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Le filtre planté en pays de montagne

30 novembre 2010 Paru dans le N°336 à la page 135 ( mots)
Rédigé par : André PAULUS

Premier bilan de l'expérience française d'implantation de filtres plantés en pays à hivers froids, à partir des constats sur une dizaine de stations de 250 à 1 200 EH, entre 400 et 1 000 m d'altitude, fonctionnant en dessous de 0 °C pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois consécutifs, dans les Alpes et les Pyrénées. Analyse des fonctionnements de ces dix stations et des performances de deux stations assez bien documentées : Allèves et Le Reposoir en Haute Savoie. Premières recommandations à l'usage des maîtres d'ouvrage, concepteurs, constructeurs, exploitants. Premières conclusions.

, chef de projet GEI, expert FPR

[Photo : Vue d’ensemble de la station d’épuration d’Aulon dans les Hautes Pyrénées. En descendant vers le torrent à partir de la route, on trouve d’abord les filtres primaires, au pied du local technique, ensuite les filtres secondaires, en contrebas.]

Premier bilan de l’expérience française d’implantation de filtres plantés en pays à hivers froids, à partir des constats sur une dizaine de stations de 250 à 1 200 EH, entre 400 et 1 000 m d’altitude, fonctionnant en dessous de 0 °C pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois consécutifs, dans les Alpes et les Pyrénées.

Analyses des fonctionnements de ces dix stations et des performances de deux stations assez bien documentées : Allèves et Le Reposoir en Haute-Savoie.

Premières recommandations à l’usage des maîtres d’ouvrage, concepteurs, constructeurs, exploitants. Premières conclusions.

Une commune de montagne n’avait pas d’autre choix jusqu’ici pour l’épuration de ses eaux usées que de se payer une station intensive et le bâtiment désodorisé qu’elle réclame, avec des coûts de réalisation supérieurs à 500 €/EH, des coûts d’exploitation de 20 à 30 €/EH.an et une complexité technique interdisant une gestion en régie. Cette fatalité de l’intensif n’est plus. Les retours...

Mots clés : Filtre planté, Hiver froid, Performance, Technologies, Épuration, Froid, Altitude, Gel, Neige.

[Photo : Station d’Allèves. Deuxième étage de filtration à la mise en service. Vue d'ensemble.]

D'expérience des filtres plantés construits dans les années 1990 et 2000 montrent qu'une station de ce type bien conçue, bien construite, bien exploitée traverse sans problème des hivers rigoureux et assure sa norme de rejet avec des coûts de réalisation et d’exploitation moins élevés. Ils montrent aussi l'importance, dans ces conditions très particulières, du savoir-faire des opérateurs et en particulier du maître d’œuvre. Les erreurs et malfaçons se traduisent en plaine par des dépassements de la norme de rejet, en montagne par des dysfonctionnements graves et des travaux de rénovation coûteux.

L'étude qui suit s'inscrit dans ce contexte. Son objet est de présenter brièvement, à partir des premiers constats sur les premières stations d’altitude, les contraintes, les avantages, les inconvénients de la filière classique française sur les sites où le thermomètre reste sous la barre du 0 °C plusieurs mois par an.

Le territoire FPR

Expérimenté pour la première fois dans les années 1950, développé et appliqué en France depuis la fin des années 1990, le filtre planté de roseaux-FPR s’est imposé rapidement comme la solution préférentielle des communes rurales. Les applications en traitement d’eaux usées collecti-

« Il y a une simplicité apparente qui attire vers le procédé FPR des entreprises et des bureaux d'étude incompétents, qui tombent dans les pièges nombreux du procédé et livrent des stations trop chères aux performances très décevantes. »

Filière FPR « française » : traitement d’eaux usées domestiques sur deux étages successifs de filtres plantés de roseaux dimensionnés de 1,2 et 0,8 m/BEH selon recommandations Cemagref - Agence de l’Eau MC de 2008 ou 2005. Filière « française » car développée et diffusée principalement en France par des chercheurs français appartenant à un organisme de recherche du ministère français de l'Agriculture.

Résultat : le parc français de stations FPR est donc passé en dix ans de 10 à 2000 unités ou presque soit, sur la base de 17 000 stations publiques, de 0,05 à 12 % du parc.

Cette progression va probablement se maintenir dans les années qui viennent en raison des avantages techniques et économiques du procédé mais également au travers d’extensions de son domaine d’application. Sur le plan de la capacité, le plafond de 1000 EH des stations pionnières est dépassé sur plus de cent réalisations, largement dépassé par les stations de Sillé-le-Guillaume – 2300/5500 EH, Nègrepelisse dans le Tarn-et-Garonne – 4000/6000 EH, et bientôt par d'autres. Sur le plan de l'emprise foncière, les filières compactes conduisent le procédé sur des sites exigus.

« Station de Sillé-le-Guillaume : 2300 EH en pollution et 5500 en hydraulique. Maître d'ouvrage commune de Sillé-le-Guillaume. Maître d'œuvre Poyry. Constructeur SOGEA SANT:Phytorem.

Station de 4000 EH en tranche 1, mise en service en 2009, extensible à 6000 EH et prévue dès le départ pour cette extension. Maître d'ouvrage CCIVA. Maître d'œuvre GEL. Constructeur Epur Nature. »

[Encart : La station d’Allèves Le village d’Allèves en Haute-Savoie est desservi depuis 1998 par une station FPR qui ne voit pas le soleil et très peu de températures positives en décembre et en janvier. Le site est enneigé et gelé presque sans interruption pendant ces deux mois et le thermomètre descend parfois en dessous de –10 °C la nuit, 5 °C le jour. La station est alimentée par un réseau séparatif récent et une population invariable, vu l'absence d’hébergement touristique. Les charges en entrée, hydrauliques et polluantes, sont donc constantes, ce qui facilite la comparaison des bilans. Données principales Maîtres d’ouvrage : Communauté de communes du Pays d’Alby Constructeur : SINT 1998 Exploitant : Communauté de Communes du Pays d'Alby Suivi technique : SATESE 74 Capacité nominale : 250 EH Filière : FPRV1 1,4 m²/EH + FPRV2 0,9 m²/EH (sur base de 250 EH) Milieu récepteur : le Chéran, affluent du Fier, affluent du Rhône Altitude : 640 m Températures hivernales : deux mois en dessous de 0 °C Données de fonctionnement : 6 bilans SATESE annuels depuis 2001, dont plusieurs en période hivernale chaque année. Échantillons proportionnels au temps. La station est alimentée par un réseau neuf, séparatif. Pas de variation des charges en entrée. Analyse La station fonctionne correctement, la norme de rejet est respectée pour tous les bilans disponibles. Pas de dysfonctionnement en hiver selon l'ouvrier chargé de la station, sauf une difficulté de percolation de l'effluent sur le filtre secondaire après une période de repos. Rendements très élevés pour tous les paramètres, tous les ans et en toutes saisons. En moyenne annuelle, les minima sur 8 années d’observation (DBO 93,7 %, DCO 88,4 %, MES 92,1 %) sont très supérieurs aux recommandations de l'arrêté 2007 pour les stations de capacité inférieure à 2000 EH (60 % pour les trois paramètres) et même pour les stations de capacité supérieure à 2000 EH (DBO 70 à 80 %, DCO 75 %, MES 90 %). Le rendement moyen annuel sur NTK est supérieur à 90 % six années sur huit. Les rendements en hiver sont proches et parfois au-dessus des moyennes annuelles, pour des charges en entrée similaires, de l'ordre de 40 % de la capacité nominale (analyse sur 2008 seulement). ]

qui lui étaient interdits encore récemment. Sur le plan des performances épuratoires, les innovations sur le traitement de l’azote et du phosphore lui ouvrent des bassins versants dont les objectifs de qualité l’ex- cluaient jusqu’ici. Sur le plan économique, la réduction des subventions et les tensions sur le prix de l'eau accentuent ses avanta- ges sur ses concurrents, dans sa gamme de capacité bien entendu.

Le FPR s’étend également vers le haut en altitude, vers le bas en température et concurrence les procédés intensifs sur des sites de montagne caractérisés par de longues périodes de gel et de neige. Les retours des quelques stations construites dans ces conditions depuis une dizaine d’années sont encore mitigés, le savoir- faire peu répandu, mais il y a aujourd'hui une poignée d’entreprises et de maîtres d'œuvre spécialisés capables de concevoir et de construire une station performante dans ces conditions extrêmes.

Nous décrirons quelques stations de mon- tagne, leurs fonctionnements, leurs per- formances (sous le titre Le constat). Nous en tirerons quelques recommandations en matière de conception, de réalisation, d’ex- ploitation (sous le titre Les recommanda- tions). Et nous proposerons une conclu- sion, nécessairement provisoire vu l’état encore embryonnaire de la connaissance.

Le constat

Retours d’expérience

L’étude s’appuie sur une enquête auprès des agents d’exploitation (généralement les ouvriers communaux) et les techni- ciens d’encadrement (généralement les employés des SATESE) et les bilans 24 h réalisés sur quelques stations FPR françai- ses soumises à des températures négatives pendant plusieurs mois de suite.

[Photo : Station d’Allèves. Deuxième étage de filtration en période hivernale. On distingue le regard de répartition à l’avant-plan et un casier au repos avec les canalisations de distribution en surface du filtre.]

Fonctionnement

Les exploitants constatent la continuité du fonctionnement des filtres, en premier comme en second étage, quelle que soit la durée du gel et/ou de l’enneigement (au moins trois et parfois quatre mois sans interruption à Aulon, au Reposoir, par exemple).

La neige ne gêne pas le fonctionnement des filtres et contribue au contraire à leur dégel par un effet d’isolement thermique qui complète celui des apports calorifiques des eaux usées (20 °C au départ de l’habi- tation, 3 à 10 °C à l’arrivée à la station selon la longueur du réseau, l’importance et la nature des eaux parasites, la nature des canalisations...). Elle fond la glace et elle fond les filtres dans le décor à une époque où ils ne sont pas très beaux à voir, avec ou sans faucardage.

Tableau 1 : Quelques stations de montagne (Dans l’ordre chronologique de réalisation)

Commune Date Capacité Altitude < 0 °C Filière Bilans
Allèves - 74 1998 250 EH 600 m 2 mois FPRV1 + FPRV2 12
Aulon - 65 1999 250 EH 1000 m 4 mois FPRV1 + FPRV2 0
Azet - 65 2006 500 EH 1100 m 4 mois FPRV1 + FPRV2 0
Counozouls - 11 2008 100 EH 980 m 4 mois FPRV1 + FPRV2 0
Le Cairel - 12 2007 100 EH 300 m 4 mois FPRV1 + FPRV2 0
Le Reposoir - 74 2003 1200 EH 1000 m 4 mois FPRV1 + FPRV2 6
Queige - 73 1999 500 EH 800 m 4 mois FPRV1 + infiltration 2

Le gel est plus gênant. Il complique les tâches d’exploitation, colle les refus de dégrillage sur la grille, bloque les organes mobiles des appareils électromécaniques, ferme les cheminements dans les massifs filtrants. Sachant qu’un filtre est décom- posé en casiers fonctionnant en alternance avec des périodes de repos de 3 à 7 jours selon l’étage et la station, on comprend qu’un casier au repos, privé de l’apport thermique des eaux usées, gèle en masse. Premier inconvénient : l’aération du massif est perturbée. Deuxième inconvénient : à la reprise du fonctionnement, les eaux sont retenues en surface par la pellicule de glace et la fermeture des espaces interstitiels du granulat filtrant jusqu’à la remontée en température sous l’effet des apports, c’est- à-dire pendant plusieurs heures voire plu- sieurs jours. La durée de la phase de dégel dépend de plusieurs facteurs : température des apports, température de l’air, conception et dimensionnement du filtre...

La température des apports est fonction du réseau de collecte et de la position du fil- tre dans la filière. Les eaux usées perdent leur chaleur au contact des canalisations froides et souvent gelées, même en pro- fondeur, et au mélange avec les eaux de nappe et de lessivage des chaussées, très proches du 0 °C. L’étanchéité des réseaux prend donc une importance particulière dans ce contexte. Par ailleurs, les filtres du second étage sont défavorisés de ce point de vue, pour deux raisons : parce qu’ils reçoivent des eaux refroidies par le passage sur le premier étage et dans les ouvrages de rele-

[Photo : Station d'Allèves. Deuxième étage de filtration sous la neige. Les roseaux sont faucardés à 40 cm. Les eaux usées élèvent la température et fondent la neige autour de la canalisation de distribution.]

vague et parce que les temps de repos sont plus importants dans l'alternance repos-service (couramment 6 jours de repos contre 3 jours au premier étage).

La température de l’air est indépendante des volontés du concepteur et de l’exploitant. Par contre, un maître d’ouvrage avisé donnera sa préférence à un site exposé au sud, pas trop encaissé, protégé des courants d'air froid. Ce n'est pas toujours possible, mais du moins faut-il savoir qu'un fond de vallée, qui ne voit pas le soleil du 15 novembre au 15 mars, balayé en outre par l’air glacial qui coule dans la trouée d'un torrent, sera plus contraignant qu'un plateau bien dégagé, exposé au sud, avec des remontées de température dans la journée. L'exposition du site a donc son importance, au moins autant que l'altitude ; un site bien exposé à 1000 m d’altitude peut être moins froid qu'un site mal exposé à 600 ou 700 mètres.

La conception des filtres et plus généralement de la station palliera dans une certaine mesure les contraintes incontournables. Les eaux parasites seront dérivées et/ou prises en compte au niveau des superficies des filtres, des volumes de bâchée, du régime des alternances repos-service... L'implantation des ouvrages sur le terrain favorisera l’ensoleillement des équipements les plus sensibles, en particulier du filtre secondaire, et évitera les zones d’ombre, de courants d’air...

Les dispositifs d’alimentation des filtres seront pensés et dimensionnés pour le gel : les points bas seront exclus pour éviter les ruptures par le gel des eaux stagnantes, chaque casier de filtration sera muni d’un exutoire pour l’évacuation des apports en cas de gel.

Performances

Nous basons notre analyse sur les bilans 24 heures en période hivernale, très contrastés, de deux stations de Haute-Savoie : Allèves et Le Reposoir, situées à des altitudes différentes mais dans des conditions de température assez semblables.

Au Reposoir, la norme de rejet est souvent dépassée même pour des charges en entrée inférieures à la capacité nominale et la norme habituelle (DBO₅ < 25 mg/l ; DCO < 125 mg/l ; MES < 35 mg/l) dépassée pour la moitié des bilans en dessous de la capacité nominale. Causes possibles : erreurs de conception, malfaçons sur les massifs filtrants, importance des eaux parasites. Les rendements sont médiocres également, avec des valeurs inférieures à 80 % sur la pollution carbonée, inférieures à 40 % sur NTK.

À Allèves par contre, la norme de rejet (DBO₅ < 25 mg/l ; DCO < 125 mg/l ; MES < 30 mg/l ; NTK < 10 mg/l) est toujours

[Encart : La station du Reposoir Le Reposoir est une petite commune de Haute-Savoie, de 800 habitants permanents et deux cents résidents supplémentaires en saison, notamment aux vacances d'hiver. La station d’épuration, située à 1000 m d'altitude, est dans l'ombre de mi-décembre à mi-mars, au gel et sous la neige pendant ces trois mois. Données principales Maître d’ouvrage : commune du Reposoir Constructeur : M.S.E. 2004 Exploitant : commune du Reposoir Suivi technique : SATESE 74 Capacité nominale : 1200 EH Capacité réelle, sur base des surfaces de filtration : 2250 m²/2 m²/EH = 1125 EH Filtre : FPRV4 1,1 m²/EH + FPRV2 0,7 m²/EH (sur base de 1200 EH) Altitude : 1000 m Températures hivernales : autour de 0 °C le jour, jusqu’à ‑15 °C la nuit Milieu récepteur : le Foron, affluent de l’Arve Infiltration dans le sol, par le fond du filtre secondaire, de la plus grande partie des effluents traités. Données de fonctionnement : deux bilans SATESE par an depuis la création de la station en 2004, un en hiver et un en été, échantillons proportionnels au temps. Réseau séparatif mais avec des eaux parasites très importantes, qui perturbent le fonctionnement de la station et réduisent la température des eaux brutes, surtout l'hiver hors saison touristique quand le peu d'eaux usées est dilué dans un volume important d'eaux parasites beaucoup plus froides. Vu les difficultés de site, la MISE a autorisé une norme de rejet moins contraignante en hiver, du 4 novembre au 15 mars. Analyse des bilans hivernaux (en février et mars) Teneurs en sortie : plusieurs dépassements de la norme de rejet, pourtant moins contraignante en hiver (DBO₅ 70 mg/l, DCO 200 mg/l, NH₄⁺ 40 mg/l). Rendements : rendements similaires d'une année à l'autre, inférieurs de 10 à 20 % aux rendements en plaine sur une filière identique, inférieurs parfois aux recommandations de l’arrêté de 2007 pour les stations < 2000 EH (DBO₅ 60 %, DCO 60 %, MES 60 %). ]
[Photo : Station d’épuration d’Aulon dans les Hautes-Pyrénées. Vue du premier étage. Au premier plan, le local technique.]

Vérifiée et les rendements sur ces paramètres sont rarement inférieurs à 90 %, en hiver comme en été, avec il est vrai des charges en entrée de l’ordre de 40 % des charges nominales sur presque tous les bilans. L’augmentation des charges en entrée réduira certainement les rendements et augmentera les teneurs en sortie mais sans dépassement de la norme de rejet. Les performances NGL et Pt resteront faibles car les processus épuratoires sur ces deux paramètres sont inhibés à basse température.

La station d’Allèves est instructive à plusieurs égards : rigueur des conditions hivernales (neige et gel continus pendant deux mois au moins), régularité des charges en entrée (faibles variations depuis la mise en service en 2004, faibles variations saisonnières), constance du débit (peu d’eaux parasites), qualité du suivi (6 bilans par an sur 7 ans) et de l’exploitation.

Performance/fonctionnement

La question des performances est à la fois méconnue encore et secondaire par rapport à celle du fonctionnement. Méconnue parce qu’il y a peu de stations de filière « française » soumises à des périodes de gel continu de plusieurs mois et même plusieurs semaines (moins de cent à notre connaissance), très peu parmi ces stations qui fassent l’objet de bilans 24 h représentatifs en période hivernale (moins de dix). Aucun bilan hivernal à charge nominale. Aucun bilan hivernal mentionnant les conditions de température dans les jours et les semaines précédant les mesures. Aucune station disposant de bilans en hiver et en été aux mêmes niveaux de charges hydrauliques et polluantes.

Secondaire parce que les quelques pourcents perdus sur les rendements de dépollution seront toujours moins pénalisants pour le milieu récepteur que les déversements prolongés d’eaux brutes résultant du gel d’un filtre ou d’une canalisation d’amenée.

Coûts

Les coûts de réalisation sont souvent plus élevés en montagne en raison des difficultés d’accès, de l’importance des terrassements en topographies accidentées, des interruptions de chantier pour intempéries, de l’éloignement des carrières et des sites de fabrication des équipements. Ils restent cependant dans la fourchette habituelle des stations FPR de filière similaire, avec une moyenne de 500 €/EH pour une station en deux étages sur un site sans grande difficulté.

Les coûts d’exploitation sont également similaires à ceux des stations de plaine, de l’ordre de 10 €/EH.an autour de 1000 EH, 20 €/EH.an autour de 100 EH.

Par comparaison avec les procédés intensifs (boues activées, disques biologiques, techniques membranaires…), conditionnés dans un bâtiment fermé et désodorisé, la solution FPR annonce des coûts de réalisation et d’exploitation nettement plus faibles.

Emprise

L’importance des superficies occupées, principal handicap de la solution FPR, est accentuée sur les sites pentus ou à relief tourmenté des pays de montagne, particulièrement en cas de pénurie de terrains, tous usages confondus, ou de coûts fonciers élevés. Les filières compactes, notamment celles qui superposent les étages au lieu de les juxtaposer, ouvrent des perspectives intéressantes mais il faut attendre, pour les appliquer dans les conditions pénalisantes des basses températures, les retours des premières réalisations en plaine, dans des conditions climatiques plus favorables.

[Photo : Station d’épuration d’Aulon dans les Hautes-Pyrénées. Casier en service du premier étage.]

Le paramètre climatique

Quel paramètre faut-il prendre en compte pour caractériser la sensibilité au froid d'une station d'épuration ? L'altitude ? Le minimum absolu de température ? La durée maximum de gel ininterrompu ? La durée d'enneigement ?

L'altitude

Si vous interrogez Jacques Kessler (ou du moins son livre sur le climat de la France par localités – Kessler Jacques & Chambraud André, Météo de la France, JC Lattès, 1990), sur les stations Météo-France des Alpes et des Pyrénées, il vous pointera à 640 m NGF (à Lescheraines-73) un climat plus froid à tous points de vue que ceux de nombreuses localités au-dessus de 1 000 m NGF (La Clusaz-73, Peisey-Nancroix-74, Barèges-65, Saillagouse-66…) et un climat similaire à 1 600 m NGF (Mont-Louis-66). L'altitude n'est donc pas un facteur déterminant et on comprend en effet que d'autres paramètres soient au moins aussi importants, en particulier l'orientation du site, sa position par rapport aux reliefs environnants, son ensoleillement, son exposition aux vents et aux courants d'air froids…

La température

Le Kessler vous donnera encore, mois par mois, les moyennes sur la durée d'observation (parfois plusieurs dizaines d'années) des températures les plus basses enregistrées dans la journée (Tm moy dans le tableau ci-dessous), dont vous déduirez les températures journalières les plus basses à cette station (Tm mini dans le tableau ci-dessous) et le nombre de mois dans l'année où ce minimum ne dépasse pas 0 °C.

Tableau 2. Altitudes et températures minimales de quelques postes Météo-France

StationAltitudeTm moyTm mini< 0 °C
Lescheraines – 73640 m1,0 °C1,6 °C3
Arreau – 65720 m3,6 °C3,0 °C5
Bourg-St-Maurice – 74865 m4,5 °C3,7 °C7
Cauterets – 65935 m-1,5 °C-1,0 °C2
Combloux – 73940 m2,7 °C3,0 °C5
Abondance – 731 000 m1,1 °C1,0 °C4
Arêches – 731 030 m2,5 °C2,5 °C5
Ossun – 741 037 m-8,0 °C-5,0 °C9
Mieussy – 731 113 m0,7 °C7,0 °C5
La Clusaz – 731 150 m2,1 °C5,0 °C5
Peisey-Nancroix – 741 350 m2,4 °C5,0 °C4
Barèges – 651 400 m2,5 °C4,0 °C2
Saillagouse – 661 305 m2,5 °C3,0 °C6
Pralognan – 731 420 m0,3 °C7,0 °C5
Matemale – 661 520 m0,5 °C3,0 °C4
Mont-Louis – 661 600 m1,8 °C4,0 °C6
Pic du Midi – 652 865 m-4,2 °C-11,0 °C8

Station : commune et département de la station Météo-France Alt m NGF : altitude selon indications Météo-France Tm moy : température des moyennes mensuelles les plus froides de la journée Tm mini : température des moyennes mensuelles des températures minimales < 0 °C : nombre de mois par an où Tm moy < 0 °C

Autant de paramètres significatifs par rapport aux processus épuratoires.

Le gel

Il faudrait plus d'observations que nous n'en avons aujourd'hui pour discerner l'effet de chaque paramètre climatique sur le fonctionnement et les performances des stations FPR d'altitude. L'intensité et la durée de gel ont un effet déterminant dans la mesure où ils conditionnent un facteur limitant essentiel : l'épaisseur de la couche de glace qui se forme en surface du filtre en phase de repos, surtout sur le deuxième étage.

Le gel continu

Dans l'attente d'études plus complètes, la durée en mois des températures minimales négatives présente le double avantage de pouvoir être calculée facilement (à partir des relevés d'une station Météo-France représentative ou d'un thermomètre enregistreur installé sur le site) et de caractériser globalement l'incidence du climat sur la station. Le tableau ci-contre révèle en particulier une forte corrélation entre ce paramètre (colonne < 0 °C) et les paramètres Tm moy et Tm mini.

Station plutôt froide pour son altitude Station plutôt chaude pour son altitude

Compter une emprise globale de 5 m²/EH pour une filière classique en deux étages juxtaposés, davantage sur les reliefs accentués pour tenir compte des emprises de talus et d'accès, davantage aussi pour les petites capacités (jusqu'à 10 m²/EH).

Intégration dans le site

Une station FPR prendra plus de place mais marquera moins durement le paysage qu'une station intensive de même capacité et le bâtiment important qui l'abrite. Globalement, son impact visuel sera moins fort, été comme hiver. Le manteau de neige qui couvre les filtres en hiver gomme encore la station au point de la fondre complètement dans le décor, sauf la clôture et le local technique mais la clôture peut être discrète et le local inspiré de l'architecture traditionnelle.

À partir de là, c'est une question de goûts et de couleurs. Il y a des maires ou des présidents de syndicat d'assainissement qui choisiront la discrétion et le fondu dans la nature, d'autres qui voudront marquer leur passage sur cette terre, y compris dans le décor de leur vallée. Les premiers iront vers les procédés extensifs et choisiront un maître d'œuvre sensible au paysage ; les seconds iront vers l'intensif et prendront un architecte doué pour le spectacle.

Bilan carbone

Le procédé FPR exprime en montagne les avantages de développement durable révélés sur les stations de plaine.

Sur le plan des consommations énergétiques, schématiquement, une station FPR consomme pas du tout ou très peu d'électricité pendant très peu de temps (principalement pour le fonctionnement des postes

[Photo : Station d'épuration d'Aulon dans les Hautes Pyrénées. Casier au repos du premier étage]
[Photo : Station du Reposoir. Un casier du filtre primaire en période de repos. La couverture de neige réduit le risque de gel.]

de relevage éventuels pendant les quelques minutes de chaque bâchée) ; une station intensive consomme beaucoup d’électricité tout le temps et davantage encore dans les climats froids parce qu'elle est installée dans un bâtiment, que ce bâtiment doit être désodorisé et que tout cela consomme de l’énergie.

La question des boues accentue la différence : les boues d’une station FPR sont évacuées tous les quinze ans environ à 25 % de siccité ; les boues d'une station boues activées, sauf déshydratation très gourmande en énergie, sont extraites en continu, stockées à la station, évacuées plusieurs fois par an dans le cadre d'un plan d’épandage qu'il faut gérer et maintenir dans un contexte de déprise agricole et de réticences des agriculteurs, surtout dans les conditions très spécifiques de l’agriculture de montagne : petites parcelles, fortes pentes, accès difficiles...

Les recommandations

Choix du site

Le paramètre limitant dans cette problématique, ce n’est pas l'altitude en soi, c'est la température et plus précisément le couple valeur-durée des températures négatives. D’où l'importance non seulement de l’altitude mais aussi de l’exposition, de l’ensoleillement, de la prise aux vents. Question délicate et souvent épineuse, surtout dans des vallées d’élevage aux parcellaires morcelés, déstructurés dans la seconde moitié du vingtième siècle par les aménagements tertiaires, les hébergements touristiques et les résidences secondaires. Pourtant, le terrain plus étendu d'une station FPR coûtera toujours moins cher que les ouvrages complexes d'une station intensive. Sans compter les économies d’exploitation.

L'acquisition portera sur les terrains correspondant à une première tranche de travaux couvrant les besoins à moyen terme (vingt ans par exemple) et au moins une deuxième tranche couvrant les besoins à long terme (cinquante ans par exemple). Les superficies de l’extension pourront être affectées à d'autres usages et même louées avant utilisation.

Conception

Une station FPR soumise à un gel occasionnel, de quelques heures ou de quelques jours, continuera de fonctionner normalement, avec une baisse de rendement faible et sans grande conséquence. Si le thermomètre reste en dessous de 0 °C pendant plusieurs semaines et a fortiori pendant plusieurs mois consécutifs, avec des passages de plusieurs jours en dessous de –10 °C, c’est une autre histoire. Le gel va compliquer voire empêcher les tâches d’exploitation, sauf si ses effets sont prévus par le maître d’œuvre et pris en compte dans la conception d’ensemble de la station, dans la conception de chaque ouvrage, dans le choix des équipements, dans les spécifications du matériel.

L’analyse du fonctionnement et des performances des stations existantes montre qu'une station de montagne doit être conçue, pensée, dimensionnée pour les conditions de température qu’elle va connaître, sans incidence importante sur les coûts, d’ailleurs. Une station conçue selon les règles habituelles fonctionnera mal en altitude. Elle donnera du fil à retordre à l’exploitant et des performances médiocres.

[Photo : Station du Reposoir. Vue d’ensemble du filtre primaire en période hivernale. La chaleur des eaux brutes détruit le manteau de neige autour des points de distribution et favorise la formation de glace en surface du filtre.]

Ici encore, les surcoûts résultant du choix d’équipements plus robustes ou des surdimensionnements (+10 à 20 %) seront très inférieurs à l'économie en réalisation et en exploitation par rapport à un procédé intensif (-100 à 200 %).

Réalisation

Le dossier d’exécution et la réalisation d'une station de montagne exigent à la fois un soin et un savoir-faire hors du commun, que toutes les entreprises n’ont pas, autant le voir en face. Le choix du constructeur et son encadrement revêtent ici une importance spéciale, illustrée hélas par les dysfonctionnements de stations mal construites. Une malfaçon ou une erreur de dimensionnement auront des conséquences beaucoup plus lourdes en fonctionnement au gel que dans des conditions ordinaires.

Exploitation

De même, l’entretien d'une station FPR exige, en situation de gel prolongé, des précautions et des manipulations supplémentaires. Selon les conditions, on pourra reporter le faucardage au printemps pour bénéficier de la protection thermique des parties aériennes des roseaux et de la neige qu'ils fixent sur les filtres.

On veillera à préparer la station pour l’hiver, avant les premiers gels : graissage des mécanismes, calfeutrement des équipements électriques, couverture des caillebotis, purge et protection du réseau AEP, purge des canalisations comportant des points bas, protection des accès et des circulations...

Les temps entre visites seront raccourcis de manière à détecter rapidement une anomalie éventuelle (deux visites par semaine par temps très froid).

Les tâches sont plus nombreuses, le temps passé sur la station un peu plus important, les conditions de travail plus pénibles que l’été. Pas plus pénibles cependant que les travaux de déneigement ou d’entretien courant en pays de montagne.

[Photo : Station du Reposoir. Prise en gel du filtre primaire en période de repos. Le gel est accentué par la disparition du manteau de neige, fondu par les eaux brutes en période d’alimentation du casier.]

Conclusion

Avantages, inconvénients

Une station FPR conçue en conséquence fonctionne correctement au gel. Elle présente sur ses concurrents intensifs, en situation de grands froids hivernaux, quelques inconvénients :

- emprise foncière plus importante ; - sujétions d’exploitation ;

... et de nombreux avantages

- coûts de réalisation moins élevés ; - coûts de fonctionnement moins élevés ; - intégration dans le paysage ; - bilan carbone plus favorable ; - gestion des boues plus facile et plus économique ; - bonnes performances sur la pollution carbonée et sur NTK.

Limitations

Son application reste limitée pour l'instant, dans ce contexte, aux capacités inférieures à 2000 EH et aux normes de rejet courantes, sans condition sévère sur l’azote, le phosphore ou les germes pathogènes. Elle demande un savoir-faire particulier, en conception et en réalisation, sous peine de déboires importants et difficilement réversibles.

Remerciements

Merci aux SATESE 73 et 74 pour leurs informations, leur compétence, leur disponibilité, au Cemagref pour ses conseils techniques.

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