Cet article présente les résultats obtenus par Veolia Environnement en termes d'aptitude à la colonisation du cuivre en réseaux d'eau chaude sanitaire. Le cuivre permet de limiter la prolifération des légionelles dans le biofilm. En phase eau, les légionelles peuvent être maîtrisées compte tenu de l'effet de la température sur le cuivre. Ce matériau constitue donc un atout dans la prévention du risque lié aux légionelles en réseau.
Les légionelles, bactéries pathogènes opportunistes colonisent fréquemment les réseaux d’eau, notamment les réseaux d’eau chaude sanitaire (RECS) ainsi que les tours aéroréfrigérantes (TAR). En effet, certains paramètres liés aux conditions d’exploitation de ces installations leur offrent un environnement favorable à leur développement : stagnation de l’eau (bras mort, problème d’équilibrage), température (30-40 °C), entartrage, corrosion, matériaux, et biofilm... En effet, plus de 98 % des légionelles présentes dans un RECS se situent dans le biofilm (Vidal et al. 2004). Les bactéries s’y protègent du stress provoqué par leur environnement (modification des conditions et de la qualité de l’eau) et notamment de l’action des biocides. Ce dépôt biologique peut être à l’origine de remise en circulation dans l’eau de micro-organismes par le biais de phénomènes d’arrachage. Ainsi, le contrôle des réseaux d’eau chaude sanitaire est primordial compte tenu du risque lié à la présence de douches et donc à l’inhalation potentielle d’aérosols contaminés en légionelles.
Choix des matériaux en RECS
D’une manière générale, afin de lutter efficacement contre cette bactérie, il est nécessaire et indispensable d’agir de manière pérenne en premier lieu sur les facteurs favorisant son développement. Disposer de matériaux limitant la formation du biofilm constitue l'une des stratégies possibles. Les matériaux métalliques en contact avec l’eau potable (eau chaude ou froide) doivent faire l’objet d’une conformité sanitaire et sont soumis à l’arrêté du 29 mai 1997.
Une étude du groupe Veolia a montré que, sur 100 sites audités (RECS gérés par VE), 67 étaient constitués d’acier galvanisé et 16 de cuivre. L'acier galvanisé, peu onéreux, a longtemps été utilisé en RECS. Très sensible à la corrosion, facteur reconnu comme favorable à la formation du biofilm, sa dégradation est accélérée par la température (> 60 °C) et les traitements chimiques (chloration choc répétée). Il est désormais déconseillé en eau chaude sanitaire par la réglementation pour la lutte contre les légionelles.
Le cuivre est quant à lui souvent utilisé dans la conception des nouveaux ouvrages et en réseau intérieur notamment pour les antennes de distribution. Plusieurs études l’ont présenté comme peu sensible à la colonisation des légionelles (Rogers et al., 1994). C’est pourquoi, afin de statuer sur
Les matériaux les plus adaptés en réseau d'eau chaude sanitaire : des études ont été menées au Centre de Recherche sur l'Eau de Veolia Environnement.
Le cuivre : matériau limitant le biofilm ?
L'aptitude à la colonisation dans l'eau et le biofilm des matériaux communément utilisés et les performances spécifiques de désinfection vis-à-vis des légionelles ont été évaluées en pilote (pilote RECS). La figure 1 montre qu'il faudra attendre 5 à 6 semaines pour observer des légionelles quantifiables dans l'eau des boucles cuivre et acier galvanisé (≈ 10³ UFC/L).
Dans le biofilm, les concentrations en légionelles de la boucle en cuivre sont pour la plupart non détectables (< 15 UFC/cm²) avec quelques points épisodiquement quantifiables (figure 2).
Une absence de colonisation du biofilm de la boucle en cuivre est donc observée, malgré la présence dans l'eau d'une concentration élevée en légionelles.
Cette colonisation semble atypique en comparaison avec l'acier galvanisé, dont la concentration dans le biofilm est de l'ordre de 10³ UFC/cm².
Effet retard de la colonisation du cuivre
Après une colonisation de près d'un an, les légionelles du biofilm sont toujours pour la plupart non détectables et ce malgré une concentration de légionelles dans l'eau de l'ordre de 10³ UFC/L dans la boucle en cuivre. Il faudra attendre 17 mois (71 semaines) pour quantifier des légionelles dans le biofilm à des concentrations similaires à l'acier galvanisé (figure 3). Cet effet retard est en adéquation avec les résultats obtenus par Van der Kooij et al. (2005) qui montrent un développement des légionelles du biofilm similaire pour le cuivre et d'autres matériaux sur des temps de suivi supérieurs à 2 ans.
Traitement thermique : solution de sécurisation des réseaux en cuivre
Les résultats précédents montrent qu'au même titre que d'autres matériaux, les légionelles se développent dans l'eau des...
RECs en cuivre.
Afin de prévenir ce risque sanitaire, il est préconisé un maintien d’une température supérieure ou égale à 50 °C en tout point du réseau (Arrêté du 30 novembre 2005). Une récente étude du KIWA (2008) montre qu’à 55 °C, à la différence de certains matériaux (acier inoxydable, acier, PEX et PVC-c), seul le cuivre présentait une eau exempte de légionelles.
Sur le terrain, il n’est pas toujours aisé de maintenir cette température (défaut de conception…). Ainsi, à la suite de la mise en évidence de concentrations élevées en légionelles dans l’eau (10⁴ UFC/L pour ERP et 10⁶ UFC/L pour établissement de santé), il peut s’avérer nécessaire de mettre en place des actions curatives pour assurer la sécurité sanitaire des personnes. Les traitements chocs sont identifiés dans la réglementation comme des solutions curatives de lutte contre les légionelles (Circulaire n° 2002/243 du 22 avril 2002). Bien que peu utilisés aujourd’hui car contraignants de mise en œuvre et d’efficacité ponctuelle (Saby et al., 2003), ces traitements ont été testés en pilote afin d’évaluer leur performance et la tenue des matériaux.
Le traitement est également efficace, mais ponctuellement, sur la phase eau. Une recontamination de l’eau (1 semaine) et du biofilm (4 semaines) est en effet observée.
L’impact du choc thermique sur la boucle en cuivre est différent (figure 5). Les légionelles ne sont effectivement plus détectées dans la phase biofilm immédiatement après le choc, mais elles ne réapparaissent qu’au bout de 16 semaines. Le choc thermique semble donc « hygiéniser » la surface interne de la canalisation en cuivre qui retrouve ainsi les propriétés qui la caractérisaient lors des premières phases de colonisation.
Dans la phase eau, les analyses montrent une présence non quantifiable de légionelles (< 250 UFC/L) durant les 24 semaines suivant le choc. Cette concentration est acceptable d’un point de vue sanitaire et ce malgré une température de 40 °C.
L’une des solutions consiste à maintenir une température de 70 °C pendant 30 minutes.
Sur une boucle en acier doux, le choc thermique permet d’abattre de manière sensible la contamination du biofilm. Une diminution significative de 3 Log₁₀, pour se situer en dessous du seuil de détection de la concentration en légionelles, a pu être observée (figure 4). Le traitement est également efficace mais ponctuellement sur la phase eau.
Les résultats obtenus précédemment corroborent les constats du terrain.
En 2002, une installation constituée d’un réseau bouclé en cuivre et présentant une contamination en légionelles dans l’eau (> 10⁴ UFC/L) a été suivie. L’eau produite par un échangeur à plaques était délivrée à 57 °C dans le réseau. Afin d’abattre rapidement la concentration en légionelles de l’eau, un choc thermique (70 °C – 30 minutes) a été réalisé conformément aux préconisations réglementaires de l’époque (Circulaire n° 2002/243 du 22 avril 2002). Un abattement immédiat des légionelles et une sécurisation de l’eau pendant une durée
supérieure à 10 mois (durée du suivi) sont obtenus malgré l’absence de traitement de sécurisation en continu et une température de 37 °C (figure 6).
Conclusion
En conclusion, le cuivre se colonise dans l'eau à des teneurs comparables à l’acier galvanisé lors des premières phases de mise en eau. Son comportement est néanmoins atypique dans le biofilm, avec un effet retard à la colonisation (> 1 an). Un impact important de la température est observé sur ce matériau.
À l’issue d’un choc thermique (70 °C - 30 min), traitement curatif dit ponctuel, un abattement efficace et pérenne des légionnelles dans l'eau et le biofilm est observé. Le maintien en température à 55 °C permet de plus une sécurisation efficace et durable des RECS.
Ainsi, au regard de nos résultats expérimentaux et de la littérature, le cuivre semble aujourd’hui le matériau le plus adapté pour la lutte contre les légionelles en eau chaude sanitaire. Afin d’anticiper les risques futurs, le choix du matériau utilisé pour la conception ou la réhabilitation des réseaux ne peut être négligé. Si aucun matériau ne peut garantir l'innocuité totale de l'eau vis-à-vis des légionelles, le cuivre pourrait permettre de limiter les risques.
Références bibliographiques
* Arrêté du 29 mai 1997 relatif aux matériaux et objets utilisés dans les installations fixes de production, de traitement et de distribution d'eau destinée à la consommation humaine.
* Arrêté du 30 novembre 2005 modifiant l’arrêté du 23 juin 1978 relatif aux installations fixes destinées au chauffage et à l’alimentation en eau chaude sanitaire des bâtiments d’habitation, des locaux de travail ou des locaux recevant du public.
* Bezanson, G., S. Burbridge, D. Haldane, and T. Marrie. (1992). In situ colonization of polyvinyl chloride, brass, and copper by Legionella pneumophila. Can. J. Microbiol. vol 38, p 328-330.
* Circulaires DGS/SD7A/SD5C/DHOS/E4 n°2002/243 du 22 avril 2002 relative à la prévention du risque lié aux légionelles dans les établissements de santé.
* KIWA Water Research (2008). Rapport réf. KWR 06.110.
* Rogers J., Dowsett A.B., Dennis P.J., Lee J.V.M., Keevil C.W. (1994). Influence of temperature and plumbing material selection on biofilm formation et growth of Legionella pneumophila in a model potable water system containing complex microbial flora. Appl. Environ. Microbiol. vol 60, p 1585-1582.
* Saby S., Vidal A., Gilouppe S., Tournieux D., Suty H. (2003). The resistance of Legionella to disinfection explained by experiments on a hot water distribution system. Water Quality Technology Conference. 35 November, Philadelphia, USA.
* Van der Kooij D., Veenendaal H.R., and Scheffer W.J.H. (2005). Biofilm formation and multiplication of Legionella in a model warm water system with pipes of copper, stainless steel and crosslinked polyethylene. Water Research. vol 39, p 2789-2798.
* Vidal A., Gilouppe S. and Saby S. (2005). Interactions entre les traitements de désinfection et la corrosion des canalisations, Évaluation des traitements de désinfection des Legionella dans les réseaux d'eau chaude sanitaire. TSM 100 (1), p 39-50.