Si l'on ne veut plus faire face à la situation désastreuse laissée par Métaleurop à Noyelles Godault, les industriels doivent s'équiper et traiter leurs effluents. Les solutions existent pour traiter ces flux importants et peu concentrés.
La métallurgie fait partie des très gros consommateurs d'eau. Les volumes utilisés pour refroidir les métaux en cours de process se comptent par dizaines de milliers de m³/h, ce qui donne tout de suite un flux non négligeable de produits toxiques même si la concentration en polluants reste faible. Depuis quelques années,
poussés par les contraintes réglementaires, les industriels du secteur s’équipent de systèmes de traitement permettant de régénérer l'eau de process.
Régénérer l’eau de process
Dans l’Oise, l'usine de Sédifontaine de la société Tréfimétaux, une filiale du groupe allemand KM Europa Metal AG, s’est équipée voici deux ans d’un procédé de recyclage de ses eaux de fonderie. L'entreprise qui produit des bandes et des rouleaux de cuivre, de laiton et de bronze pour l'industrie est équipée d’une fonderie de laiton et de cuivre. L’objectif à l’époque était de remplacer l'eau de refroidissement puisée dans la rivière par un circuit d'eau fermé et de réduire ainsi de façon drastique sa consommation d’eau. La mise en place du procédé nécessite la mise en œuvre d'un traitement approprié afin de maintenir la qualité de l’eau constante. Toute l’astuce réside dans ce traitement. « L’eau ne doit pas être trop incrustante, car elle est en contact avec des pièces très chaudes », explique François Morier, Directeur Général de Proserpol, « Elle ne doit pas non plus être trop corrosive pour ne pas attaquer le métal. Dans ce process, il faut contrôler très précisément le pH ».
C'est Proserpol qui a remporté l'affaire. En entrée, l’effluent à traiter est chargé de graphites (16 kg/j de noir de carbone), de métaux (cuivre et zinc) à raison de 5 kg/j et de sels (84 kg/j). Sa température oscille entre 40 et 50 °C. Le procédé de traitement collecte les eaux chaudes, il les filtre en continu pour éliminer les MES et les refroidit. « Pour les sels, nous avons dimensionné une purge pour déconcentrer les bains. La partie évacuée est traitée et nous régénérons le bain par un apport d’eau neuve », continue François Morier. Une fois cette opération terminée, l'eau est conditionnée (décarbonatation, biocide, anti-dépôts), puis alimente de nouveau la fonderie en eau surpressée à une température régulée entre 19 et 24 °C pour un débit compris entre 0 et 350 m³/h et une pression constante de 4 bar.
Les volumes d’effluents à traiter sur les trains de laminage sont sans commune mesure avec les chiffres cités plus haut. Les débits à traiter sont de l’ordre de cinquante à cent fois plus élevés avec des pollutions peu concentrées qui se comptent en centaine de kilogrammes, voire en tonnes. C’est une autre dimension.
Savoir traiter les gros volumes
Les principales pollutions des eaux de la métallurgie sont les polluants métalliques et les hydrocarbures. Ainsi, les effluents de laminage à froid sont chargés de copeaux et de paillettes métalliques, d’hydrocarbures provenant des lubrifiants et des diverses fuites des équipements du process. Pour traiter ces effluents, une des solutions consiste en un dégrillage, suivi d'un tamisage et d'une décantation pour éliminer un maximum de matières en suspension. Puis vient l’élimination des hydrocarbures.
Sur le site de Sollac Basse Indre, Proserpol a mis en œuvre un déshuilage par aéroflottation directe, suivi d'une coagulation floculation, d'un traitement de finition par aéroflottation et puis d'une
concentration des boues huileuses.
Toutes ces techniques permettent de limiter les pollutions. L’objectif de l’époque étant de traiter plutôt que de gérer après coup des situations catastrophiques comme celle causée par le désengagement du producteur de métaux non ferreux Métaleurop de sa filiale de Noyelles-Godault (Pas-de-Calais).
Près d’un siècle sans contrainte environnementale
Implantée depuis 1894, en bordure du canal de la Deûle, cette usine a été à l'origine de rejets considérables de plomb, cadmium et zinc, qui ont entraîné une pollution des sols de grande ampleur sur la région. Si depuis trente ans, sous l’impulsion des installations classées, Metaleurop Noyelles-Godault avait considérablement réduit ses pollutions – à titre d’exemple pour le plomb, les rejets atmosphériques sont passés de 350 t/an en 1970 à 166 t/an en 1978 et 18 t/an en 2001 –, la mesure n’a pas suffi pour enrayer 80 tonnes de production sans contrainte environnementale. Aujourd’hui, la pollution est historique. La zone à dépolluer s’étend sur 45 km² et 60 000 habitants sont concernés. Pour la traiter, un coût énorme est annoncé : entre 100 et 300 millions de francs. Et pour l’heure, personne ne sait qui va payer... L’entreprise avait pourtant reconnu le principe du pollueur payeur en signant en janvier 2001 une convention avec une association environnementaliste EDA (environnement et développement alternatif) qui depuis deux décennies se bat pour la reconnaissance de la pollution des sols et de son impact sur la santé et l’environnement.
L’idée était de faire émerger, au sein de “l’espace biotique”, des techniques de réhabilitation et de dépollution nouvelles comme la stabilisation, la phytostabilisation et la phytoextraction. Deux entreprises nordistes impliquées dès le départ dans les expérimentations grandeur nature de dépollution des sols contaminés aux métaux lourds, menées sur “l’espace biotique”, près de Douai (Nord), non loin de l’usine Métaleurop Noyelles-Godault (Pas-de-Calais). Apinor est une entreprise implantée à Rieulay (Nord) spécialisée dans la reconquête des friches industrielles qui propose une réponse globale en matière de revalorisation de sites (démolition, dépollution, remodelage, recyclage). Ophrys est un bureau d'études basé à Douai constitué de spécialistes experts dans le diagnostic et la réhabilitation des sites industriels en activité ou anciens, ainsi que de milieux naturels dégradés.
De premières expériences, avec de très faibles moyens, ont démarré, sur la commune d’Auby près de Douai (Nord), dès 1998. Elles étaient menées sur les terres d’un agriculteur fortement polluées par Métaleurop. Le procédé validé, il s'agissait de passer à la vitesse supérieure... Pour la première fois de son histoire, l'entreprise s’engageait à consacrer une enveloppe de 610 000 euros sur la période 2000-2006 à la réalisation d'études et la recherche de solutions aux problèmes de ses pollutions historiques.
Les sols mais aussi les boues
Mais ce n’est pas tout. L’entreprise laisse aussi derrière elle une importante quantité de déchets, stockés dans différents sites de la région. Ainsi, à Auby, 26 000 m³ de boues de curage – des sédiments fortement contaminés au plomb, zinc et cadmium – extraits du canal de la Deûle (Nord), là où l’usine rejetait allégrement ses déchets. Ces déchets sont stockés, depuis 1976, sur un terrain de 30 ha appartenant à Voies Navigables de France (VNF). Ce terrain est resté pendant de nombreuses années, sans surveillance particulière. Il était même devenu un terrain de jeux privilégié pour les enfants d’un lotissement voisin...
En 1998, VNF a confié une étude au Centre national de recherche sur les sites et sols pollués, basé à Douai (Nord) ainsi qu’à un cabinet indépendant. Conclusion du rapport : « les concentrations dans les eaux de la nappe situées à la base du site sont faibles au regard des concentrations dans les boues (en cause, la faible mobilité des polluants, elle-même liée aux caractéristiques physiques des boues et aux formes chimiques et minéralogiques sous lesquelles les polluants sont présents). En revanche, la dispersion par voie atmosphérique est bien nette ». Comme personne ne sait trop quoi faire de ce dépôt, et qu'il n’est économiquement envisageable de les traiter ou de les recycler, il a été décidé de recourir à la phytostabilisation : des essais sont en cours en laboratoire et les expériences grandeur nature devraient débuter bientôt.
Métaleurop laisse aussi deux belles décharges.
... Et les déchets à gérer
À Awoingt (Nord), il s’agit d’une ancienne décharge sur un terrain appartenant à un propriétaire privé. Soixante à soixante-dix mille tonnes de scories plombeuses y sont entreposées sur un ou deux hectares depuis le milieu des années 70.
On suppose qu'il s’agit de déchets provenant de la fonderie d’Escaudœuvres fermée en 1998 qui rejetait une tonne de plomb atmosphérique par an. Ce site recensé sur Basol fait l’objet de suivis par la DRIRE depuis dix ans. Il a été confiné : recouvert de terre argileuse et verdi. Des mesures de restriction de l’usage du sol ont été prises par arrêté préfectoral.
fectoral fin 1998. À ce jour, aucune pollution de la nappe n’a été constatée.
La situation de la décharge d’Aubencheul au Bac est proche. Là aussi, il s’agit de tonnes de scories déposées il y a une trentaine d’années. En 1999, une étude complète sols et eaux souterraines a été réalisée. Selon la DRIRE, « il n’y a aucune inquiétude sur ce site qui a été confiné ».
Les techniques de dépollution des sols contaminés aux métaux lourds
Il existe peu de techniques de dépollution satisfaisantes en matière de dépollution de sols fortement contaminés en métaux lourds (plomb, cadmium et zinc). Certaines méthodes, comme le décapage des sols, sont lourdes, coûteuses et mal adaptées. Les techniques expérimentées sur “l’espace bionique” près de Douai, et qui avaient fini par recevoir le soutien financier de la société Métaleurop, sont des techniques douces, et beaucoup plus économiques, comme la stabilisation et la phytostabilisation et la phytoextraction.
La stabilisation et la phytostabilisation ne sont pas des techniques de dépollution au sens strict car les métaux restent dans les sols.
La stabilisation consiste à fixer les polluants dans les sols en les mélangeant avec des particules de cendres. La phytostabilisation est une technique proche dans laquelle des plantes retenant dans leurs racines les métaux lourds sont utilisées en complément.
Rendus immobiles par leur liaison avec des particules de cendres ou leur accumulation dans les plantes, les métaux ne sont plus dangereux car ils ne peuvent plus pénétrer dans la chaîne alimentaire.
La phytoextraction est véritablement une technique de dépollution car les métaux sont retirés du sol. Les polluants s'accumulent dans la partie aérienne des plantes, puis la biomasse contaminée est ensuite fauchée et incinérée.
Cette méthode offre l’avantage d’être écologique car elle respecte l’écosystème du sol. Le sol, après phytoextraction, peut être réutilisé pour de nouvelles cultures agricoles. ■