Premier bilan de l'expérience française d'implantation de filtres plantés en pays à hivers froids, à partir des constats sur une dizaine de stations de 250 à 1 200 EH, entre 400 et 1 000 m d'altitude, fonctionnant en dessous de 0 °C pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois consécutifs, dans les Alpes et les Pyrénées. Analyse des fonctionnements de ces dix stations et des performances de deux stations assez bien documentées : Allèves et Le Reposoir en Haute Savoie. Premières recommandations à l'usage des maîtres d'ouvrage, concepteurs, constructeurs, exploitants. Premières conclusions.
, chef de projet GEI, expert FPR
Premier bilan de l’expérience française d’implantation de filtres plantés en pays à hivers froids, à partir des constats sur une dizaine de stations de 250 à 1 200 EH, entre 400 et 1 000 m d’altitude, fonctionnant en dessous de 0 °C pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois consécutifs, dans les Alpes et les Pyrénées.
Analyses des fonctionnements de ces dix stations et des performances de deux stations assez bien documentées : Allèves et Le Reposoir en Haute-Savoie.
Premières recommandations à l’usage des maîtres d’ouvrage, concepteurs, constructeurs, exploitants. Premières conclusions.
Une commune de montagne n’avait pas d’autre choix jusqu’ici pour l’épuration de ses eaux usées que de se payer une station intensive et le bâtiment désodorisé qu’elle réclame, avec des coûts de réalisation supérieurs à 500 €/EH, des coûts d’exploitation de 20 à 30 €/EH.an et une complexité technique interdisant une gestion en régie. Cette fatalité de l’intensif n’est plus. Les retours...
Mots clés : Filtre planté, Hiver froid, Performance, Technologies, Épuration, Froid, Altitude, Gel, Neige.
D'expérience des filtres plantés construits dans les années 1990 et 2000 montrent qu'une station de ce type bien conçue, bien construite, bien exploitée traverse sans problème des hivers rigoureux et assure sa norme de rejet avec des coûts de réalisation et d’exploitation moins élevés. Ils montrent aussi l'importance, dans ces conditions très particulières, du savoir-faire des opérateurs et en particulier du maître d’œuvre. Les erreurs et malfaçons se traduisent en plaine par des dépassements de la norme de rejet, en montagne par des dysfonctionnements graves et des travaux de rénovation coûteux.
L'étude qui suit s'inscrit dans ce contexte. Son objet est de présenter brièvement, à partir des premiers constats sur les premières stations d’altitude, les contraintes, les avantages, les inconvénients de la filière classique française sur les sites où le thermomètre reste sous la barre du 0 °C plusieurs mois par an.
Le territoire FPR
Expérimenté pour la première fois dans les années 1950, développé et appliqué en France depuis la fin des années 1990, le filtre planté de roseaux-FPR s’est imposé rapidement comme la solution préférentielle des communes rurales. Les applications en traitement d’eaux usées collecti-
« Il y a une simplicité apparente qui attire vers le procédé FPR des entreprises et des bureaux d'étude incompétents, qui tombent dans les pièges nombreux du procédé et livrent des stations trop chères aux performances très décevantes. »
Filière FPR « française » : traitement d’eaux usées domestiques sur deux étages successifs de filtres plantés de roseaux dimensionnés de 1,2 et 0,8 m/BEH selon recommandations Cemagref - Agence de l’Eau MC de 2008 ou 2005. Filière « française » car développée et diffusée principalement en France par des chercheurs français appartenant à un organisme de recherche du ministère français de l'Agriculture.
Résultat : le parc français de stations FPR est donc passé en dix ans de 10 à 2000 unités ou presque soit, sur la base de 17 000 stations publiques, de 0,05 à 12 % du parc.
Cette progression va probablement se maintenir dans les années qui viennent en raison des avantages techniques et économiques du procédé mais également au travers d’extensions de son domaine d’application. Sur le plan de la capacité, le plafond de 1000 EH des stations pionnières est dépassé sur plus de cent réalisations, largement dépassé par les stations de Sillé-le-Guillaume – 2300/5500 EH, Nègrepelisse dans le Tarn-et-Garonne – 4000/6000 EH, et bientôt par d'autres. Sur le plan de l'emprise foncière, les filières compactes conduisent le procédé sur des sites exigus.
« Station de Sillé-le-Guillaume : 2300 EH en pollution et 5500 en hydraulique. Maître d'ouvrage commune de Sillé-le-Guillaume. Maître d'œuvre Poyry. Constructeur SOGEA SANT:Phytorem.
Station de 4000 EH en tranche 1, mise en service en 2009, extensible à 6000 EH et prévue dès le départ pour cette extension. Maître d'ouvrage CCIVA. Maître d'œuvre GEL. Constructeur Epur Nature. »
qui lui étaient interdits encore récemment. Sur le plan des performances épuratoires, les innovations sur le traitement de l’azote et du phosphore lui ouvrent des bassins versants dont les objectifs de qualité l’ex- cluaient jusqu’ici. Sur le plan économique, la réduction des subventions et les tensions sur le prix de l'eau accentuent ses avanta- ges sur ses concurrents, dans sa gamme de capacité bien entendu.
Le FPR s’étend également vers le haut en altitude, vers le bas en température et concurrence les procédés intensifs sur des sites de montagne caractérisés par de longues périodes de gel et de neige. Les retours des quelques stations construites dans ces conditions depuis une dizaine d’années sont encore mitigés, le savoir- faire peu répandu, mais il y a aujourd'hui une poignée d’entreprises et de maîtres d'œuvre spécialisés capables de concevoir et de construire une station performante dans ces conditions extrêmes.
Nous décrirons quelques stations de mon- tagne, leurs fonctionnements, leurs per- formances (sous le titre Le constat). Nous en tirerons quelques recommandations en matière de conception, de réalisation, d’ex- ploitation (sous le titre Les recommanda- tions). Et nous proposerons une conclu- sion, nécessairement provisoire vu l’état encore embryonnaire de la connaissance.
Le constat
Retours d’expérience
L’étude s’appuie sur une enquête auprès des agents d’exploitation (généralement les ouvriers communaux) et les techni- ciens d’encadrement (généralement les employés des SATESE) et les bilans 24 h réalisés sur quelques stations FPR françai- ses soumises à des températures négatives pendant plusieurs mois de suite.
Fonctionnement
Les exploitants constatent la continuité du fonctionnement des filtres, en premier comme en second étage, quelle que soit la durée du gel et/ou de l’enneigement (au moins trois et parfois quatre mois sans interruption à Aulon, au Reposoir, par exemple).
La neige ne gêne pas le fonctionnement des filtres et contribue au contraire à leur dégel par un effet d’isolement thermique qui complète celui des apports calorifiques des eaux usées (20 °C au départ de l’habi- tation, 3 à 10 °C à l’arrivée à la station selon la longueur du réseau, l’importance et la nature des eaux parasites, la nature des canalisations...). Elle fond la glace et elle fond les filtres dans le décor à une époque où ils ne sont pas très beaux à voir, avec ou sans faucardage.
Tableau 1 : Quelques stations de montagne (Dans l’ordre chronologique de réalisation)
Commune | Date | Capacité | Altitude | < 0 °C | Filière | Bilans |
---|---|---|---|---|---|---|
Allèves - 74 | 1998 | 250 EH | 600 m | 2 mois | FPRV1 + FPRV2 | 12 |
Aulon - 65 | 1999 | 250 EH | 1000 m | 4 mois | FPRV1 + FPRV2 | 0 |
Azet - 65 | 2006 | 500 EH | 1100 m | 4 mois | FPRV1 + FPRV2 | 0 |
Counozouls - 11 | 2008 | 100 EH | 980 m | 4 mois | FPRV1 + FPRV2 | 0 |
Le Cairel - 12 | 2007 | 100 EH | 300 m | 4 mois | FPRV1 + FPRV2 | 0 |
Le Reposoir - 74 | 2003 | 1200 EH | 1000 m | 4 mois | FPRV1 + FPRV2 | 6 |
Queige - 73 | 1999 | 500 EH | 800 m | 4 mois | FPRV1 + infiltration | 2 |
Le gel est plus gênant. Il complique les tâches d’exploitation, colle les refus de dégrillage sur la grille, bloque les organes mobiles des appareils électromécaniques, ferme les cheminements dans les massifs filtrants. Sachant qu’un filtre est décom- posé en casiers fonctionnant en alternance avec des périodes de repos de 3 à 7 jours selon l’étage et la station, on comprend qu’un casier au repos, privé de l’apport thermique des eaux usées, gèle en masse. Premier inconvénient : l’aération du massif est perturbée. Deuxième inconvénient : à la reprise du fonctionnement, les eaux sont retenues en surface par la pellicule de glace et la fermeture des espaces interstitiels du granulat filtrant jusqu’à la remontée en température sous l’effet des apports, c’est- à-dire pendant plusieurs heures voire plu- sieurs jours. La durée de la phase de dégel dépend de plusieurs facteurs : température des apports, température de l’air, conception et dimensionnement du filtre...
La température des apports est fonction du réseau de collecte et de la position du fil- tre dans la filière. Les eaux usées perdent leur chaleur au contact des canalisations froides et souvent gelées, même en pro- fondeur, et au mélange avec les eaux de nappe et de lessivage des chaussées, très proches du 0 °C. L’étanchéité des réseaux prend donc une importance particulière dans ce contexte. Par ailleurs, les filtres du second étage sont défavorisés de ce point de vue, pour deux raisons : parce qu’ils reçoivent des eaux refroidies par le passage sur le premier étage et dans les ouvrages de rele-
vague et parce que les temps de repos sont plus importants dans l'alternance repos-service (couramment 6 jours de repos contre 3 jours au premier étage).
La température de l’air est indépendante des volontés du concepteur et de l’exploitant. Par contre, un maître d’ouvrage avisé donnera sa préférence à un site exposé au sud, pas trop encaissé, protégé des courants d'air froid. Ce n'est pas toujours possible, mais du moins faut-il savoir qu'un fond de vallée, qui ne voit pas le soleil du 15 novembre au 15 mars, balayé en outre par l’air glacial qui coule dans la trouée d'un torrent, sera plus contraignant qu'un plateau bien dégagé, exposé au sud, avec des remontées de température dans la journée. L'exposition du site a donc son importance, au moins autant que l'altitude ; un site bien exposé à 1000 m d’altitude peut être moins froid qu'un site mal exposé à 600 ou 700 mètres.
La conception des filtres et plus généralement de la station palliera dans une certaine mesure les contraintes incontournables. Les eaux parasites seront dérivées et/ou prises en compte au niveau des superficies des filtres, des volumes de bâchée, du régime des alternances repos-service... L'implantation des ouvrages sur le terrain favorisera l’ensoleillement des équipements les plus sensibles, en particulier du filtre secondaire, et évitera les zones d’ombre, de courants d’air...
Les dispositifs d’alimentation des filtres seront pensés et dimensionnés pour le gel : les points bas seront exclus pour éviter les ruptures par le gel des eaux stagnantes, chaque casier de filtration sera muni d’un exutoire pour l’évacuation des apports en cas de gel.
Performances
Nous basons notre analyse sur les bilans 24 heures en période hivernale, très contrastés, de deux stations de Haute-Savoie : Allèves et Le Reposoir, situées à des altitudes différentes mais dans des conditions de température assez semblables.
Au Reposoir, la norme de rejet est souvent dépassée même pour des charges en entrée inférieures à la capacité nominale et la norme habituelle (DBO₅ < 25 mg/l ; DCO < 125 mg/l ; MES < 35 mg/l) dépassée pour la moitié des bilans en dessous de la capacité nominale. Causes possibles : erreurs de conception, malfaçons sur les massifs filtrants, importance des eaux parasites. Les rendements sont médiocres également, avec des valeurs inférieures à 80 % sur la pollution carbonée, inférieures à 40 % sur NTK.
À Allèves par contre, la norme de rejet (DBO₅ < 25 mg/l ; DCO < 125 mg/l ; MES < 30 mg/l ; NTK < 10 mg/l) est toujours
Vérifiée et les rendements sur ces paramètres sont rarement inférieurs à 90 %, en hiver comme en été, avec il est vrai des charges en entrée de l’ordre de 40 % des charges nominales sur presque tous les bilans. L’augmentation des charges en entrée réduira certainement les rendements et augmentera les teneurs en sortie mais sans dépassement de la norme de rejet. Les performances NGL et Pt resteront faibles car les processus épuratoires sur ces deux paramètres sont inhibés à basse température.
La station d’Allèves est instructive à plusieurs égards : rigueur des conditions hivernales (neige et gel continus pendant deux mois au moins), régularité des charges en entrée (faibles variations depuis la mise en service en 2004, faibles variations saisonnières), constance du débit (peu d’eaux parasites), qualité du suivi (6 bilans par an sur 7 ans) et de l’exploitation.
Performance/fonctionnement
La question des performances est à la fois méconnue encore et secondaire par rapport à celle du fonctionnement. Méconnue parce qu’il y a peu de stations de filière « française » soumises à des périodes de gel continu de plusieurs mois et même plusieurs semaines (moins de cent à notre connaissance), très peu parmi ces stations qui fassent l’objet de bilans 24 h représentatifs en période hivernale (moins de dix). Aucun bilan hivernal à charge nominale. Aucun bilan hivernal mentionnant les conditions de température dans les jours et les semaines précédant les mesures. Aucune station disposant de bilans en hiver et en été aux mêmes niveaux de charges hydrauliques et polluantes.
Secondaire parce que les quelques pourcents perdus sur les rendements de dépollution seront toujours moins pénalisants pour le milieu récepteur que les déversements prolongés d’eaux brutes résultant du gel d’un filtre ou d’une canalisation d’amenée.
Coûts
Les coûts de réalisation sont souvent plus élevés en montagne en raison des difficultés d’accès, de l’importance des terrassements en topographies accidentées, des interruptions de chantier pour intempéries, de l’éloignement des carrières et des sites de fabrication des équipements. Ils restent cependant dans la fourchette habituelle des stations FPR de filière similaire, avec une moyenne de 500 €/EH pour une station en deux étages sur un site sans grande difficulté.
Les coûts d’exploitation sont également similaires à ceux des stations de plaine, de l’ordre de 10 €/EH.an autour de 1000 EH, 20 €/EH.an autour de 100 EH.
Par comparaison avec les procédés intensifs (boues activées, disques biologiques, techniques membranaires…), conditionnés dans un bâtiment fermé et désodorisé, la solution FPR annonce des coûts de réalisation et d’exploitation nettement plus faibles.
Emprise
L’importance des superficies occupées, principal handicap de la solution FPR, est accentuée sur les sites pentus ou à relief tourmenté des pays de montagne, particulièrement en cas de pénurie de terrains, tous usages confondus, ou de coûts fonciers élevés. Les filières compactes, notamment celles qui superposent les étages au lieu de les juxtaposer, ouvrent des perspectives intéressantes mais il faut attendre, pour les appliquer dans les conditions pénalisantes des basses températures, les retours des premières réalisations en plaine, dans des conditions climatiques plus favorables.
Le paramètre climatique
Quel paramètre faut-il prendre en compte pour caractériser la sensibilité au froid d'une station d'épuration ? L'altitude ? Le minimum absolu de température ? La durée maximum de gel ininterrompu ? La durée d'enneigement ?
L'altitude
Si vous interrogez Jacques Kessler (ou du moins son livre sur le climat de la France par localités – Kessler Jacques & Chambraud André, Météo de la France, JC Lattès, 1990), sur les stations Météo-France des Alpes et des Pyrénées, il vous pointera à 640 m NGF (à Lescheraines-73) un climat plus froid à tous points de vue que ceux de nombreuses localités au-dessus de 1 000 m NGF (La Clusaz-73, Peisey-Nancroix-74, Barèges-65, Saillagouse-66…) et un climat similaire à 1 600 m NGF (Mont-Louis-66). L'altitude n'est donc pas un facteur déterminant et on comprend en effet que d'autres paramètres soient au moins aussi importants, en particulier l'orientation du site, sa position par rapport aux reliefs environnants, son ensoleillement, son exposition aux vents et aux courants d'air froids…
La température
Le Kessler vous donnera encore, mois par mois, les moyennes sur la durée d'observation (parfois plusieurs dizaines d'années) des températures les plus basses enregistrées dans la journée (Tm moy dans le tableau ci-dessous), dont vous déduirez les températures journalières les plus basses à cette station (Tm mini dans le tableau ci-dessous) et le nombre de mois dans l'année où ce minimum ne dépasse pas 0 °C.
Tableau 2. Altitudes et températures minimales de quelques postes Météo-France
Station | Altitude | Tm moy | Tm mini | < 0 °C |
---|---|---|---|---|
Lescheraines – 73 | 640 m | 1,0 °C | 1,6 °C | 3 |
Arreau – 65 | 720 m | 3,6 °C | 3,0 °C | 5 |
Bourg-St-Maurice – 74 | 865 m | 4,5 °C | 3,7 °C | 7 |
Cauterets – 65 | 935 m | -1,5 °C | -1,0 °C | 2 |
Combloux – 73 | 940 m | 2,7 °C | 3,0 °C | 5 |
Abondance – 73 | 1 000 m | 1,1 °C | 1,0 °C | 4 |
Arêches – 73 | 1 030 m | 2,5 °C | 2,5 °C | 5 |
Ossun – 74 | 1 037 m | -8,0 °C | -5,0 °C | 9 |
Mieussy – 73 | 1 113 m | 0,7 °C | 7,0 °C | 5 |
La Clusaz – 73 | 1 150 m | 2,1 °C | 5,0 °C | 5 |
Peisey-Nancroix – 74 | 1 350 m | 2,4 °C | 5,0 °C | 4 |
Barèges – 65 | 1 400 m | 2,5 °C | 4,0 °C | 2 |
Saillagouse – 66 | 1 305 m | 2,5 °C | 3,0 °C | 6 |
Pralognan – 73 | 1 420 m | 0,3 °C | 7,0 °C | 5 |
Matemale – 66 | 1 520 m | 0,5 °C | 3,0 °C | 4 |
Mont-Louis – 66 | 1 600 m | 1,8 °C | 4,0 °C | 6 |
Pic du Midi – 65 | 2 865 m | -4,2 °C | -11,0 °C | 8 |
Station : commune et département de la station Météo-France Alt m NGF : altitude selon indications Météo-France Tm moy : température des moyennes mensuelles les plus froides de la journée Tm mini : température des moyennes mensuelles des températures minimales < 0 °C : nombre de mois par an où Tm moy < 0 °C
Autant de paramètres significatifs par rapport aux processus épuratoires.
Le gel
Il faudrait plus d'observations que nous n'en avons aujourd'hui pour discerner l'effet de chaque paramètre climatique sur le fonctionnement et les performances des stations FPR d'altitude. L'intensité et la durée de gel ont un effet déterminant dans la mesure où ils conditionnent un facteur limitant essentiel : l'épaisseur de la couche de glace qui se forme en surface du filtre en phase de repos, surtout sur le deuxième étage.
Le gel continu
Dans l'attente d'études plus complètes, la durée en mois des températures minimales négatives présente le double avantage de pouvoir être calculée facilement (à partir des relevés d'une station Météo-France représentative ou d'un thermomètre enregistreur installé sur le site) et de caractériser globalement l'incidence du climat sur la station. Le tableau ci-contre révèle en particulier une forte corrélation entre ce paramètre (colonne < 0 °C) et les paramètres Tm moy et Tm mini.
Station plutôt froide pour son altitude Station plutôt chaude pour son altitude
Compter une emprise globale de 5 m²/EH pour une filière classique en deux étages juxtaposés, davantage sur les reliefs accentués pour tenir compte des emprises de talus et d'accès, davantage aussi pour les petites capacités (jusqu'à 10 m²/EH).
Intégration dans le site
Une station FPR prendra plus de place mais marquera moins durement le paysage qu'une station intensive de même capacité et le bâtiment important qui l'abrite. Globalement, son impact visuel sera moins fort, été comme hiver. Le manteau de neige qui couvre les filtres en hiver gomme encore la station au point de la fondre complètement dans le décor, sauf la clôture et le local technique mais la clôture peut être discrète et le local inspiré de l'architecture traditionnelle.
À partir de là, c'est une question de goûts et de couleurs. Il y a des maires ou des présidents de syndicat d'assainissement qui choisiront la discrétion et le fondu dans la nature, d'autres qui voudront marquer leur passage sur cette terre, y compris dans le décor de leur vallée. Les premiers iront vers les procédés extensifs et choisiront un maître d'œuvre sensible au paysage ; les seconds iront vers l'intensif et prendront un architecte doué pour le spectacle.
Bilan carbone
Le procédé FPR exprime en montagne les avantages de développement durable révélés sur les stations de plaine.
Sur le plan des consommations énergétiques, schématiquement, une station FPR consomme pas du tout ou très peu d'électricité pendant très peu de temps (principalement pour le fonctionnement des postes
de relevage éventuels pendant les quelques minutes de chaque bâchée) ; une station intensive consomme beaucoup d’électricité tout le temps et davantage encore dans les climats froids parce qu'elle est installée dans un bâtiment, que ce bâtiment doit être désodorisé et que tout cela consomme de l’énergie.
La question des boues accentue la différence : les boues d’une station FPR sont évacuées tous les quinze ans environ à 25 % de siccité ; les boues d'une station boues activées, sauf déshydratation très gourmande en énergie, sont extraites en continu, stockées à la station, évacuées plusieurs fois par an dans le cadre d'un plan d’épandage qu'il faut gérer et maintenir dans un contexte de déprise agricole et de réticences des agriculteurs, surtout dans les conditions très spécifiques de l’agriculture de montagne : petites parcelles, fortes pentes, accès difficiles...
Les recommandations
Choix du site
Le paramètre limitant dans cette problématique, ce n’est pas l'altitude en soi, c'est la température et plus précisément le couple valeur-durée des températures négatives. D’où l'importance non seulement de l’altitude mais aussi de l’exposition, de l’ensoleillement, de la prise aux vents. Question délicate et souvent épineuse, surtout dans des vallées d’élevage aux parcellaires morcelés, déstructurés dans la seconde moitié du vingtième siècle par les aménagements tertiaires, les hébergements touristiques et les résidences secondaires. Pourtant, le terrain plus étendu d'une station FPR coûtera toujours moins cher que les ouvrages complexes d'une station intensive. Sans compter les économies d’exploitation.
L'acquisition portera sur les terrains correspondant à une première tranche de travaux couvrant les besoins à moyen terme (vingt ans par exemple) et au moins une deuxième tranche couvrant les besoins à long terme (cinquante ans par exemple). Les superficies de l’extension pourront être affectées à d'autres usages et même louées avant utilisation.
Conception
Une station FPR soumise à un gel occasionnel, de quelques heures ou de quelques jours, continuera de fonctionner normalement, avec une baisse de rendement faible et sans grande conséquence. Si le thermomètre reste en dessous de 0 °C pendant plusieurs semaines et a fortiori pendant plusieurs mois consécutifs, avec des passages de plusieurs jours en dessous de –10 °C, c’est une autre histoire. Le gel va compliquer voire empêcher les tâches d’exploitation, sauf si ses effets sont prévus par le maître d’œuvre et pris en compte dans la conception d’ensemble de la station, dans la conception de chaque ouvrage, dans le choix des équipements, dans les spécifications du matériel.
L’analyse du fonctionnement et des performances des stations existantes montre qu'une station de montagne doit être conçue, pensée, dimensionnée pour les conditions de température qu’elle va connaître, sans incidence importante sur les coûts, d’ailleurs. Une station conçue selon les règles habituelles fonctionnera mal en altitude. Elle donnera du fil à retordre à l’exploitant et des performances médiocres.
Ici encore, les surcoûts résultant du choix d’équipements plus robustes ou des surdimensionnements (+10 à 20 %) seront très inférieurs à l'économie en réalisation et en exploitation par rapport à un procédé intensif (-100 à 200 %).
Réalisation
Le dossier d’exécution et la réalisation d'une station de montagne exigent à la fois un soin et un savoir-faire hors du commun, que toutes les entreprises n’ont pas, autant le voir en face. Le choix du constructeur et son encadrement revêtent ici une importance spéciale, illustrée hélas par les dysfonctionnements de stations mal construites. Une malfaçon ou une erreur de dimensionnement auront des conséquences beaucoup plus lourdes en fonctionnement au gel que dans des conditions ordinaires.
Exploitation
De même, l’entretien d'une station FPR exige, en situation de gel prolongé, des précautions et des manipulations supplémentaires. Selon les conditions, on pourra reporter le faucardage au printemps pour bénéficier de la protection thermique des parties aériennes des roseaux et de la neige qu'ils fixent sur les filtres.
On veillera à préparer la station pour l’hiver, avant les premiers gels : graissage des mécanismes, calfeutrement des équipements électriques, couverture des caillebotis, purge et protection du réseau AEP, purge des canalisations comportant des points bas, protection des accès et des circulations...
Les temps entre visites seront raccourcis de manière à détecter rapidement une anomalie éventuelle (deux visites par semaine par temps très froid).
Les tâches sont plus nombreuses, le temps passé sur la station un peu plus important, les conditions de travail plus pénibles que l’été. Pas plus pénibles cependant que les travaux de déneigement ou d’entretien courant en pays de montagne.
Conclusion
Avantages, inconvénients
Une station FPR conçue en conséquence fonctionne correctement au gel. Elle présente sur ses concurrents intensifs, en situation de grands froids hivernaux, quelques inconvénients :
- emprise foncière plus importante ; - sujétions d’exploitation ;
... et de nombreux avantages
- coûts de réalisation moins élevés ; - coûts de fonctionnement moins élevés ; - intégration dans le paysage ; - bilan carbone plus favorable ; - gestion des boues plus facile et plus économique ; - bonnes performances sur la pollution carbonée et sur NTK.
Limitations
Son application reste limitée pour l'instant, dans ce contexte, aux capacités inférieures à 2000 EH et aux normes de rejet courantes, sans condition sévère sur l’azote, le phosphore ou les germes pathogènes. Elle demande un savoir-faire particulier, en conception et en réalisation, sous peine de déboires importants et difficilement réversibles.
Remerciements
Merci aux SATESE 73 et 74 pour leurs informations, leur compétence, leur disponibilité, au Cemagref pour ses conseils techniques.