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Lutte contre les légionelles : rien n'est simple !

30 janvier 2006 Paru dans le N°288 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Jean-marc RUIZ

Ce titre est une vérité première qui demande néanmoins à être explicitée. Pour ce faire, nous prendrons un exemple vécu (ô combien !...) qui concentre nombre des problèmes auxquels on se heurte dans les traitements de tours de refroidissement (ouvertes) contaminées par des légionelles.

, CEB-INDOOR SA, Lausanne (Suisse)

Ce titre est une vérité première qui demande néanmoins à être explicitée.

Pour ce faire, nous prendrons un exemple vécu (ô combien !…) qui concentre nombre des problèmes auxquels on se heurte dans les traitements de tours de refroidissement (ouvertes) contaminées par des légionelles.

Depuis 1991, CEB-INDOOR a mis au point un protocole d'étude de la qualité de l'air et de l'eau dans les bâtiments bénéficiant de traitement d'air basé sur des analyses microbiologiques d'échantillons prélevés au niveau de « sites stratégiques ». Accueillie lors de ses premiers pas avec scepticisme pour ne pas dire ironie, cette méthodologie a rapidement montré sa valeur que les problèmes croissants liés aux légionelles n’ont fait que confirmer. Dépistage, traitement spécifique des sites contaminés et contrôle de l'efficacité de ce dernier ont représenté une part importante de nos activités. Après avoir standardisé nos analyses microbiologiques, nous avons cherché à mettre en usage des méthodes de désinfection respectant autant que faire se pouvait la santé humaine et l'environnement.

Dans un premier temps, nos efforts ont porté sur l'adaptation « industrielle » de la méthode d'électro-ionisation Cuivre-Argent qui permet un traitement en continu de l'eau sans agent chimique et ce surtout pour les eaux d'humidification (laveurs d'air et surfaces de ruissellement) et les eaux de refroidissement (tours ouvertes et fermées).

Le dépistage, de plus en plus fréquent, de légionelles (essentiellement Legionella pneumophila) dans l'eau des tours de refroidissement a montré les limites de l'électro-ionisation en phase aiguë et nous a conduits à mettre en œuvre – selon des protocoles qui se sont progressivement affinés – des produits d'efficacité plus élevée et plus rapide. Nous utilisons donc depuis quatre ans essentiellement du dioxyde de chlore en phase liquide commercialisé sous le nom de Duozon 100 L en France et Abac en Suisse.

Le tableau et la chronologie ci-dessous essayent de résumer l'évolution des faits sur un système de production de froid comprenant :

  • - 2 tours ouvertes de 750 kW, équipées d'une conduite d'équilibre des niveaux
  • - 3 groupes de froid de 530 kW, dont GF1 groupe permanent, GF2 groupe d'appoint et GF3 groupe de secours
[Photo : Schéma 1 – Composition du système de production de froid.]

1 litre de Duozon et/ou Abac est égal à 100 grammes de ClO₂.

Chronologie – Flore totale ufc/litre – Legionella pneumophila/litre – Traitement par Duozon pour 5 m³ – Méthode

Chronologie Flore totale ufc/litre Legionella pneumophila/litre Traitement par Duozon pour 5 m³ Méthode
03.07.2003 3,2·10² 9,8·10²
08.07.2003 1 litre dans les tours
09.07.2003 1,6·10² 5,5·10²
11.07.2003 2 litres dans les tours
15.07.2003 4 litres dans les tours
17.07.2003 2,2·10² 3,5·10² 2 litres dans les tours
23.07.2003 12 litres dans les tours
24.07.2003 2,0·10² 4,5·10²
31.07.2003 Nettoyage et détartrage des tours + traitement du circuit à pH 14 pendant 2 heures. Puis mise en place de 2 pompes doseuses injectant directement dans les bassins des tours (cf. photos 1 et 2).
19.09.2003 3,2·10² 4,700 Traitement par ClO₂ doublé
22.09.2003 Fractionnement du temps : une injection toutes les 2 heures à raison de 50 ml de Duozon/m³
29.09.2003 6,0·10² 18 000
02.10.2003 Arrêt de l'injection du produit inhibiteur de corrosion et dispersant du calcaire
09.10.2003 1,0·10² 52 000
16.10.2003 6,6·10² 8 000
23.10.2003 7,6·10² 2 300
06.11.2003 6,2·10² 3 500
04.12.2003 7,2·10² 400
20.12.2003 Nettoyage et détartrage des tours + ouverture de la tuyauterie afin de procéder à un nettoyage mécanique des tuyaux (cf. photos 3, 4 et 5).
20.12.2003 Analyse du biofilm récupéré dans les tuyaux (5 g par cm linéaire) : 1 g de biofilm contenant ~ 40 000 Legionella pneumophila
06.01.2004 7,6·10² 100
10.01.2004 4,0·10² 1 000
02.02.2004 6,0·10² 100
22.02.2004 0 0
09.03.2004 0 0
31.04.2004 8,2·10² 0
07.05.2004 1,8·10² 0
14.05.2004 0 0
17.05.2004 8,0·10² 0
04.06.2004 2,2·10² 0
12.07.2004 1,4·10² 200
29.07.2004 Mise en place du nouveau programme (décidé en décembre 2003…) : traitement choc tous les 2 jours en milieu de nuit avec ouverture de tous les circuits et balayage de l'eau désinfectante de manière intensive pendant 1 heure.
29.07.2004 1,8·10² 0
01.09.2004 0 0 Plus de problèmes
07.12.2004 0 0 Contrôle visuel des tuyaux (Photo 6)
  • environ 100 mètres de tuyau en PPE de 300 mm de diamètre
  • contenance globale du système : 5 m³ (cf. schéma 1).

Entre le début du mois de juillet 2003, date à laquelle a eu lieu le dépistage de légionelles, et le mois de juillet 2004, date de son éradication, il a fallu un an pour obtenir un “vrai résultat” qui se maintient depuis cette date. Les étapes principales sont décrites dans le tableau ci-dessus.

Au vu de cette expérience “sur le terrain”, un certain nombre d'enseignements ont pu être tirés :

  • l'accroissement de la densité de légionelles au début du traitement n'est pas un signe d'échec ; il témoigne seulement de la libération de germes par action sur les biofilms (et le tartre éventuellement) présents dans l'installation ;
  • la charge bactérienne de l'eau n'est souvent qu'un miroir faussé de la présence réelle de la concentration des bactéries dans l'installation (cf. analyse des biofilms) ;
  • il est important de connaître le type de matériau utilisé pour la tuyauterie du fait de l'influence potentielle de certains plastiques sur le développement bactérien et des biofilms ;
  • il est absolument nécessaire de traiter l'ensemble du circuit dans un même temps ;
  • la détermination des doses de produits à utiliser doit tenir compte de tous les facteurs en cause : type de tour (ouverte/fermée), volume d'eau, schéma des circuits, matériau en place... ;
  • il est essentiel de déterminer rapidement la méthode qualitative et quantitative de traitement, automatisé (continu) dans toute la mesure du possible ;
  • le traitement en continu est, à nos yeux, la méthode la plus efficace et la plus fiable à la double condition que son “fonctionnement” soit constamment surveillé et que des contrôles bactériologiques de l'eau soient régulièrement effectués ;
  • possibilité de la présence d'éléments interférant de façon négative, notamment produits anticorrosion et antitartre...
  • en conclusion, il n'existe pas UN traitement standardisé, puisque, nous venons de le voir,
[Photo : Tour avant nettoyage du 31.07.2003.]
[Photo : Tour après nettoyage du 31.07.2003.]
[Photo : Tuyaux aller et retour (100 m) avant nettoyage mécanique du 20.12.2003.]
[Photo : Tuyau où a été prélevé le biofilm avant nettoyage du 20.12.2003.]
[Photo : Tuyau après nettoyage du 20.12.2003.]
[Photo : Contrôle le 07.12.2004 de l'encrassement des tuyaux après 12 mois de fonctionnement.]

il existe des paramètres et des facteurs particuliers à chaque installation.

Les tours sous traitement en continu peuvent parfois présenter des anomalies de ce dernier (pannes, erreurs humaines surtout...).

Notre expérience nous a montré que, dans nombre de cas, on constate alors une reprise de la contamination due, selon toute vraisemblance, soit à l'existence d'une “source naturelle” de contamination située à proximité, soit à l'existence au sein de l'installation de “cryptes de quiescence” où persistent à l'état latent des légionelles prêtes, au moindre incident, à “occuper le terrain”. Nous conseillons donc, dans une telle situation, de créer un mini-traitement choc avant de retrouver le rythme de traitement continu normal.

Près de 5 ans après le début de l'utilisation du dioxyde de chlore nous n'avons pas essuyé de véritable échec même si parfois – et l'exemple pris en est la parfaite illustration – les problèmes sont difficiles à résoudre ; mais même dans ces derniers cas, on obtient généralement un contrôle de la situation.

Précisons que, pour nous, un résultat n'est considéré comme positif qu'à la disparition totale des légionelles et non à leur maintien à une concentration < à 1 000 ufc/litre. Toute tour ayant présenté une contamination par des légionelles doit être considérée comme une tour contaminée en puissance, d'où la nécessité de maintenir sur ce type d'installations des mesures prophylactiques permanentes (en continu si possible) associées à des contrôles bactériologiques réguliers (principe de précaution).

Pour en savoir plus :

http://www.bag.admin.ch/infekt/publ/wissenschaft/flegio05_komplett.pdf

[Publicité : RER]
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