Your browser does not support JavaScript!

Le traitement des lixiviats par osmose inverse

30 mars 1993 Paru dans le N°162 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : Michel PARVEAUD

L'osmose inverse est devenue l'un des procédés les plus efficaces (même énergétiquement parlant) pour réaliser la séparation des solutes et solvants de nature organique et inorganique, corrosive ou inerte. Les systèmes classiques de membranes enroulées ou tubulaires ont des utilisations bien définies, par exemple dans l'industrie agro-alimentaire ou dans certaines opérations de séparation aqueuse/huileuse. Il faut souligner que dans le cas de quelques applications industrielles, comme le traitement des lixiviats (ou jus de décharge), les systèmes de membranes classiques ont une tendance à la fragilité. Une solution à ce problème a été rendue possible par une nouvelle technologie membranaire qui emploie le système du Disc Tube Module, lequel est parfaitement adapté à ce traitement. Le site de Schönberg en Allemagne traite ainsi 60 m3/heure de lixiviats dans des unités utilisant ce nouveau procédé. A ce jour, en Europe, 25 sites de traitement emploient la même technique.

Dans les procédés de séparation utilisant l'osmose inverse, l'eau est pompée sous pression dans un séparateur à membranes, où elle s'écoule à la surface de celles-ci suivant le principe de l’écoulement tangentiel. Le flux aqueux se partage en deux parties : le perméat, ou filtrat, qui traverse les membranes et le rétentat ou concentrat. Ce processus permet la concentration dans le rétentat des matières qui n’ont pu traverser la membrane.

[Photo : Le Disc Tube Module.]
[Photo : Système d’écoulement hydraulique DT.]

Lixiviats et osmose inverse

Les jus de décharge sont comparables à des rejets industriels complexes contenant à la fois des contaminants toxiques organiques et inorganiques. Si leur présence risque d’entraîner la contamination de sources d’eau potable ou une pollution de surface, il est nécessaire de prendre des mesures correctives.

Dans certaines exploitations, le jus recueilli est envoyé à l’égout pour être traité avec les eaux usées urbaines dans une station d’épuration classique. Sur d'autres sites dépourvus d’égout, le jus peut être évacué vers une station de traitement pour être recyclé, après épuration, à la décharge d'origine, ou déversé dans le réseau des eaux superficielles.

Le transport du jus en vue de son traitement par des moyens conventionnels est coûteux et il est possible que de nouvelles réglementations limitent l’envoi de déchets d’une telle complexité chimique dans les stations d’épuration urbaines car, souvent, les contaminants qu'ils contiennent ne se prêtent pas à un traitement par les procédés biologiques classiques employés pour les eaux résiduaires urbaines. Certes, le recyclage du jus à l'intérieur du site de la décharge est susceptible de réduire le volume d’effluent liquide émis, mais ce ne peut être qu’une solution à court terme ; d’ailleurs, aujourd’hui, l’épandage des lixiviats (précédé ou non d’un traitement) est interdit...

Il est donc nécessaire d’imaginer des méthodes de traitement des jus efficaces et peu coûteuses.

L'osmose inverse est un procédé connu et d’une utilité certaine dans beaucoup de secteurs de l’industrie et dans le traitement des effluents les plus pollués.

Les résidus organiques et les solides dissous y sont concentrés (concentrat) et le procédé engendre un flux d’eau traitée (perméat) ne contenant plus que

Traitement des lixiviats par osmose inverse

Résultats obtenus sur un site de classe II

Analyse effectuée par le Laboratoire Départemental d’Hygiène

Éléments Lixiviat brut Après traitement Rendement épuratoire
pH 6,55 7,07 /
Conductivité μS/cm 27 410 1 163 95,7 %
M.E.S. mg/l 278 7 97,5 %
D.C.O. mg/l 1 995 10 99,5 %
D.B.O.5 mg/l 1 060 7 99,3 %
Matières organiques mg/l 56 3,5 93,7 %
N.T.K. mg/l 461 43 90,7 %
Ammoniaque mg/l 419 39,2 90,6 %
Chlorures mg/l 11 000 510 95,4 %
Nitrates mg/l 0,4 < 0,2 > 50 %
Phosphates mg/l 0,4 < 0,03 > 92,5 %
Phosphore total mg/l 2,2 0,11 95 %
Sulfates mg/l 38 < 2 94,7 %
Phénols mg/l 4,2 1,4 66,7 %
Hydrocarbures totaux mg/l < 0,01 < 0,01 /
Fer mg/l 18 0,2 98,9 %
Plomb mg/l 0,140 0,002 98,6 %
Cuivre mg/l
Zinc mg/l 0,09 0,01 88,9 %
Cadmium mg/l 0,001 < 0,0002 > 80 %
Coliformes totaux / 100 ml 17 000 000 8 000 99,95 %
Coliformes thermotolérants / 100 ml 1 200 000 300 99,97 %
Streptocoques fécaux / 100 ml 500 000 40 99,99 %

De minimes concentrations de contaminants et possédant les normes d'une eau pouvant être rejetée dans un milieu aquatique naturel.

Le problème principal dans le traitement des jus de décharge ou des eaux polluées industrielles est le colmatage des membranes, qui entraîne la nécessité de prétraitements chimiques ou mécaniques coûteux, et parfois même l'impossibilité de réaliser le nettoyage en profondeur qui s’impose. Le remplacement des membranes devient alors de plus en plus fréquent.

Or, les exploitants potentiels souhaitent bénéficier d'une grande efficacité, d'une manipulation facile du matériel, d’une faible consommation d'énergie et de coûts de fonctionnement aussi réduits que possible. Ils désirent en outre pouvoir mettre en œuvre les techniques membranaires, même dans des conditions opératoires difficiles et, dans toute la mesure du possible, sans surveillance.

La technologie du Disc Tube Module

Pour résoudre les problèmes évoqués ci-dessus et éviter le colmatage prématuré des membranes, une technique efficace a été élaborée et réalisée sous forme de « Disc Tube Module » (figure 1), dans lequel les membranes sont empilées sous forme de disques dans un tube, de telle façon que le liquide à traiter s’écoule entre elles à grande vitesse.

Les membranes, de forme octogonale, sont fabriquées à partir de membranes doublées intérieurement d'une nappe de fibres (pour assurer l'écoulement du perméat) et dotées d’une ouverture centrale circulaire d'évacuation. Les bords périphériques des membranes sont soudés en utilisant un procédé à ultrasons.

Les bords des disques hydrauliques sous compression assurent ainsi l’étanchéité périphérique sans avoir recours à des joints. Des fentes radiales pratiquées entre la perforation centrale (par où s'engage la tige de serrage) et le joint torique (existant entre les disques et les membranes) permettent l'écoulement des eaux à traiter sur chaque membrane.

La conception de ce module présente plusieurs particularités qui exercent une influence favorable sur ses performances :

  • l'extrême brièveté du trajet de l'eau à traiter sur la surface de la membrane (6 cm) diminue fortement l'accumulation des molécules et des ions retenus. La turbulence due aux changements répétés du flux corrige constamment le gradient de concentration et retarde au maximum toute tendance au colmatage. Le débit du perméat est maintenu à une valeur élevée. La fréquence de nettoyage diminue, et la longévité des membranes augmente (figure 2) (la durée de vie des membranes est d’environ deux années) ;
  • la répartition précise des tâches entre les éléments d’étanchéité :
    • étanchéité entre l’alimentation (haute pression) et le perméat (faible pression) : joints toriques,
    • étanchéité entre l’alimentation (haute pression) et l’atmosphère : joints à lèvres,
    évite tout problème d’étanchéité dans la zone haute pression ;
  • les contraintes mécaniques dues à la pression sont absorbées par un tube de 8" (203 mm) en epoxy-fibre de verre et non par la pile de membranes, ce qui augmente la fiabilité, simplifie le système et le montage, tout en réduisant le coût du module ;
  • la présence d’espaces annulaires dégagés (à écoulement libre) entre les disques et les membranes permet de traiter sans problèmes des liquides présentant une forte concentration en colloïdes et en matières solides dont la taille n'excède pas 10 microns ;
  • l’espace libre compris entre le disque hydraulique et la surface des membranes.

membranes est de 1 mm (Open Channel Feed Flow Path) ; il garantit l’écoulement sans obstacle de l'eau à traiter et donc un parfait nettoyage des membranes par entraînement des matières colmatantes.

Un module est composé de 169 membranes (soit une surface membranaire totale de 7,26 m²), de 170 disques, d'une enveloppe extérieure et d’un axe démontable ; ainsi, toutes les parties du module sont facilement accessibles. Après les rinçages le module retrouve son débit initial ; le fonctionnement n’entraîne donc pas de perte du débit nominal.

L’unité de traitement

Une unité se compose d'un ensemble de préfiltration comprenant une pompe, un filtre à sable à écoulement réversible, entièrement automatique, et plusieurs filtres à cartouche. Cet ensemble diminue suffisamment l'indice de colmatage de l’eau brute. Une pression amont de 0,5 bar est nécessaire au fonctionnement de l’unité.

La pompe à haute pression envoie au module l’eau brute préfiltrée sous une pression de 30-40 bars. Cette eau passe ensuite dans les modules où elle est filtrée. Une fraction traverse les membranes sous forme de perméat à faibles teneurs en sels. Si la qualité du perméat obtenu dans cette installation mono-étagée n’est pas conforme aux exigences formulées, il est possible d’installer en aval un second étage d’osmose inverse. L’adjonction de cet étage standard permet d’admettre un débit d’eau entrant atteignant 12 000 l/heure.

Ces installations peuvent être placées en conteneurs mobiles.

Les résultats physicochimiques

Le tableau donne le résultat des analyses effectuées en amont et en aval d’une unité de traitement par osmose inverse installée en France. Ces chiffres ont été obtenus sans traitement préalable du lixiviat et avec une unité ne disposant que d’un seul étage. Le lixiviat brut possède une charge organique élevée (DBO₅/DCO > 0,5). Après passage dans le module d’osmose inverse on constate un très fort abattement (supérieur à 99 %) pour la DCO et DBO, ainsi que pour les coliformes et streptocoques. Ce rendement est égal à 90 % pour l’ammoniaque et NTK. D’une façon générale on retrouve dans les composants présents dans le perméat une concentration qui varie de 1 à 5 % de la concentration originale.

Les perspectives

Une grande souplesse dans le choix des matériaux de la membrane (en osmose inverse, ou en ultrafiltration) et des autres éléments du module permet d’adapter les systèmes à des problèmes particuliers présentant des exigences variées sur les plans chimique, physique et technique.

La modicité du coût de fonctionnement, obtenue grâce à une consommation d’énergie et de produits chimiques relativement faible, un rapport prix/performances favorable et les résultats convaincants obtenus avec ce type de modules dans le traitement des jus de décharge, démontrent bien le potentiel d’innovation et l’importance croissante que prend l’osmose inverse dans les techniques de dépollution, de séparation et de recyclage des eaux industrielles.

Conclusion

Aux avantages financiers (coûts d’exploitation faibles) et technologiques de mise en œuvre, vient se rajouter l’intérêt majeur de la technique membranaire : la configuration spécifique des modules, qui diminue le colmatage. La qualité du perméat obtenu permet un rejet sans autre traitement et le volume de concentrat est le plus réduit possible. Les collectivités locales ou exploitants disposent donc maintenant d’un moyen pour protéger au mieux notre environnement.

BIBLIOGRAPHIE

Krug Th.A. et McDougall S., Preliminary assessment of a microfiltration — reverse osmosis process for the treatment of landfill leachate, 43rd Purdue Industrial Waste Conference, Chelsea, Michigan, 1989.

Peters Th., Deponie Sickerwasser durch Umkehrosmose aufbereiten, Umwelt, 20, 1990, 3.

Peters, Th., Braun, G. and Gierlich, H.-H., Treatment of Landfill leachate by a multi-stage process avoiding any waste water, Envirotech, Wien, 1990.

Peters, Th., Desalination and industrial waste water treatment with the Rochem disk tube module DT, XII International Desalination and Water Recycling Symposium, Malta, 1991.

Halgand, M., Geoscop, Parc d'Activités du Moulin, 15, rue du Meunier, F-44880 Sautron.

Rochem Ro-Wasserbehandlung GmbH, Brochures de la Société.

[Publicité : Pollutec 93]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements