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Modification d'un rejet en mer : une solution mixte

30 mai 2000 Paru dans le N°232 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Frédéric VERRIMST

Encore peu utilisés, du moins en France, pour des projets de cette envergure - 3 km de canalisation en diamètre 1000, pour rejoindre une conduite en mer pré-existante - les matériaux employés à Sète (en majorité des tubes de polyéthylène) ont été choisis pour leur aptitude à franchir des obstacles variés, et résister à des contraintes physiques et chimiques fortes.

Actuellement en cours d’achèvement, le projet de modification du rejet en mer des eaux usées de la Ville de Sète et de communes voisines réunies dans le “SIVOM de la mer et des étangs” est intéressant à divers titres. Tout d’abord par le choix du matériau employé. Sur le marché des grosses canalisations pour l’assainissement, les matériaux traditionnels dominent (fonte, acier, béton). Ici, il a été fait appel à des canalisations synthétiques, notamment des tubes polyéthylène de 1000 mm, fournis par la société Uponor Ryb. Il s’agit par ailleurs d’un projet très technique, dont la maîtrise d’œuvre a été assurée directement, depuis l’APS, par les services techniques de la Ville de Sète.

Une digue et une “sea-line”

La nécessité de modifier l’actuel rejet en mer est la conséquence d’un important projet d’aménagement portuaire. Sète est une ville de canaux entre la Méditerranée et l’étang de Thau, elle dispose d’un port fluvio-maritime actif (oléagineux, bois exotiques). Une vocation au trafic fluvial qu’elle doit surtout à l’embouchure, à l’Est de l’agglomération, du canal du Rhône à Sète. Seulement, pour rejoindre le port, les péniches doivent traverser une portion du domaine maritime. Cette navigation sur la Méditerranée ne présente pas de difficultés par temps calme, mais ne peut être effectuée sans risque pour ces bateaux à fond plat, par mer plus grosse. Il leur faut souvent attendre plusieurs jours avant de charger ou de décharger leur cargaison. D’où un projet de digue fluvio-maritime, protégeant la traversée. Or, cet ouvrage, construit d’ici à la fin de l’année par l’État en tétrapodes de béton, sera implanté au large du débouché actuel de l’émissaire de la station d’épuration du SIVOM, “Les Eaux-blanches”. Les effluents auraient donc été rejetés dans un espace confiné, ce qui ne pouvait être envisagé. D’où la modification du rejet en mer. Compte tenu du but visé, le

Le programme présente une originalité : il fait l'économie de tout travaux à la mer... À proximité du canal du Rhône se trouve le complexe pétrolier de la Compagnie Mobil. Ce site dispose d'un « sea-line », une canalisation en acier de 44 pouces (entre 1,10 m et 1,20 m) rejoignant le large à 30 m de profondeur et à 7 km des côtes, laquelle permettait naguère aux tankers de l'alimenter en brut. Reconverti en centre de distribution, le site de Mobil n'en avait plus l'usage. Sauf à le rétrocéder à une collectivité publique, le pétrolier devait en assurer la dépose, opération coûteuse et délicate. C'est ainsi, explique le responsable du projet, Alain Henry, un des responsables de la division « Plans et réseaux » des services techniques de Sète, que le SIVOM s'est trouvé en possession d'un bel ouvrage maritime. Contrepartie de cette aubaine, il fallait raccorder la station des Eaux-blanches à l'embouchure du sea-line distante de 3 km. Ce parcours est semé d'obstacles. Deux canaux à traverser, le canal de la Peyrade et le canal du Rhône à Sète ; des voies de communication terrestres, les RN 112 et RN 300 (à terme 2x2 voies) et la ligne de chemin de fer Montpellier-Bordeaux, sans compter la rencontre de multiples réseaux (eau, gaz, électricité, téléphone). Autre particularité : le profil de pente sur un paysage littoral globalement plat, mais avec des points hauts et des points bas (-5,20 pour le fond du canal du Rhône), représentant chacun des problèmes techniques particuliers.

Gravitaire en charge

Le mode de fonctionnement hydraulique de l'émissaire est de type « gravitaire en charge ». Le projet comporte en amont, au départ de la station, la construction d'un poste de relevage, remontant les effluents de près de 10 m, pour ensuite les laisser s'écouler gravitairement, sur 10 km, dans la nouvelle canalisation, puis dans le sea-line jusqu'au point de rejet en mer. Une deuxième canalisation est raccordée à ce poste de refoulement. L'ancien réseau disposait en effet d'une sécurité bi-pass (possibilité de déverser si nécessité dans le canal de la Peyrade), il a été prévu de conserver cette fonctionnalité, et donc de maintenir une portion de l'ancienne canalisation. Même si, selon toute vraisemblance, suivant Alain Henry, elle n'aura pas lieu d'être utilisée. Quant à la station d'épuration.

[Photo : Tranchée drainante en fond de fouille et blindages modulables]
[Photo: La structure monolithique de la conduite permet de s’affranchir des joints d’emboîtement et des butées béton]
[Photo: Raccordement et vannage après traversée par microtunnelier du domaine public ferroviaire]

elle-même, elle est considérée comme performante (prévue pour 150 000 habitants, elle a été rénovée en 1996). Des améliorations ont été apportées néanmoins, pour ce qui concerne les automatismes, avec la mise en service d’un nouveau logiciel de supervision (Topkapi) et d’un réseau de mesure. Les différents paramètres relatifs à la qualité des effluents seront analysés en continu jusqu’au point de rejet en mer.

Une planification complexe

Si le chantier se déroule rapidement sans rencontrer de difficultés particulières, les préparatifs ont réclamé plusieurs années : études d’impact sur l’environnement, évaluation de l’aptitude du sea-line à faire fonction d’émissaire… La partie la plus lourde a consisté à élaborer les schémas directeurs des communes associées à Sète (Frontignan/La Peyrade, Balaruc-le-Vieux, Balaruc-les-Bains) de façon à évaluer les débits pour les années à venir et dimensionner la canalisation en conséquence (1 000 mm, pour un débit de 850 à 1 100 l/s).

Une concertation avec les services techniques des divers organismes propriétaires ou concessionnaires fut ensuite nécessaire. Le territoire à parcourir étant à 80 % propriété de l’État (une seule parcelle privée). C’est ainsi que certaines modifications ont été requises pour le franchissement du domaine ferroviaire (installation de vannes) et que VNF (Voies navigables de France) a apporté son concours pour l’étude du passage des canaux.

À partir d’un relevé topographique, les documents de consultation des entreprises (DCE) comprenaient notamment un cahier des charges exprimant les différentes contraintes auxquelles devaient être soumises les canalisations, tant sur le plan de la résistance aux agressions intérieures (sulfures etc.) et extérieures (courants vagabonds, sols salins gorgés d’eaux agressives, résistances aux UV en cas de franchissement en aérien des canaux), problèmes de températures.

Ainsi, le matériau à employer pour la canalisation était à proposer par les entreprises. Or, compte tenu des problèmes posés par le “profil en long”, toute solution “mono-produit”, suivant Alain Henry, conduisait à un écueil : chacun des matériaux (fonte, acier, inox, synthétique etc.) pouvait faire valoir ses avantages sur différentes portions, mais soulever des difficultés techniques ou économiques pour d’autres.

[Encart: Un milieu écologiquement sensible Ce projet d’un montant de 31 MF TTC, qui bénéficie d’un contrat de Baie, présente des enjeux particuliers sur le plan environnemental, compte tenu du contexte. Il s’agit non seulement d’un site touristique et balnéaire (pavillon bleu), mais la ville de Sète et les communes associées sont particulièrement attentives à la préservation de l’éco-système unique qu’est l’étang de Thau. La fameuse huître de Bouzigue, qui y est élevée, est emblématique de ces enjeux. Comme se plaît à le rappeler Alain Henry, ce coquillage est la seule huître élevée dans un milieu de production de “classe A” : elle peut être consommée dès sa sortie de l’eau. Aussi, ce projet se voulait exemplaire. Il est d’ailleurs signalé aux usagers sous le titre “le SIVOM investit pour la qualité du milieu”. Une deuxième tranche du projet concernera le Sealine (confortement et maintenance de la conduite), en veillant (elle a déjà été nettoyée) à éviter tout risque d’émission d’hydrocarbures résiduels lors du raccordement. Dans le même cadre, un programme de suivi du milieu aquatique et des eaux de baignade a été prévu (IFREMER et Société Nord-Sud Océan). Le financement de l’ensemble du projet a été assuré, à hauteur de 70 % par subvention (Agence de l’Eau, Région, Europe).]
[Photo : légende : L’assemblage par soudure au miroir permet la réalisation in situ de coudes jusqu’à 90°]

conduit par Sogéa, qui a remporté le marché, avait le mieux perçu cette problématique, en répondant par tout un jeu de “solutions-tiroirs”, étudiant l'intérêt comparé des divers types de canalisation, pour chaque portion du projet. En l’occurrence, le matériau employé est majoritairement le PE (pour près des 2/3, soit 2160 m), mais il a aussi été utilisé des tubes PRV (polyester renforcé verre) fabriqués par Hobas, pour les franchissements par micro-tunneliers, pour lesquels ce produit est particulièrement adapté. Ce matériau est cependant plus coûteux que le PE, d'où l'intérêt d'une solution mixte.

Micro-tunneliers.

Cette technique de franchissement consiste à forer à l'aide d'une tête pivotante et par injection d’eau sous pression (les boues sont récupérées en arrière, l’eau séparée des terres et réinjectée). Elle a été employée pour deux obstacles : d'une part le franchissement du canal de La Peyrade et la RN 300, puis pour le passage inférieur sous le domaine public ferroviaire et la RN 112. Le canal de La Peyrade (56 m) était le point plus délicat, compte tenu d’un profil de pente très faible et de l’option « gravitaire » ; le percement devait être pratiquement tangentiel au lit de ce cours d’eau peu profond, ce qui a conduit à bétonner en radier le fond du canal, pour permettre le micro-tunnelage par dessous. Quant au polyéthylène, il a été employé pour l'ensemble des parties courantes, mais aussi pour le franchissement d’un obstacle de taille : le canal du Rhône.

Le mode de franchissement par « souille » a consisté à creuser une tranchée (7 m de profondeur) dans le fond du canal pour y déposer la conduite. Sur des terrains très humides, l’entreprise a eu par ailleurs recours à des tranchées blindées, avec drainage en fond de fouille.

L'intérêt du PE

La canalisation retenue est un polyéthylène DN 1000 d'une épaisseur de 38,5 mm pour une pression nominale de 4 bars, d’un poids de 130 kg/m. Uponor Ryb les a extrudés à partir d'une résine spécifique (ME 0909) permettant de répondre aux agressions chimiques (effluents et eaux saumâtres), aux températures élevées (50 °C) et aux contraintes physiques (passages de charges lourdes). Les tubes sont livrés à pied d'œuvre par camion, en barres de 13 m, puis assemblés en avant du chantier, en tronçons de 150 m, grâce à un poste de soudure au miroir : l'appareil rabote symétriquement les deux faces avant de les abouter. Ce procédé confère à la conduite une structure monolithique, avec une étanchéité intérieure et extérieure totale (comparable à celle requise pour les canalisations gaz). La relative souplesse du matériau lui permet aussi de s'adapter à la configuration du terrain. Il est également possible de façonner des pièces spécifiques, comme des coudes. Le chantier se déplaçait d’est en ouest, à un rythme rapide : la canalisation était simplement glissée au fur et à mesure du creusement de la tranchée à la pelle hydraulique, avant remblaiement. Ce mode de mise en œuvre est plus rapide qu’avec des canalisations à emboîtement, mais aussi plus satisfaisant sur le plan de la sécurité (pas de personnel à travailler dans les fouilles).

[Encart : Fiche technique du chantier Maître d’ouvrage : SIVOM de la mer et des étangs Maître d’œuvre : service technique de la ville de Sète Entreprises adjudicataires : – Groupement d’entreprises : Sogea (mandataire) – SWCE Forages (microtunnelages) – SOLTRAG (génie civil) – Roger Ségérate (hydraulique, poste de refoulement) Automatismes : Société Tout.]
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