Le traitement des lixiviats requiert une bonne maîtrise des différents procédés de traitement et une expertise particulière pour associer ou combiner les différents procédés les uns avec les autres de façon optimale. Les concepts d'épuration qui ont fait leurs preuves dans d'autres domaines du traitement des eaux usées ne s'appliquent pas dans ce contexte ou seulement partiellement. Explications.
Les installations de stockage et de prétraitement des déchets ménagers (ISDND, bioréacteurs ou autres) produisent des eaux résiduaires fortement chargées appelées lixiviats. En plus des charges organiques, exprimées par les paramètres DCO et DBO, s’y trouvent des concentrations élevées en azote ainsi qu’une teneur élevée en composants anorganiques. Depuis maintenant environ 25 ans, on dispose d’expériences concernant le traitement des lixiviats dans les décharges. Pendant toute cette période, différents procédés ont été mis en place. On peut distinguer des procédés qui réduisent les polluants et des procédés qui les concentrent. Parmi les procédés qui les réduisent, on trouve le traitement biologique, l’adsorption sur charbon actif ainsi que l’oxydation chimique. Les procédés qui concentrent les polluants sont l’osmose inverse, la nanofiltration ainsi que le traitement thermique des eaux usées. À cause de leur complexité, les installations destinées à l’oxydation chimique ainsi que celles servant à l’évaporation et au séchage jouent un rôle secondaire. La rentabilité des procédés qui concentrent les polluants est souvent déterminée par le traitement des déchets produits lors de ces procédés.
Procédés biologiques
Le traitement biologique a fait ses preuves en ce qui concerne l’élimination de la charge biodégradable et des composés azotés. Dans la plupart des cas, il faut employer une méthode de traitement en aval de la biologie, car une épuration plus approfondie est requise. Il est alors particulièrement intéressant de réaliser un traitement avec la technique Biomembrat® (combinaison de biologie et de membranes de filtration), car la séparation de la biomasse par une technique membranaire conduit à un effluent optimal, exempt de matière solide. Une rentabilité élevée est alors possible par la réduction du volume des bassins de l’étape biologique ainsi que par des économies réalisées au niveau des techniques de traitement en aval.
Lors de la conception d’une station de traitement biologique des lixiviats, on ne peut utiliser que de façon restrictive les connaissances acquises dans le cadre du traitement d’eaux usées urbaines et l’équipement technique correspondant. Les concentrations élevées en chlorure impliquent l’utilisation de matériaux spéciaux. En raison des changements dans le temps des
Concentrations dans l’alimentation et de la nature des polluants, la qualité de décantation des boues activées est variable. Les concentrations élevées d’azote provoquent des modifications importantes et rapides de la valeur du pH, qui obligent la mise en place d'un dosage de différents produits chimiques. Selon les conditions atmosphériques, il peut être utile de couvrir les cuves pour éviter un refroidissement important des grands bassins biologiques ou des réacteurs SBR. Il faut se méfier des aérateurs de surface à cause de leur implication dans le refroidissement des bassins et dans l'apparition de mousses. Les systèmes d’aération à diffuseurs fines bulles nécessitent beaucoup d’entretien et peuvent donner lieu à des dépôts et des obstructions.
Une station d’épuration Biomembrat® réduit certes quelques-unes de ces difficultés, cependant il faut prendre en considération certaines conditions limites lors de la conception. La concentration élevée en biomasse entraîne des taux de conversion plus élevés par unité de volume. Mais en même temps, les transferts de matières dans l’espace réactionnel sont défavorisés par une trop grande concentration. Il faut alors prévoir un système d’aération optimal. Une meilleure exploitation de l’oxygène est possible en utilisant des bassins ayant une profondeur ou une hauteur totale d’au moins 8 mètres, accompagnés d'un système d’aération adapté. Les injecteurs sont spécialement appropriés à l’aération des systèmes ayant une concentration en biomasse élevée. Ces systèmes permettent aussi d’approvisionner en oxygène les zones inférieures de l'espace réactionnel. De plus, ces systèmes d’aération sont recommandés lorsque les conditions de traitement sont difficiles, comme c'est le cas pour les lixiviats, car il ne demande que très peu d’entretien. Le taux de conversion nettement plus élevé par unité de volume réactionnel implique un dégagement de chaleur qu’il faut prendre en compte dans le bilan énergétique. La biodégradation dégage une chaleur importante qui conduit en été à des augmentations de température de plus de 40 °C dans les réacteurs compacts. Afin de garantir une nitrification stable, il faut donc prévoir le refroidissement de la station.
Le marché actuel offre différents systèmes de membranes servant à la séparation de la biomasse dans des stations d’épuration à technologie Biomembrat®. Lors du choix des membranes, il faut prendre en considération que ces stations sont exploitées dans la pratique avec des concentrations de solides entre 10 et 25 g/l. Par conséquent, il est recommandé de choisir un module robuste et peu sujet au colmatage.
Les membranes tubulaires organiques avec un canal d’écoulement de plus de 8 mm ont fait
leurs preuves. Un grand nombre de membranes tubulaires organiques sont reliées ensemble puis insérées dans un tube de pression, le module. La durée de vie des membranes utilisées dans les lixiviats est de 3 à 6 ans.
Il existe aussi des membranes en céramique servant à séparer la biomasse. L’avantage de ces membranes est leur durée de vie élevée, 8 ans. En fonction de la production, on ne peut utiliser ces membranes qu’avec un canal d’écoulement très restreint (1,5 ; 3,0 ; 6,0 mm). La demande énergétique augmente de façon exponentielle à cause de leur section d’écoulement restreinte. Les prix des membranes en céramique sont beaucoup plus élevés que ceux des membranes organiques. L’avantage d’avoir une durée de vie plus élevée avec ces membranes est donc neutralisé par des frais d’achat plus élevés.
Les membranes immergées ne jouent qu'un rôle secondaire. Seuls de faibles rendements en perméat peuvent être atteints, en raison de conditions de filtration défavorables et du faible effet de nettoyage, normalement permis par un écoulement tangentiel. L’installation d'importantes surfaces membranaires est critique, en raison du danger potentiel d’avoir beaucoup d’espèces anorganiques. La manutention et la fréquence des lavages jouent en défaveur de cette technologie lorsqu’on la compare à un système de filtration tangentielle, qui présente une efficacité de nettoyage bien meilleure.
Indépendamment de la mise en œuvre de l’étape biologique, il faut s’attendre à la for-
Formation de mousses selon l'origine des lixiviats à traiter et de la forte aération nécessaire. Des mesures efficaces doivent être mises en œuvre.
Procédés d’adsorption
L'adsorption sur du charbon actif est souvent employée au cours d'un pré-traitement biologique pour l’élimination de la charge en DCO et AOX. Pour ceci, on utilise des granulés de charbon, réactivables dans des installations thermiques, ce qui évite la production de déchets et le traitement qui en résulterait.
La plupart des installations de traitement par charbon actif sont situées en Europe de l'Ouest, car ce sont dans ces pays que l'on trouve les installations de réactivation. Dans certains pays, il est interdit de recirculer le concentrat sur la décharge ; le traitement par adsorption sur charbon actif apporte alors dans ce cas un avantage par rapport aux techniques membranaires. Les coûts entraînés par un traitement externe du concentrat affectent la rentabilité des procédés membranaires.
Procédés à membranes
Nanofiltration
Les unités de nanofiltration sont employées comme deuxième étape de traitement après le traitement biologique. Étant donné que ces membranes laissent passer les ions monovalents, il n'est pas possible de retenir ni les chlorures, ni l’azote ammoniacal. Cette technologie n'est donc utilisable que s'il n’existe pas de norme de rejet par rapport aux chlorures. Si le procédé biologique mis en place en amont est performant, l'unité de nanofiltration permet d’atteindre d’excellentes valeurs de perméat (DCO < 100 mg/l). Si le retour des concentrats sur la décharge n’est pas permis, les concentrats peuvent être recirculés au niveau de l’étape biologique, après avoir été traités par charbon actif. Ce procédé est toutefois breveté par Wehrle Umwelt et ne peut être utilisé librement.
Installations d’osmose inverse
Les installations d’osmose inverse peuvent être employées dans le traitement des lixiviats, avec ou sans étape biologique en amont. Le plus souvent, les concentrats sont reconduits sur la décharge. Lorsque cela n’est pas possible, il faut alors étudier le traitement des concentrats en portant une attention particulière à l'impact que cela engendre sur la rentabilité du procédé total. Ces installations sont vraiment compactes et peuvent être construites dans des containers, en tant que procédé unique de traitement. Comme il s’agit d’un procédé purement physique, cette technologie offre une grande stabilité.
Installations d'osmose inverse & pré-traitement biologique
En cas d'une charge élevée des lixiviats en pollution organique et en azote, on recommande un pré-traitement biologique, ceci augmentant la rentabilité du procédé.
Afin d’élever la solubilité des espèces anorganiques dans l’osmose inverse, on diminue la valeur du pH dans l’effluent entrant.
On évite ainsi des précipitations dans l’unité d’osmose.
Avec une dégradation biologique complète de l’azote, on arrive à une réduction considérable du pouvoir tampon des lixiviats.
Ceci permet de diminuer la consommation d’acide au niveau de l’osmose inverse.
Étant donné que les concentrations en azote sont faibles après l’étape biologique, un étage de traitement membranaire est en général suffisant pour atteindre les normes de rejet désirées.
Comme la concentration des espèces organiques facilement biodégradables est réduite grâce à la biologie, l’encrassement des membranes est plus faible.
La fréquence et l’intensité des lavages diminuent et la durée de vie des membranes s’allonge.
La destruction biologique des liaisons facilement dégradables permet d’augmenter la performance des membranes.
Ceci réduit les besoins spécifiques en énergie, ainsi que la surface membranaire nécessaire.
Si l’étape de biologie est exécutée en tant que « biologie membranaire », on peut utiliser des membranes spiralées bon mar-
ché. Comparées aux membranes disques, leur prix est nettement plus avantageux. Les coûts d’investissement d'une installation à membranes spiralées compacte sont moins élevés.
Installations d'osmose inverse sans pré-traitement biologique
Pour des lixiviats présentant une charge faible à moyenne, on peut installer une installation d’osmose seule, sans pré-traitement biologique. En éliminant l’étape de traitement biologique, il est vrai que l'on augmente un peu les coûts de l’unité d’osmose, mais la suppression complète du procédé biologique permet d’obtenir un procédé final tout à fait rentable. De telles installations sont également adaptées au traitement d’eaux fortement chargées, si leur épuration est limitée dans le temps. Selon les concentrations en azote dans l’alimentation et selon les normes de rejet à respecter, on construit des unités d’osmose à deux ou trois étages. Dans ce cadre, il faut aussi prendre en compte la température. Quand les installations sont installées dans des régions chaudes, il faut penser au fait que la rétention des composés azotés chute lorsque l'on a des températures de fonctionnement élevées. Cet effet peut avoir une importance si grande qu'il peut s’avérer utile de prévoir un autre étage au sein de l’installation.
Conclusion
L'épuration des lixiviats provenant des centres d’enfouissement technique est l'une des tâches les plus exigeantes du domaine du traitement des eaux usées. Pour pouvoir trouver la meilleure solution de traitement, un grand savoir-faire et de vastes expériences concernant les différentes techniques de procédés sont indispensables. Ce sont les conditions requises pour réussir à combiner les différents procédés les uns avec les autres de façon optimale. Les concepts d’épuration ayant fait leurs preuves dans d'autres domaines d’eaux usées ne s'appliquent pas dans ce contexte ou seulement partiellement.
Si l'on place la problématique sur la base des quantités produites, on risque de commettre une erreur. Ces quantités sont certainement négligeables si on les compare à celles d’une station de traitement communale. Toutefois, si l'on convertit la charge d'une décharge en équivalent-habitant, on peut alors être surpris de l'importance de l'épuration qui est nécessaire.
Au final, il ne reste qu’à recommander de s’entretenir le plus tôt possible avec des sociétés sérieuses et spécialisées. Ce faisant, il est préférable de participer à une bonne consultation plus que de réaliser une vente trop rapide. ■