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Lixiviat de centre de stockage : déchet généré par des déchets

31 mars 2008 Paru dans le N°310 à la page 37 ( mots)
Rédigé par : P MOULIN, S RENOU, S POULAIN et 2 autres personnes

Les lixiviats sont des effluents toxiques issus des centres de stockage des déchets. Ils sont composés de multiples éléments organiques et minéraux. La première étape de cet article est donc de décrire les phénomènes de formation, d'origines physico-chimiques et biologiques, mis en jeu. Par la suite, une classification des lixiviats est présentée en fonction de leur composition, celle-ci pouvant s'avérer très variable. Un comparatif avec les effluents de compostage peut alors être établi. La variabilité des lixiviats se situe également au niveau des volumes produits quotidiennement, d'où l'intérêt d'anticiper leur production par le calcul d'un bilan hydrique. Le rejet de ces effluents étant soumis à des normes, il est nécessaire d'envisager un traitement par des procédés flexibles de haute performance capables d'éliminer l'ensemble des polluants.

Les lixiviats de centre de stockage, appelés “jus de décharges” résultent de la percolation, au travers du massif de déchets, de l'eau contenue dans les déchets et de celle apportée par les précipitations.

La genèse des lixiviats : un milieu très complexe

Ces eaux favorisent la biodégradation des matières organiques fermentescibles et produisent alors des lixiviats qui se chargent de substances organiques et/ou minérales provenant des déchets ou des sous-produits de dégradation des déchets. La compréhension de la genèse des lixiviats implique non seulement la connaissance de la nature des déchets enfouis et le mode d’exploitation du CSDU (hauteur des déchets, surface exploitée, compactage...), mais aussi l’étude des interactions entre l'eau et les déchets. Les mécanismes de la genèse des lixiviats sont très complexes : ils sont de natures biologique et physico-chimique.

Les processus biologiques aérobies et anaérobies jouent un rôle prépondérant dans la genèse des lixiviats. En effet, les déchets enfouis servent de substrat aux micro-organismes hétérotrophes (bactéries, levures, champignons) responsables de la dégradation de la fraction organique fermentescible. Les effets de cette activité microbiologique peuvent être multiples, directs ou indirects et déclencher des phénomènes physico-chimiques secondaires (tableau 1). Il en résulte alors une modification des conditions du milieu (pH, température, potentiel d’oxydoréduction) [1]. Ces mécanismes biologiques sont eux-mêmes influencés par les conditions physico-chimiques du milieu qu’ils tendent à modifier. La dégradation anaérobie de la matière organique est le mécanisme prédominant dans les CSDU de classe 2. Grâce à l'action biochimique des enzymes extra-cellulaires sécrétées par les micro-organismes du milieu, le contenu organique des déchets (protéines, hydrates de carbone, graisses, hydrocarbures, phénols, etc.) est dégradé en métabolites intermédiaires (polypeptides, acides aminés, amines, acides gras, aldéhydes, polysaccharides, quinones,

Tableau 1 : Effets des mécanismes biologiques sur les conditions du milieu [1]

Types d’effets
Effets directs

- Génération de métabolites solubles minéraux et organiques

- Génération de métabolites gazeux

- Réduction de la biomasse en excès

Effets indirects

- Effets sur les conditions du milieu : pH, oxydoréduction, température

- Influence de ces conditions sur la solubilisation des matières solides et la précipitation d’espèces dissoutes

- Réactions chimiques et physico-chimiques des métabolites avec le déchet ou ses produits de lixiviation

(diacides, etc.) qui seront en partie ou en totalité :

- minéralisés, par les micro-organismes aérobies, en métabolites finaux (H₂O, CO₂, HCO₃⁻, CO₃²⁻, NO₃⁻, PO₄³⁻, SO₄²⁻),

- dégradés, par les micro-organismes anaérobies, en d’autres métabolites intermédiaires constitués principalement par des acides gras volatils (AGV) monocarboxyliques à courte chaîne linéaire saturée (acides acétique, propionique, butyrique, etc.) et en métabolites finaux gazeux (responsables de l’émanation du biogaz dans les CSDU : CO₂, CH₄, H₂S) ou en solution (CO₂, NH₄⁺, S²⁻ et sulfures métalliques).

Tous ces mécanismes sont connus, en particulier dans le cas des centres de stockage de classe 2 [2].

[Photo : Figure 1 – Schéma synthétique de la biodégradation de la matière organique.]

Tant que la densité des déchets permet le passage de l’oxygène (faible compactage et absence de couverture, immédiatement après le dépôt des déchets par exemple), une fermentation aérobie se produit. Identique aux premières étapes de compostage, elle conduit à la production de CO₂, d’eau et de chaleur. La température s’élève jusqu’à 60 °C au sein de la masse de déchets. Après le recouvrement et le compactage des ordures, l’oxygène présent dans le massif de déchets s’épuise et apparaissent alors les mécanismes anaérobies, responsables de la formation de biogaz et de métabolites organiques ou minéraux solubles dans l’eau.

On distingue alors cinq phases d’évolution anaérobie : l’hydrolyse marque le passage des conditions aérobies aux conditions anaérobies : chute du potentiel d’oxydoréduction, apparition d’acides carboxyliques et augmentation rapide de la charge organique. L’attaque de la matière organique par les enzymes bactériennes conduit à un mélange de sucres simples (osides) et d’acides aminés libres qui pourront servir de nutriments dans la phase suivante (figure 2). La formation par acidogénèse des AGV à partir des produits de l’hydrolyse devient prépondérante dans la structure organique des lixiviats. Il se produit une diminution du pH, une complexation des espèces métalliques, et une consommation de l’azote et du phosphore pour la croissance de la biomasse avec production de CO₂ et de H₂.

Puis, les AGV et les alcools sont transformés en CH₃COOH, CO₂ et H₂, par acétogenèse. Les métabolites intermédiaires sont transformés en CH₄ et CO₂ par méthanogenèse. Le pH remonte sous le contrôle de la capacité tampon des carbonates. Le potentiel redox est à sa valeur minimale, les espèces métalliques précipitent. La charge organique diminue fortement en liaison avec l’augmentation de la production de biogaz.

La maturation traduit la fin des phénomènes de biodégradation, avec stabilisation de la matière organique et chute de la production de biogaz. Il y a métabolisation très lente des produits peu biodégradables avec formation des molécules complexes de type acides humiques.

[Photo : Figure 2 – Représentation schématique des différentes hydrolyses de la matière organique.]

Colin [1] distingue les principaux mécanismes physico-chimiques : dissolution (importance du degré de broyage qui modifie la surface spécifique des déchets), solubilisation selon les principaux paramètres physico-chimiques du milieu (pH, potentiel redox, capacité tampon, présence d’agents complexants, présence d’espèces co-précipitables), complexation, oxydo-réduction et adsorption dont la superposition fort com-

Le devenir de la matière minérale dans un CSDU est présenté sur la figure 3. Lors de la lixiviation, les sels solubles sont entraînés et peuvent exister en forte concentration dans les lixiviats suivant la nature des déchets enfouis. Certains ions proviennent de la dissolution, par le lixiviat, du matériel de couverture des déchets. Par exemple, sur le site de Borden (Canada), la dissolution des carbonates du sable de couverture, sous haute pression partielle de CO₂, apparaît comme la source majeure de calcium et de magnésium dans le lixiviat [3]. D’après Assmuth [4], le plomb et le zinc sont les fractions métalliques les plus lessivables tandis que le chrome, le cuivre, l’arsenic et le nickel sont plus difficilement extractibles des déchets (par ordre décroissant de difficulté). Ces différences s’expliquent par les solubilités des sulfures, hydroxydes et autres (co)précipités, par la composition minéralogique du milieu et les différents modes de complexation. D’une manière générale, la complexation des espèces métalliques se déroule lors de l’acidogénèse et celles-ci précipitent au cours de la méthanogenèse. L’influence du CO₂ sur le devenir de la matière minérale montre que ces mécanismes physico-chimiques sont intimement liés à ceux de la dégradation biologique de la matière organique.

[Photo : Figure 3 – Devenir de la matière minérale dans un centre de stockage des déchets [3].]

Tableau 2 : Variation de la composition moyenne des lixiviats en fonction de l’âge du CSDU [10]

Jeunes
Canada13 8009 6600,75,842
Canada1 8709300,56,5810
Chine, Hong-Kong15 7004 2000,277,033 000
Chine, Hong-Kong17 0007 3000,437,033 000
Chine, Mainland11 5001 2000,17,1800
Corée du Sud20 0002 0000,107,451 630
Grèce19 003-18 03 700-8 8900,34-0,517,48-51 631-800
Italie24 9003 8000,158,33 917
Grèce19 9004 0000,288,29 217
Italie10 4502 3000,226,31 500
Turquie16 920-20 20011 001-11 0000,52-0,678,7-8,782 120-2 500
Turquie35 005-60 00021 002-25 0000,545,671 200
Turquie30 760-81 4206 830-9 6500,597,781 492-2 002
Intermédiaires
Allemagne3 1801 0600,338961
Allemagne4 0008000,206,9-9,080
Canada2 190-9 1904300,076,83 500
Chine, Hong-Kong7 4391 4360,197,29 740
Grèce5 3501 0500,258,2780
Italie6 6002 1700,228,381 330
Pologne3 1401 2300,398743
Pologne1 1803310,2881 700
Taïwan6 6005000,088,15 200
Turquie9 0005 1000,568,51 270
Stabilisés
Brésil3 4601500,048,2800
Corée du Sud1 409620,047,671 522
Estonie2 1708000,3711,519
Finlande556620,117,15159
Finlande340-920840,09-0,257,16330-560
France500740,037,5430
France10030,017,5295
France1 9300,037,930
Malaisie1 533-2 58048-4050,30-0,407,59495
Turquie10 0008,61 590

Composition, évolution des lixiviats et quantification des volumes produits

Les compositions chimique et biochimique des lixiviats sont non seulement très diverses mais aussi variables dans le temps et dans l’espace. Plus de 200 familles de composés organiques ont pu être identifiées au cours des nombreuses études menées sur la caractérisation des lixiviats de centre de stockage. Parmi eux, des composés carbonés cycliques ou aromatiques, des composés benzéniques mais aussi des alcools, éthers, cétones, acides, phénols, phtalates, furanes et enfin des composés azotés, soufrés et phosphorés. Parmi toutes ces molécules, certaines, comme le chloro- et dichlorobenzène, le toluène, le styrène, le naphtalène et les xylènes, sont reconnues comme des polluants prioritaires et représentent une menace sérieuse pour l’environnement.

La composition globale des lixiviats est le plus fréquemment déterminée grâce à des analyses physico-chimiques dérivées du traitement des eaux. Cette qualité physico-chimique dépend de nombreux facteurs tels que le mode d’exploitation du CSDU.

Tableau 3 : Évolution temporelle des lixiviats [11]

Âge (année) : Jeune < 5 Intermédiaire 5-10 Stabilisé > 10
pH : 6,5 6,5-7,5 > 7,5
DCO (mg L⁻¹) : > 10 000 4 000-10 000 < 4 000
DBO₅/DCO : > 0,3 0,1 ± 0,3 < 0,1
Composés organiques : > 80 % AGV ≈ 30 % AGV + acides humiques et fulviques Acides humiques et fulviques
Métaux lourds : < 2 000 mg L⁻¹ < 50 mg L⁻¹

La composition d’un lixiviat dépend de nombreux paramètres : la conception du site, sa topographie, sa situation géographique et le degré de compaction des déchets, les variations climatiques saisonnières (précipitation, humidité, évapotranspiration…), mais surtout de la nature des déchets entreposés et du stade d’évolution du casier de déchets (âge).

Étant donnée la synergie de l’ensemble de ces facteurs, il est difficile de prédire la composition moyenne d’un lixiviat. Le tableau 2 propose, à ce sujet, les domaines de variation des principaux paramètres physico-chimiques relevés dans la littérature. Les auteurs distinguent classiquement quatre types de polluants :

  • la matière organique dissoute ou en suspension, issue de la biomasse, exprimée généralement en Demande Chimique en Oxygène (DCO) (AGV, substances humiques et fulviques…) ;
  • les micropolluants organiques (hydrocarbures, composés organohalogénés…) ;
  • les composés minéraux majeurs sous forme ionique (Ca²⁺, Mg²⁺, Na⁺, K⁺, NH₄⁺, Fe²⁺, HCO₃⁻, Cl⁻, SO₄²⁻…) ainsi que d’autres composés tels que les borates, les sulfites… ;
  • les cations de métaux lourds à l’état de traces, sous forme majoritairement complexée par des ligands minéraux (HCO₃⁻, Cl⁻, SO₄²⁻) ou organiques (macromolécules de type humique et fulvique).

Quelques remarques sont à retenir concernant la caractérisation de ces effluents :

  • la DCO varie de 70 900 à 900 mg L⁻¹, suivant le lieu et le degré de maturation du lixiviat ;
  • l’activité biologique régnant à l’intérieur de l’alvéole de stockage impose des valeurs de pH comprises, à peu d’exceptions près, entre 5,8 et 8,5 ;
  • le rapport DBO₅/DCO, qui traduit la biodégradation « potentielle » des lixiviats, diminue très rapidement avec l’âge du centre de stockage des déchets. Des valeurs proches de 0,7 sont atteintes sur les sites jeunes alors que les lixiviats vieux affichent des rapports inférieurs à 0,05. Cette diminution de la biodégradabilité est due au relargage de grosses macromolécules organiques, de type substances humiques.

Enfin, toutes ces études montrent d’une part que la majorité de l’azote est présente sous forme ammoniacale et, d’autre part, que les métaux lourds semblent très affectés par l’évolution temporelle du lixiviat. Suivant le stade d’évolution biologique des déchets, trois types de lixiviats ont été distingués [2, 58] :

  • les lixiviats jeunes ;
  • les lixiviats intermédiaires ;
  • les lixiviats âgés ou stabilisés.

Les lixiviats jeunes se caractérisent par une charge organique élevée relativement biodégradable (seuil de biodégradabilité DBO₅/DCO > 0,3) constituée principalement d’AGV. Ils peuvent être chargés en métaux (jusqu’à 2 g L⁻¹) du fait de leur pH relativement bas (< 6,5). Ils correspondent aux premières phases non méthanogènes de l’évolution d’un CSDU.

DBO₅ : Demande Biologique en Oxygène à 5 jours

Les lixiviats intermédiaires : au fur et à mesure que le CSDU vieillit et que les déchets se stabilisent, la charge organique diminue et les AGV se raréfient (20 à 30 % de la charge du lixiviat) au profit de composés de hauts poids moléculaires. L’émergence de ces composés tend à diminuer la biodégradabilité du lixiviat. De ce fait, le pH est voisin de la neutralité et la charge en métaux devient négligeable. Ces lixiviats correspondent globalement à la phase méthanogène stable.

Les lixiviats âgés ou stabilisés sont caractérisés par une faible charge organique, composée essentiellement de substances humiques (acides fulviques et humiques) de hauts poids moléculaires. Sont également présents des composés de faibles poids moléculaires tout aussi réfractaires à la biodégradation (DBO₅/DCO < 0,1). Ces lixiviats stabilisés correspondent à la phase de maturation du CSDU.

Toutes ces caractéristiques sont résumées dans le tableau 3. Ainsi, avec le temps, les teneurs en métaux des lixiviats diminuent rapidement avec les AGV. Parallèlement, le poids moléculaire des constituants organiques augmente. La présence de ces acides humiques et fulviques, fortement complexants, est responsable du transport et du comportement des principaux polluants dans l’environnement, en particulier les métaux et les polluants hydrophobes, ainsi que de la coloration brune/noirâtre des lixiviats. Les lixiviats d’un CSDU stabilisé sont donc globalement moins chargés que ceux d’un jeune centre, mais plus difficiles à biodégrader.

Tableau 4 : Variation de la composition moyenne des effluents de compostage

Origine DCO (mg L⁻¹) DBO₅ (mg L⁻¹) DBO₅/DCO pH NH₄⁺ (mg L⁻¹) Réf.
Compost de boues 132 000 71 000 0,54 7,11 [A]
Compost de déchets ménagers 177 000 87 000 0,49 6,16 [A]
Boues et déchets verts (échantillon 1) 8 440 4 370 0,52 6,9 370 [B]
Boues et déchets verts (échantillon 2) 7 220 4 730 0,65 6,9 1 750 [B]
Boues et déchets verts (échantillon 3) 18 300 7 960 0,43 7,2 1 150 [B]
Boues et déchets verts (échantillon 4) 134 000 7 950 0,06 7,5 [B]

[A] Trujillo D., Font X. & Stinchez A., Use of Fenton reaction for the treatment of leachate from composting of different wastes, Journal of Hazardous Materials, 2006, B138, 201-204.

[B] Site de compostage industriel du sud de la France.

lixiviats est présente, en général, durant les dix premières années d’exploitation du centre de stockage. La période de 30 ans prescrite par la réglementation permet d’assurer largement la collecte et le traitement des lixiviats les plus chargés. Hormis l’évolution dans le temps, la composition des lixiviats dépend de la nature des déchets enfouis, la présence ou l’absence de matière organique fermentescible étant prépondérante. Enfin, les conditions climatiques conjuguées au mode d’exploitation du site jouent sur les quantités de lixiviat produites et donc a fortiori sur leur qualité.

Afin de positionner les lixiviats dans la classification des effluents industriels, il est intéressant de les comparer à des effluents qui, au premier abord, peuvent s’en approcher : par exemple, les effluents de compostage. Au cours de la phase de compostage actif, des déchets (déchets verts, boues issues des stations d’épuration) sont biodégradés par des microorganismes pour donner notamment de l’eau appelée “jus de compost” ou plus généralement lixiviat. Comme dans les casiers de centre de stockage, ce liquide va percoler à travers les déchets et s’enrichir en composés organiques et minéraux pouvant être toxiques. La composition de cet effluent est donnée dans le tableau 4. Il apparaît clairement que ces effluents sont très variables d’un site à l’autre mais également de façon saisonnière pour un même site. Le rapport DBO5/DCO est supérieur à 0,5, ce qui démontre la forte biodégradabilité de ces lixiviats. L’ensemble des paramètres analytiques des effluents de compostage met en avant leur similarité avec les lixiviats de centres de stockage dits “jeunes”, c’est-à-dire à haute biodégradabilité.

Les méthodes de calcul du volume des lixiviats s’articulent autour de deux démarches : la simulation en laboratoire sur des casiers ou lysimètres, ou la détermination du bilan hydrique du CSDU. Les études en lysimètres permettent d’une part de maîtriser les différents paramètres du bilan hydrique et d’autre part de déterminer l’influence du mode d’exploitation de la décharge (déchets en vrac, déchets compactés, déchets déchiquetés, recirculation du lixiviat, couverture...). Une étude de Ham et Bookter [9] montre, par exemple, que les déchets déchiquetés entraînent une diminution du volume des lixiviats au détriment d’une pollution concentrée. Ehrig [6] note également que le degré de compactage et donc la densité des déchets limite l’infiltration des pluies rétruisant ainsi de 50 % la quantité de lixiviats produits.

La méthode du bilan hydrique représente une évaluation plus réaliste du volume des lixiviats. Elle constitue une “balance comptable” des entrées et sorties d’eau sur le site, pendant une durée déterminée. Son élaboration reste toutefois assez délicate car elle suppose la connaissance de la pluviométrie, mais surtout sa répartition en flux d’infiltration, de percolation, de ruissellement et d’évaporation.

[Photo : Cycle de l’eau sur un CSDU [13]]

Le cycle de l’eau sur le centre de stockage peut être étudié à l’aide de l’équation de base du bilan hydrique. Celle-ci prend en compte les différentes entrées et sorties d’eau sur le centre. L’équation de base du bilan hydrique peut s’écrire :

E = P + ED - I - ETR + Rext - Rint - AED

• E : quantité d’effluents pouvant être produite, en m³,

• P : quantité d’eau pluviale tombant sur le site, en m³,

• ED : eau de constitution des déchets, en m³,

• ETR : évapotranspiration réelle, en m³,

• I : infiltration, en m³,

• Rext : quantité d’eau ruisselant de l’extérieur du site vers les fossés de collecte des eaux de ruissellement, en m³,

• Rint : quantité d’eau ruisselant de l’intérieur du site vers l’extérieur, en m³,

• AED : variation de la teneur en eau des déchets, en m³.

Pluviométrie P : il s’agit du terme principal en ce qui concerne les apports d’eau sur le site. Les pluviométries moyenne et annuelle servent d’une part au dimensionnement des ouvrages (casiers, bassins) mais aussi permettent d’observer leur influence sur l’exploitation du site.

Eau des déchets ED : les déchets enfouis peuvent être plus ou moins humides. Dans le cas des ordures ménagères mélangées aux déchets artisanaux et commerciaux, la

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Tableau 5 : Critères minimaux applicables aux rejets d’effluents liquides dans le milieu naturel [12]

AOK : Composés Organo-halogénés adsorbables sur charbon actif. BOX : Composés Organo-halogénés extractibles.

teneur en eau (mesurée par passage à l'étuve à 150 °C pendant 2 h) est estimée à 40 % en masse. Cette valeur varie peu d'un site à l'autre.

Infiltration I : une infiltration peut se produire dans le fond du site.

Ruissellement R_ex : le ruissellement de l'intérieur vers l’extérieur du site est supposé en principe négligeable en raison de la digue périphérique délimitant les casiers d’exploitation. Un drain placé contre cette digue, côté déchets, doit permettre de diriger les eaux de percolation vers le point bas. Les éventuels ruissellements à prendre en compte sont ceux qui se produiraient par débordement.

Ruissellement R_int : d'éventuels apports d'eau par ruissellement de l'extérieur vers l'intérieur du site peuvent survenir si les fossés censés les capter sont inefficaces.

Variation de la teneur en eau des déchets

AED : la teneur en eau des déchets peut varier en raison de la pluviométrie reçue sur l'alvéole d'exploitation. Les déchets sont en effet susceptibles, en fonction de leur nature, d'absorber une certaine quantité d'eau.

Évapotranspiration réelle ETR : les dernières approches pour les calculs de bilan hydrique de centres en cours d'exploitation estiment que l'évapotranspiration issue du massif de déchets est limitée et peut souvent être considérée comme nulle, surtout si la zone d'exploitation est couverte.

L'étude réalisée par les Agences de l'eau sur l'évaluation des flux de polluants liquides générés par les CSDU d'ordures ménagères indique que, sur huit sites étanchés artificiellement en fond de casier, la quantité mensuelle de lixiviats collectée est de 177 m³ ha⁻¹ avec un écart type de 122 m³ ha⁻¹. Cette valeur moyenne correspondrait à une infiltration efficace de 212 mm an⁻¹, qui peut être reliée à P/4 (P : précipitations) ou P/3 (valeurs moyennes sur la totalité du site), formules communément utilisées par les exploitants pour estimer rapidement l'ordre de grandeur des quantités de lixiviats à collecter. Plusieurs modèles ont été développés pour étudier ce bilan hydrique, ainsi que des logiciels tels que HELP (Hydrologic Evaluation of Landfill Performance) de l'EPA (US Environmental Protection Agency), et MOBYDEC (Modèle Global de Bilan Hydrique de Décharge) du BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière) pour ne citer que les deux principaux.

Traitement des lixiviats : les normes de rejets françaises

L'arrêté ministériel du 9 septembre 1997 réglemente l'exploitation des CSDU et fixe les conditions de rejet des lixiviats vers le

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milieu naturel. Ces effluents liquides ne peuvent être rejetés dans le milieu naturel que s'ils respectent les valeurs fixées à l’article 36 de cet arrêté. Les normes minimales applicables au rejet de ces effluents en milieu naturel sont présentées dans le tableau 5. Lorsque les conditions locales du milieu récepteur l’exigent, des normes plus sévères sont fixées par arrêté préfectoral. Sont interdits de manière systématique la dilution des lixiviats et l'épandage des lixiviats, sauf cas particuliers motivés et précisés dans l’arrêté préfectoral d’autorisation.

Si l'on compare les valeurs du tableau 3 à celles du tableau 5, on constate que les filières de traitements des lixiviats doivent être très efficaces et ce pour trois raisons principales : (i) la quantité de produit à éliminer : on constate que si la composition moyenne du lixiviat s'exprime en centaine de milligrammes par litre voire en dizaine de grammes par litre, le taux de rejet doit être supérieur à 99 % pour les polluants principaux, (ii) le nombre de constituants : le lixiviat possède une composition complexe et les normes en vigueur s’appliquent sur la majorité des composés, ce qui interdit au traitement d’être sélectif pour tel ou tel polluant, (iii) la variabilité importante du lixiviat : elle provient essentiellement de la nature des déchets enfouis, du bilan hydrique (fonction des conditions locales de pluviométrie), du mode d'exploitation et de l'âge du centre de stockage, ce qui impose des contraintes supplémentaires au niveau du choix du procédé de traitement, et notamment une importante flexibilité.

Conclusion

Cet article a pour but de mettre en avant et de quantifier la problématique lixiviat : ampleur et complexité. La production de déchets par habitant et par jour est en constante augmentation et l'enfouissement dans les CSDU est encore pour longtemps l'exutoire de la majorité de nos ordures ménagères. Le traitement des lixiviats générés par ces CSDU présente aujourd’hui des enjeux économiques et financiers importants. Tout ceci conduit à plusieurs questions : existe-t-il un procédé suffisamment efficace pour répondre aux normes en vigueur ? Est-il généralisable à l'ensemble des lixiviats ou du moins à un débit journalier fixé, pour l'ensemble des CSDU ? Procédés destructifs ou récupératifs, l’avenir des concentrats ou des sous-produits issus de ces procédés sera à prendre en compte. Il semble sans trop s'avancer qu'un seul procédé ne pourra répondre à l'ensemble de ces critères du fait de la complexité et de la variabilité des lixiviats.

Nous remercions la Région PACA pour sa collaboration.

[Encart : Références bibliographiques [1] Coin, E., Étude des mécanismes de la genèse des lixiviats, inventaire et examen du colmatage des sols de laboratoire, INRA, Rapport RH 84.136, 1984. [2] Nam, L., Les lixiviats de décharge contrôlée : caractérisation analytique et étude des filières de traitement, 1986, thèse, INSA Lyon, 180 p. [3] Nicholson, R.V., I.A. Cherry, E.J. Reardon, Migration of contaminants in groundwater from a landfill, Journal of Hydrology, 1983, 63, p. 131-176. [4] Asmuth, T., Distribution and attenuation of hazardous substances in uncontaminated solid waste landfills, Waste Management and Research, 1992, 10, p. 235-252. [5] Cira, E.S., R.B. Dowle, Sanitary landfill leachates and their treatment, Journal of the Environmental Engineering Division, 1976, 4, p. 414-421. [6] Ehright, H.J., Quality and quantity of sanitary landfill leachate, Waste Management and Research, 1983, 1, p. 53-68. [7] Hansen, J., Identification of organic compounds in leachate from a waste tip, Water Research, 1983, 17, p. 679-705. [8] Aymonna, C., C. Omel, J. Véron, Landfill leachate pretreatment by coagulation/flocculation, Water Research, 1991, 25, p. 297-304. [9] Hart, R., M. Dober, Determination of dissolved solids in leachate systems, Journal of Environmental Engineering Division ASCE, 1982, 108, p. 18-24. [10] Renou, S., Conduite de procédés pour le traitement des lixiviats, thèse, Université Laval, 2001. [11] Amorena, E., Caractérisation des lixiviats de décharge : prétraitement par coagulation/floculation, thèse, INSA Lyon, 1999. [12] Journal Officiel du 2 octobre 1997. Arrêté du 9 septembre 1997 relatif aux installations de stockage de déchets dangereux et assimilés. [13] Billard, H., Centre de stockage des déchets : exploitation, Techniques de l’Ingénieur, G2 1022, 2001.]
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