La surveillance de la qualité des eaux de baignade est basée sur la collecte de données permettant d'évaluer la conformité d'une eau par rapport à des normes microbiennes définies. Les données éditées sur la qualité de l'eau sont toujours rétrospectives en raison de la nature des analyses entreprises (24H à 48H sont nécessaires pour donner des résultats) et de leur faible fréquence. La nouvelle directive européenne de gestion de la qualité des eaux de baignade, apporte un cadre légal à cette problématique et inclut les collectivités littorales dans le développement d'approches opérationnelles pour la surveillance du risque sanitaire des eaux de baignade. Anticipant cette approche, Veolia a maintenant une expérience de quatre ans dans l'accompagnement des communautés littorales dans cette démarche de gestion active. Cette approche consiste avant la période d'été, en l'étude du site de baignade et de ses sources potentielles de contamination, et pendant l'été en une gestion active de la qualité des eaux de baignade avec la méthode enzymatique rapide Coliplage®. Cette approche opérationnelle permet aux collectivités de connaître tôt le matin si l'eau est conforme à la baignade ou si les plages doivent être temporairement fermées. Les nageurs sont ainsi informés tous les jours de la qualité de l'eau. Cette gestion active permet également une meilleure évaluation des actions à mener pour améliorer le fonctionnement des systèmes d'assainissement qui peuvent impacter les sites de baignade.
L’Union Européenne fixe les règles pour la surveillance, l’évaluation et la gestion de la qualité des eaux de baignade ainsi que la fourniture d’informations sur la qualité de ces eaux.
Actuellement, c’est la directive 76/160/CEE qui régit la qualité des eaux de baignade à l’exception des eaux destinées aux usages thérapeutiques et des eaux de piscine. Une procédure d’adaptation au progrès technique des méthodes d’analyse et des valeurs paramétriques impératives et indicatives est mise en place. Cette nouvelle directive (2006/7/CE) remplacera l’ancienne directive 76/160/CEE lorsqu’elle sera transposée
par les États membres (vraisemblablement en 2008). La nouvelle directive européenne demande une approche améliorée du suivi de la qualité des eaux de baignade par une gestion en temps réel qui reflète au mieux le risque sanitaire lié à la baignade. Anticipant l'application de cette nouvelle directive depuis maintenant 3 ans, Veolia Eau a mis en place une démarche de gestion active de la qualité des eaux de baignade. Cette offre de service, fondée sur des outils techniques et organisationnels, se propose d’accompagner les collectivités dans leurs prises de décisions au quotidien quant à l’évaluation des risques sanitaires pouvant affecter ponctuellement les sites de baignade.
Cet article se propose de dresser un état des lieux du contexte et de la réglementation qui accompagne le suivi de la qualité de l'eau de baignade, et de préciser ce que l'offre Veolia apporte en termes d'anticipation de la nouvelle directive (2006/7/CE). Un état de l'art des méthodes existantes sera également proposé permettant de mettre en évidence les atouts et limites de chacune des méthodes existantes pour le suivi et le dénombrement des indicateurs de pollution fécale, et conclure sur l’intérêt des méthodes rapides (1 h), telle que Coliplage® pour une gestion active des eaux récréatives.
Les eaux de baignade
a) Le contexte et les sources de pollution des eaux de baignade
La qualité des eaux de baignade est à la croisée de trois enjeux :
- - un enjeu sanitaire lié à l'exposition éventuelle des baigneurs aux agents microbiologiques ;
- - un enjeu environnemental. Sauf cas exceptionnel dû à certains microorganismes pathogènes naturellement présents dans les eaux de mer ou les eaux douces, ce sont les pollutions à l'interface du milieu terrestre et marin qui peuvent être à l’origine d’une dégradation chronique ou transitoire de la qualité des eaux de baignade ;
- - un enjeu économique car elle constitue un paramètre déterminant pour la fréquentation touristique des stations balnéaires.
On peut distinguer trois natures de rejets : chronique, transitoire et accidentelle.
Les rejets chroniques peuvent être :
- ° les rejets des systèmes d’assainissement : la performance des systèmes d’assainissement côtiers s’est largement accrue au cours des vingt dernières années. Ces progrès expliquent pour une grande part l’amélioration de la qualité des eaux de baignade observée dans le même temps sur les zones littorales. Sauf incident, les rejets chroniques des systèmes d’assainissement ne concernent plus que les rejets des stations d’épuration. La directive européenne du 21 mai 1991 ainsi que la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 réglementent la qualité de l'eau rejetée en tenant compte de la taille de la station et de la sensibilité du milieu qui reçoit les effluents. La désinfection, voire, plus rarement, la suppression totale ou saisonnière des rejets, peuvent être imposées lorsqu’un lieu de baignade est situé à proximité (Miquel, 2003).
- ° les rivières côtières avec, dans certains cas, des panaches de diffusion en zone côtière qui peuvent ponctuellement impacter des zones de baignade.
Les rejets urbains de temps de pluie peuvent être qualifiés de rejets transitoires avec comme principales origines :
- ° des déversoirs d’orages des réseaux unitaires ;
- ° des by-pass des systèmes d’assainissement : réseaux (poste de refoulement, par exemple) ou station d’épuration ;
- ° des réseaux pluviaux ;
Les rejets accidentels, pouvant produire un effet considérable, surtout lorsqu’ils sont situés à proximité d'une plage peuvent avoir pour origine :
- ° la panne d'un poste de relèvement d’eaux usées engendrant un débordement (incident maîtrisable par l'utilisation de la télésurveillance et l'utilisation de seuils d’alerte adéquats) ;
- ° les obstructions de réseaux d’eaux usées donnant lieu à un passage en trop-plein (trop-plein de réseau, branchements individuels, regards mixtes, etc.) vers les réseaux d’eaux pluviales puis le milieu récepteur.
D’autres rejets ont des causes plus insidieuses et peuvent être plus difficiles à identifier :
- ° nettoyages des rues et rejets via les réseaux d’eaux pluviales ;
- ° rejets illicites au réseau pluvial : camping-car stationné sur un parking ;
- ° rejets de systèmes d’assainissement non collectifs ;
- ° pollution d'origine agricole notamment l’élevage (bovins ou ovins) ;
- ° rejets de bateaux au mouillage et d’activités nautiques...
La figure 1 indique les principales causes de pollution lors de la saison de baignade 2006 et leur importance relative.
Au-delà de la multiplicité des sources de pollution, certains facteurs comme les conditions climatiques peuvent aussi moduler l'impact de ces rejets sur la qualité des eaux de baignade : par exemple, à l’échelle d’une saison estivale, un lien de causalité peut être établi entre les pics de pluviométrie et les pics de pollution observés sur les plages. Inversement, un fort ensoleillement aura un effet bactéricide et la pollution sera moins importante.
b) Ordres de grandeur de la contamination bactériologique
Afin de bien appréhender la problématique liée à la qualité des eaux de baignade, il est important de citer ici quelques ordres de grandeur de contamination bactériologique. Lorsque l'on s’intéresse aux flux de contamination des rivières on constate des concentrations de 10⁶ E. coli/100 mL à un débit de 1 m³/s ce qui est équivalent au flux apporté à un débit de 10 m³/s et 10⁵ E. coli/100 mL. En revanche, lorsque l’on s’intéresse à des rejets du système d’assainissement.
situés à proximité d'une plage, on peut admettre les ordres de grandeur suivants :
- » Eaux usées brutes : de 10⁷ E. coli/100 mL
- » Eaux usées après traitement biologique : 10⁵ E. coli/100 mL
- » Eaux usées après traitement biologique et désinfection : quelques germes
- » Eaux unitaires et/ou pluviales : de 10³ (séparativité totale) à 10⁶ (selon la dilution des eaux usées dans les eaux pluviales) E. coli/100 mL.
Ces ordres de grandeur sont à comparer aux valeurs réglementaires :
- » Réglementation actuelle (Article D1332-3 du code de la santé publique, transcrivant la directive 76/160/CEE du 8 décembre 1975) : valeur guide 100 et valeur impérative de 2000 bactéries/100 mL.
- » Réglementation future (zone côtière) : seuils de classement statistique à 250 et 500 bactéries/100 mL (Directive 2006/7/CE du 15 février 2006 qui doit être transcrite par les États membres au plus tard le 24 mars 2008).
Même si le processus de mortalité des germes dans le milieu marin est important, ces quelques valeurs montrent que sur une plage fermée, présentant peu de renouvellement de l'eau, le moindre rejet d’eaux usées peut conduire à une dégradation marquée de l'eau de baignade et à l’existence d’un risque sanitaire pour les usagers de la baignade.
Le processus de ruissellement urbain s’accompagne, d'une part, d’une capacité de remobilisation de la pollution de surface et de celle accumulée dans les collecteurs et, d'autre part, les débits alors mis en jeu peuvent être considérables. Aussi, un rejet massif d’eaux pluviales pourra conduire des rejets équivalents à quelques centaines, voire quelques milliers de m³ d’eaux usées strictes (figure 1). Dans ce contexte, la configuration unitaire d’un réseau est de ce point de vue encore plus critique.
c) Évolutions du contexte réglementaire
Depuis la directive européenne de 1976, la surveillance de la qualité des eaux de baignade est basée sur un classement statistique annuel s’appuyant sur un nombre limité de prélèvements par site de baignade. Les bilans publiés chaque année font référence à la qualité observée au cours de la précédente saison estivale.
De plus, la méthode normalisée se fonde sur une mise en culture des germes éventuels requérant plus d’une journée pour l'obtention de résultats, délai assimilable à celui de la survie des germes dans le milieu marin (Mezrioui et al., 1992).
D'autres facteurs sont aussi à considérer comme la forte variation de la qualité des eaux de baignade à la fois dans l'espace et dans le temps. Ces variations peuvent être extrêmement importantes et rapides lorsque liées aux épisodes pluvieux, aux rejets des systèmes d’assainissement (y compris les rejets des réseaux d’eaux pluviales), aux courants de marée, etc.
Aussi, si la pertinence statistique du classement final issu de cette surveillance est aujourd’hui établie, ce mode de surveillance ne permet aucune gestion “active” des épisodes de pollution, souvent très ponctuels dans le temps, qui peuvent impacter les sites de baignade.
La nouvelle directive européenne de gestion de la qualité des eaux de baignade publiée en 2006 (2006/7/CE du 15 février 2006) apporte un cadre légal à cette problématique et inclut les collectivités littorales dans le développement d’approches opérationnelles pour la surveillance du risque sanitaire des eaux de baignade. Elle introduit un certain nombre d’évolutions majeures :
- » Changement des règles de classement des zones de baignade ;
- » Volonté d'information au public en temps quasi-réel ;
- » Principe de “plans de gestion des risques” liés aux dégradations ponctuelles de la qualité des eaux de baignade et pouvant conduire à l'interdiction temporaire de la baignade.
Cette directive introduit aussi la notion de gestion active des eaux de baignade et suggère la mise en place d’un certain nombre d'actions techniques :
- » Étude du profil de qualité des sites de baignade : inventaire des sources de pollution, de leur impact sur les milieux récepteurs et des facteurs aggravants (vent, marée...) ;
- » Surveillance active des sources de pollution identifiées comme étant les plus critiques (instrumentation permanente, pluviométrie, télégestion, surveillance régulière, etc.) ;
- » Analyses régulières de l'eau en fonction des risques identifiés compte tenu des informations du profil de vulnérabilité et de la surveillance active.
Sur le court terme, la nouvelle directive européenne introduit donc une surveillance adéquate des rejets et des zones de baignade. Sur le long terme, elle introduit l’éradication ou la diminution des sources de pollution.
Cette directive est donc en cohérence totale avec d'autres textes réglementaires présentant les mêmes échéances :
- » La directive-cadre européenne (D.C.E.) sur la “gestion intégrée” de l'eau avec laquelle elle est synchrone dans les échéances (2015). La D.C.E. prend une approche...
che territoriale par “bassin-versant” pour une gestion intégrée de la qualité de l'eau, recoupant ainsi nombre de problématiques observées au droit des zones de baignade, notamment, le cas des rivières côtières.
- » La Directive E.R.U de 1991 intégrant le principe d’autosurveillance des systèmes d’assainissement, vu que la surveillance des sources de pollution prévue dans les “plans de gestion” pourra intégrer les équipements d’autosurveillance déjà en place.
d) Une démarche de gestion active des eaux de baignade
Veolia Eau a mis en place une démarche de gestion active de la qualité des eaux de baignade, d’abord sur quelques sites pilote en 2003 puis de façon généralisée depuis 2004. Cette offre de service se propose d’accompagner les collectivités vers une gestion active de la qualité des eaux de baignade. À l’instar des objectifs de la réglementation, cette démarche est constituée de deux grands axes :
- » Étude des zones de baignade et de leurs sources potentielles de pollution avant l’été afin d’établir un “profil de vulnérabilité”.
- » La gestion active des eaux de baignade pendant l’été.
Le “profil de vulnérabilité” d'une plage est le point de départ de la réflexion sur la qualité des eaux de baignade. Il consiste à inventorier et hiérarchiser les sources de pollution ainsi que leur impact potentiel sur la zone de baignade. Comme décrit, les sources de pollution les plus évidentes sont celles situées à proximité immédiate de la plage considérée (système d’assainissement, activités industrielles et agricoles, restaurants côtiers...).
Cependant au-delà de ce périmètre immédiat, d'autres sources de pollution sont considérées dans des périmètres plus éloignés pour prendre en compte la capacité des courants côtiers à véhiculer ces pollutions au droit des sites de baignade considérés.
Cet inventaire permet une hiérarchisation des sources de pollution les plus impactantes vis-à-vis de chaque site de baignade et constitue une voie pour l’éradication des sources de pollution incriminées.
La démarche de gestion active des eaux de baignade proposée par Veolia Eau pendant la saison estivale s'appuie sur :
- » La surveillance et la collecte de données concernant les pollutions chroniques pouvant impacter les plages, telles qu’identifiées dans le profil de vulnérabilité.
- » L'analyse régulière d’échantillons d’eau prélevés tôt le matin par une méthode rapide. Cette technique de contrôle en temps réel (Coliplage®), basée sur la mesure de l’activité β-D-Glucuronidase autorise la détection en une heure de taux anormalement élevé d’Escherichia coli. Couplée aux informations issues du dispositif de surveillance, cette méthode rapide permet d’évaluer la présence ou l’absence d'un risque sanitaire lié à la qualité de l'eau de baignade avant l’ouverture de la plage. Un autre avantage de l'analyse rapide est le fait qu’en cas de pollution avérée et de fermeture préventive de la baignade, l’eau peut être analysée régulièrement afin de préconiser la réouverture de la plage le plus rapidement possible.
- » Un plan de gestion des situations de “crise” accompagnant la décision de fermeture provisoire de la baignade sur une plage. Ce plan comprend un volet communication envers les usagers de la plage et un volet technique concernant l’identification et l’éradication de la pollution pouvant être à l’origine de cette situation.
- » Un bilan annuel de fin de saison permettant, via le retour d’expériences, de dresser les voies de progrès de la démarche tant sur le plan technique qu’organisationnel.
Veolia Eau a aussi développé un ensemble d’outils techniques permettant une meilleure précision dans l’évaluation des risques sanitaires dus à la baignade en y introduisant une dimension “prédictive”. En partenariat avec Ifremer, Veolia Eau a ainsi mené des études de sensibilité des différents facteurs hydrométéorologiques impactant la présence et l'intensité d'une pollution sur les sites de baignade potentiellement soumis à des rejets chroniques ou intermittents (vents, marée, intensité des pluies, etc.). À Dieppe, par exemple, un Système d’Aide à l’Évaluation des Risques Sanitaires (SAERS) permet de prendre en compte une centaine de scénarios de référence. Le SAERS autorise donc une évaluation quotidienne des risques qui conditionne la réalisation ou non d’analyses complémentaires à celles prévues en routine avec la méthode d’analyses rapides Coliplage®.
En cours d’exploitation, un agent saisit les données contextuelles des facteurs hydrométéorologiques observés. Le système délivre alors le scénario le plus probable de contamination lui permettant ainsi d’évaluer les risques de dégradation des eaux de baignade au cours des prochaines heures.
Les méthodes analytiques du contrôle sanitaire et de la gestion active de la qualité des eaux de baignade
Le contrôle sanitaire des eaux de baignade vise à assurer la protection sanitaire des baigneurs. La surveillance porte sur l’ensemble des zones où la baignade est habituellement pratiquée par un nombre important de baigneurs, qu’elles soient aménagées ou non, et qui n’ont pas fait l’objet d’une interdiction portée à la connaissance du public. La maîtrise de la qualité des eaux de baignade est fondée à la fois sur la connaissance et la surveillance du contexte environnemental et des sources potentielles de pollution et sur l’analyse d’indicateurs microbiologiques de contamination fécale.
a) Les indicateurs microbiologiques
Certaines bactéries ou groupes bactériens mis en évidence par des tests spécifiques peuvent être considérés comme témoins d’une contamination d’origine fécale et indiquer la présence possible de pathogènes d’écologie similaire. Le choix d’un tel indicateur doit répondre à un certain nombre d’exigences ou de critères :
- - ils doivent toujours être présents lorsque les microorganismes pathogènes sont présents ;
- - ils doivent apparaître en plus grand nombre que les agents pathogènes associés ;
- - ils doivent avoir le même comportement que les agents pathogènes dans l’environnement naturel et au cours des procédés de traitement de l’eau ;
- - ils doivent être mis en évidence, dénombrés et identifiés à l’aide de techniques rapides, simples, fiables et peu onéreuses ;
- - ils ne devront pas se multiplier dans l’environnement ;
- - ils doivent être absents d’un environnement non contaminé.
Bien que l'utilisation d'un groupe d'indicateurs ne puisse pas rendre compte du comportement dans l'environnement de pathogènes aussi variés que des protozoaires, des virus, des bactéries ou des helminthes, et qu'une part des pathogènes n’a pas pour origine une contamination fécale, il est établi qu'une contamination importante augmente la probabilité d'un risque sanitaire. La détection des pollutions fécales dans les milieux naturels se fait habituellement par la recherche de germes indicateurs de contamination fécale, c’est-à-dire des bactéries spécifiques de la flore intestinale, qui ne sont pas nécessairement elles-mêmes pathogènes, mais dont la présence indique l’existence d'une contamination fécale, donc un risque.
Une association entre la concentration en bactéries indicatrices dans les eaux de baignade et la survenue de symptômes gastro-intestinaux et d’infections respiratoires fébriles aiguës a ainsi pu être démontrée (WHO, 2003). Des études épidémiologiques en eau de mer (Kay et al., 1994) et eau douce (Wiedenmann et al., 2006) ont permis d’établir des relations dose-effet entre concentration en indicateur microbiologique dans l'eau de baignade et risque de contracter une gastro-entérite. Il a ensuite été possible d'en déduire des seuils au-delà desquels le risque était à prendre en considération. Les différents groupes d'indicateurs utilisés dans le suivi de la qualité des eaux de baignade (Directive de 1976) sont les suivants :
- Les streptocoques fécaux ou entérocoques intestinaux ;
- Les coliformes totaux ;
- Les coliformes fécaux et plus particulièrement Escherichia coli (E. coli).
Les indicateurs Escherichia coli et entérocoques intestinaux auraient une durée de vie équivalente ou supérieure à celles des organismes pathogènes en eau douce alors qu'ils auraient une durée de vie plus faible que ces derniers en eau de mer (AFSSE, 2004).
La nouvelle directive européenne (2006/7/CE du 15 février 2006) se borne à deux paramètres, considérés comme d’excellents indicateurs de la contamination fécale : les entérocoques intestinaux et Escherichia coli. Cela permettra de concentrer les ressources sur la surveillance des paramètres les plus informatifs.
b) Les streptocoques fécaux ou entérocoques intestinaux
Les streptocoques fécaux ou entérocoques intestinaux sont des cocci à Gram positif se présentant sous forme de chaînettes (figure 3). Ils font partie de la flore commensale et se retrouvent notamment dans le tractus digestif et génital. Les deux espèces les plus fréquemment rencontrées en pathologie humaine sont Enterococcus faecalis et Enterococcus faecium, qui peuvent être à l’origine d’infections chez les patients fragilisés. Ce sont des bactéries pathogènes opportunistes.
Les streptocoques fécaux sont en nombre relativement élevé dans les excréments humains ou d’animaux à sang chaud. Ils ont pu être retrouvés dans les eaux contaminées, mais pas dans les eaux non contaminées. Un de leurs avantages, comparativement aux autres indicateurs (coliformes totaux et E. coli), est leur persistance dans l'eau et une meilleure résistance à un environnement hostile.
c) Les coliformes totaux
L'expression « coliformes totaux » regroupe plusieurs espèces bactériennes de la famille des Entérobactéries : Citrobacter, Enterobacter, Klebsiella, Escherichia et Serratia. Ce sont des bactéries à Gram négatif, en forme de bâtonnet.
Les coliformes totaux sont des micro-organismes indicateurs dont le dénombrement permet de déceler le niveau de pollution d'origine organique dans les eaux de surface, les eaux souterraines, les sources d'approvisionnement ou les canalisations d'eau potable.
Les caractéristiques des coliformes totaux sont proches de celles d’E. coli. Les coliformes totaux sont utilisés comme indicateurs de pollution depuis la fin du XIXᵉ siècle, mais sont actuellement considérés comme hétérogènes et peu représentatifs du risque sanitaire lié à une pollution fécale. En effet, certaines des bactéries de ce groupe ne sont pas d'origine fécale (mais d'origine hydrique ou tellurique) et peuvent se multiplier dans l’environnement.
d) Les coliformes fécaux et Escherichia coli
L'espèce Escherichia coli, qui appartient au groupe des coliformes fécaux, semble être l'un des meilleurs indicateurs d'un risque sanitaire potentiel (OMS, 2001). Escherichia coli est retrouvée dans les fèces de tous les mammifères en forte concentration et ne se multiplie pas dans l’environnement. Il semble qu'elle soit plus représentative que les autres indicateurs de contamination fécale (Edberg et al., 2000).
Les coliformes fécaux font partie du groupe des coliformes totaux. E. coli est l'espèce d'origine fécale prédominante. La thermotolérance d'Escherichia coli (culture possible à 44 °C) est un critère physiologique auquel les hygiénistes se réfèrent habituellement pour reconnaître une pollution fécale.
E. coli est un bacille Gram négatif de la famille des entérobactéries, découvert en 1885 par Théodore Escherich (figure 4). Appelé aussi colibacille, il fait partie des bactéries de la flore intestinale de l’Homme et des animaux à sang chaud. Cette bactérie est utilisée comme un indicateur pertinent de l'innocuité bactériologique de l’eau.
Absente des environnements non contaminés, sa présence est donc significative d'une contamination fécale récente. Cent à quatre cents espèces différentes sont représentées. E. coli est l'espèce aérobie la plus représentée dans le tube digestif ; elle constituerait 80 % de la flore aérobie avec une concentration avoisinant les 10⁸ E. coli/g de selles terminales.
Certaines souches peuvent être pathogènes et responsables d’infections urinaires, de péritonites, de diarrhées (la plus connue étant O157:H7, fréquemment rencontrée dans le domaine de l’agroalimentaire).
Kilian et Bulow ont montré qu'il existait une activité enzymatique prometteuse pour l'identification et l'énumération de l'E. coli. Ainsi, environ 97 % des E. coli testées présentaient ou exprimaient l’enzyme β-D-glucuronidase, contrairement à la plupart des autres entérobactéries.
Cette découverte, couplée au développement d'essais colorimétriques et fluorimétriques pour la β-D-glucuronidase, a augmenté l'intérêt accordé à cette enzyme pour le développement de nouvelles techniques permettant de rechercher et de dénombrer Escherichia coli rapidement et facilement dans une variété de matrices ou domaines comme l'alimentaire, l'eau et l'environnement.
les méthodes de détection et de quantification des Escherichia coli dans les eaux récréatives
Deux méthodes sont actuellement reconnues en France comme méthodes de référence pour la détection d’E. coli dans les eaux de baignade et décrites par une norme (ISO 9308). Ces méthodes passent par une phase de multiplication des bactéries et présentent donc un délai minimum de détection de 24 heures.
En parallèle, de nouvelles méthodes ont été développées afin de réduire ce délai de réponse. Souvent plus coûteuses et plus complexes à mettre en œuvre, peu d’entre elles sont appliquées en routine pour le suivi de la qualité des eaux de baignade.
a) Les méthodes d’analyses selon la Directive de 1976
i. La filtration sur membrane (norme ISO 9308-1)
Recherche et dénombrement des Escherichia coli. Partie 1 : Méthode par filtration sur membrane (ISO 9308-1).
Elle consiste à filtrer un volume d’eau connu sur une membrane stérile de porosité 0,45 µm, calibrée pour retenir les bactéries. Cette membrane est ensuite placée dans des conditions d’incubation qui autorisent le développement des coliformes thermotolérants mais pas celui des autres bactéries, sur un milieu de culture sélectif (figure 5). Après 18 à 24 heures à 44 °C, les bactéries présentes forment des colonies identifiables à l’œil nu. Les colonies ont un aspect jaune orangé présentant un halo jaune suite à l’acidification engendrée par l’utilisation du lactose (cf. photo 3). Les résultats sont exprimés de manière quantitative par nombres d’unités formant des colonies (UFC) pour 100 mL d’eau filtrée.
Cette méthode est également utilisée pour les dénombrements de coliformes totaux ; dans ce cas, l’incubation ne se fait pas à 44 °C mais à 37 °C. La filtration sur membrane est également utilisée pour la détection d’E. coli dans les eaux de boisson.
ii. La méthode miniaturisée (norme ISO 9308-3)
Recherche et dénombrement des Escherichia coli et des bactéries coliformes dans les eaux de surface et résiduaires. Partie 3 : Méthode miniaturisée pour ensemencement en milieu liquide (ISO 9308-3).
Cette méthode miniaturisée pour ensemencement en milieu liquide (Nombre le Plus Probable, NPP) vise à quantifier les Escherichia coli dans les eaux de surface et les eaux résiduaires. C’est la méthode couramment utilisée par les services des Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS) pour le suivi de la qualité des eaux de baignade.
Son principe : l’échantillon à analyser est dilué puis ensemencé dans une série de puits d’une microplaque contenant le milieu de culture déshydraté. Les dilutions sont adaptées au niveau de contamination supposé de l’eau prélevée. Les microplaques sont examinées sous rayonnement ultraviolet à 366 nm dans l’obscurité après une période d’incubation de 36 h minimum et 72 h maximum à 44 °C ± 0,5 °C.
Le milieu de culture déshydraté (substrat de l’activité enzymatique) est fixé au fond des 96 puits de la microplaque. Le milieu est réhydraté par introduction de l’échantillon dilué (de 2 à 6 dilutions selon le niveau de contamination supposé de l’eau à analyser). Au cours de l’incubation (de 36 à 72 heures à 44 °C), les souches cibles, présentes dans l’échantillon, hydrolysent le substrat et libèrent un composé bleu fluorescent (figure 6). La présence d’Escherichia coli est indiquée par cette fluorescence bleue. Les puits fluorescents (figure 7) sont comptés sous UV (366 nm) et le nombre de microorganismes cibles en est déduit avec une loi statistique fondée sur la loi de Poisson. Le Nombre le Plus Probable (NPP) est l’estimation statistique de la densité des microorganismes dans 100 mL, et des intervalles de confiance à 95 % sont attachés à cette estimation moyenne.
Cette méthode est applicable à tous les types d’eau de surface et résiduaires. Son seuil de détection étant de 15 E. coli pour 100 mL, elle n’est pas applicable à l’eau potable ou tout autre type d’eau dont la valeur guide est inférieure à ce seuil.
Ces deux méthodes se basent sur la capacité de multiplication des bactéries dans un milieu adapté. Par conséquent, ces méthodes permettent uniquement de détecter les bactéries dites viables cultivables, c’est-à-dire aptes à se multiplier sur un milieu de culture adapté.
Le délai important de réponse de ces méthodes de référence est un inconvénient majeur dans le cadre de la gestion active de la qualité des eaux de baignade, nécessitant de détecter une contamination fécale en temps quasi réel.
Afin d’obtenir des résultats plus rapides, de nouvelles méthodes ont été explorées.
b) Les méthodes alternatives pour la MUG
Recherche et le dénombrement des E. coli
i. La méthode Fluorescent In Situ Hybridization (FISH)
La méthode FISH est une technique moléculaire qui permet de mettre en évidence et de localiser, dans des cellules ou des tissus, des séquences d'acides nucléiques connues. Elle a été mise au point pour les dénombrements spécifiques des Escherichia coli dans les milieux naturels (Garcia-Armisen et Servais, 2004), et ce sur la base de travaux réalisés pour l’application aux eaux de distribution (Delabre et al., 2001, Lepeuple et al., 2003). Cette méthode se base sur l'utilisation d'un marqueur fluorescent qui se lie de manière spécifique à une zone complémentaire présente dans le matériel génétique de la bactérie cible, dans ce cas précis E. coli.
L'hybridation est précédée d’une étape de revivification (DVC : direct viable count) : celle-ci consiste en une incubation en présence de substrats carbonés et d’un antibiotique (comme l'acide nalidixique) inhibant la division cellulaire, mais n’affectant pas les autres activités métaboliques ; elle permet de différencier les cellules viables par leur taille (cellules allongées) lors du comptage.
Le comptage reste cependant fastidieux, la surface totale de la membrane de filtration devant être examinée au microscope. De ce fait, il est préférable que la méthode soit couplée à une détection via un appareil spécialisé proposant une lecture automatisée : un cytomètre à balayage (Baudart et al., 2002). Ainsi définie, la méthode permet d’obtenir une quantification en 6 à 8 heures.
Le seuil de détection est donné à 10² à 10³ cellules dans 100 mL (Garcia-Armisen et Servais, 2004) lorsque l'énumération se fait en microscopie, mais peut descendre à quelques cellules par 100 mL lorsque l'énumération est réalisée en cytométrie à balayage.
Bien que spécifique, cette technique nécessite un appareillage coûteux et un personnel hautement qualifié.
ii. La méthode qPCR (ou quantitative Polymerase Chain Reaction)
La méthode de PCR quantitative ou qPCR est basée sur la détection et la quantification d’une portion d’un gène. La quantification des bactéries est réalisée par le biais de systèmes permettant la détection à l'aide de molécules ou sondes fluorescentes de ces portions de gènes générées après des cycles d’amplification.
C'est une méthode sensible (10 cellules détectées dans 100 mL), spécifique, détectant également les E. coli MUG négatifs (présentant une activité glucuronidasique réprimée ou non exprimée), et nécessitant moins de 6 heures pour donner une réponse (Asim K. Bej et al., 1991). La PCR est réalisée sur un très faible volume (quelques microlitres), l’échantillon de 100 mL doit être préalablement concentré par filtration.
Le problème le plus souvent rencontré lors de l'utilisation de cette méthode est la présence fréquente dans les échantillons environnementaux de substances inhibitrices, comme les acides humiques ou le fer. De plus, cette méthode n’est pas discriminante vis-à-vis des différents états physiologiques des bactéries qui peuvent être rencontrés dans une population bactérienne (les bactéries cultivables, viables, sénescentes et mortes). L'appareillage reste coûteux et un personnel spécialisé est nécessaire.
iii. La RT-qPCR (Reverse Transcriptase-quantitative Polymerase Chain Reaction)
Cette méthode repose sur l’extraction et l’amplification de deux types d’acide ribonucléique (ou ARN) :
- – les ARN ribosomiques (ARNr) : l'acide ribonucléique ribosomique est le constituant principal des ribosomes. Ils sont à la fois l’ossature et le cœur du ribosome, un organite cellulaire servant à la traduction de l’information génétique à partir de laquelle il synthétise les protéines au sein de la cellule ;
- – les ARN messager (ARNm). L’ARNm est considéré comme un marqueur de la viabilité de la cellule du fait qu'il est présent uniquement dans les cellules viables et qu’il est rapidement dégradé après la mort cellulaire. L’ARNm est donc plus représentatif de la viabilité cellulaire que ne l’est l’ADN. Ainsi de nombreux travaux ont investigué la piste de l’ARNm comme marqueur de viabilité chez les bactéries.
La méthode consiste (figure 9) en une extraction de l’ARN cible (ARNm ou ARNr), puis sa retranscription en brin d’ADN complémentaire. Ce brin d’ADNc servant par la suite de matrice à une réaction de PCR quantitative classique (cf. paragraphe ii).
Il s'agit donc d’une méthode sensible, spécifique, ne détectant que les bactéries viables (discriminante vis-à-vis des bactéries mortes ou sénescentes), et nécessitant moins de 2 heures pour proposer un résultat.
Les limites rencontrées lors de l'utilisation de cette méthode sont, comme pour la qPCR, la présence fréquente de substances inhibitrices, comme les acides humiques ou le fer, dans les échantillons naturels. La faible durée de vie et la labilité des ARN cible avant et pendant l’analyse influent fortement sur la quantification des bactéries et donc sur les résultats d’analyses. L'appareillage reste coûteux. Un laboratoire et un personnel spécialisé sont nécessaires, ce qui ne permet pas d’envisager l'utilisation de cette technologie dans le cadre d'une gestion active.
iv. L’ATP bioluminescence
Une méthode rapide de détection des microorganismes ou RMDS (Rapid Microorganism Detection System) basée sur la mesure de l'ATP a été développée pour la détection des coliformes dans la nourriture et les eaux de boisson (Tanaka et al., 1997). L'ATP mesurée n’étant pas spécifique d'une bactérie, il faut donc passer par une phase de croissance sélective sur milieu nutritif. Cependant, cette phase de croissance est plus brève que dans une
méthode de culture classique, l’ATP étant produite en quantité suffisante avant que des colonies visibles puissent être dénombrées. Après extraction d’ATP, un réactif contenant la luciférine-luciférase est alors utilisé. La luminescence détectée au luminomètre est proportionnelle à la quantité d'ATP produite par les bactéries présentes sur la membrane. Par la suite, des gammes étalons permettront de déterminer le nombre de bactéries initialement présentes dans l’échantillon.
Une étape préliminaire de concentration des E. coli peut être réalisée, permettant ainsi de s’affranchir de l’étape de culture par le biais, par exemple, d'une séparation immunomagnétique ou IMS (Lee J.Y. et al, 2003). Des billes magnétiques sont recouvertes d’anticorps qui vont spécifiquement capturer les E. coli présentes dans un échantillon, et permettront la séparation des cellules cibles par exposition à un champ magnétique. L’analyse par bioluminescence associée à une IMS est certes rapide avec un équipement portatif mais ce dernier reste coûteux et le taux de capture ou de reconnaissance des bactéries cibles présente des taux de fixation en deçà des 100 %.
v. Les méthodes enzymatiques
Contrairement aux autres méthodes alternatives (citées ci-dessus) qui nécessitent un appareillage spécialisé et souvent un personnel qualifié, les méthodes enzymatiques sont simples d’application et restent peu coûteuses.
Les méthodes enzymatiques de détection d’E. coli sont donc basées sur le fait qu’Escherichia coli possède une enzyme qui lui est quasi spécifique : la β-D-glucuronidase. Le principe de ces méthodes enzymatiques est le même que celui de la méthode miniaturisée (cf. 1.2.1.2.). Les enzymes ont la capacité à hydrolyser des composés artificiels en libérant un produit coloré ou fluorescent qui pourra alors être détecté et quantifié, et qui permet par la suite d’en déduire la quantité de bactéries initialement présente dans l’échantillon.
De nombreux protocoles et kits de détection ont été développés en se basant sur ce principe :
Les laboratoires IDEXX proposent deux types de tests basés sur cette activité : un test de présence/absence (Colilert®-18) et un test de quantification sur le principe de la fermentation en tubes multiples (Quantitray® et Quantitray®/2000).
Ces tests nécessitent un minimum de 18 heures d'incubation avant lecture des résultats (Sartory et al, 2008). La société Chemunex a, quant à elle, développé une analyse sous forme de kit (Kit E. coli, AES®), basée sur l'utilisation d'un cytomètre à balayage (Chemscan) pour détecter des cellules dont le marquage fluorescence a été préalablement réalisé à l'aide d'une procédure enzymatique en deux étapes (Van Poucke et al, 2000). Après filtration de l’échantillon, l’enzyme cible est induite, puis les cellules sont marquées. L’enzyme cible est la β-D-glucuronidase comme pour la méthode miniaturisée de référence. La membrane est scannée en 3 minutes et une confirmation visuelle au microscope est effectuée pour chaque cellule détectée.
La méthode a été testée sur des échantillons d’eau faiblement et fortement contaminés. Elle est achevée en moins de 4 heures, présente une grande sensibilité (détection d’une seule cellule dans un échantillon de 100 mL), et une absence d’interférence grâce à l’étape de confirmation au microscope, qui permet de différencier les cellules et les microcolonies d’E. coli des autres microorganismes (algues, protozoaires, …). Cependant, elle est plus adaptée aux eaux de distribution, du fait de la contamination importante des eaux de baignade par des matières en suspension (MES) rendant la lecture au microscope fastidieuse (des particules non bactériennes pouvant également être marquées par le fluorophore).
Veolia Eau a quant à lui développé la méthode rapide Coliplage® qui présente l’avantage de ne pas avoir d’étape préalable de croissance des bactéries. Ceci permet de réaliser l’analyse des échantillons en moins d'une heure versus 48 h pour les méthodes de référence (à savoir ISO 9308-1 et 9308-3). Cette rapidité, associée au faible coût et la simplicité de mise en œuvre de la méthode, en ont fait la méthode particulièrement adaptée à la gestion active des eaux de baignade.
c) La méthode Coliplage®
i. Préambule
Le protocole expérimental de cette méthode a été proposé par Fiksdal et al. (1994) pour les milieux estuariens et a ensuite été développé pour l’étude de la contamination fécale du bassin de la Seine (George et al, 2000). La méthode originale développée dans ce travail est basée sur la mesure d'une activité enzymatique spécifique du coliforme fécal le plus abondant, Escherichia coli : l'activité β-D-glucuronidasique. La méthode Coliplage® a été développée par Veolia Environnement, en partenariat avec l’Observatoire Océanographique de Banyuls sur Mer (CNRS/Université P6) et l'Université Libre de Bruxelles, et pour laquelle un brevet a été déposé en juin 2005.
ii. Principe
Elle est fondée, comme pour la méthode des microplaques (ISO 9308-3), sur la mesure de l’activité enzymatique spécifique de la bactérie Escherichia coli, l’activité β-D-glucuronidasique.
Les principales innovations de Coliplage® résident dans :
- - sa simplicité de mise en œuvre, ce qui permet de réaliser les analyses dans des laboratoires de proximité permettant ainsi de limiter les délais de transport des échantillons ;
- - son temps de réponse : 1 h d’analyse seulement après l'arrivée des prélèvements au laboratoire.
La méthode est fondée sur la mesure, non pas de la présence d'une fluorescence après une durée d'incubation, mais de la vitesse d’apparition de ce composé au cours du temps. Il est ainsi possible de s’affranchir de l’étape de multiplication bactérienne et de réduire ainsi les délais de réponse trop longs (18 à 72 h) rencontrés pour les autres méthodes d’analyse.
En effet, Coliplage® mesure en temps réel, par spectrofluorimétrie, une cinétique de dégradation enzymatique (hydrolyse d’un substrat par les enzymes spécifiques des E. coli). La vitesse d’apparition du composé fluorescent (MUF) ou cinétique de dégradation enzymatique est alors considérée comme proportionnelle à la quantité
d’enzymes présentes dans le milieu réactionnel au moment de l’analyse. En supposant que le bagage enzymatique est identique pour chaque bactérie E. coli, cette quantité d’enzymes est également considérée comme proportionnelle à la quantité d’E. coli présentes dans l'échantillon de départ. Plus le résultat Coliplage® sera élevé, plus la charge bactérienne en E. coli, indicatrice de pollution fécale, sera présumée importante.
iii. Protocole
La méthode Coliplage® consiste dans un premier temps à concentrer les bactéries présentes dans 100 mL d’échantillon sur une membrane en polycarbonate de porosité 0,22 µm. Les bactéries sont ensuite réintroduites dans un milieu réactionnel liquide, auquel est ajouté le substrat de la réaction enzymatique, à savoir la solution de MuGlu. La vitesse d’apparition du composé fluorescent (MUF) issu de la dégradation du MuGlu est mesurée au cours du temps dans le milieu réactionnel à l'aide d’un spectrofluorimètre (λ_ex = 362 nm et λ_em = 445 nm). De cette cinétique enzymatique, il est alors possible d’évaluer une activité enzymatique propre à l’échantillon. Activité enzymatique qui, par le biais d'un référentiel adapté à chaque site de baignade, permettra d’estimer la charge initiale en Escherichia coli présentes dans l’échantillon. En se référant alors aux seuils réglementaires proposés dans la Directive en vigueur (selon la directive de 1976 actuellement en vigueur, la valeur impérative est de 2000 E. coli/100 mL), il est possible de conclure quant à la qualité de l’eau.
iv. Interprétation des résultats
La méthode Coliplage® est une méthode d’analyse rapide qui permet d’apprécier, en temps réel, la qualité microbiologique d'une eau de baignade. Les résultats sont donc proposés sous la forme d’un jugement de conformité : signal conforme ou signal d’alerte (synonyme de signal microbiologique important). Ce résultat, qui doit être considéré comme un indicateur de pollution fécale, doit alors être intégré dans un contexte environnemental plus global qui tient compte des données météorologiques, de la surveillance du système d’assainissement et des sources de pollution potentielles. Cet ensemble d'indicateurs permet d’évaluer le niveau de contamination du site de baignade.
v. Reproductibilité de la méthode
Pour estimer la reproductibilité de la méthode, 256 échantillons d’eau de mer ont été analysés à la fois par la méthode Coliplage® et par les dénombrements via la méthode des microplaques (Lebaron et al., 2005) (figure 12).
Cette campagne a montré une bonne corrélation entre les deux méthodes : le coefficient de corrélation étant en effet supérieur à 0,8. L’étude a également montré que le coefficient de variation pour les mesures d’activité enzymatique était moindre que celui observé pour la méthode de référence (ISO 9308-3), en particulier pour les concentrations basses en E. coli. La reproductibilité est cependant inférieure dans les deux cas pour les échantillons peu ou pas contaminés. Le coefficient de variation de la méthode Coliplage® est de 30 % en moyenne, et inférieur à 10 % pour des échantillons dont la concentration en E. coli est supérieure à la valeur impérative de la directive de 1976, à savoir 2000 bactéries/100 mL.
vi. Limites de la méthode
Bien que ces méthodes enzymatiques rapides soient d’un grand intérêt pour la gestion en temps réel des contaminations, elles ont néanmoins leurs limites, comme de nombreuses méthodes, qu’elles soient utilisées en microbiologie ou dans tout autre domaine d’expertise analytique.
Du fait de sa rapidité, la méthode n’est pas aussi sélective que la méthode miniaturisée des microplaques. En effet, la sélection par la température et la capacité à se multiplier, qui sont recherchées en 48 heures lors de l'analyse par microplaque, ne peut pas avoir lieu ou tout du moins être aussi efficace en une heure d’analyse pour les méthodes rapides. Coliplage® est donc de ce fait considérée comme une méthode indicatrice de contamination fécale. Elle donne une réponse sous la forme d’un jugement de conformité ou d'un signal d’alerte.
Lors de la comparaison des résultats obtenus avec la méthode enzymatique rapide Coliplage® et des dénombrements réalisés avec la méthode miniaturisée ISO 9308-3, les discordances rencontrées étaient essentiellement des cas de surévaluations de la charge bactérienne par la méthode Coliplage®. Les différentes recherches bibliographiques ainsi que des expérimentations en laboratoire ont conduit à émettre deux hypothèses quant à l’origine de ces surestimations :
- Les Escherichia coli rejetées dans le milieu naturel (eau de mer/eau douce) subissent un stress (température, salinité, …) plus ou moins important selon les conditions du
milieu. En réponse à ce stress, ces bactéries adoptent un état physiologique communément appelé l'état viable non cultivable (VNC). Les bactéries perdent alors leur capacité à se multiplier, sans pour autant perdre toute activité métabolique. Ces bactéries sont néanmoins indicatrices de contamination fécale.
– Des microorganismes autres qu’E. coli mais possédant l’activité glucuronidasique (dits MUG +) peuvent être présents dans certains échantillons. On parlera alors de faux positifs. L’étape de sélection par incubation 48 heures à température élevée (44 °C) ne leur permet pas de se multiplier lors de l’analyse par microplaque, alors qu’en une heure sans sélectivité à la température, leur activité enzymatique est prise en compte par les méthodes rapides (dont Coliplage®). Des bactéries (Shigella spp, Salmonella spp, Citrobacter spp, …) de la même famille qu’E. coli (entérobactéries d'origine fécale pour certaines) ont pu être identifiées dans la littérature scientifique comme possédant cette activité enzymatique (β-D-Glucuronidase), mais d'autres espèces bactériennes, des algues et des plantes sont également suspectées de la posséder.
Ces surestimations ne sont néanmoins pas un inconvénient majeur pour les méthodes enzymatiques rapides. En effet, la méthode, malgré ces résultats, se veut avant tout préventive. L’essentiel étant de pouvoir détecter une contamination fécale en temps réel afin de mettre en place rapidement une gestion adaptée du site de baignade et à moyen terme des zones de rejet, et non de proposer une estimation précise de la charge bactérienne.
Les limites des méthodes enzymatiques démontrent l’importance d’intégrer le résultat analytique dans un ensemble d’indicateurs représentatifs du contexte environnemental du site de baignade.
vii. Avantages de la méthode
La méthode Coliplage® ne comporte aucune étape de mise en culture et permet ainsi un gain de temps considérable par rapport aux méthodes classiques d’incubation sur milieu gélosé (temps de réponse compris entre 24 et 48 h), puisqu’elle permet d’obtenir un résultat en moins de 60 minutes. Cette méthode présente de nombreux avantages :
- • Sa rapidité (résultats en 1 heure après arrivée des échantillons au laboratoire) ;
- • Sa mise en œuvre permettant de disposer de laboratoire de proximité, et de délai de transport < 2 heures ;
- • Les référentiels sont établis en corrélation avec la méthode normalisée ISO 9308-3 ;
- • Sa représentativité (analyse de 100 mL d’échantillon) ;
- • Sa reproductibilité ;
- • Le fait qu’il s’agit d’un outil qualitatif essentiel pour une gestion active des eaux de baignade.
La méthode Coliplage® est aujourd'hui la seule méthode à posséder toutes ces caractéristiques.
La méthode Coliplage®, depuis son application en routine, s'est révélée être un très bon outil de gestion active des pollutions fécales en zone de baignade.
La durée d’analyse d'une heure permet d’avoir les résultats dans la matinée et d’établir la qualité d’eau d’une plage avant midi. En cas de contamination ponctuelle, la plage pourra être fermée rapidement, et sa réouverture sera également plus rapide. Conjointement, un suivi de la dispersion de la pollution est possible en réitérant les analyses à des intervalles de temps réguliers au cours de la période de crise. Cette durée d’analyse constitue un avantage évident pour les élus, soucieux de la qualité de leurs eaux de baignade.
La méthode est également peu coûteuse, et l’appareillage nécessaire se limite à un spectrofluorimètre. Elle est simple d’application et accessible à tous expérimentateurs. Elle peut être facilement mise en œuvre dans un laboratoire de microbiologie classique à proximité des zones de baignade.
viii. Expérience en France
La méthode a été mise en place en France en 2004, avec chaque année un nombre croissant de sites concernés. En 2008 plus de 150 sites de baignade ont été suivis suivant la démarche de gestion active de Veolia intégrant la méthode Coliplage® (figure 13). Plus de 3 700 analyses Coliplage® ont déjà été réalisées sur la période estivale, et plus de 750 analyses ont été réalisées conjointement avec la méthode ISO 9308-3. Ces données ont permis d’établir un bilan général de la saison estivale 2007 pour lequel les deux méthodes ont montré des taux de concordance décisionnelle (en termes de dépassement de la valeur impérative des 2 000 bactéries/100 mL) de plus de 90 %.
En 2008, la méthode Coliplage sera de nouveau proposée et utilisée sur le littoral français par les communes partenaires de Veolia.
Conclusions et perspectives
Veolia Eau a mis en place une démarche de gestion active de la qualité des eaux de baignade depuis maintenant quatre saisons estivales. Cette offre de service, fondée sur des outils techniques et organisationnels, se propose d’accompagner les collectivités dans leurs prises de décisions au quotidien quant à l’évaluation des risques sanitaires pouvant affecter ponctuellement les sites de baignade. À l’instar des évolu-
Selon les dispositions actuelles de la réglementation, cette offre de service s'articule autour de quatre grands axes :
- » l'étude des zones de baignade et leurs sources potentielles de pollution avant l'été afin d'établir un « profil de vulnérabilité » ;
- » une surveillance estivale des sources de pollution potentielles et de la qualité des eaux de baignade par la méthode Coliplage® ;
- » des plans de gestion des situations de crise en cas de fermeture provisoire de la baignade comprenant un volet communication envers les usagers de la plage ;
- » un bilan après chaque saison estivale permettant de dresser les voies de progrès de la démarche tant du point de vue technique qu'organisationnel.
La méthode Coliplage® développée par Veolia s'est révélée être, depuis son application en routine, un très bon outil de gestion active des pollutions fécales en zone de baignade. Sa rapidité (1 heure), associée au faible coût et à sa facilité de mise en œuvre et de réalisation, font que la méthode Coliplage® est particulièrement adaptée pour apprécier, en temps réel, la qualité microbiologique d'une eau et permettre alors une gestion active des sites de baignade.
Veolia Eau participe également à un partenariat entre l’Association Nationale des Élus du Littoral, l'Association Nationale des Maires des Stations Classées Communes Touristiques, les différents ministères, la Lyonnaise des Eaux, la Saur, les DDASS, les agences de l'eau et des élus afin d’élaborer une certification publique de système de gestion de la qualité des eaux de baignade.
L'objectif de cette certification est d’entrer dans un système d’amélioration continue de la qualité des eaux de baignade et de l’information au public avec pour conditions minimums le respect de la nouvelle directive 2006. Cette certification vise à faire progresser les collectivités en les aidant à se mettre en conformité avec la réglementation, avec par exemple, la réalisation des profils des sites de baignade.
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