Le traitement des odeurs en ouvrages d'assainissement fait appel à des techniques diversifiées : il faut, bien souvent, coupler plusieurs procédés pour répondre aux différentes problématiques d'un site. Mais avant même d'envisager de traiter, un important travail préalable doit être effectué pour recenser les phénomènes odorants, comprendre puis prévenir leur formation, et éviter leur dissémination. Pour être efficace, cette démarche doit s'appuyer sur la métrologie des odeurs.
Par
Le traitement des odeurs en ouvrages d’assainissement fait appel à des techniques diversifiées : il faut, bien souvent, coupler plusieurs procédés pour répondre aux différentes problématiques d’un site. Mais avant même d’envisager de traiter, un important travail préalable doit être effectué pour recenser les phénomènes odorants, comprendre puis prévenir leur formation, et éviter leur dissémination. Pour être efficace, cette démarche doit s’appuyer sur la métrologie des odeurs.
Réseaux d'assainissement, stations de relevage, stations d’épuration… émettent parfois des composés odorants et volatils susceptibles de présenter un danger pour le personnel d'exploitation, une gêne pour les riverains et un risque pour les équipements et les matériaux dont ils sont constitués.
En stations d’épuration, les sources d’émissions odorantes les plus fréquemment relevées concernent les postes de relevage, le dégrillage, la filière boues ou encore les postes de dépotage des matières de vidange. En réseaux d’assainissement, les problèmes d’odeurs concernent plutôt les tronçons acheminant un effluent dont le temps de séjour est trop long, les postes de dégrillage, de relevage et les collecteurs gravitaires au débouché de certains refoulements.
« La problématique odeurs est malgré tout mieux maîtrisée aujourd'hui qu’elle ne l’était il y a une quinzaine d’années, souligne cependant Lionel Pourtier, expert reconnu en olfactométrie et directeur d’Environnement’Air. Les exploitants se sont saisis du problème, si bien que les stations d’épuration, par exemple, sont moins fréquemment sujettes aux plaintes de riverains qu’elles ne l’étaient il y a quelques années ». Les sites industriels sont également mieux tolérés. La crise est passée par là : les fermetures de sites font peur et incitent à la recherche du compromis. Les fusions ou les rapprochements, qui se sont parfois opérés au détriment de certains sites sujets à des problématiques odeurs, ont marqué les esprits.
« La priorité des exploitants est de se focaliser sur les traitements des eaux ou des boues au détriment du traitement de l’air qui y est associé qui n'est pas leur spécialité, analyse de son côté Robert Kelly, responsable du business incubator NOSE de Suez environnement. Mais les perceptions évoluent et de nombreux exploitants prennent conscience de l’intérêt qu’ils peuvent trouver à mieux maîtriser ces traitements qui représentent des coûts significatifs en termes de réactifs et d’énergie ».
Les ouvrages les plus fréquemment concernés par les nuisances odorantes évoluent peu. Outre les réseaux d’assainissement et les stations d’épuration, Lionel Pourtier cite par exemple le compostage, et plus particulièrement les “déchets verts”, improprement appelés déchets et qui souffrent de fait d’une image négative. De même, la valorisation du biogaz est désormais plus souvent la cause d’émissions fugitives de composés odorants que lorsqu’il était brûlé en torchères. « La mise en place d’unités de valorisation du biogaz qui nécessitent des teneurs en méthane importantes contraint les exploitants à ne pas extraire le biogaz trop pauvre de certains casiers. La surpression, induite par l'absence de pompage, entraîne une augmentation des fuites qui se traduit rapidement par une augmentation des odeurs et donc des plaintes associées ». Il faut prendre en compte la dualité de deux intérêts divergents : l’exploitant du site qui souhaite une exploitation exempte de nuisances, et son partenaire chargé de valoriser le biogaz qui se soucie de sa qualité. La solution consiste à recenser les relations de causes à effets entre cette dualité et ses conséquences, puis à localiser les sources d’émissions fugitives de façon à les neutraliser ou à les capter et les traiter. « La solution passe toujours par la définition d’un choix clair entre la valorisation, intéressante pour le contribuable parce qu'elle peut faire baisser le prix de la tonne de déchet entrant, et la qualité de l’extraction du biogaz, essentielle pour la qualité de vie des riverains. Il faut sans cesse rechercher un équilibre qui devra tenir compte des contextes locaux, tels que la présence des riverains et les impératifs de transformation des déchets en énergie verte », souligne Lionel Pourtier.
Disperser les nuisances odorantes en altitude
Éolage® de Delamet Environnement utilise la propulsion aérodynamique forcée en synergie avec le vent pour assurer la dispersion des nuisances odorantes en altitude.
Il assure le captage des sources surfaciques émissives et volumiques captives par aspiration au sol ou en sortie de process puis propulse les gaz et odeurs en altitude à des concentrations réduites par entraînement d’air pur en assurant leur dispersion naturelle entre 100 et 200 mètres d’altitude.
Ce procédé, simple à mettre en œuvre, présente l’avantage d’être efficace pour tous types d’odeurs ou de rejets gazeux sans qu’il soit nécessaire d’utiliser un quelconque réactif.
Reste que si, en stations d’épuration, la situation s’est globalement améliorée, les problèmes demeurent. Ils peuvent être liés à des process sensibles comme la filière boue ou résulter plus ponctuellement d’événements d’exploitation : curage de bassins, dépotage, retournement d’andains... L’émission de composés odorants peut être le fruit de dysfonctionnements, ponctuels ou structurels, ou d’événements d’exploitation.
Dans la plupart des cas, c’est la décomposition biologique des matières organiques (protéines, acides aminés) présentes dans les effluents en cours d’acheminement ou de traitement qui est en cause. Les composés odorants appartiennent à trois familles chimiques : les soufrés (sulfure d’hydrogène, mercaptans...), les azotés (ammoniac, amines...) et les oxygénés (acides organiques, notamment AGV, alcool, éthers, aldéhydes...). On trouve cependant dans ces familles des COV pas forcément odorants. L’odeur est d’ailleurs souvent le fruit de centaines de molécules différentes dont les interactions ne sont pas toujours bien connues. Le monde des odeurs conserve une large part de mystères qui expliquent sans doute qu’il soit peu ou pas enseigné dans les écoles d’ingénieurs. L’odorat et le goût restent d’ailleurs négligés par rapport à la vue et à l’ouïe. Un exemple ? Les déficients auditifs ou visuels souffrent d’un handicap reconnu et pris en charge par la solidarité nationale, ce qui n’est pas le cas des altérations de l’odorat ou du goût. La lumière et le son se laissent facilement décrire et caractériser par des grandeurs physiques simples (fréquence, intensité...) ce qui n’est pas le cas d’une nuisance odorante qui peut être constituée d’un grand nombre de composés chimiques à des concentrations très variables. Même en se limitant à des composés purs, une odeur ne se laisse pas caractériser aussi simplement par quelques paramètres. La métrologie des odeurs a largement pâti de cette complexité. Elle est pourtant à la base de toute approche méthodologique.
La métrologie des odeurs : à la base de toute approche méthodologique pour lutter contre les nuisances olfactives
« La mesure de l’air et surtout des odeurs reste trop souvent occultée, souligne Lionel Pourtier en tant que spécialiste des diagnostics olfactifs. Beaucoup de responsables environnement n’ont pas de connaissances précises en métrologie des odeurs. Que diriez-vous d’un exploitant qui aurait rédigé un cahier des charges pour traiter les eaux usées sans y indiquer des valeurs chiffrées d’objectifs en DBO, DCO, MES ? De la même façon, que diriez-vous d’un exploitant qui aurait rédigé un cahier des charges pour traiter les odeurs de son site sans y indiquer des valeurs chiffrées d’objectifs en unités d’odeurs ? ». La discipline souffre d’une subjectivité présumée, en grande partie imputable à la variabilité de ses perceptions.
La réglementation repose pourtant sur des valeurs très précises de qualité de milieu à respecter : il faut être inférieur à 5 unités d’odeur par mètre cube plus de 98 % du temps. Les émergences sont donc tolérées dans 2 % du temps. Respecter ces exigences nécessite de quantifier les émissions des différentes installations présentes sur un site.
Mais quoi mesurer, où et comment ?
La caractérisation des émissions à la source passe par la mesure de la concentration d’odeur et du débit d’odeur associé selon la norme NF EN 13725. La mesure de la concentration d’odeur permet de quantifier l’odeur de manière objective. Le débit d’odeur assure de pouvoir hiérarchiser les différentes sources émissives d’un site vis-à-vis de leur contribution relative à la nuisance.
Pour qualifier et quantifier le niveau d'intensité d'une odeur, il faut la mesurer selon les préconisations indiquées dans la norme NF X 43-103. Cette mesure permet de quantifier une odeur à un niveau supérieur au seuil de détection et de qualifier cette odeur en identifiant les informations olfactives caractérisant un mélange gazeux. Ces deux approches permettent de décrire précisément une perception odorante et d'évaluer l'exposition des personnes riveraines aux panaches odorants. L'olfactométrie permet d'appréhender l'odeur de façon globale puisqu'elle prend en compte l'ensemble des molécules chimiques à l'origine de l'odeur ainsi que le système physiologique grâce auquel l'odeur est perçue. Elle permet d'accéder à la concentration d'odeur, à son intensité, et également à la gêne olfactive via le jury de nez. Elle fournit des résultats objectifs en tenant compte des disparités de perception existant naturellement entre les individus mais elle nécessite, dans sa mise en œuvre, une très grande rigueur rendant souvent nécessaire le recours à une société spécialisée telle que Odournet, IAP-Sentic (Burgeap), Airpoll, ou Rincent Capair et Environne’ment’Air. Les approches développées par ces différentes entreprises reposent sur un ensemble de méthodologies qui peuvent varier sensiblement dans leur mise en œuvre, mais qui reposent toutes sur des méthodes normalisées.
Les capteurs physico-chimiques sont capables d'associer la présence de composés chimiques spécifiques dans un panache avec une table de concordance permettant de caractériser une odeur. Les composants les plus souvent analysés par ces capteurs sélectifs sont l'hydrogène sulfuré (H₂S), le dioxyde de soufre (SO₂) ou le méthylmercaptan (CH₃SH). L'analyse par composé chimique permet de répondre aux seuils de détection d'un panache odorant tandis que l'analyse par famille chimique permettra plutôt de surveiller un système de traitement. Autonomes, communicants et assez sensibles, ils permettent de mailler finement un site pour optimiser la surveillance de la qualité de l'air. Le système intégré CairSens, développé par Cairpol, est constitué par exemple d'un capteur de type ampérométrique, d’un système de prélèvement d'air dynamique, d'un filtre breveté et d'un circuit électronique qui permet un affichage en temps réel de la concentration mesurée ainsi qu'une sauvegarde interne des données. La fiabilité de la mesure repose sur l'association du filtre spécifique qui limite les effets de la variation de l'humidité relative sur la mesure avec l'échantillonnage dynamique. La miniaturisation et la faible consommation électrique du micro-capteur, initialement conçu pour une version portable (CairClip), permettent aujourd'hui de déployer des stations autonomes avec la version CairTub ou des réseaux sans fil avec la version CairNet.
Les nez électroniques développés, entre autres, par Alpha MOS et Odotech se différencient par le fait qu'ils sont dotés de capteurs multiples, non spécifiques, et reposent sur une analyse par empreinte chimique ou par empreinte d'odeurs. « Les nez électroniques souffrent de leur appellation qui surévalue les attentes, estime Lionel Pourtier. Ils constituent plus une mesure multi-capteurs de l'air qu'un nez à proprement parler ». « Les nez électroniques sont assez coûteux et leur seuil de détection n'est pas assez bas pour mesurer dans l'air ambiant, indique de son côté Robert Kelly chez Suez environnement. Il est difficile d'équiper l'ensemble d'un site avec un réseau de nez électroniques. Nous les utilisons plutôt pour surveiller les flux les plus importants, par exemple les exutoires des systèmes de désodorisation ». Dans le cadre de son offre NOSE (voir encadré), Suez environnement privilégie les capteurs physico-chimiques, meilleur marché, en les associant, le cas échéant, à un nez électronique. « Ces micro-capteurs sélectifs, moins coûteux, ne nécessitent quasiment pas d'entretien et peuvent, compte tenu de leur coût, être déployés sur l'ensemble des sources émissives d'un site. »
En lagunage, une DBO ou DCO élevée peut créer des conditions d’anoxies totales, génératrices d'importantes nuisances olfactives. En remontant l'hélice d'un aérateur de surface plus près de la surface, ici le Sungo d'Aquago, le brassage des eaux devient plus efficace, permettant ainsi un meilleur transfert de l'oxygène.
Les progrès enregistrés en matière de récepteurs et de biocapteurs olfactifs ouvrent cependant aux nez électroniques un champ d’applications potentiel plutôt prometteur. D’autant que les dispositifs se simplifient. Odotech a ainsi présenté à Pollutec 2014 un nez électronique mobile tout-terrain pouvant être déployé en moins d'une heure pour amorcer une mesure en continu et une surveillance des odeurs. OdoMobile intègre les fonctionnalités de la plate-forme OdoWatch et propose une modélisation des panaches d’odeurs en temps réel, des alertes en cas de dépassement de seuils et un outil de génération de rapports automatisés. Le logiciel est accessible via n’importe quel navigateur web par le biais d’un accès sécurisé.
Capteurs, nez, chacune de ces technologies présente le degré de fiabilité requis dès lors qu'il ne leur est pas demandé de faire ce pourquoi elles ne sont pas faites. Associées aux approches classiques et à l’olfactométrie, elles offrent la possibilité de réaliser ou de compléter des diagnostics pertinents.
Ces diagnostics permettent d’envisager la mise en place de solutions préventives permettant d’éviter la formation de composés odorants ou d’empêcher leur émission.
Privilégier les solutions préventives
Un lieu commun qui vaut tout de même d’être rappelé : une simple modification des horaires ou des pratiques, en prenant par exemple en compte les facteurs météorologiques, permet parfois de régler bien
site », indique Robert Kelly.
Faute d’agir directement sur les émissions d’odeurs, on s’attache à en réduire l'impact auprès des riverains. « Une stratégie globale de lutte contre l’émission de composés odorants ne dispense pas l’exploitant de faire preuve de bon sens », souligne Lionel Pourtier.
Au-delà du réexamen des différentes séquences de l’exploitation d'un ouvrage d’assainissement, il faut identifier la part d’émissions odorantes imputables à un éventuel dysfonctionnement de celle-ci. Une aération insuffisante d’effluents chargés en matières organiques peut constituer une réelle source de nuisances pour le voisinage : les microorganismes hétérotrophes présents dans les eaux résiduaires dégradent la matière organique en consommant l’oxygène dissous dans l'eau. Quand cet oxygène vient à manquer, ils consomment la matière organique par fermentation, libérant alors différents composés nauséabonds. L’oxygénation des effluents permet dans bien des cas de résoudre la
problématique voire de l'anticiper. En installant des aérateurs de surface adaptés sur deux bassins de la sucrerie Saint Louis Sucre, Faivre a pu faire diminuer de 98 % la charge organique d’une année sur l'autre résolvant ainsi les problèmes d’odeurs à moindre coût (Voir EIN n° 368). Aux Pays-Bas, Tsurumi a également pu résoudre un problème d’odeurs majeur suite à une augmentation importante des températures des eaux usées provenant d'un abattoir. L'installation de trois aérateurs en fond de bassin équipés d'un variateur de fréquence a permis de rétablir le niveau d’oxygène dissous sans dépenser trop d’énergie (Voir EIN n° 378). Isma, Eaupro, Oxydro (en location courte ou longue durée) et Aquago sont également régulièrement sollicités pour restaurer les capacités d’autoépuration de lagunes, plans d’eau et bassins.
Les dysfonctionnements de la filière boues sont également sources de nuisances odorantes.
En région PACA, le procédé SLG développé par Orège a permis de résoudre la problématique des nuisances olfactives d'une importante station d’épuration balnéaire (32 000 EH) exploitée par Veolia Eau tout en améliorant son fonctionnement global (Voir encadré). « L’intégration de la technologie SLG a permis un abattement significatif des molécules odorantes, une amélioration de l’épaississement des boues permettant d’absorber les pics de fonctionnement de la station en période estivale et une qualité remarquable de l'eau recyclée (centrée) dans la station », assure Michel Bouvet, Expert SLG chez Orège.
En réseau d’assainissement, l'H₂S dû à la décomposition des sulfates par les bactéries anaérobies sulfato-réductrices impose également d'adapter certaines procédures d'exploitation et d’anticiper la problématique en cas de projets de transport ou de traitement d’effluents. Vincent Charbau, directeur d’Athéo Solutions, bureau d’études spécialisé dans les problématiques d’H₂S, estime que la moitié des postes de refoulement d’eaux usées existants sont concernés par la présence d’H₂S, sans compter les nombreux réseaux industriels (Voir EIN n° 377). Le réchauffement climatique, le programme de lutte contre les eaux parasites et les regroupements intercommunaux devraient encore contribuer à faire augmenter ce chiffre. Les solutions consistent à modifier la structure des ouvrages, à créer ou améliorer les ventilations ou encore à recourir à une solution de type Nutriox de Yara qui repose sur l’injection d’un additif dans les eaux usées de manière à modifier naturellement l'activité bactérienne et bloquer le processus de formation de H₂S. Dans le cadre de son offre NOSE (voir encadré), Suez environnement a développé avec le concours du Conseil général des Hauts-de-Seine un système de traitement mobile destiné à accompagner les camions hydrocureurs dans leurs opérations de curage. « Un véhicule spécialement dédié au traitement de l’air vicié issu des opérations de curage assure un traitement sans nuisance de ces opérations via une double filtration de l’air vicié sur charbon actif », explique Robert Kelly. Nose Mobile est déjà opérationnel,
En PACA, Orège supprime les nuisances odorantes et optimise le fonctionnement de la filière boue
En région PACA, enterrée sous une esplanade en plein centre-ville et en bord de plage, cette station d’épuration (32 000 EH), de conception récente et répondant à des exigences très élevées en termes de qualité environnementale, était cependant sujette à d’importantes nuisances odorantes : bien que conformes aux valeurs prévues dans le contrat d’exploitation, ces émanations odorantes ont provoqué de nombreuses plaintes de la part des riverains, mettant ainsi l’exploitant sous tension.
Pour tenter d’améliorer la situation, Orège a été sollicitée en mars 2014 pour implanter sur la filière boue, en amont de deux épaississeurs de marque Alfa Laval, une double unité industrielle SLG d’une capacité de traitement de 2 × 25 m³/h. « L’objectif était de favoriser les processus d’aération de la boue et de provoquer une montée du potentiel redox », explique Michel Bouvet, Expert SLG chez Orège. Après une période de calage, le fonctionnement de la double unité SLG 24 h/24 et 7 j/7 a permis de constater une nette diminution de la fermentation des boues associée à une augmentation très sensible de la performance des tambours. « Nous avons pu mettre en évidence deux phénomènes essentiels, souligne Michel Bouvet. Le premier concerne une augmentation spectaculaire du taux de capture qui se situait avant l’implantation des unités SLG autour de 70 % et qui est monté à 99 %, supprimant quasiment tout recyclage en tête de station. Nous avons également observé une augmentation de la capacité hydraulique des tambours dont la capacité a pu être multipliée par deux. Ces résultats sont imputables à la capacité du SLG à faire flotter les boues avec une vitesse ascensionnelle absolument remarquable, de l’ordre de 100 m/h. »
Les résultats obtenus ont permis un abattement significatif des molécules odorantes, matérialisé par un arrêt immédiat des plaintes et une amélioration corrélative de l’épaississement des boues permettant d’absorber les pics de fonctionnement de la station.
Transposés et validés sur une autre station d’épuration au nord de Paris, ils permettent à Orège de faire valoir, au-delà du premier effet des SLG qui consiste en une amélioration très sensible de la centrifugation des boues, la possibilité de remplacer, à terme, les épaississeurs statiques par des unités d’exploitation de petite taille. Plusieurs contrats reposant sur ce principe sont en cours de négociation en Grande-Bretagne et en Belgique et pourraient marquer une nouvelle étape dans le développement du procédé SLG.
Notamment à Suresnes et dans d’autres communes des Hauts-de-Seine, l’apparition de nuisances odorantes n’est pas forcément liée à un dysfonctionnement. En ce cas, il faut traiter. Et avant cela, recenser les sources sans focaliser sur les odeurs dont l’intensité paraît la plus importante. Puis mettre en place une stratégie de ventilation pour ne pas être confronté à des débits gazeux gigantesques impossibles à associer, dans des conditions économiques acceptables, à un traitement de l’air. Le confinement d’ouvrages fortement émissifs et la mise en place de points d’extraction d’air adaptés à la configuration des ouvrages permettent de confiner les odeurs en limitant les volumes à traiter tout en excluant une ventilation des locaux par dilution. Les systèmes de couvertures et de confinement souples ou rigides développés par Cifa Systèmes, Trioplast, Apro Industrie ou Aquageo tendent à rapprocher le plus souvent possible la couverture du liquide afin de réduire les quantités d’air à traiter et donc les coûts. Quant aux toiles et autres composites développés par Serge Ferrari ou Reinolit, elles sont de plus en plus techniques et résistantes à tous types de gaz, aux pH acides ou basiques, ainsi qu’aux hydrocarbures.
L’optimisation du couple ventilation-désodorisation permet d’aborder sereinement l’étape du traitement proprement dit. Elle repose souvent sur des stratégies combinées répondant à des besoins diversifiés.
Des stratégies combinées répondant à des besoins diversifiés
Deux règles avant d’opter pour un traitement : définir des objectifs précis et surveiller les conditions opérationnelles de mise en œuvre pour éviter les déconvenues. « Trop souvent, les spécialistes de l’olfactométrie comme Environnement’Air observent que la persistance des nuisances odorantes après travaux résulte d’un cahier des charges mal conçu, qui ne repose que sur la surveillance de quelques molécules physico-chimiques sans véritablement contrôler la partie odeurs, souligne Lionel Pourtier. C’est un vrai paradoxe : on demande à traiter les odeurs mais on ne les considère pas comme un paramètre objectif et on ne les mesure pas. Il faut définir des débits d’odeurs maximum à ne pas dépasser en sortie de désodorisation. »
Plusieurs familles de traitement peuvent être associées ou combinées entre elles. Les débits à traiter, les propriétés physico-chimiques des composés odorants à éliminer et leur concentration influent directement sur ce choix.
La biofiltration sur média inorganique tend à se développer et répond aux attentes des collectivités en matière de développement durable. Les filtres synergiques développés par Airepur Industries associent plusieurs modes de traitement pour optimiser les performances et répondre à différentes conditions d’exploitation. Les gains se situent au niveau des consommations de réactifs chimiques, de la limitation des reports de pollution à l’évacuation des eaux, des faibles coûts énergétiques ou encore par leur capacité à pallier les éventuels pics de pollution.
Les biofiltres, basés sur une réaction d’oxydation exothermique des composés favorisée par la présence d’oxygène et de micro-organismes, sont développés par Airepur Industries, CMI Europe Environnement ou TC Plastic. Ils sont appréciés pour leur coût modéré en investissement comme en exploitation. Ils réduisent, en fonction de la nature du support utilisé, les composés azotés (ammoniac-NH₃, amines), les composés soufrés (hydrogène sulfuré-H₂S et mercaptans) ou certains COV (alcools, AGV, aldéhydes et cétones). « Le traitement d’odeurs par biofiltration requiert une grande stabilité dans la qualité et la concentration des effluents », explique Cédric Debuchy, directeur général.
Lutter contre la corrosion bio-sulfurique des bétons
Afin de lutter contre la corrosion bio-sulfurique (H₂S) des bétons, la société Hermes Technologie, qui en fait une spécialité depuis plus de 25 ans, propose plusieurs solutions de protection des supports.
Avec son enduit Ergelit KS2BL, appliqué en environ 10 mm d'épaisseur, les bétons corrodés sont ainsi correctement protégés. D'abord de par l'épaisseur de ce matériau résistant dans la masse très longtemps à l'action de l'acide sulfurique ; ce mortier est classé XA3, le degré d'agressivité le plus élevé selon la norme EN 206 des attaques chimiques des sols naturels et des eaux de surface ou souterraines. Ce matériau est également classé en Allemagne XBSK, qui caractérise la résistance à la corrosion bio-sulfurique. Ensuite, son pH très alcalin (environ 13) tend à réduire la fixation et la population des bactéries Thiobacillus thiooxydans à l’origine du dégagement de l'H₂S. À contrario des résines, ce matériau présente aussi le gros avantage d'une application sur support humide ; sa granulométrie 0-2,5 mm permet une application à la main, à la pompe et par centrifugation. Enfin, ce matériau, très fermé, est étanche à plus de 5 m de colonne d'eau. Ce monomatériau présente donc le triple avantage de pouvoir reprofiler et restructurer mécaniquement le support, le protéger contre la corrosion bio-sulfurique et l’imperméabiliser.
de CMI Europe Environnement, puisque les micro-organismes vivants, fixés sur les supports organiques ou minéraux, se nourrissent des composés odorants en les dégradant. La caractérisation préalable des polluants est donc essentielle au choix du support.
Les biofiltres se distinguent les uns des autres par leur compacité, la nature du substrat mis en œuvre et sa durée de vie. Les biofiltres BSI de Silex International reposent par exemple sur différents médias filtrants en fonction des polluants à traiter : tourbe, coquillages, algues, fibres coco, etc.
Leur durée de vie avoisine les 5 ans, en fonction des conditions d’entrée et des paramètres de conception. DMT développe, par exemple, des systèmes de distribution plus homogènes de l'eau et de l'air sur les substrats pour gagner en compacité. L’entreprise Traitement Air propose de son côté des biofiltres développés par Stérk permettant d’abattre des flux importants d’odeurs avec des débits allant jusqu’à plusieurs centaines de milliers de m³/h ainsi que des bioréacteurs qui traitent des flux faibles (quelques milliers de m³/h) avec des concentrations très fortes de H₂S et NH₃, telles que l'on peut en trouver en équarrissage et sur des condenseurs de fumées. « Les biofiltres habituels permettent de traiter des flux d’air vicié avec de faibles concentrations de NH₃ et H₂S, explique François Heyndrickx, Ingénieur Conseil chez Traitement Air. Mais lorsque ces concentrations deviennent plus élevées, la biologie du biofiltre est rapidement endommagée (forte baisse du pH). C'est pourquoi Stork insère dans son installation un bioréacteur. Des bactéries spécifiques à l’abattement de l’hydrogène sulfuré (bactérie chimiolithotrophe) sont associées au matériau minéral qui remplit ce lit percolateur. Les bactéries consomment le CO₂ présent dans l’air vicié. Dans cette étape, la concentration d’hydrogène sulfuré va être réduite à moins de 20 ppm dans des conditions idéales. Les organismes sont capables, sous apport d’oxygène, d’oxyder l’acide sulfhydrique en soufre et sulfate ». Après ce prétraitement dans le bioréacteur, l’air vicié est envoyé vers le biofiltre, dans lequel toutes les autres liaisons organiques ainsi que certaines liaisons inorganiques vont être oxydées en carbone et hydrogène. Un ventilateur spécifique est nécessaire pour le prétraitement de l’air dans le bioréacteur.
Dans le cadre de son programme NOSE, Suez Environnement a commercialisé, avec ses équipes espagnoles de Labaqua-STA, « Advanced Biofilter Technology », un nouveau média (combinaison de la matière inorganique avec une phase organique non biodégradable).
« Ce média se caractérise par une durée de vie de 8 à 10 ans contre 1 à 3 ans en moyenne pour les médias traditionnels, explique Robert Kelly, Suez Environnement. Il est aussi bien plus performant en termes de concentration d’odeurs en sortie ».
Principales limites des biofiltres : les variations de charge importantes, les gros volumes et l’emprise au sol qui reste conséquente.
Les traitements physico-chimiques, notamment le lavage acido-basique, le plus répandu, répondent bien à ces impératifs.
Les mesures des odeurs par olfactométrie
Les analyses olfactométriques sont la base de la métrologie des odeurs. Elles sont réalisées depuis plusieurs dizaines d'années à l'aide d’olfactomètres et permettent de déterminer les concentrations d'odeurs exprimées en unités d’odeurs (ouE/m³).
En Europe et dans de nombreux pays du monde (USA, Canada, Brésil, Turquie, Chine, Japon, Australie, etc.), les analyses olfactométriques sont encadrées par des normes (NF EN 13725 pour l'Europe).
À partir des concentrations d’odeurs, il est possible de calculer des flux d’odeurs appelés « débits d’odeurs » (ouE/h) et correspondant au produit du nombre d'unités d’odeurs par le débit d’air.
Ainsi, sur la base de ces moyens métrologiques performants, les exploitants industriels disposent d'éléments quantifiés pour dimensionner les rejets olfactifs de leurs installations en accord avec les exigences réglementaires.
Ils reposent sur une solubilisation et une neutralisation des composés odorants dans une solution réactive spécifique. Ils sont régulièrement mis en œuvre par CMI Europe Environnement, Airepur Industries, Purostar, TC Plastic, CTP Environnement ou encore Sidac. Le captage des gaz s'effectue sur des tours de lavages simples ou en série. « Tous composés odorants ne se dissolvent pas dans une solution de javel ou de soude ; il faut donc effectuer le traitement en plusieurs étapes : c'est pourquoi le lavage en série est souvent nécessaire » précise Cédric Debuchy.
Le transfert de masse est effectué sur des colonnes à garnissage, à bulles ou à plateaux. L'ajout d’un oxydant dans la solution aqueuse de lavage (chlore, eau oxygénée, ozone) ou l’oxydation de cette dernière après le lavage permet d’éliminer le polluant en accélérant le transfert de masse notamment pour les mercaptans peu dissociés au pH de travail et d’oxyder le produit absorbé afin de régénérer en continu la solution de lavage. Odosorb® de TC Plastic est un laveur horizontal spécialement conçu pour traiter les odeurs en compostage/méthanisation, boues, équarrissage et en station d’épuration.
Parmi ces atouts, sa conception qui permet une inspection et un nettoyage rapide et un mode « éco » qui permet de calquer son fonctionnement sur les process désodorisés pour réduire les consommations d’énergie, eau et de réactifs.
Le nombre d’étages de traitement est adapté en fonction de la nature et de la teneur des molécules odorantes à éliminer. La capacité de traitement est comprise entre 20 000 et 130 000 m³/h avec des charges en composés soufrés ou azotés allant jusqu’à 120 mg/m³.
L'adsorption est une autre famille de traitement qui repose sur un phénomène de rétention physique d'une molécule sur une surface poreuse présentant des caractéristiques particulières, l'adsorbant, typiquement un charbon actif. Très efficace mais assez coûteux lorsque les volumes sont importants, ce type de traitement est généralement réservé aux étapes de finition.
Utiliser la voie physicochimique, biologique ou le charbon actif permet de répondre aux situations les plus courantes. Mais d'autres types de traitements existent cependant, par exemple ceux basés sur la photocatalyse comme les réacteurs photocatalytiques développés par Anemo ou Icare Industries. Seuls les polluants particulaires ne sont pas traités par photocatalyse, ce qui peut nécessiter une filtration en amont, d’ailleurs présente dans certains de ces équipements.
Quel que soit le mode de traitement privilégié, l’entretien du système de traitement d’air est incontournable pour assurer l'abattement des odeurs, conformément au cahier des charges et à la réglementation en vigueur. CMI Europe Environnement, qui propose des prestations d’audit et de maintenance, constate bien souvent que « l'entretien est réduit à peau de chagrin, ce qui cause par la suite des problèmes de voisinage ou d’obsolescence prématurée des matériels ».
Dans tous les cas, un suivi métrologique rigoureux associé à une expérimentation multi-échelles sur des prototypes permet de déterminer les traitements les plus appropriés au cas considéré.