Les lixiviats de décharge, eaux pluviales ayant traversé un massif de déchets, ne peuvent être rejetés en l'état. Selon le débit à traiter annuellement, sa charge polluante, la possibilité ou pas de rejeter de l'eau au milieu accordée par l'autorisation préfectorale de l'installation, on élaborera une solution à partir d'une palette de procédés existants. Cette solution est affectée par un nouveau facteur : la disponibilité et la valorisation du biogaz produit par le site.
Réalisé par , Technoscope
Les lixiviats de décharge, eaux pluviales ayant traversé un massif de déchets, ne peuvent être rejetés en l’état. Selon le débit à traiter annuellement, sa charge polluante, la possibilité ou pas de rejeter de l'eau au milieu accordée par l’autorisation préfectorale de l'installation, on élaborera une solution à partir d’une palette de procédés existants. Cette solution est affectée par un nouveau facteur : la disponibilité et la valorisation du biogaz produit par le site.
On compte en France environ 250 décharges de déchets non dangereux, ISDND (ex CSDU), Installations de Stockage de Déchets Non Dangereux. En exploitation et après fermeture, elles produisent des lixiviats : les eaux de pluie qui se sont chargées au travers du massif de déchets. Tous les exploitants le reconnaissent : chaque site produit un lixiviat différent, même si globalement la composition moyenne (ordures ménagères et déchets non dangereux des activités économiques, ex DIB) est comparable. En outre, le vieillissement de la charge modifie progressivement le rapport DBO/DCO qui baisse, la DCO devient dure (non fermentescible). Les polluants du lixiviat sont les matières en suspension, DBO, DCO, ammonium, sels minéraux, COV, éventuellement métaux lourds en faible quantité. Selon l’importance des sites, la production est de quelques milliers de mètres cubes par an à plusieurs dizaines de milliers. Chaque site est soumis à une autorisation préfectorale.
Notamment sur la possibilité de rejet au milieu naturel (cf. prescriptions DCE et SDAGE). Les sites sont dimensionnés pour 20 à 30 ans, mais le traitement des lixiviats doit se poursuivre après fermeture. Près de 100 ans selon les études, alors que le biogaz s’épuise en 30 ans. Cette question a fait l’objet d’une évaluation lors du programme Optigede de l’Ademe et d’une fiche de synthèse réalisée par le réseau AVL et Awiplan (téléchargeable sur www.optigede.ademe.fr). Une période de post-exploitation qu’il faudra bien assumer.
Les lixiviats doivent être récupérés dans un bassin (lagune ou réservoirs) qui lisse les variations de composition et où des processus épuratoires peuvent démarrer ou être stimulés par aération. Ils sont parfois re-circulés dans le massif de déchets dans le mode de bioréacteur anaérobie, un concept poussé au maximum dans le procédé Chrysalide de Coved-Saur qui veut éliminer tout lixiviat. Pour les installations plus classiques, plusieurs solutions existent : exporter ce lixiviat ou le traiter sur place, via des installations mobiles ou fixes. Le cas le plus simple, si c'est techniquement possible, consiste à envoyer la charge polluante par canalisation à une station d’épuration urbaine si elle les accepte (convention à signer). Cette solution est réévaluée par le ministère, des arrêtés préfectoraux pourraient être revus et ces solutions bannies. L'export par camion confère la qualité de déchet au lixiviat, donc l’obligation de traitement en centre agréé : au coût élevé du traitement s’ajoute celui du transport. Une possibilité pourrait être de diriger ces lixiviats non pas sur un centre spécialisé mais vers un ISDND ayant une capacité de traitement de lixiviat excédentaire (envisagé sur le site de Madaillan de Sita Sud-Ouest).
Traiter sur installations mobiles
Le traitement sur place par des installations mobiles est une pratique bien rôdée comme l’explique Mathilde Coulier, ingénieur chez Biome, référencé pour le traitement des lixiviats sur plus d’une trentaine de sites d’enfouissement en France. « Nous disposons de deux procédés différents et d’installations conditionnées en conteneur maritime qui ont déjà été utilisées outre-mer. L’unité d’évaporation sous vide travaille en trois phases successives : évaporation, osmose inverse, charbon actif. Le sous-produit passe par une surconcentration qui donne un résidu (3 à 10 % du lixiviat initial) qui peut être remis dans les casiers sur site ou exporté pour incinération ou vers un centre spécialisé. L’effluent traité est rejeté au milieu ou utilisé localement pour des arrosages. L’unité mobile Quadro réalise successivement un traitement physico-chimique (coagulation-floculation), une ultrafiltration, une osmose inverse et si besoin un passage sur charbons actifs. »
besoin d’un passage sur charbons actifs. Le concentrat de l’osmose inverse (5 à 10 % du volume initial) est envoyé en centre de traitement. Avec ces unités mobiles également fournies par CTP Environnement, Aqua Traitements, Ovive ou encore Prodeval, l’ensemble du traitement est sous-traité, sans installation à demeure, le résultat est garanti. Vu la capacité de traitement horaire (de 3 à 7 m³/h), une installation reste en place pour quelques semaines, le temps de traiter quelques milliers de mètres cubes.
Coût d’un tel traitement par unité mobile : de 15 à 30 €/m³.
Traiter sur des installations fixes
Pour des quantités plus importantes une installation fixe est indispensable. Maxime Pollet, responsable commercial chez Ovive, société qui revendique environ un tiers du traitement des lixiviats en France, insiste sur l’obligation d’une étude particulière pour chaque site pour qualifier et quantifier le lixiviat. « Il existe quatre techniques principales : le bioréacteur à membrane (BRM), l’osmose inverse (OI), les techniques d’évaporation et, dans une moindre mesure, le traitement physico-chimique. Le problème est de dimensionner correctement l’installation : selon la production plus ou moins grande de lixiviat, le volume de stockage disponible… on définit un débit nominal de traitement. Si le volume de stockage est faible il est possible de faire un traitement par unité mobile d’osmose inverse mais il faut exporter le concentrat (environ un tiers du volume initial) en centre agréé ».
Proserpol, spécialisée dans la conception et la réalisation d’installations de traitement et de recyclage d’effluents liquides depuis plusieurs décennies, maîtrise l’ensemble de ces procédés et revendique plusieurs centaines de références avec notamment le traitement des lixiviats du CET de Vert-le-Grand par osmose inverse, du CET de Gizay (86) par BRM ou encore le traitement des lixiviats du SMDTA d’Eteignères (08) reposant sur trois étages : aérobie, physico-chimique et finition sur charbon actif. Veolia Water Solutions & Technologies, Ondeo Industrial Solutions, Callisto, Hytec Industrie, Irrigaronne, GRS Valtech et Serep disposent également de nombreuses références.
« En première approche, le choix des pro–
Le coût de traitement est directement lié à la nature des lixiviats, aux objectifs de rejet et aux sources d’énergie à disposition », explique-t-on chez Callisto. « Dans la pratique, il est fondamental d’apporter une solution adaptée à la gestion des sous-produits générés par le traitement des lixiviats ». Callisto a ainsi développé une nouvelle filière dont la conception intègre la dégradation des sous-produits de traitement des étages biologiques et membranaires par oxydation avancée et insolubilisation. Au final, le seul déchet produit est une boue déshydratée mécaniquement enfouie sur le site. L’installation peut être livrée dans un bâtiment architecturé ou sous forme de containers mobiles assemblés sur site comme sur l’ISDND de Treffieux du SMCNA (44).
Le procédé d’ozonation catalytique commercialisé par Serep permet d’atteindre des valeurs très basses de DCO résiduelles avec une décoloration et une désodorisation de l’eau. Ce procédé est également pertinent en amont ou entre deux étages d’un traitement biologique pour accroître la biodégradabilité de l’effluent en cassant les molécules complexes. Couplé à un traitement biologique, il est particulièrement efficace pour le traitement des lixiviats de décharge. Les valeurs résiduelles de DCO permettent un rejet en milieu naturel.
La dégradation biologique est bien maîtrisée ; c’est un procédé adaptable car on peut ajouter ou retirer des modules de traitement pour suivre l’évolution. Le BRM traite la DCO (environ 80 %) et l’azote ; on utilise souvent des membranes céramiques (Tami, Pall, Orelis Environnement, Polymem). Ovive propose également une solution d’évaporation des lixiviats prétraités biologiquement sur BRM : l’Evap’Ovive. En évaporant un effluent prétraité et privé notamment d’ammoniaque, cette solution limite les transferts de pollution à l’atmosphère.
L’ultrafiltration associée produit un effluent qui, selon les normes locales de rejet, pourra subir un traitement par char-
Les installateurs et équipementiers utilisent les skids, modules et membranes de filtration (MF et UF) proposés par Orelis Environnement. La solution bien adaptée aux exigences de rejet des lixiviats de décharge est la membrane céramique KLEANSEP™. Efficacité des membranes KLEANSEP™ en quelques chiffres : le débit perméat est d’environ 80 l/h·m² ; les bactéries et les solides en suspension sont éliminés à 100 % ; réduction de la DCO et de l’azote à 99 % ; élimination des métaux lourds à 94 %.
Bien actif (rétention de la DCO dure, des AOX organohalogénés adsorbables, certains métaux, de coloration) précédée ou non d'une nanofiltration pour économiser le charbon actif, ou une évaporation si les conditions locales s'y prêtent (chaleur disponible) ou encore une osmose inverse.
L'OI fournit un perméat quasiment pur. D'ailleurs, le groupe Baudelet Environnement dans le Nord commercialise un liquide lave-glace de sa fabrication utilisant ce perméat. Une opération de communication vu la quantité utilisée (environ 10 m³) mais qui illustre bien le cycle des matières et les possibilités de réutilisation. L'OI directe sur le lixiviat n'est pas très chère (10 à 15 €/m³) mais il faut ajouter le traitement du concentrat (150 €/m³ voire plus) et le transport. À l'exploitant de faire son équation. « L'OI a une consommation d'énergie plus faible que l'évaporation. On peut l'utiliser en préconcentration avant évaporation thermique ou en post-traitement sur le distillat. Ces couplages sont adaptés lorsque les exigences de rejets sont fortes et les caractéristiques du lixiviat très variables » explique Cristina Del Piccolo de Veolia Water Solutions & Technologies.
Valoriser le biogaz
Un site ISDND produit aussi du biogaz qu'il faut traiter. Au lieu de traiter séparément les effluents liquides et gazeux, on profite de plus en plus de leur synergie : profiter d’une énergie locale, le biogaz pour évaporer le lixiviat donc réduire son volume et même faire en sorte que le résidu soit stockable sur place, le site devenant alors « zéro rejet » (si ce n'est la vapeur d'eau). La valorisation du biogaz est devenue prépondérante sous la pression de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes), la réduction des gaz à effet de serre et les tarifs de rachat d’électricité attrayants (plus de 50 projets en 2010).
On réalise même de la cogénération : production d’électricité à partir du biogaz qui pourra servir aux pompes des procédés membranaires (OI, UF, nF) et d'évaporation (pompe à vide, recompression mécanique des vapeurs) et récupération de chaleur sur les moteurs pour chauffer le lixi-
Les procédés se multiplient.
Dans le procédé Evalix, le lixiviat est pulvérisé dans la flamme d'une torchère à biogaz, ce qui produit un concentrat recyclé en tête et un résidu sec séparé par filtration du gaz. « Il convient pour des installations moyennes (1 à 2 m³ à évaporer) », indique Sébastien Corbeil, directeur général de Sita Bio Energies (Sita exploite 89 ISDND en France), qui mentionne aussi Biovalix utilisant la cogénération et qui équipe aujourd'hui cinq sites.
GRS Valtech (groupe Veolia Propreté) a développé le Cogelix (primé à Pollutec en 2008) qui équipe actuellement sept sites.
Ce procédé utilise la chaleur récupérée des moteurs fonctionnant au biogaz ; c’est une évapoconcentration sous vide du lixiviat chauffé à 50 °C. Au cœur du procédé, les évaporateurs Evaled™ développés par Veolia Water Solutions & Technologies.
Évaporateurs Evaled développés par Veolia Water Solutions. Avec un sur-concentrateur, le résidu ultime représente 1 %.
Autre procédé utilisé, le BGVAP, fonctionne avec un brûleur immergé de biogaz dans le lixiviat ; la vapeur produite passe dans un brûleur de postcombustion (élimination des COV) ; le concentrat représente moins de 5 % du volume initial ou de concentrats d’osmose inverse.
Ce sont des installations industrielles à part entière qu'il faut savoir exploiter. Les coûts de traitement se situent dans une fourchette de 20 à 40 €/m³.