En 1999, l'Assemblée des départements de France (ADF) a décidé de réaliser des inventaires dans 7 départements pilotes pour explorer la faisabilité d'un inventaire à cette échelle ; l'objectif étant la mise en place d'une gestion patrimoniale et la programmation des opérations de renouvellement. Le Bas-Rhin a été un des départements pilotes. En 2000, la collecte exhaustive de données a été réalisée sur un territoire de 623 000 habitants en zone rurale et villes moyennes : 50 000 tronçons, soit 6 300 km et 14 000 ouvrages ont été enregistrés. L?objectif du Bas-Rhin était de collecter un maximum d'information sur la conduite, son environnement, ses équipements et son historique de défaillances. L?enquête a été réalisée par plusieurs acteurs locaux. La richesse de la base de donnée a permis la réalisation d'une analyse de données sur un échantillon de 100 services d'eau, soit 10 994 tronçons, pour rechercher le lien entre la survenance des défaillances et les différents paramètres d'environnement en vue de proposer des politiques de renouvellement à l'échelle départementale?
Caty Werey, Cemagref-ENGEES Isabelle Mellac-Beck, CG67 Jean-Paul Villette, Beta ULP
En 1999, l’Assemblée des Départements de France (ADF) a décidé de réaliser des inventaires dans 7 départements pilotes pour explorer la faisabilité d'un inventaire à cette échelle ; l’objectif étant la mise en place d’une gestion patrimoniale et la programmation des opérations de renouvellement. Le Bas-Rhin a été un des départements pilotes.
En 2000, la collecte exhaustive de données a été réalisée sur un territoire de 623 000 habitants en zone rurale et villes moyennes : 50 000 tronçons, soit 6 300 km, et 14 000 ouvrages ont été enregistrés. L’objectif du Bas-Rhin était de collecter un maximum d'information sur la conduite, son environnement, ses équipements et son historique de défaillances. L’enquête a été réalisée par plusieurs acteurs locaux. La richesse de la base de données a permis la réalisation d’une analyse de données sur un échantillon de 100 services d’eau, soit 10 994 tronçons, pour rechercher le lien entre la survenance des défaillances et les différents paramètres d’environnement en vue de proposer des politiques de renouvellement à l’échelle départementale.
Au niveau du contexte régional, le département du Bas-Rhin compte 1,26 million d’habitants (RG 1999) sur une superficie de 4 755 km². Ses 526 communes sont organisées en 146 services d'eau. Une spécificité départementale est l’existence du SDEA (Syndicat des Eaux et de l’Assainissement du Bas-Rhin) qui regroupe 176 collectivités membres totalisant 433 communes, qui s’occupe du contrôle, de l'entretien et de l’exploitation des ouvrages d'eau potable et/ou d’eaux usées pour l'ensemble des membres et jusqu’au transfert total de compétences pour certaines collectivités. L'ensemble des réseaux d'eau potable représente un total de 7 300 km.
La Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS), constituée de la ville de Strasbourg et de 11 communes périphériques, soit 404 000 habitants sur 155 km², ce qui représente 1 000 km de conduites, constitue la collectivité la plus importante. La CUS et le SDEA étaient déjà en possession de données informatisées de leurs réseaux au démarrage de l'opération.
Pour ce qui est du contexte national, un premier inventaire avait été réalisé en 1998 pour le département de la Manche sous l'impulsion de la Fédération des Canalisateurs de France. Les données collectées concernaient la longueur, la date de pose, le matériau et le diamètre. L’évaluation du patrimoine et des propositions pour le renouvel—
Tableau 1 : Principaux paramètres dans la base de données
l’aiment avait été réalisée (Cador, 1998). Le cahier des charges pour les 7 autres départements pilotes était de recueillir le même type d’informations et d’évaluer la valeur du patrimoine.
Les travaux de recherche existants permettaient d’envisager l’enrichissement des paramètres avec des données d’environnement et de contexte socio-économique. Ainsi différents modèles de vieillissement prenaient en compte les caractéristiques de la conduite et son environnement (Bremond B., Eisenbeis P., 1992), la fonctionnalité hydraulique du tronçon (Berthin S., 1994) et l’environnement socio-économique (Werey C., 2000). Il existait des approches multicritères prenant en compte des critères de types différents. L’ensemble de ces approches avait été développé essentiellement sur des réseaux urbains (Eisenbeis P., Le Gauffre., 2002).
Méthodologie développée
À l’échelle d’un département, les territoires sont plus différenciés et les zones rurales peuvent présenter des spécificités propres au niveau de l’urbanisation et de la structure des réseaux. Le Conseil Général du Bas-Rhin a donc décidé, au démarrage de l’opération pilote, de ne pas se limiter à pouvoir donner une image de ses réseaux en 2000 mais de saisir l’opportunité pour mettre en place une politique de recueil de données sur l’ensemble du territoire et d’élaborer des propositions de renouvellement adaptées au milieu rural pour avoir une vue d’ensemble des besoins financiers et d’imaginer une éventuelle politique d’aide propre à ce type d’investissement.
La collecte de données a donc été réalisée sur l’ensemble du département hors CUS, qui possédait déjà ses données sur SIG. Ces dernières ont cependant été intégrées dans les documents de présentation générale de l’inventaire départemental du Bas-Rhin.
Structure de la base de données
Elle a été inspirée des travaux de recherche précédemment identifiés pour collecter un maximum d’information sur la conduite, son environnement ainsi que sur les défaillances et les travaux de renouvellement ou de réhabilitation, et des données d’ordre administratif et géographique.
Le tronçon a été défini comme une partie de conduite pour laquelle l’ensemble des données recueillies est homogène et située dans une même rue ; ce qui donne des tronçons de longueur très variable.
La base de données comprend 25 paramètres, dont les principaux sont présentés dans le tableau 1 (voir ci-dessus).
La finalisation informatique de la base de données a été réalisée par le cabinet Diadème Ingénierie.
Le recueil des données
Les enquêtes et la saisie ont été réalisées par 3 acteurs différents : les services techniques du CG67, le SDEA pour 309 communes et le bureau d’études Berest pour 70 communes, de mai à décembre 2000.
Chaque partenaire avait sa propre méthode :
– Pour le CG67, 5 personnes étaient impliquées dont 2 recrutements spécifiques à l’opération. Il y a eu rencontre avec chaque service avec interview directe. Bien souvent les informations collectées n’étaient même pas répertoriées sur un support (plan, cahier…). Dans la mesure du possible, le nombre de branchements a été compté pour chaque tronçon. Les informations sur les défaillances n’étaient pas homogènes d’un réseau à l’autre.
– Pour le SDEA, 2 personnes ont été embauchées et une dizaine de personnes ont été sollicitées. Certains réseaux étaient sur SIG et l’ensemble des plans était regroupé dans les centres d’exploitation. Le recueil de données s’est effectué par interview des 5 responsables de centre. Des données agrégées ont été utilisées pour certains paramètres tels que le terrain en place à l’aide de cartes géologiques, ou le nombre de branchements connu à l’échelle de la rue et répartis proportionnellement à la longueur des tronçons d’une même rue. Les défaillances étaient saisies sur support informatique depuis 1995.
– Pour Berest, 3 personnes ont été mobilisées en fonction de la zone géographique.
Tableau 2 : Valeur des scores pour chaque modalité des 5 variables
Période de pose
| P20 (< 1930) : 355 |
| P60 (1960-69) : 167 |
| P30 (1930-39) : 167 |
| P50 (1950-59) : 151 |
| P70 (1970-79) : 73 |
| P40 (1940-49) : 18 |
| P90 (1990-99) : 14 |
| P80 (1980-89) : 14 |
Classe de longueur
| L5+ (< 15 m) : 126 |
| L4 (89 m < longueur ≤ 151 m) : 137 |
| L3 (59 m < longueur ≤ 89 m) : 94 |
| L2 (32 m < longueur ≤ 59 m) : 27 |
| L1+ (≤ 32 m) : 0 |
Matériau
| Fonte : 173 |
| PVC : 28 |
| Autre : 0 |
Présence de défense incendie
| Oui : 157 |
| Non : 0 |
Présence d’équipement
| Oui : 129 |
| Non : 0 |
dans laquelle ils intervenaient comme maîtres d’œuvre pour les collectivités. Il n’y a pas eu d’embauche spécifique. Les défaillances étaient recueillies à partir des bordereaux d’intervention en leur possession. Des compléments d’informations ont été recueillis dans les différents services d’eau.
On peut constater une méthode spécifique à chaque prestataire, avec dans certains cas des embauches souvent de jeunes diplômés et dans d’autres cas l’implication de personnel expérimenté mais moins disponible. La qualité de l’information est également variable sur les 3 acteurs et même au sein du SDEA entre les collectivités saisies sur SIG (env. 100 services) et les autres.
Résultats et analyse de données (Janel & al., 2001 ; CG67, 2002)
Inventaire 2000
L’objectif de l’inventaire était d’une part de rassembler le maximum d’informations, en ne prenant en compte l’information que si elle était disponible, pour donner une image du département 67 en 2000 après intégration des données de la CUS, d’autre part, d’identifier un échantillon satisfaisant au niveau taille et homogénéité de l’information pour réaliser une étude statistique en vue d’étudier les facteurs de vulnérabilité. Les réseaux saisis sur SIG au SDEA ont été retenus et cet échantillon a été considéré comme représentatif du département dans son ensemble.
Ainsi les résultats de cette opération sont d’abord une vue d’ensemble du patrimoine AEP : les conduites, les stations de pompage, de stockage ou de traitement. L’évaluation des réseaux a été réalisée en valeur à neuf 2000 en tenant compte des caractéristiques des conduites et du milieu de pose. L’ensemble du parc canalisations a été évalué à 2 milliards d’euros.
L’échantillon étudié en analyse de données représente quant à lui, 101 services, 10 994 tronçons soit 1 063 km de conduites, avec 1 102 défaillances entre 1995 et 2000 concernant 834 tronçons.
Analyse de données
L’historique de données étant très court, c’est la variable « présence de défaillance(s) » qui a été considérée et non le « nombre de défaillances ».
L’échantillon a été étudié d’une part en intégralité et d’autre part plus spécifiquement pour les matériaux fonte et PVC représentant respectivement 69 % et 29 % de l’échantillon.
Des « Analyses Discriminantes sur variables qualitatives » et des « segmentations par arbre de décision binaire » ont conduit à des résultats notables.
Une fonction score à 5 variables est présentée dans le tableau 2.
Le score qui peut s’interpréter comme un indice de vulnérabilité d’un tronçon est obtenu en faisant la somme des contributions des 5 variables.
Le tableau 3 présente les scores obtenus sur l’ensemble des tronçons de l’échantillon répartis en 10 classes. Sur l’ensemble de l’échantillon 7,6 % des conduites ont eu une défaillance (données de 1995 à 2000) alors que dans la catégorie 10, 33 % des conduites ont eu une défaillance. Les classes 9 et 10 représentent les tronçons « à risque ».
La méthode de segmentation par arbre : partant de la variable à « expliquer » : défaillance/pas de défaillance, il s’agit de fragmenter, segmenter, la population avec d’autres variables afin d’obtenir des sous-groupes les plus intra-homogènes/extra-hétérogènes. Les résultats pour l’échantillon fonte sont présentés sur la figure 1.
Ainsi les tronçons de longueur supérieure à 89 m, posés de 1920 à 1939 et de 1950 à 1969, présentent une probabilité d’avoir une défaillance sur 5 ans de 22 % : c’est la classe à risque.
L’analyse de données aboutit à des résultats importants, mais le rôle de la longueur pourrait montrer que cette variable devrait être liée à des données démographiques et d’urbanisation. Ces éléments semblent effectivement présenter une certaine importance si
Lorsqu’on s’en réfère aux résultats obtenus dans la synthèse réalisée sur les huit départements pilotes qui a établi une corrélation entre la longueur du réseau et la densité de population (Cador 2002).
Propositions pour le renouvellement
Différentes politiques de renouvellement ont été étudiées autour de deux stratégies. La première consiste à maintenir le patrimoine dans son état, à partir des données d’inventaire uniquement ; la seconde à limiter les coûts d’exploitation liés aux défaillances à partir des résultats de l’analyse de données. Le renouvellement des conduites les plus anciennes permet de maintenir l’âge moyen du patrimoine, qui est de 39 ans, la conduite la plus ancienne ayant été posée en 1875. C’est la méthode la plus simple.
Si l’on considère à la fois l’âge et le coût de renouvellement, on peut obtenir un résultat plus fin en raisonnant sur la durée de vie et la durée de vie résiduelle. La difficulté est de considérer une durée de vie réaliste, pas seulement celle donnée par le cadre comptable, mais une durée de vie technique fonction de l’environnement de la conduite.
Ces deux méthodes peuvent être utilisées sur les données d’un service également.
La seconde stratégie consiste à exploiter les résultats de l’analyse de données et à prendre en compte les classes de défaillances qui ont été définies. Les résultats de l’analyse de données sur l’échantillon ont été extrapolés à l’ensemble des données de l’inventaire ; c’est-à-dire que, pour chaque tronçon, a été calculé un indice de vulnérabilité ou score. Ceci a permis le classement de l’ensemble des tronçons dans les catégories identifiées par l’analyse de données. Ainsi les conduites de plus de 89 m posées entre 1920 et 1969 représentent 2,285 km, évalués à 429 M€.
Au niveau du scoring, les résultats de l’analyse de données ont permis de scinder l’échantillon en trois parties en fonction de la valeur de score. Ainsi, le niveau des tronçons à risque correspond au tronçon dont le score est supérieur à 700 (soit 13 % de l’échantillon avec 22 % de tronçons défaillants). Sur l’ensemble de l’inventaire cela correspond à 1,668 km évalués à 2 Md€.
Cette approche est globale et ne peut pas être transposée telle quelle à l’échelle d’un service.
Ces approches permettent de définir les besoins en renouvellement qu’il convient d’envisager dans le cadre d’une programmation pluriannuelle selon les possibilités financières des services.
Conclusion
L’inventaire des réseaux d’eau potable réalisé par le département du Bas-Rhin est une expérience intéressante qui a permis de collecter un nombre important de données sur un large territoire et de les regrouper dans une même base de données.
Le même exercice a été réalisé en 2003 sur les réseaux d’assainissement à l’initiative du CG67 avec un travail d’analyse de données et un travail exploratoire sur les politiques de renouvellement.
L’ensemble des données sert d’appui à la mise en place d’une nouvelle politique départementale pour l’eau et l’assainissement dans un cadre plus large de réflexion sur la politique publique du Département 67 dans une démarche appelée « Des hommes et des Territoires ».

