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Les bus de terrain : Ethernet, une solution d'avenir

28 decembre 2012 Paru dans le N°357 à la page 83 ( mots)
Rédigé par : Corinne DRAULT-PEZARD

La multitude et l'hétérogénéité des réseaux de terrain nécessaires pour couvrir l'ensemble des applications sur un site (pompes, capteurs, instruments de mesure, etc.) est facteur de complexité, même si des solutions existent pour fédérer des équipements hétérogènes. L?évolution tend aujourd'hui vers des solutions plus homogènes. Ethernet se positionne comme le mode de communication fédérateur vers lequel les constructeurs offrent de multiples passerelles. En particulier, l'infrastructure « high tech » que constitue Ethernet apporte de nouvelles solutions web permettant d'optimiser la gestion des ouvrages.

Les réseaux de terrain sont désormais incontournables dans la conception d’une architecture de contrôle-commande d’un système de production automatisé. Un protocole très ancien et fréquemment utilisé encore aujourd’hui dans le monde de l’eau est la liaison RS-485 (2 ou 3 fils) ou RS-232. Cette liaison de communication connectant les automates aux différents instruments électroniques des installations que sont les capteurs de mesure ou les actionneurs, est lente, mais a pour avantage d’être bon marché et facile à installer. Sur ce type de

[Photo: Ethernet permet de véhiculer d'énormes masses de données et offre des temps d'accès très rapides pouvant aller jusqu'à plusieurs gigabits/s (HART garantit un temps d'accès de 1200 bits/s). D’où la possibilité d'obtenir des informations du terrain en temps réel, un avantage clé pour faire du diagnostic ou de la régulation.]

liaison, différents protocoles à l’origine “propriétaires”, c’est-à-dire propres à un constructeur de matériel, peuvent être utilisés. Des protocoles standards, c’est-à-dire compatibles avec des équipements d’origine diverses, peuvent être mis en place également avec le protocole Profibus PA, Hart ou le Fieldbus Foundation poussé par Emerson Process.

Un peu plus perfectionné que la liaison RS, ASCII ou RTU, le bus de type CanOpen (controller area network) est également très utilisé dans le secteur de l’eau notamment pour la motorisation entrées/sorties déportée. Beaucoup plus récent, le mode de communication Ethernet gagne actuellement du terrain. Sur ce type d’infrastructure, différents protocoles peuvent là encore être connectés comme Modbus TCP développé par Schneider Electric, Ethernet/IP de Rockwell Automation, ou ProfiNet de Siemens.

Ainsi, aujourd’hui, pour couvrir les fonctions d’un système automatisé, il existe une multitude de technologies de raccordement rattachées aux bus de terrain.

[Encart: Minimiser les coûts de connexion des capteurs, des actionneurs et des systèmes intégrés Développé au début des années 1990, le bus ASi est un bus de terrain simple, non-propriétaire et ouvert qui permet de diminuer le nombre de câbles nécessaires à l’utilisation d’un grand nombre d’actionneurs et de capteurs de terrain, quelle qu’en soit la marque et l’origine. Ceux-ci sont reliés directement ou par l’intermédiaire d’une embase à l’automate central via un seul câble. La liaison physique est composée d’un simple câble bifilaire et d’un isolant électrique jaune. Sur ces fils, dotés d’une connectique M12, transitent les données ainsi que l’alimentation électrique. Sa principale caractéristique est sa simplicité de mise en œuvre et ses performances sur des machines de petite et moyenne taille. Cette solution de câblage permet de gagner en ergonomie (réduction significative du nombre de câbles mais aussi du volume des armoires et coffrets) et simplifie l’implémentation, la maintenance et l’exploitation (diagnostics simplifiés au niveau terrain et contrôleur). Son concept de raccordement « plug and play » autorise une gestion facile des évolutions et modifications des architectures du réseau. Enfin, ce système de câblage permet de traiter l’ensemble des signaux électriques conventionnels : analogique, TOR, coffret de commandes locales, pilotage de vannes et sécurité SIL3/Cat 4. ifm electronic, fabricant bien connu d’automatismes, promeut activement les solutions reposant sur le réseau ASi, particulièrement bien adaptées aux process du traitement des eaux et des déchets et aux installations très étendues. « Cette solution permet de réduire substantiellement les coûts de câblage, les temps de mise en route tout en facilitant le diagnostic et donc l’exploitation, explique Jean-François Clavreul, Corporate Account Manager chez ifm electronic France. À titre indicatif, il faut 2h30 pour connecter une vanne en câblage traditionnel contre 1 heure seulement en réseau ASi ». Autre avantage, les passerelles ASi Profibus DP, ASi Ethernet IP, ASi Ethernet Modbus TCP ou ASi CanOpen, permettent d’adapter la solution à tous les réseaux d’automation. La toute nouvelle station d’épuration d’Évreux (plus de 3000 capteurs) est l’une des premières stations d’épuration en France à reposer intégralement sur un réseau ASi. Sur cette station, ifm electronic a implanté 70 passerelles ASi, capables de gérer chacune 240 entrées/sorties. En France, ifm electronic revendique la réalisation d’une vingtaine de projets en station d’épuration, dont la récente station d’épuration de la Feyssine à Lyon, ou en usine de production d’eau potable.]
[Photo: Ethernet est encore moins présent dans le monde de l’eau que les bus de terrain plus anciens ; pour autant, ce mode de communication est considéré de façon unanime par les grands acteurs de l’automatisme comme la solution de communication de l’avenir.]

Sur le terrain, la plupart sont des solutions propriétaires reconnues pour des applica-

Une passerelle industrielle multi-protocoles et programmable

Grâce à leur passerelle transparente, les modèles eWON 500 font office d’interface entre n’importe quel automate programmable ou dispositif d’automatisation série et Ethernet.

Les automates série, MPI ou Profibus peuvent ainsi être connectés à des logiciels et à des plateformes Ethernet (serveurs OPC, postes de travail avec logiciel de programmation API, etc.) à des fins de maintenance et/ou de scrutation des données. Les passerelles eWON 500 fournissent une interface Ethernet avec plusieurs services avancés pour les dispositifs ASCII série afin qu’ils soient directement accessibles par les API, les systèmes SCADA, les systèmes MES et d’autres applications de pointe.

Lorsque les données sont enregistrées dans la mémoire de eWON, elles peuvent être publiées à l’aide de Modbus TCP, de SNMP ou dans des pages web. Les routeurs eWON peuvent également transférer les données à des variables d’API afin qu’elles puissent être utilisées dans d’autres processus.

Avec les passerelles eWON 500, un dispositif série qui était initialement dédié à un usage local avec son application PC propriétaire et sa propre interface opérateur ou un canal VCOM est désormais disponible à partir de n’importe quel emplacement du réseau local et peut être utilisé simultanément par plusieurs applications. Il peut être contrôlé au moyen de pages web et surveillé depuis le réseau et les données sont disponibles à des fins d’enregistrement et de contrôle des processus. La technologie eWON offre également des fonctionnalités de gestion des alarmes.

[Photo : passerelles eWON 500]
[Photo : Dédiée aux applications industrielles sensibles, le GeniP 2i d’Erco & Gener associe les connexions filaires de haut débit (Ethernet) avec le monde sans fil (réseaux GSM/GPRS). Il permet le contrôle d’accès aux sites grâce à ses ports Ethernet RS232/RS485/entrées et sorties numériques. Des capteurs peuvent également être connectés via les entrées/sorties analogiques courant ou tension. Le GeniP 2oi (version GPRS) et GeniP 30i (version 3G) intègrent la conversion Modbus RTU/Modbus TCP ainsi qu’un gestionnaire d’alarmes évolué (émission d’alertes par SMS, e-mail, message vocal selon un fichier MP3).]
[Encart : Le contrôleur 750-880 fait partie de la nouvelle génération des contrôleurs Wago Ethernet 2.0. Cinq fois plus rapide que les précédents, il est doté d’un emplacement pour carte mémoire SD qui permet l’archivage des données et une maintenance rapide grâce au programme automate et à la configuration Ethernet. Comme l’ensemble des produits Wago, la technologie de raccordement des capteurs/actionneurs est de type Cage Clamp lui conférant ainsi au point de contact une étanchéité au gaz H₂S.]
[Photo : contrôleur Wago 750-880]

Ethernet est certes encore moins déployé dans le monde de l’eau que les autres bus de terrain plus anciens ; pour autant, ce mode de communication est considéré de façon unanime par les grands acteurs de l’automatisme comme la solution de communication de l’avenir pour les applications industrielles. Eric Miegvielle, chef de produit communication numérique chez Endress+Hauser, tempère cependant en précisant que « l’on ne peut pas alimenter un instrument avec de l’Ethernet à l’heure actuelle. Et pour la connectique en zone ATEX, il existe des solutions en Ethernet mais elles sont peu abouties et assez onéreuses ». Ethernet offre, il est vrai, des atouts majeurs.

Rapidité, facilité d’intégration, interopérabilité

Si l’arrivée des protocoles standards Profibus PA, HART et Field Foundation a permis d’importantes avancées en automatismes, celle d’Ethernet a bouleversé l’univers des automatismes industriels.

[Encart : Des modems industriels pour toutes les applications La gamme Industrial Modem Line de Phoenix Contact propose une fonctionnalité adaptée d’accès à distance pour chaque utilisation. Il existe différents modems industriels destinés à assurer une maintenance à distance efficace, l’acquisition des données en continu ou la communication préventive de messages d’avertissement. Les nouveaux modems DSL pour liaison dédiée permettent d’atteindre des vitesses de transmission des données de 30 Mbits/s, et ce, même sur de vieux câbles en cuivre. Le modem SHDSL/ETH permet par exemple d’intégrer des stations distantes extérieures et des sous-stations dans des réseaux Ethernet existants de manière simple via connexion Highspeed. Pour l’accès à distance sécurisé via réseau de téléphonie mobile, le modem industriel GSM/ETH intègre de nombreuses fonctionnalités de sécurité. Le pare-feu intégré et les connexions VPN avec cryptage IPsec assurent une protection fiable contre les manipulations et le piratage. Ce modem en technique quadri-bande GPRS/EDGE permet des connexions TCP/IP avec des vitesses de transmission de données allant jusqu’à 210 kbits/s. Le modem routeur 3G propose quant à lui une deuxième carte SIM, pour assurer une disponibilité maximale, se programme via un serveur web et permet des liaisons TCP/IP via GPRS/EDGE/UMTS/HSPA avec des vitesses de transmission de données allant jusqu’à 7 200 kbits/s. La gamme Industrial Modem Line est particulièrement à l’emploi en milieu industriel difficile. Ces modems assurent la connexion des données avec les machines et installations avec la plus grande fiabilité, indépendamment des systèmes de commande en place…]
[Photo : modem industriel Phoenix Contact]

Réseaux à partir des années 2000. De fait, Ethernet permet d’utiliser les outils de communication modernes (satellite, GSM, GPRS très demandés dans le domaine de l’eau) et de véhiculer d’énormes masses de données. De plus, il offre des temps d’accès très rapides pouvant aller jusqu’à plusieurs gigabits/s (HART garantit un temps d'accès de 1200 bits/s). D'où la possibilité d’obtenir des informations du terrain en temps réel, un avantage clé en matière de diagnostic ou de régulation. Par ailleurs, l’installation d’Ethernet se fait sans logiciel de configuration.

Si certains acteurs ont défendu leur stratégie « propriétaire », d’autres comme Schneider Electric, Rockwell Automation et Unitronics n'ont pas considéré qu'il s'agissait d'une piste d’avenir. Leurs protocoles (Modbus TCP et Ethernet/IP) sont basés sur le standard Ethernet TCP/IP.

Un large spectre d’applications

Au-delà de cette ouverture permettant aux collectivités ou traiteurs d’eau de choisir librement leur équipement, Ethernet élargit d’autre part le spectre des applications pouvant être déployées sur un site. Dans le secteur de l'eau, on trouve une multitude d’applications très variées qui reposent sur ce protocole : de la mesure et l’analyse avec Endress+Hauser qui a, le premier, proposé des interfaces Ethernet/IP, Hach-Lange, Krohne, Yokogawa, Shimadzu, à la télégestion avec Lacroix Sofrel, Perax, Wit, eWON, QL3D ou Mios, en passant par la supervision avec Areal, Codra, Arc Informatique sans oublier les automatismes avec Rockwell Automation, ABB, Schneider Electric, Westermo, Phoenix Contact, Wago, et la distribution électrique avec Eaton, etc.

« Westermo travaille depuis de nombreuses années dans le domaine de l'eau et a toujours été confronté aux besoins de communication sur de longues distances, précise Olivier Bughin, responsable de Westermo France. Nous avons commencé par offrir des solutions sur boucle de courant jusqu’à 6 km et sur liaison RS485 permettant des liaisons en bus sur 1200 mètres. Puis, peu après, nous avons proposé des communications RS232 ou RS485 sur modem téléphonique fonctionnant en ligne privée jusqu’à 25 km ou sur ligne spécialisée (louée à France Télécom). En 2005, ayant pris conscience qu’Ethernet jouerait un rôle primordial dans les communications de données et souhaitant continuer à offrir des solutions sur des grandes distances, nous avons développé…»

[Photo : Le DDW-142 est le dernier né de la famille des « prolongateurs Ethernet » proposé par Westermo. Il permet de réaliser des liaisons Ethernet sur une paire cuivre quelconque à des distances de 13 km et jusqu’à 30,4 Mbit/s. Outre les deux ports Ethernet, il possède aussi un port RS232 pour des migrations des anciens équipements sur Ethernet.]
[Photo : Endress+Hauser a, le premier, proposé des interfaces Ethernet/IP. Ici, le Promag 53, conçu pour s’intégrer de manière transparente avec le système d’automatisation des processus PlantPAx de Rockwell Automation.]
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[Photo : Automate & IHM V350 Unitronics, communication : Ethernet, CanOpen, RS 232-485, Profibus, Bluetooth, carte SD, GSM-GPRS, Email, serveur et web serveur.]

application : http, HTTPS, SNMP, FTP, Telnet », conclut Olivier Bughin.

Ethernet est un réseau qui peut être mutualisé entre ces différentes applications : stations de pompage, stations de traitement, ou encore châteaux d’eau. Infrastructure de communication faisant abstraction du contenu d’informations qu’il véhicule, Ethernet est ainsi capable de supporter différents types d’applications qui sont le plus souvent déployées sur divers sites.

Autre avantage important, Ethernet permet d’accéder à des fonctionnalités web, offrant ainsi la possibilité de remonter des informations des esclaves vers l’automate à la supervision et donc d’apporter de nouvelles solutions. « En permettant de déployer des outils d’amélioration de la production ainsi que des systèmes d’information, Ethernet est un outil d’optimisation industrielle », rapporte Jérôme Poncharal chez Rockwell Automation. « Un autre aspect remarquable d’Ethernet est son omniprésence dans le domaine du grand public, qui devrait hisser la technologie vers le haut et conduire à des innovations techniques qui pourraient à terme être reprises dans l’industrie, une fois devenues des standards », estime Jérôme Poncharal.

Des contraintes à maîtriser

Pour Laurent Blaess, Directeur Général chez PL Systems Unitronics France, « dans un avenir très proche, aucun bus de terrain ne va disparaître », même si effectivement, Ethernet commence à gagner du terrain. D’abord pour des raisons économiques. « Certes, Ethernet est le mode de communication de loin le plus rapide offrant de surcroît un large spectre de fonctionnalités, mais il est aussi plus notre premier “prolongateur Ethernet” capable de transmettre des trames Ethernet en point à point sur une paire cuivre quelconque (0,2 à 0,5 mm², paire téléphonique, câble alimentation, coaxial, bus de terrain profibus, FIP…) à plus de 13 km. La limite des 100 mètres en Ethernet n’est donc pas un obstacle pour nous, nous en sommes maintenant à la 4ᵉ génération de prolongateur et nous pouvons réaliser des topologies en point à point, multipoint, étoile et anneau redondant sur une paire cuivre à des distances de 13 km tout en offrant des débits jusqu’à 30,4 Mbit/s. Nous conservons la transparence vis-à-vis de tous les protocoles TCP/IP, UDP, Modbus TCP, Ethernet IP, Profinet ainsi que tous les protocoles de la couche.

[Photo : La MiosBox de Mios SAS est l’une des rares solutions interopérable du marché à s’adapter aux différents bus terrain mais également à offrir les nombreux bus terrain en communication avec les différents types de capteurs.]
[Photo : Le P400XI de Perax est doté d’un nouveau module OpenVpn qui permet de réaliser des connexions sécurisées par cryptage entre produits IP.]

onéreux que les autres réseaux, en particulier RS 485 et CanOpen. De plus, la distance entre deux appareils est limitée (100 mètres en moyenne) alors que les bus RS ou CanOpen vont jusqu’au kilomètre. Pour résoudre cette problématique, Ethernet nécessite des répéteurs, ce qui présente un coût. C’est pourquoi, en pratique, même sur les nouvelles installations, nous utilisons à la fois Ethernet et, par exemple, les réseaux RS 485 et CanOpen.

Jérôme Poncharal considère pour sa part que le premier challenge à relever, « c’est la maîtrise de la technologie. Elle l’est dans le domaine de l’informatique et des télécommunications, mais pas dans le cursus des automaticiens ». Il ne suffit plus de mettre le bon câble sur le bon connecteur.

Un autre frein au développement d’Ethernet est lié à l’ouverture et à la transparence des informations qu’il véhicule, ce qui pose une question de cybersécurité qui ira croissante avec la multiplication et l’ouverture des réseaux vers l’extérieur. Reste que des réponses ont été développées récemment. Les automates ont été repensés pour prévenir les risques de piratage. La partie hardware a également été étoffée pour éviter toutes actions interdites.

Ainsi, tout concourt à ce que la solution Ethernet devienne l’outil de communication de demain. Pour autant, il faudra encore composer longtemps avec l’existant. Des passerelles réparties permettant d’intégrer localement Ethernet sur une installation en Hart ou Profibus sont désormais mises à disposition par certains acteurs comme Schneider Electric. Ainsi l’objectif « tout Ethernet » pourrait devenir rapidement réalité…

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