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Le traitement des effluents industriels par voies biologiques aérobies : procédé de nitrification-dénitrification

30 mai 2007 Paru dans le N°302 à la page 67 ( mots)
Rédigé par : Claude DELPORTE

L?élimination de l'azote des effluents industriels peut être réalisée efficacement par voies biologiques ; bien maîtrisés, les processus de nitrification et dénitrification sont stables et performants. Le procédé traitement biologique mis en ?uvre par Ondeo Industrial Solutions, Groupe Suez, autorise des rendements d'élimination de l'azote et du carbone très élevés conduisant à une qualité d'eau traitée excellente qui répond parfaitement aux exigences sévères imposées par les normes pour un rejet en rivière.

Le procédé traitement biologique mis en œuvre par Ondeo Industrial Solutions, Groupe Suez, autorise des rendements d’élimination de l’azote et du carbone très élevés conduisant à une qualité d’eau traitée excellente qui répond parfaitement aux exigences sévères imposées par les normes pour un rejet en rivière.

La pollution azotée des effluents industriels se trouve principalement sous forme dissoute (N/NH₄⁺, protéines, amides, amines, etc.) et sous forme particulaire.

L’azote dans les effluents industriels

La composition des effluents en nutriments nécessaires à la vie bactérienne (carbone, azote, phosphore) est rarement équilibrée. Un complément peut être nécessaire ou la mise en œuvre de traitements spécifiques peut s’imposer.

Les procédés de traitement physico-chimique pour l’élimination de l’azote particulaire et biologique pour les formes solubles sont généralement bien adaptés.

Le traitement biologique par nitrification/dénitrification est très performant dans la mesure où l’azote est biodégradable et que les effluents ne contiennent pas de composés toxiques ou inhibiteurs à des concentrations supérieures aux seuils acceptables pour l’activité biologique.

Théorie de l’élimination biologique de l’azote

Cycle de l’azote

Dans les eaux résiduaires, l’azote est essentiellement présent sous forme organique et ammoniacale.

Dans une station d’épuration qui serait conçue pour éliminer l’azote, le cycle pourrait être schématisé de la façon suivante :

N organique et ammoniacal → eau brute → NH₄⁺ → NO₂⁻ → NO₃⁻ → N₂O → N₂  
                                                        nitrification      dénitrification  
                              assimilation  
                              azote partant dans les boues en excès (synthèse bactérienne)

Nous voyons donc que l’élimination de l'azote fera intervenir quatre phénomènes :

  • ammonification : transformation de l'azote organique en azote ammoniacal,
  • assimilation : utilisation d’une partie de l'azote ammoniacal et éventuellement organique pour la synthèse bactérienne,
  • nitrification : oxydation de l'azote ammoniacal en nitrites et nitrates,
  • dénitrification : réduction des nitrates en azote gazeux qui retournera ainsi sous sa forme primitive dans l'atmosphère.

Ces quatre types de réaction font intervenir des organismes très différents les uns des autres, et le cycle complet serait extrêmement long si l'on n’aidait quelque peu la nature.

L’ammonification

La transformation de l'azote organique en azote ammoniacal est une réaction enzymatique que l'on peut schématiser comme suit :

N. org —> NH₄⁺ + C. org

La nature de l'azote organique va influencer grandement la cinétique de la réaction. Par exemple, l'urée est très rapidement ammonifiable par une réaction catalysée par l'uréase. Certains acides aminés seront par contre plus difficilement ammonifiables.

Dans le cas d'une eau résiduaire industrielle, le pourcentage de la fraction dure non biodégradable est variable et fonction de l'industrie ; exemple, dans le cas de l'industrie de fermentation (production d’acides aminés, distillerie, ...) nous obtenons une valeur d’environ 5 %.

Comme toute réaction enzymatique, la vitesse d’ammonification sera également fonction de :

  • la concentration en azote organique,
  • la concentration en azote ammoniacal,
  • la concentration en enzymes,
  • la température.

L'assimilation

Lorsque les eaux contenant de la pollution carbonée (DBO) sont traitées par voie biologique, il y a production de cellules bactériennes : c’est le mécanisme de la synthèse bactérienne.

Une représentation couramment acceptée de la formule de la bactérie est C₅H₇NO₂.

En conséquence, la synthèse bactérienne qui accompagne l’élimination de la DBO entraîne une certaine consommation de l'azote contenu dans les eaux.

Par exemple, si l'on représente par C₁₀H₁₉O₃N la formule approchée de la matière organique des eaux résiduaires urbaines, on peut écrire l’élimination biologique de la DBO comme suit :

C₁₀H₁₉O₃N + 6,25 O₂ + 0,25 NH₄⁺ + 0,25 HCO₃⁻  
—> 4 CO₂ + 5,75 H₂O + 1,25 C₅H₇NO₂

Il est bien évident que la stœchiométrie exacte de cette réaction varie avec l’âge des boues du système. Cependant, les mesures effectuées sur des boues activées d'installations fonctionnant à faible charge ont montré que la teneur en azote des boues représente entre 6 et 10 % de leur poids exprimé en matière organique.

On voit donc que l'assimilation peut jouer un rôle important dans l’élimination de l’azote. On peut considérer que les besoins varient de 4 à 5 mg de N pour 100 mg de DBO, suivant la charge appliquée.

Cependant, l'assimilation à elle seule ne suffira pas à éliminer l’azote des eaux résiduaires et ceci pour deux raisons :

  1. La quantité d’azote présente dans l'eau est généralement bien supérieure à celle qui peut être assimilée par la synthèse.
  2. Une partie de l’azote fixée dans les boues pourra être relarguée lors des traitements ultérieurs de celles-ci. En fonction du procédé employé pour traiter les boues, celui-ci donnera lieu à la production d'un résidu liquide plus ou moins chargé en azote.

Ces eaux étant normalement recyclées en tête de traitement, l’élimination globale de l'azote peut s’en trouver notablement diminuée.

La nitrification

Nitrification – Nitratation

La nitrification est la conversion de l'azote ammoniacal en azote nitrique. Elle s'effectue en deux stades par l'intermédiaire de bactéries autotrophes : c’est la nitrification et la nitratation.

La combinaison des deux équations conduit à la réaction globale :

NH₄⁺ + 0,103 CO₂ + 1,856 O₂  
—> 0,0206 C₅H₇NO₂ + 0,979 NO₃⁻ + 1,979 H⁺ + 0,938 H₂O  
(bactéries)

Facteurs influençant la nitrification

  • température (influe sur la cinétique et sur l’âge minimum des boues),
  • besoins en oxygène,
  • besoins en alcalinité,
  • pourcentage en zone non aérée,
  • nature de l'eau résiduaire (présence ou non de toxiques),
  • production de boues.

La dénitrification

Réaction de dénitrification

La dénitrification, c’est la réduction des formes les plus oxydées de l’azote à des états de plus faible oxydation par des bactéries spécifiques.

Il existe deux possibilités d’effectuer cette réduction :

  • l'assimilative,
  • la dissimilative.

En l’absence d’azote ammoniacal, une fraction de nitrates (ou nitrites) est réduite en azote ammoniacal laquelle est utilisée à des fins de synthèse. C'est la réduction assimilative. Dans ces conditions, l’azote est éliminée sous forme de protéines (boues en excès) et non pas sous forme de gaz.

La réduction dissimilative ou réduction respiratoire est une réaction biochimique dans laquelle les nitrates ou nitrites sont réduits en N₂. C'est donc le résultat de l’activité métabolique de certaines bactéries hétérotrophes facultatives qui utilisent le carbone organique comme source de carbone et d'énergie en même temps qu’elles se servent des ions nitrates et nitrites comme accepteurs finaux d’électrons au lieu de l’oxygène. La dénitrification est considérée comme une réaction à quatre étapes (Brezonik, 1977),

NO₃⁻ —> NO₂⁻ —> NO —> N₂O —> N₂

Exemple d’application

L’usine de BEL Evron

Présentation

BEL est le numéro 1 mondial des fromages de marque en portions et le premier producteur de fromage fondu en France et en Europe, avec des positions de leader dans un grand nombre de pays parmi les importants marchés mondiaux.

La production de ce site est spécialisée dans le Babybel ; cette structure représente 800 salariés et 26 000 tonnes de production par an.

C’est en 2002 que BEL décide de la création d'une filière indépendante pour le traitement des eaux résiduaires du site d’Évron.

Les eaux résiduaires du site étaient précédemment prises en charge par le SIAEP de Coëvrons qui traite aussi les effluents urbains de la ville.

Éléments de base du cahier des charges

Données de dimensionnement de la ligne de traitement des effluents :

Concentration —Flux actuel —Flux avec +30 %
Débit :1 200 m³/h —1 560 m³/h
MES :50 m³/h —65 m³/h
DQO :563 kg/j —720 kg/j
DCO :2 200 mg/l —2 860 mg/l
DBO₅ :1 381 mg/l —1 785 mg/l
Ntot :68 mg/l —105 kg/j
NH₄ :20,3 mg/l —31 kg/j
P :4,1 mg/l —6,4 kg/j
pH :10,5 —10,5

Objectif de traitement – normes de rejet à respecter

Paramètres —Concentration (mg/l)
DBO₅< 15
DCO< 50
MES< 20
NH₄< 3
NO₂< 0,5
NO₃< 10
NTK< 1,0
Ptot< 1

Ces normes très sévères autorisent un rejet direct dans une rivière en zone sensible : la Châtres.

Compte tenu de la nature fortement biodégradable de l’effluent, c’est le traitement biologique aérobie qui a été retenu, suivi d’un traitement de finition physico-chimique pour l’élimination du phosphore et des matières en suspension.

Pour répondre aux très faibles valeurs de rejet sur l’azote et aux variations de la concentration des effluents bruts, le traitement biologique a été dimensionné pour assurer la nitrification de l’azote et la dénitrification des nitrates produits durant l’étape de nitrification.

La station au fil de l’eau

Le traitement biologique

Après un dégrillage fin, l’effluent transite via deux bassins ; un premier bassin de pré-traitement biologique permettant l’élimination d’une partie de la pollution carbonée et un deuxième bassin pour l’élimination de la pollution carbonée résiduelle et le traitement de l’azote.

Par rapport aux caractéristiques des effluents à traiter et aux normes de rejet imposées, le procédé de nitrification/dénitrification proposé par Ondeo Industrial Solutions met en œuvre une zone endogène pour l’élimination des nitrates et permet d’atteindre de très faibles concentrations résiduelles avec une consommation électrique limitée. Par rapport aux procédés habituellement utilisés comme la zone anoxie placée en tête du traitement biologique qui nécessite un taux de recyclage élevé de liqueur mixte, la dénitrification endogène s’effectue en continuité dans le bassin biologique de nitrification et ne requiert aucun recyclage complémentaire. Elle permet ainsi l’économie du pompage de la liqueur mixte.

L’oxygène utilisé par les bactéries pour la dégradation de la pollution carbonée et la nitrification de l’azote est fourni par des aérateurs immergés ; ces aérateurs assurent également le brassage et l’homogénéisation des bassins.

La technologie Tsurumi fournie par la société CE2A a été retenue pour sa robustesse, son faible niveau sonore et une production minimum d’aérosol.

La séparation

La liqueur mixte, c’est-à-dire le mélange des bactéries et de l’eau épurée, est traitée par flottation pour séparer l’eau des boues ; le rendement d’élimination des matières en suspension représente plus de 97,5 % et la concentration de boues obtenues varie entre 30 et 35 g/l. Cette qualité est très favorable pour la déshydratation des boues en excès.

Le traitement tertiaire

Après flottation, les effluents traités sont dirigés vers le traitement tertiaire pour l’élimination du phosphore dissous et des matières en suspension résiduelles.

Le tertiaire comprend trois étapes successives de traitement :

  • - la coagulation, c’est la déstabilisation des particules colloïdales par addition d’un réactif.
[Photo : Schéma de principe.]
[Photo : La station de traitement des effluents.]
[Encart : Les performances de l’installation en quelques chiffres Caractéristiques moyennes de l’eau traitée (période 2007) Paramètres | Norme de rejet (mg/l) | Eau traitée – Concentration (mg/l) | Rendement global DBO₅ | 15 | 5 | > 99,5 % DCO | 50 | 27 | > 98 % MES | 20 | < 15 | > 97 % N-NGL | 10 | 6,7 | > 91 % P total | 1 | < 0,5 | > 98 %]

Le traitement physico-chimique, c’est aussi l’étape de précipitation des orthophosphates en présence d’un sel métallique.

– La floculation, c’est l’agglomération des particules en microflocs puis en flocs volumineux et facilement décantables. Généralement la floculation est améliorée par ajout d’un autre réactif : le floculant ou adjuvant de floculation.

– La décantation, séparation des flocs et de l’eau traitée, est mise en œuvre dans un réacteur décanteur à lamelles, le Densadeg ; c’est un appareil très compact et performant qui autorise des vitesses de décantation élevées pouvant atteindre plusieurs dizaines de m/h.

Déshydratation des boues en excès et stockage

Le choix d’une filière de traitement de boues revêt une importance particulière puisque les difficultés d’exploitation dans une station de traitement des eaux résiduaires sont souvent liées aux boues, principal sous-produit de l’épuration des eaux usées.

Afin d’intégrer les exigences (stabilisation, concentration et stockage sur site 6 mois) qui sont attachées à la destination finale des boues en épandage agricole et les contraintes environnementales (limitation des odeurs) tout en offrant une solution économique, Ondeo Industrial Solutions a proposé la filière suivante :

Le traitement est réalisé sur le mélange des boues biologiques et boues physico-chimiques résultantes du traitement du phosphore.

  • • Épaississement des boues par grille d’égouttage.
  • • Chaulage.
  • • Stockage des boues épaissies dans un silo cylindro-conique fermé et désodorisé avant épandage.
[Publicité : 39ᵉ Congrès de l’Association des Techniciens Supérieurs Territoriaux]
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