation équilibrée et stabilisée.

La réglementation impose une analyse spécifique selon la norme NF T 90-471 tous les mois sur les installations de TAR. Les dérives de l’écosystème sont quelquefois très rapides et la situation est d’autant plus délicate à rétablir que la dérive est impor-

[Photo : Figure 2: Cartographie de la biomasse : 14 points d’échantillonnage ont été prélevés sur un circuit de refroidissement : les résultats de la mesure de biomasse permettent de classer les points, d’analyser la production de biomasse secteur par secteur dans le circuit et de définir des zones à différents degrés de risque.]
[Photo : Figure 3 : Définition des points critiques à surveiller.]
[Photo : Figure 4 : Exemple de suivi des paramètres analytiques réalisés en amont dispersion.]

Exemple d’utilisation de l’ATP-métrie pour définir des points de surveillance en utilisant l’Analyse Méthodique Risque sur deux circuits de TAR industrielle

Circuit A – Filtration de 50 ml pour tous les points

Avant entrée dans le circuit

– Arrivée eau de ville : 97 pg/ml

– Eau sortie adoucisseur : 88 pg/ml

– Eau sortie UV : 82 pg/ml

– Eau entrée UV : 83 pg/ml

– Eau d’appoint TAR : 92 pg/ml

Après entrée dans le circuit

– Bassin TAR 1 : 10 833 pg/ml

– Bassin TAR 3 : 15 083 pg/ml

– Bassin TAR 7 : 8 903 pg/ml

– Bassin TAR 9 : 29 543 pg/ml

– Amont dispersion TAR : 5 930 pg/ml

Résultats PCR spp par XP 190471 sur amont dispersion : 110 000 UGA

Circuit B – Filtration de 50 ml pour tous les points

Avant entrée dans le circuit

– Arrivée eau de ville : 100 pg/ml

– Eau sortie adoucisseur : 128 pg/ml

– Eau adoucisseur mitigée : 90 pg/ml

– Eau entrée UV : 172 pg/ml

– Eau sortie UV : 95 pg/ml

– Eau appoint TAR 1 : 97 pg/ml

– Eau appoint TAR 4 : 90 pg/ml

Après entrée dans le circuit

– Bassin TAR 4 : 90 pg/ml

– Batterie anti-panache TAR 2 : 490 pg/ml

– Amont dispersion TAR 2 : 267 pg/ml

Résultats PCR spp par XP 190-471 sur amont dispersion : 20 000 UGA

Les mesures PCR ont été réalisées selon la norme avec les réactifs et matériels Bio-Rad.

Interprétation : sur le circuit A, on observe une production de biomasse correspondant à une augmentation de 60 à 300 fois selon les points du circuit par rapport à l’appoint. De plus, il est possible de cibler des points critiques comme le bassin de la TAR 9 ou de la TAR 3. Sur le circuit B, les valeurs démontrent une bonne maîtrise de la production de biomasse et un point critique à surveiller comme la batterie anti-panache.

Il est donc très avantageux de pouvoir détecter précocement tout début de dérive. La mesure quasi-quotidienne de l’ATP est parfaitement indiquée.

Conclusions

La mesure de l’ATP est un indicateur très pertinent de suivi opérationnel pour la mesure des microorganismes actifs dans tous les réseaux d’eau.

Des eaux naturelles aux eaux potables, ainsi que pour les eaux de process, l’ATP constitue la première ligne de surveillance et de contrôle dans une stratégie d’analyse et de maîtrise du risque microbiologique (selon AMDEC, HACCP ou autre méthode). Les mesures de la biomasse active par ATP-métrie permettent de mettre en place des programmes de surveillance journalière des installations d’eau.

Ces mesures d’alertes précoces aideront les opérateurs à surveiller les zones à risque dans leur installation et à être pro-actifs dès que les résultats de la mesure de la biomasse évolueront. Des analyses complémentaires devront être mises en place afin de qualifier la croissance de cette biomasse (PCR, cultivabilité, biofilm, amibes).

De nouvelles applications de la mesure de la biomasse active sont utilisables dans le domaine des traitements biologiques des eaux usées. Dans ce cas, il est nécessaire de s’assurer de la bonne viabilité des bactéries, de leurs activités optimales et du niveau de stress de la biomasse.

[Publicité : Editions JOHANET]
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