L?assainissement non collectif a considérablement évolué ces dernières années tant d'un point de vue règlementaire que technique. Une mutation s'est ainsi opérée sur les filières mises en ?uvre sur le terrain, bouleversant la quasi-exclusivité des filières traditionnelles de type fosse septique complétée d'un épandage ou d'un filtre à sable qui présidait jusqu'alors. Microstations, filtres compacts et filtres plantes ont ainsi été démocratisés sur le marche suite à la mise en place de la procédure nationale d'agrément en 2009. Bien que basées sur le principe commun d'une épuration biologique, ces techniques diffèrent en de nombreux points. Cet article vise à présenter microstations et filtres plantés et à dresser leurs caractéristiques principales. Les filtres compacts, objets de longs développements dans le dossier qui précède ainsi que dans le numéro 358 de la revue, ont volontairement été laissés de côté.
Longtemps considéré comme une solution d’attente au tout-à-l’égout, l’assainissement non collectif (ANC) a repris ses lettres de noblesse ces dernières années. La loi sur l’eau de 1992 et son arrêté d’application du 6 mai 2006 sont en effet venus réaffirmer la pertinence de cette solution technique en habitat dispersé. Depuis, la réglementation n’a eu de cesse d’évoluer. Les textes actuellement en vigueur, tant au niveau des prescriptions techniques que du contrôle des installations, ont été publiés en 2009 et 2012. La parution de ces textes a eu des conséquences majeures, notamment sur les filières de traitement mises en œuvre sur le territoire. En effet, avant les arrêtés du 7 septembre 2009, un certain nombre de dispositifs ne pouvaient être installés qu’en tant que pré-traitement ou à titre dérogatoire dans le cadre de conventions d’expérimentation. La donne a changé en 2009 en soumettant ces filières de traitement à une procédure d’agrément ministériel aboutissant, entre autres, à la reconnaissance des microstations et filtres plantés comme des solutions de traitement à part entière. On les dénomme dès lors « filières agréées ». Présentant des atouts incontestables, dont leur compacité par rapport aux filières dites traditionnelles, leur développement sur le marché de l’ANC ne s’est pas fait attendre. Dans certains départements, le chiffre de 30 % de filières agréées installées en 2013 sur leur territoire est même avancé ; une petite révolution dans le monde de l’ANC jusqu’alors majoritairement dominé par des fosses septiques suivies de tranchées d’épandage ou filtres à sable.
Il ne s’agit dans cet article, ni de faire l’apologie de ces filières, ni même d’opposer les microstations aux filtres plantés ; chacune de ces filières présentant ses spécificités et donc ses atouts et ses contraintes. La volonté est de présenter ces techniques afin d’en cerner le champ d’application et de l’adapter au contexte local.
Principe de fonctionnement
Les installations d’assainissement non collectif, et plus largement d’assainissement, fonctionnent schématiquement sur un principe commun qui peut être résumé en quatre grandes étapes. Il convient dans un premier temps d’assurer la collecte de l’ensemble des eaux usées issues de l’habitat.
La filière des filtres plantés est très présente en ce qui concerne l'assainissement des petites collectivités (80 %). Son développement va croissant chez les particuliers depuis la délivrance des agréments ministériels. 2000 installations seraient ainsi en place sur le territoire national.
... pour les diriger vers un traitement primaire, seconde étape de la filière. S'opère principalement à ce niveau une décantation des matières ; les effluents étant ensuite amenés vers un traitement secondaire où se déroule la majorité des dégradations biologiques. L'évacuation des eaux traitées s'effectue ensuite, pour les installations jusqu'à 20 équivalent habitants (EH) prioritairement par infiltration dans le sol en place ou juxtaposé si les caractéristiques de ce dernier le permettent, et à défaut, par rejet vers le milieu hydraulique superficiel.
Des spécificités existent suivant les filières et les fabricants mais ce principe général reste la norme. Les différences tiennent principalement dans le nombre et la géométrie des compartiments dans lesquels s'effectuent ces étapes. Monocuve, tricuves, installations préfabriquées en usine et assemblées sur place ou encore créées in situ, absence de traitement primaire pour certaines filières de type filtres plantés... la diversité des procédés s'exprime en ANC. Les différences majeures s'observent au niveau du traitement dit secondaire. À noter qu'en plus de l'agrément ministériel, tous les produits préfabriqués se doivent d'être conformes à la norme NF EN 12566-3 relative aux critères de performance pour le marquage CE des dispositifs d'assainissement jusqu'à 50 EH.
Mais ce foisonnement technologique représentant plusieurs centaines de produits agréés et dizaines de fabricants a aussi ses limites. Comment s'y retrouver dans la jungle des agréments et choisir le produit adapté à la situation donnée ?
Pour commencer à répondre à ce questionnement, il faut rentrer dans le détail de fonctionnement des familles d'installations pour en saisir le fonctionnement. En simplifiant, ces familles pourraient se décomposer comme tel : les filières dites extensives présentant un support de filtration (sol en place, sable, coco, laine de roches...) dont les filtres plantés font partie et les filières dites intensives qui comprennent un apport d'oxygène forcé et qui regroupent outre les filtres compacts, les microstations.
Les filtres plantés :
entre rusticité et innovation
Dès les années 50, les filtres plantés ont fait l'objet de recherches scientifiques. La mise en évidence de l'activité biologique intense des zones d'interface eau/terre et terre/air en fait un milieu propice à la multiplication de la flore bactérienne ; acteur principal de la dégradation des pollutions. Filière à ce jour très présente en ce qui concerne l'assainissement des petites collectivités (80 %), son développement est croissant chez les particuliers depuis la délivrance des agréments ministériels. 2000 installations seraient ainsi en place sur le territoire national selon les données fournies par Aquatiris, l'un des 5 fabricants disposant de l'agrément français et le nombre de réalisations en 2013 s'établirait pour cette filière entre 0,5 et 1 %.
Il s'agit d'une filière à culture fixée sur support fin de type sable et granulats dans laquelle il n'y a pas d'apport d'oxygène forcé. Le principe général de cette filière, fréquemment dénommée sous le vocable de phytoépuration, consiste à faire transiter de façon gravitaire les effluents sur un filtre rempli de granulats et planté d'espèces semi-aquatiques. L'activité biologique est favorisée par le système racinaire des végétaux dont l'action mécanique anticlomante apporte des conditions favorables au développement des bactéries. L'action du vent sur les tiges des roseaux amène à une action de balancier entraînant de légers mouvements de la couche superficielle du sable concourant à augmenter le drainage du massif et l'apport d'oxygène. Il existe deux principaux types de filtres plantés : ceux à écoulement vertical et ceux à écoulement horizontal.
Les filtres verticaux peuvent être utilisés en phase de prétraitement et ainsi se substituer à la présence d'une fosse septique. Dans ce cas, les effluents chargés sont déversés et répartis sur la surface du filtre composé, en partie supérieure, de granulats et sable plantés de roseaux. Si le rôle du filtre est assimilable à celui d'une fosse, à savoir assurer la séparation des différentes phases, le principe de fonctionnement diffère dans la mesure où les matières ne s'accumulent pas en fond d'ouvrage mais sont retenues en surface par filtration mécanique. Les matières organiques accumulées deviendront avec le temps des composés humiques stables ; le dimensionnement du filtre permettant l'accumulation d'une dizaine de centimètres de matières à minima. Cette couche devra être retirée sous une dizaine d'années en vue de sa valorisation sur une aire de compostage. Afin de ne pas saturer le filtre et de garder le caractère aérobie de la dégradation, il est fréquent qu'une alternance d'alimentation soit mise en place. Une fois les matières retenues, le reste des effluents percole au travers du filtre en vue de rejoindre un traitement secondaire, possiblement un filtre horizontal.
Les filtres horizontaux sont utilisés pour des eaux ayant subi préalablement un traitement primaire (fosse ou filtre planté vertical) et donc faiblement chargées en matière organique. La filtration est dite horizontale dans la mesure où les eaux sont déversées à une extrémité et sortent...
par trop-plein à l'autre extrémité. En cas d'apports réguliers d'effluents, ces filtres sont donc en permanence remplis d'eau sous la surface des graviers. Contrairement aux filtres verticaux, l'apport d'oxygène est limité et les conditions sont plutôt celles d'un milieu anaérobie. La végétation plantée sur ces filtres est diverse et variée : iris, salicaires, acores, menthe aquatique… et constitue en saison une intégration paysagère pouvant être qualifiée par certains de jardin d’ornement. Les filtres horizontaux peuvent également être utilisés comme filière de traitement des eaux ménagères lorsque les eaux-vannes (effluents issus des sanitaires) sont prises en charge par des toilettes sèches.
La combinaison de filtres verticaux et horizontaux permet de constituer une filière d'assainissement non collectif avoisinant les 30 m² pour une maison d'habitation unifamiliale. Sur les 5 fabricants disposant à ce jour d’un agrément en France, 3 proposent des filières 100 % plantées, 1 avec fosse septique en amont mais également 1 avec microstation en amont. Il n'y a donc aucune antinomie et possiblement même une complémentarité des techniques.
Microstations : de la technicité au service de la performance
Les microstations d’épuration fonctionnent selon le même principe que les stations d’épuration urbaines. Les étapes de fonctionnement se succèdent en commençant par une première phase de décantation visant à séparer les matières en suspension et à accumuler en fond d'ouvrage les matières les plus lourdes. L'eau décantée est ensuite dirigée vers un bassin de réaction où va s’opérer une épuration par les bactéries naturellement présentes dans les effluents. Les réactions sont augmentées en créant un apport d'oxygène mécanisé. Les bactéries vont successivement digérer les matières organiques puis réduire les nitrates et les nitrites. Vient ensuite la pré-clarification où les boues restantes sont séparées et décantées au fond de l'ouvrage pour être renvoyées dans le bassin de réaction. La phase liquide rejoint la partie dédiée à la clarification qui permet de séparer les éventuelles boues légères persistantes de l'eau épurée. Les boues sont alors renvoyées dans le premier bassin de décantation et l'effluent épuré dirigé vers une solution d’évacuation adaptée.
Une grande diversité de microstations existe sur le marché. L'épuration se réalise soit par des cultures libres (boues activées, SBR), soit grâce à des cultures fixées, ou encore plus rarement en assainissement non collectif en lit fluidisé.
Lorsque les cultures sont fixées, elles le sont sur des supports où se crée un biofilm correspondant à l'accumulation de bactéries dans un complexe organique. Dans les microstations, les cultures fixées seront le plus souvent immergées, les bactéries étant en contact permanent de la pollution ou semi-immergées pour les disques biologiques où l'aération est naturelle. Les supports de biomasse sont diversifiés et peuvent être de petite taille en vue de leur mise en suspension dans l'eau ou encore fixés au réacteur de type tubes. Dans le cas des cultures libres, les bactéries s'agrègent sous forme de flocs sans support et sont en contact permanent des eaux à traiter. Un apport d'oxygène est nécessaire pour assurer la bonne dégradation de la matière organique. Les boues activées, très largement utilisées en épuration collective, utilisent ces cultures libres en réacteur aéré avant de rejoindre un clarificateur assurant la décantation des boues produites dans le bassin d’aération. Une recirculation des boues est ensuite opérée. Le SBR (réacteur biologique séquentiel) repose sur un principe identique, le nombre de cuves étant minimisé. En effet, l'espace dédié au clarificateur est supprimé et la décantation se déroule dans la cuve d'aération grâce à une alternance des phases d’aération et de sédimentation.
Microstations, filtres plantés : atouts et contraintes
Si ces filières poursuivent la même finalité, à savoir le traitement des eaux usées de l'habitation, des différences significatives peuvent être relevées. Passons en revue quelques points sans pour autant prétendre à l'exhaustivité.
D’un point de vue de la perte de charge
La « perte de charge » correspond à la différence de hauteur entre l'entrée de l'eau dans la filière et sa sortie. À ce niveau, les microstations tirent leur épingle du jeu en présentant une perte de charge limitée à quelques centimètres. Leur installation est donc facilitée en terrain plat et l'effluent traité prêt à être prioritairement infiltré ou rejeté vers le milieu hydraulique superficiel. À l'inverse, les filtres plantés requièrent un dénivelé entre chaque filtre ; le dénivelé entre l’habitation et le rejet pouvant atteindre 1,5 m. La mise en place d'une pompe de relevage peut donc être nécessaire. Si l'investissement dans cet équipement n’est pas négligeable et qu'il entraîne une dépendance énergétique, son recours n’a pas que des inconvénients dans la mesure où la pompe réduit plus ou moins finement les matières et où l'alimen…
et représente un élément à part entière du jardin, qui peut être envisagé positivement, en plus de l'aspect paysager. Toutefois, un manque d’entretien va vite amener à un aspect inesthétique de l'installation sans toutefois nuire à court terme aux performances épuratoires de la filière. De plus, pour des questions sanitaires et afin qu'aucun contact ne soit possible avec les effluents sur la filière, il est nécessaire que l'installation soit clôturée, et plus particulièrement le filtre vertical amené à recevoir les effluents bruts ou seulement prétraités.
D'un point de vue de la mise en œuvre
Les filières par filtres plantés ne faisant pas appel à des dispositifs préfabriqués doivent être réalisées in situ. La compétence et l’expérience des entreprises amenées à réaliser la mise en œuvre de ces dispositifs sont donc primordiales et légèrement plus sensibles que pour les microstations où il s’agit principalement de terrassement. Toutefois, de plus en plus de fabricants conscients de l’importance de cette étape font appel à des entrepreneurs formés par leurs soins et ce, indépendamment de la technique proposée. En effet, la qualification des entreprises installatrices est un gage de qualité et donc de pérennité des installations ; la proximité étant quant à elle importante pour optimiser les coûts.
D'un point de vue de l’entretien
Si l'entretien des filtres plantés requiert peu de technicité, il demande une attention particulière. Il s'apparente à du jardinage et peut être effectué relativement aisément par l'usager de l'installation. Les premières années, il convient de retirer les mauvaises herbes qui ont pu s’installer sur le milieu, faute de colonisation totale par les espèces dédiées. Les parties aériennes fanées seront faucardées et ratissées en hiver, permettant l’éclairement du filtre et le démarrage de nouvelles pousses. Comme mentionné précédemment, il conviendra d’enlever, à un horizon d'une dizaine d'années, la matière accumulée à la surface du filtre.
D'un point de vue de l’emprise au sol
Les deux techniques présentent des emprises au sol réduites, ce qui en fait un critère de choix parfois dominant dans le contexte actuel de réduction de la taille des parcelles ou encore d'une volonté de consacrer son terrain à d'autres usages que l’assainissement. Si les microstations semblent encore plus compactes que les filtres plantés nécessitant parfois moins de 5 m² pour leur implantation, il ne faut pas oublier que la réglementation prévoit une infiltration prioritaire des effluents lorsque cela est possible. Il convient dès lors de compléter la microstation d'un système d'infiltration et/ou d’évapotranspiration, augmentant d'autant l'emprise au sol.
D'un point de vue de l’intégration paysagère
Seuls les tampons et éventuellement la ventilation de la microstation restent visibles après sa mise en œuvre. L'intégration est donc très bonne, au point de parfois oublier la présence d'une filière d'assainissement qui demande pourtant une certaine attention.
lance sont à la portée de la majorité des usagers, l’entretien et la maintenance des microstations requièrent le savoir-faire de professionnels. Le réglage de paramètres comme l’apport d’oxygène, le changement de pièces d’usure comme la membrane du diffuseur ou encore la vidange du compartiment de stockage des boues ne doivent pas être opérés sans connaissances. Il est même à craindre qu’une action à la légère nuise au bon fonctionnement de l’installation. Pour cela, la majorité des fabricants de microstations proposent un contrat d’entretien couvrant ces missions. Bien que réglementairement non obligatoire, il est le garant de la pérennité de ces installations dont la technicité n’est pas à la portée de tout un chacun.
D’un point de vue de l’usage
À ce jour, les microstations ne sont pas agréées pour fonctionner en intermittence.
Bien que non réglementairement défini, ce terme laisse entendre une alimentation non continue en eaux usées ne permettant pas aux bactéries présentes d’assurer les dégradations efficacement. Ces absences d’apport s’envisagent à minima à l’échelle de la semaine et plus généralement de plusieurs semaines consécutives. Une position ministérielle assimile l’intermittence aux résidences secondaires. À ce jour, les microstations ne peuvent donc être installées pour cet usage, restreignant d’autant leur marché. Les filtres plantés sont quant à eux agréés pour fonctionner par intermittence ; l’absence d’apport pouvant même être bénéfique et amener une période de repos au filtre.
Bien d’autres points pourraient encore être analysés, notamment en ce qui concerne les coûts et leur répartition entre l’investissement et le fonctionnement. Si des différences sensibles existent entre les microstations et les filtres plantés, elles permettent d’adapter le choix de la filière aux configurations d’usage et de parcelle rencontrés. On ne peut dès lors pas véritablement parler de concurrence entre ces filières mais plutôt d’une complémentarité de solution technique permettant au maître d’ouvrage de l’installation de concilier sur sa parcelle l’installation d’une filière d’assainissement à d’autres usages (potager, piscine, terrasse…) ; leur point fort étant incontestablement leur faible emprise au sol. Ces solutions techniques ont leur place sur le marché, au même titre que les filières dites traditionnelles et les filtres compacts non abordés dans cet article. Comme le rappelle le Guide édité en 2012 par le Ministère de l’Écologie et intitulé : « Guide d’information sur les installations », tout est en fait une question de contexte et de priorité ; le maître d’ouvrage restant le décisionnaire final du choix de son installation.