application au suivi des traitements de stabilisation et à la prévision de leur évolution lors du stockage et de la mise en décharge
par Docteur ès Sciences Directeur Scientifique de l'Institut de Recherches Hydrologiques (I.R.H.) à Nancy
Cet article rend compte de travaux de recherche ayant bénéficié de l'aide financière du Ministère de l'Environnement et du Cadre de Vie, Comité Scientifique « Sol et Déchets Solides » (contrats n° 75-02-041, 77-02-071, 77-02-075) et Comité Scientifique « Eau » (contrat n° 56-00-75-227) et de l'application des résultats obtenus à la résolution de problèmes immédiats.
Toutes les boues résiduaires d'origine urbaine et bon nombre de boues d'origine industrielle possèdent une phase solide riche en matières organiques fermentescibles. Selon les cas, cette matière organique est constituée par des particules solides séparées des eaux polluées ou par des micro-organismes épurateurs qui se sont développés au détriment des polluants organiques biodégradables initialement présents.
Ces boues, telles qu'on les recueille dans les ouvrages de traitement des eaux, présentent un potentiel de nuisances important du fait de leur fermentescibilité (risques de génération de mauvaises odeurs, pollution du milieu par les produits d'évolution) et éventuellement de leur concentration en germes pathogènes. On y remédie en pratique en réalisant des traitements dits « de stabilisation » mettant en œuvre des moyens biologiques ou chimiques puis en déshydratant les boues de façon plus ou moins importante jusqu'à obtention d'un déchet solide ou pâteux. Malgré ces précautions, le déchet final qui, dans bien des cas, sera éliminé directement dans le milieu naturel (épandage, incorporation au sol, mise en décharge) ou préalablement stocké, est encore susceptible d'évolution et par conséquent présente un risque potentiel qu'il convient d'apprécier à sa juste valeur.
Au cours de nos nombreux travaux sur le traitement et l'élimination des boues, nous nous sommes aperçus de l'absence de critères valables et d'utilisation générale en matière de caractérisation de la stabilité des boues, c'est-à-dire de mesure de leur aptitude à l'évolution biologique dans les conditions du milieu auxquelles elles pourront se trouver mises au cours de leur destin ultérieur.
Les critères existants ont, par ailleurs, fait l'objet d'études critiques et comparatives par plusieurs équipes de recherche scandinaves (1, 2, 3 et 4).
Ceci nous a conduit à développer de nouvelles méthodes de caractérisation de la stabilité biologique des boues résiduaires qui, malgré leur imperfection, sont devenues des outils précieux pour l'étude des traitements de stabilisation et la prévision de l'évolution lors du stockage, de l'incorporation au sol ou de la mise en décharge de ces déchets. Ces méthodes font largement appel à la biochimie et à l'utilisation de paramètres globaux.
Dans le cadre de cet article, nous décrirons la démarche qui nous a conduit à la définition de paramètres descriptifs de la tendance des boues à l'évolution biologique, les méthodes utilisées et leur application à l'étude de quelques cas pratiques représentatifs des problèmes habituellement rencontrés.
I. — INSUFFISANCE DES CRITÈRES CLASSIQUES D'ÉVALUATION DE LA STABILITÉ BIOLOGIQUE DES BOUES RÉSIDUAIRES
Les critères classiques utilisés pour évaluer la stabilité biologique des boues résiduaires présentent de nombreuses insuffisances résultant soit de leur nature plus ou moins empirique, soit du caractère indirect de leur relation avec la stabilité effective des boues, soit encore de leur domaine de validité restreint. Nous citerons en particulier parmi les méthodes les plus employées :
- — La mesure du pourcentage de matières volatiles de la phase solide des boues. Cette détermination consiste à mesurer le pourcentage de perte de poids résultant de la calcination à 550 °C de la phase solide
de la boue préalablement séchée à 105 °C. Une première approximation assimile la perte de poids mesurée à la disparition de la matière organique de la boue par oxydation à l’état de gaz carbonique. Dans des cas particuliers, l’eau de cristallisation de sels minéraux ou la décomposition thermique de substances minérales peuvent interférer avec la mesure. Un inconvénient plus grave est que le caractère global de la détermination masque la nature des matières organiques concernées puisqu’elle prend aussi bien en compte la matière organique biodégradable (qui est un substrat de la fermentation), la matière organique non biodégradable qui est stable, et la biomasse présente. Nous pouvons en conclure que la détermination des matières volatiles n’apporte aucune information sur la stabilité biologique d’une boue inconnue (sauf dans le cas où la valeur trouvée est nulle) et que son seul intérêt est de constituer un repère pour l’étude de l’évolution de boues dont l’origine et la nature sont connues, par exemple les boues urbaines et les boues de traitement biologique d’effluents industriels.
— La mesure du pourcentage de réduction des matières volatiles consécutivement à un traitement de stabilisation biologique aboutit à une information de meilleure qualité puisqu’elle est en relation directe avec la fraction de matière organique dégradable par le traitement concerné (digestion anaérobie ou stabilisation aérobie). La mesure peut être effectuée sur une installation réelle dans le cadre du suivi de celle-ci, mais si la qualité de la boue traitée varie au cours du temps, l’importance de la durée de rétention dans l’ouvrage de stabilisation impose un échantillonnage soigneux des boues entrant et sortant de l’installation pendant une période couvrant plusieurs durées de rétention soit, en pratique, plusieurs semaines, sinon plusieurs mois. L’essai en discontinu mené en laboratoire est plus rapide, mais pose le problème de l’ensemencement initial.
— La consommation d’oxygène est largement utilisée comme critère du degré de stabilité dans le cas des boues biologiques. Outre le fait qu’elle n’est utilisable que sur des boues aérobies, il faut signaler sa sensibilité aux substances toxiques, l’importance de la température d’essai et enfin le caractère limitant des transferts d’oxygène dans le cas des échantillons de boues solides ou pâteuses. En pratique, ce type de mesure est incontestablement utile dans le cas des boues aérobies liquides où l’on considère qu’une consommation d’oxygène de 0,5 à 2 mg par heure et par gramme de matière volatile de boue est l’indice d’une stabilité correcte. La mesure peut s’effectuer à l’aide de dispositifs plus ou moins sophistiqués allant de la simple sonde à oxygène dissous utilisée manuellement jusqu’au respiromètre automatique avec exploitation informatique en temps réel des résultats, en passant par des respiromètres semi-automatiques.
— La production de gaz carbonique ou de méthane résultant de l’évolution aérobie ou anaérobie de la boue peut également constituer une mesure de l’évolution biologique d’une boue liquide ou solide. L’exemple d’une telle technique sera montré ultérieurement. Le domaine d’application de ces techniques est lui aussi limité : les déterminations sont longues et les résultats intègrent souvent le comportement de la boue sur une longue durée alors que des mesures instantanées seraient nécessaires lorsqu’il s’agit de suivre des évolutions rapides.
— La détection d’acide sulfhydrique lors de l’incubation anaérobie des boues (test de Rüffer) a également été utilisée comme test de terrain vu sa simplicité. La méthode consiste à mesurer la durée nécessaire pour qu’une languette de papier imprégné d’acétate de plomb placée dans l’enceinte d’incubation anaérobie se colore en brun-noir par suite de la formation de sulfure de plomb par réaction avec H₂S dégagé par l’évolution de la boue. Diverses études comparatives (1 et 2) ont montré l’inaptitude de cette méthode pour caractériser convenablement la stabilité des boues.
— La mesure des odeurs, consistant à définir leur nature et caractériser leur intensité par indication du degré de dilution de la phase gazeuse nécessaire pour atteindre le seuil de sensibilité olfactive, fut parfois utilisée comme critère de stabilité des boues. Outre son caractère subjectif qui peut être atténué par des mesures effectuées avec plusieurs opérateurs, on peut lui reprocher d’être une mesure des effets de l’absence de stabilité plutôt qu’une mesure du degré de stabilité lui-même.
— Parmi les autres méthodes déjà testées, citons encore la mesure de l’activité déshydrogénasique (test au T.T.C.), l’étude des formes de l’azote (azote organique, ammonium, nitrites, nitrates), la variation de pH au cours du stockage. Ces grandeurs apportent des informations utiles, mais se révèlent insuffisantes pour atteindre l’objectif fixé si on les considère isolément.
II. — DEFINITION DE NOUVEAUX CRITERES D’APPRECIATION DE LA STABILITE
Cette définition résulte des phénomènes impliqués dans l’évolution biologique des boues, c’est-à-dire leur biodégradation ou leur transformation en présence de microorganismes (bactéries) dans diverses conditions de milieu. Cette évolution est un phénomène-clé car elle conditionne :
— la destruction d’une partie du déchet, donc l’élimination définitive de celui-ci, ce qui est hautement souhaitable ;
— la libération dans l’environnement de certains produits de la métabolisation ou de produits de transformation qui peuvent être dangereux (toxiques), générateurs de nuisances (produits odoriférants) ou simplement gênants (molécules ou ions dissous, facilement diffusibles dans le milieu).
La vitesse à laquelle se déroulent ces phénomènes dépend :
— de la quantité de microorganismes présents dans le milieu, que ceux-ci soient initialement présents dans la boue (cas des boues biologiques en excès), qu’ils résultent d’une contamination extérieure, par exemple d’origine atmosphérique dans le cas de boues stockées à la surface du sol, ou enfin du milieu récepteur, par exemple du sol dans lequel se trouvera incorporée la boue ;
— de la quantité de substrat (nourriture) directement assimilable par les microorganismes, c’est-à-dire de la pollution organique biodégradable dissoute qui est présente ;
— de la quantité de substrat qui, bien que non immédiatement accessible (matière solide), peut être progressivement libéré dans le milieu grâce à l’action des enzymes hydrolytiques et dégradatives sécrétées par les microorganismes. Cette vitesse de libération de substrat est fonction de la quantité de matière organique solide présente et de l’activité enzymatique hydrolytique du milieu.
Nous avons cherché à définir des paramètres mesurant les facteurs ci-dessus et le moyen de les intégrer dans une grandeur globale décrivant le comportement de la boue considérée.
Certains de ces paramètres étaient déjà disponibles et par conséquent directement utilisables :
— DBO₅ pour la mesure de la pollution organique biodégradable soluble ;
— matière volatile, pour la mesure de la matière organique totale de la phase solide de la boue.
Nous avons mis au point, dans le cadre d’un récent contrat de recherche (6), la détermination d’autres paramètres adéquats pour prendre en compte les autres facteurs :
II.1. — MESURE DE LA BIOMASSE PRESENTE DANS UNE BOUE
Nous avons choisi, comme paramètre représentatif de cette grandeur, la concentration en Adénosine Triphosphate (A.T.P.).
L’ATP est la forme chimique sous laquelle transite obligatoirement l’énergie dans les cellules vivantes. En effet, l’énergie chimique fournie par la dégradation et l’oxydation des substrats par les bactéries est transformée à l’intérieur du noyau sous forme d’ATP, qui constitue une réserve d’énergie disponible pour tous les besoins cellulaires, cette énergie pouvant être libérée très rapidement par hydrolyse enzymatique. De nombreux travaux ont montré que le niveau de l’ATP d’une culture bactérienne était une mesure de son activité métabolique et que, d’autre part, on ne pouvait trouver de l’ATP que dans les cellules vivantes, cette substance étant immédiatement hydrolysée en ADP et AMP à la mort de la cellule.
La concentration en ATP des diverses cellules bactériennes étant du même ordre de grandeur, il est donc tout à fait judicieux d’utiliser ce paramètre pour mesurer globalement la quantité de matière effectivement vivante dans une boue résiduaire. Ce paramètre a été préféré à la mesure d’un autre constituant universel de la matière vivante, l’Acide Désoxyribonucléique (ADN), qui ne présente pas les mêmes garanties.
Le dosage de l’ATP s’effectuant en solution, il nous a fallu préalablement mettre au point l’extraction de ce constituant intracellulaire dans des conditions non destructrices. Une étude systématique nous a conduits à retenir une méthode d’analyse chimique utilisant le Diméthylsulfoxyde (D.M.S.O.) qui a été optimisée, ainsi que les conditions de transport et de stockage des échantillons de boues ou extraits dans le but de minimiser les pertes d’ATP.
Ensuite, le dosage de l’ATP en solution fait appel à la méthode à la luciférine-luciférase qui est universellement utilisée et repose sur le principe suivant :
La luciférine réagit avec l'ATP en présence de luciférase avec émission de lumière dont la mesure permet d'estimer la concentration de l'ATP. Vu la faible émission de photons produite par cette réaction, il nous a été nécessaire d'utiliser un appareil très sensible (Du Pont 760 Luminescence Biometer) qui permet de doser jusqu'à 10⁻¹⁸ g d'ATP contenus dans une prise d'essai de 1 ml.
Pour situer des ordres de grandeur, les boues résiduaires urbaines suivant leur type et les traitements subis contiennent de 0,1 à 300 µg d'ATP par gramme de matière solide.
1.2 — MESURE DE L'ACTIVITÉ ENZYMATIQUE HYDROLYTIQUE DES BOUES
La matière organique solide présente dans les boues est constituée de molécules de grosse taille et de nature chimique complexe. Sa solubilisation jusqu'au stade où elle devient directement assimilable par les bactéries requiert l'activité de très nombreuses enzymes qu'il n'est pas possible de dénombrer et encore moins de mesurer. Nous avons retenu, à titre de témoins, trois activités enzymatiques hydrolytiques globales intervenant généralement : les activités protéolytiques, amylasique, cellobiasique. L'activité lipasique n'a pu être déterminée du fait de l'instabilité des enzymes concernées.
La première étape de nos travaux a consisté à définir un mode de préparation des extraits cellulaires destinés à déterminer diverses activités enzymatiques, cette opération devant libérer les enzymes intracellulaires ou fixées à la paroi cellulaire, sans les inactiver. Après comparaison de diverses options possibles, nous avons défini une technique d'extraction consistant à briser les parois cellulaires par application d'ultrasons à basse température (fréquence : 20 kHz, puissance dissipée : 50 W, durée d'application : 30 minutes, température : 2 °C) en milieu tamponné, puis séparation de l'extrait enzymatique par ultracentrifugation réfrigérée (accélération : 20 000 g, durée : 10 min, température : 2 °C).
Les mesures d'activités enzymatiques effectuées sur les extraits consistent à y ajouter des substrats adéquats (caséine, amidon, cellobiase), à effectuer une incubation en agitateur thermostatique, puis à mesurer les produits d'hydrolyse solubilisés (acides aminés, glucose). Les réactions impliquées sont plus précisément les suivantes :
— Activité protéolytique : les enzymes protéolytiques (protéases) catalysent la dégradation des protéines, et plus particulièrement l'hydrolyse des chaînes polypeptidiques en polypeptides de masses moléculaires plus faibles en allant jusqu'au stade des amino-acides.
La quantité de protéines hydrolysée est estimée, au cours de la détermination analytique, à partir de la détermination spectrophotométrique (U.V.) de la fraction des produits de dégradation qui ne peuvent être précipités par l'acide perchlorique. Les résultats analytiques sont exprimés en milligrammes de caséine équivalente hydrolysée/g de matière en suspension de la boue et par jour.
— Activité amylasique : les amylases catalysent l'hydrolyse des liaisons glucosidiques des polysaccharides tels que l'amidon et le glycogène en polysaccharides plus courts.
La détermination de l’activité amylasique consiste à mesurer l’apparition de groupes réducteurs dans une solution d'amidon au terme d’une incubation avec l'extrait cellulaire étudié.
L'apparition des groupes réducteurs est déterminée par titrimétrie : en milieu alcalin, les glucides résultant de l'hydrolyse enzymatique réduisent les ferricyanures en ferrocyanures. On opère avec un excès de ferricyanures et on réduit les ferricyanures restants par l’iodure de potassium. L’iode ainsi libéré est dosé par le thiosulfate de sodium. Les résultats sont exprimés en moles de glucose/g de MeS/jour.
— Activité cellobiasique : la cellobiase catalyse la rupture de la liaison β-glycosidique de la cellobiase qui est elle-même le monomère de la cellulose pour aboutir à la formation de deux molécules de glucose.
La détermination de l'activité cellobiasique revient à déterminer, par réaction colorimétrique avec l'orthotoluidine, la quantité de glucose formée après incubation d'une solution de cellobiase dans l'échantillon étudié. Les résultats sont exprimés en moles de glucose formé/g de MeS/jour.
1.3 — DÉFINITION D'UN INDICE GLOBAL D'APTITUDE À L'ÉVOLUTION BIOLOGIQUE
Comme indiqué précédemment, la stabilité des boues est fonction d'un nombre relativement important de facteurs : DBO₅ de la phase liquide, teneur en matières volatiles de la phase solide, masse présente (ATP), activités enzymatiques hydrolytiques. Chacun de ces facteurs considérés isolément n'est pas suffisant pour décrire l'aptitude à l'évolution biologique de la boue. Nous avons donc recherché la possibilité d'utiliser l'ensemble des paramètres dont nous avons mis au point les méthodes de mesure pour définir une grandeur globale unique qui traduit la tendance à l'évolution biologique de la boue. Nous avons appelé cette grandeur indice d'aptitude à l'évolution biologique.
La définition de cet indice dérive de considérations cinétiques : on peut admettre en première approximation que la vitesse d'évolution de la boue est proportionnelle à la concentration de la biomasse présente et à celle du substrat immédiatement disponible :
Vitesse d’évolution = k [biomasse] [substrat]
Le facteur [biomasse] est proportionnel à la concentration en ATP de l'échantillon tandis que le facteur [substrat] est la somme de deux termes : la concentration en substrat dissous (DBO₅ de la phase liquide de la boue) et la matière organique produite par hydrolyse enzymatique de la phase solide de la boue. Cette vitesse de dissolution est elle-même proportionnelle à la matière organique solide présente (matière volatile) qui constitue le substrat et à l'activité enzymatique hydrolytique.
Ces considérations ainsi que d'autres exposées par ailleurs et tenant à des questions de pondération et de hiérarchisation des facteurs nous ont conduits (6) à proposer la formule suivante :
I = [niveau d'ATP] [Log DBO₅ interstitiel] + (MV/MS) × [niveau d'activité enzymatique]
dans laquelle (niveau d'ATP) prendra les valeurs numériques suivantes, en fonction de la concentration en ATP de la phase solide :
- • niveau d'ATP = 8 si concentration en ATP > 100 µg/g de MeS,
- • niveau d'ATP = 6 si concentration en ATP comprise entre 10 et 100 µg/g,
- • niveau d'ATP = 4 si concentration en ATP comprise entre 2 et 10 µg/g,
- • niveau d'ATP = 2 si concentration en ATP < 2 µg/g.
— Log DBO₅ interstitiel est un logarithme décimal et la DBO₅ du liquide interstitiel de la boue est exprimée en mg O₂/l. MV/MS = fraction de matières volatiles dans la phase solide (de 0 à 1)
— le niveau d'activité enzymatique prendra les valeurs numériques suivantes, dans le cas des boues urbaines et biologiques :
- • niveau d'activité enzymatique = 3 si l'activité enzymatique protéolytique est supérieure à 2000 mg de caséine hydrolysée/g MeS/jour,
- • niveau d'activité enzymatique = 2 si l'activité enzymatique protéolytique est comprise entre 500 et 2000,
- • niveau d'activité enzymatique = 1 si l'activité enzymatique protéolytique est inférieure à 500.
Le choix de niveaux discrets pour certains paramètres (ATP et activités enzymatiques) permet d’éviter que l’indice ne devienne nul si l'un des facteurs s'annule. C'est ainsi que l’on tient compte, par exemple, des possibilités de réensemencement extérieur des boues stériles (boues ayant subi un traitement thermique d’autoclavage).
Le nombre de niveaux choisi a été limité arbitrairement. L’expérience ultérieure révélera s'il est nécessaire de l’augmenter pour mieux différencier les divers types de boues.
L'indice d'aptitude à l'évolution biologique que nous avons défini constitue donc une grandeur unique qui intègre les principaux facteurs en relation avec la stabilité biologique des boues. La démarche suivie jusqu'ici est donc une démarche analytique qui peut être complétée par une étude de comportement des boues au cours du temps dans des conditions de milieu simulant celles de l'environnement naturel. Il est alors intéressant de suivre l’évolution des paramètres individuels (ATP, activités enzymatiques, etc.) ainsi que le comportement respirométrique de la boue (consommation d’oxygène, dégagement de gaz carbonique ou méthane).
1.4 — ÉTUDE RESPIROMÉTRIQUE DE L'ÉVOLUTION AÉROBIE DES BOUES
La biodégradation totale de la boue en milieu aérobie aboutit à la formation de gaz carbonique dont la mesure au cours du temps permet de suivre la cinétique de minéralisation. Cette information est accessible grâce à un respiromètre simplifié dont le schéma est représenté ci-après.
La boue étudiée à l’état liquide ou solide est placée dans une colonne où elle est mise en contact avec un flux d’air débarrassé de traces d’huiles, de gaz carbonique et saturé en humidité à la température d’essai. Le flux gazeux barbote ensuite dans un absorbeur contenant une solution titrée de soude. Le gaz carbonique produit par la dégradation et l’oxydation biologique de la matière organique s’y trouve piégé et neutralisé sous la forme de carbonate de sodium. Le remplacement et le titrage périodiques de la solution de soude permettent de suivre la minéralisation de la matière organique au cours du temps. Les résultats sont exprimés sous la forme de la courbe intégrale de carbone minéralisé par gramme de matière solide ou de matière volatile initiale en fonction du temps. Cette courbe décrit la cinétique de la minéralisation tandis que l’asymptote du palier final permet de déterminer la fraction minéralisable de la matière initiale.
III. — APPLICATION DES MÉTHODES MISES AU POINT
Ces méthodes sont d’utilisation relativement générale et nous en montrerons ci-dessous quelques exemples d’application.
III.1 — CARACTÉRISATION DE L’APTITUDE À L’ÉVOLUTION BIOLOGIQUE DE BOUES TYPIQUES, URBAINES OU INDUSTRIELLES
Les méthodes précédentes ont été utilisées pour caractériser un nombre important (une cinquantaine) de boues d’origine urbaine et industrielle, à divers stades de leur traitement. Les résultats obtenus, qui ont déjà été en grande partie publiés (6, 7 et 8), montrent une variabilité importante des paramètres élémentaires et de l’indice d’aptitude à l’évolution qui justifie de telles opérations de caractérisation dans le cadre de l’établissement d’une typologie générale des boues résiduaires.
III.2 — ÉTUDE ET SUIVI DES TRAITEMENTS DE STABILISATION DES BOUES
Les méthodes que nous avons mises au point constituent un outil très utile pour l’étude des traitements de stabilisation des boues par voie biologique telles que la stabilisation aérobie, la digestion anaérobie, le compostage en commun avec des ordures ménagères, ou par voie chimique comme le chaulage.
Dans tous les cas, il est possible de suivre les paramètres caractéristiques de la stabilité, soit en fonction des conditions opératoires des traitements fonctionnant en continu, soit en fonction du temps dans le cas d’essais discontinus.
La figure 2 témoigne de l’évolution des divers paramètres élémentaires au cours d’un essai discontinu de digestion aérobie d’une boue activée urbaine en excès.
Le suivi des paramètres biochimiques que nous avons sélectionnés montre, au cours des quatre ou cinq premiers jours du traitement, une augmentation de la biomasse présente et des activités enzymatiques, puis une décroissance de ces paramètres. L’information obtenue est plus riche que le suivi des paramètres classiques (teneur en matières volatiles de la phase solide et consommation d’oxygène) qui ne mettent pas en évidence ce phénomène.
La figure 3 montre l’évolution d’une boue mixte fraîche au cours d’un essai discontinu de digestion anaérobie. Nous remarquons plus particulièrement la disparition de la biomasse aérobie en milieu privé d’oxygène puis la stabilisation progressive à un niveau correspondant à la population anaérobie.
Sur la figure 4, nous avons reporté la variation de l’indice d’évolution biologique en fonction du temps au cours de traitements discontinus de stabilisation aérobie à 20 °C et digestive anaérobie à 35 °C de la même boue mixte fraîche urbaine.
III.3 — ÉTUDE DE L’ÉVOLUTION DES BOUES LORS DE LEUR ÉLIMINATION DANS LE MILIEU NATUREL
Les mêmes méthodes que précédemment peuvent être utilisées pour suivre l’évolution de la boue au

