Les media filtrants issus du groupe des échangeurs d'ions et des résines adsorbantes ouvrent de nouvelles perspectives. Les perles synthétiques poreuses qui les constituent ont un diamètre compris entre 0,3 et 1,2 mm. Ces matériaux sont dotés de groupes de fixation chimiquement réactifs (les échangeurs d'ions) ou fabriqués sans ces groupes (résines adsorbantes). Il en existe de nombreux types qui se distinguent par la nature et la porosité des perles synthétiques ainsi que par la chimie du groupe de fixation. Il suffit de faire varier les différents paramètres des substances pour obtenir plusieurs centaines de produits. Grâce à ce grand nombre de matériaux, en jouant sur leur conception modulaire et en fonction de la qualité de l'eau potable, il devient possible d'élaborer une solution à la mesure de presque toute forme de pollution.
L’accès à une eau d’une propreté impeccable, en quantité suffisante et à un prix abordable… Quiconque en dispose peut s’estimer très heureux que ce soit le cas. Les habitants des pays industriels développés ne se posent guère de questions sur le sujet. Pour eux, il est tout naturel que de l’eau propre soit disponible en permanence. Mais pour la majorité des habitants de cette planète, l’importance que revêt cette affirmation est rappelée fréquemment, pour ne pas dire quotidiennement, au plus tard lorsqu’ils ouvrent le robinet d’eau et que cette eau, pour la énième fois, ne coule pas, lorsqu’il leur faut parcourir quotidiennement de grandes distances pour aller en chercher à un puits, lorsque la consommation d’eau polluée les a rendus malades ou pire, lorsque de l’eau contaminée a causé la mort de ceux qui l’ont consommée.
La pureté de l’eau ne se définit pas seulement par une odeur, un goût et un aspect la rendant appétissante. Elle doit également, ce qui n’est pas identifiable à première vue, ne contenir aucun agent pathogène microbiologique ainsi qu’aucune substance chimique toxique à des concentrations synonymes d’une toxicité aiguë ou latente. Par ailleurs, d’autres exigences qualitatives moins essentielles, telles qu’une teneur équilibrée en sels minéraux ainsi qu’une
dureté la plus faible possible, constituent également des caractéristiques avantageuses de l'eau, tant du point de vue de la sapidité que de la commodité technique de ses usages.
Ce sont principalement des facteurs géographiques et géologiques qui conditionnent la disponibilité de l'eau. À ceux-ci viennent s’ajouter des facteurs économiques et techniques qui déterminent, eux, les quantités pompées et la qualité. Dans la mesure où la qualité des eaux de surface est en règle générale peu fiable, toute desserte en eau digne de ce nom commence par la construction professionnelle d'un captage et sa gestion responsable. Le traitement de l'eau brute passe ensuite par d’autres étapes de routine : le retrait du fer et du manganèse ainsi que des particules en suspension par injection d’air suivie d’une filtration via des filtres à sable. S'ensuit, en règle générale, une stérilisation finale par ajout de chlore ou via d'autres procédés de désinfection.
Les traces de pollution chimique retiennent de plus en plus l’attention
Le traitement précité représente l’état de la technique et permet généralement de transformer la plupart des eaux brutes en eau potable. Cette méthode ne peut toutefois pas garantir que des impuretés chimiques dangereuses pour la santé soient suffisamment bien éliminées de l'eau. Ces substances peuvent se présenter dans une plage de concentrations élevées (ppm = mg/l) mais aussi sous forme de traces (plage des ppb = µg/l ou ppt = ng/l). Ce sont justement les substances présentes sous forme de traces qui intéressent de plus en plus les organismes sanitaires nationaux et internationaux. L’amélioration permanente des méthodes analytiques de détection de ces substances, le caractère systématique des analyses et leur réalisation de plus en plus généralisée, la masse croissante de connaissances quant à leurs répercussions sur la santé forcent à agir en de nombreux endroits. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) réagit à ces nouveaux éléments de connaissances en abaissant les plafonds recommandés assignés aux traces d’impuretés. Les législateurs nationaux reprennent ces valeurs dans leurs législations sur l'eau potable et règlements fixant les seuils limites. Au final, ce sont les compagnies publiques et privées chargées de la distribution d'eau qui doivent appliquer ces textes et se retrouvent contraintes d’agir.
On s’étonnera que l'homme ou les répercussions d’activités industrielles ne soient pas toujours à l’origine de la pollution de l'eau potable par des produits chimiques. Il est en effet fréquent que ces substances nocives proviennent de la Nature. C’est le cas notamment lorsque l’eau, en traversant le sol, entre en contact avec des minéraux dont peuvent se détacher des substances chimiques. Ainsi, c’est par cette voie naturelle que des composés chimiques à base d’arsenic, de fluor et d’antimoine, mais aussi à base de métaux lourds comme le nickel, le radium, l’uranium, le plomb, le thallium et le mercure parviennent dans les puits. Une autre substance chimique, le bore, est présente dans l'eau de mer à des concentrations notables, et les installations de dessalement par membranes à osmose inverse ne parviennent pas à le faire suffisamment disparaître. Outre ces impuretés d'origine inorganique, il existe aussi des substances d'origine organique naturelle telles que les substances humiques qui confèrent à l’eau une teinte brune, ainsi que les acides carboniques et les molécules protidiques.
Inversement, les impuretés d'origine clairement humaine proviennent, par exemple, des activités agricoles, telles que l'épandage d’engrais et de produits phytosanitaires, mais aussi des boues de décantation et du lisier épandu sur les surfaces cultivables. Il faut citer dans ce contexte aussi bien les teneurs accrues en nitrates des eaux souterraines que l'apport de métaux lourds, de pesticides et de leurs produits de dégradation formés sur la plante et dans le sol. D’autres pollutions possibles d’origine humaine sont engendrées par la production industrielle, les entreprises artisanales ou le stockage de carburant. Ces activités impliquent par exemple l'usage de différents détergents difficilement biodégradables (agents mouillants et nettoyants), de solvants, de produits d’imprégnation ou d’additifs pour carburants (par exemple l’agent antidétonant MTBE). En fait, tous les métaux lourds précités peuvent provenir aussi bien de sources naturelles qu’humaines.
Le choix du matériau filtrant approprié est décisif
Les eaux brutes ne sont heureusement pas toutes contaminées par des substances chimiques. La présence d'une pollution, sa nature et le dépassement éventuel des plafonds pertinents au plan sanitaire, tous ces facteurs dépendent entièrement de la situation géographique, des antécédents en matière d’exploitation agricole, économique et industrielle dans la région ainsi que des eaux avoisinantes. Chaque captage constitue donc un cas unique requérant une vérification correspondante par un laboratoire qualifié.
En cas de détection de polluants, le problème réside dans le fait que chacune des substances citées plus haut diffère par ses propriétés chimiques et qu'il n’y a, par conséquent, pas de stratégie uniforme pour la faire disparaître. Un facteur complique également les choses : suivant la ressource en eau, les concentrations d'autres constituants de l'eau présents de manière sous-jacente varient, ce qui modifie le comportement.
ment de la pollution par ces traces.
En de nombreux endroits, on pallie ce problème en ajoutant un filtre à charbon actif
au traitement de l’eau tel que décrit plus haut. Mais un tel filtre ne parvient à retenir que certaines substances et n’atteint parfois pas les capacités d’absorption et/ou les durées de fonctionnement souhaitées. L’utilisation de matériaux filtrants à base de substances minérales comme la zéolithe, l’oxyde de fer ou d’aluminium est également limitée.
Au-delà de ces matériaux filtrants, il existe de nouvelles perspectives présentant un fort potentiel et revêtant une importance
croissante. Il s’agit des médias filtrants issus du groupe des échangeurs d’ions et des résines adsorbantes. Les perles synthétiques poreuses qui les constituent ont un diamètre compris entre 0,3 et 1,2 mm.
Ces matériaux sont dotés de groupes de fixation chimiquement réactifs (les échangeurs d’ions) ou fabriqués sans ces groupes (résines adsorbantes). Il en existe quelques douzaines de types, qui se distinguent par la nature et la porosité des perles synthétiques ainsi que par la chimie du groupe de fixation. Il suffit de faire varier les différents paramètres des substances pour obtenir plusieurs centaines de produits. Grâce à ce grand nombre de matériaux, en jouant sur leur conception modulaire et en fonction de la qualité de l’eau potable, il devient possible d’élaborer une solution à la mesure de presque toute forme de pollution. Dans de nombreux cas, une combinaison des matériaux est également envisageable.
Lors de la conception d’un filtre sur mesure, le matériau sélectionné est généralement celui offrant la plus forte sélectivité envers la substance à éliminer.
Ceci permet de laisser pratiquement intacte la composition naturelle de l’eau et de ne lui retirer, de façon ciblée, que la substance qui gêne. Ce principe permet également d’exploiter de façon optimale la capacité de chargement du filtre, car les centres du matériau capables d’adsorber cette substance ne sont consommés que par un seul matériau.
En outre, un tel filtre laisse dans l’eau des sels minéraux importants requis par l’organisme humain.
Le principe n’est pas nouveau mais l’application est encore récente
À l’origine, certains des échangeurs sélectifs désormais affectables à l’obtention d’eau potable ont été développés pour des applications dans le domaine de la production chimique, de l’extraction des métaux ou de l’épuration des eaux usées. Ce n’est qu’au fil des tendances précédemment décrites que s’ouvrent également des opportunités pour ce nouveau domaine d’application.
Cela signifie en fait que les matériaux de base existent déjà depuis longtemps et qu’ils sont déjà disponibles dans le commerce. Néanmoins, une modification des produits s’impose en certains endroits pour les adapter aux nouveaux besoins de cette application que consti-
tue l'eau potable, ce à quoi l’on travaille actuellement.
La mise en œuvre des échangeurs d’ions destinés à retenir les traces de polluants dans les eaux usées constitue un domaine technologique jeune, encore en phase de développement.
Il existe, certes, déjà des installations, mais elles ne sont entrées en service que depuis peu. L’une en Allemagne méridionale, par exemple, et une autre en Italie du Nord, toutes deux affectées à la séparation du nickel.
Tout récemment, une installation extractrice du bore est entrée en service à Chypre, dans une station de dessalement de l’eau de mer.
Aux États-Unis, des installations fonctionnent déjà qui sont destinées à éliminer l’uranium et le radium ainsi que le perchlorate et le nitrate présents dans les eaux souterraines. D’autres projets-pilotes mis en place dans plusieurs pays visent par exemple à éliminer l’arsenic, le fluorure et les substances humiques.
Compte tenu de la possibilité de leur régénération, les échangeurs d’ions offrent un avantage au niveau des coûts. Les substances qu’ils recueillent se laissent évacuer au moyen de produits chimiques de régénération appropriés. Comparés aux matériaux filtrants à usage unique, ces échangeurs permettent de réduire les coûts.
Solution de filtration personnalisée, de conception modulaire
La thématique précédemment exposée montre bien que la purification poussée de l’eau potable est une tâche techniquement complexe mais néanmoins maîtrisable avec les moyens correspondants.
Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il faut éliminer les polluants chimiques. Les échangeurs d’ions et les résines adsorbantes sous forme de perles offrent alors un concept modulaire approprié permettant de fournir une solution de filtration adaptée à chaque cas de figure. Les nations industrielles sont bien entendu une fois de plus les premières à profiter de ces solutions innovantes dans la mesure où elles réunissent les conditions économiques et technologiques nécessaires à la réussite de leur application. Il reste à espérer que les pays émergents et les pays en voie de développement pourront, eux aussi, bientôt en bénéficier. Toutefois, les premiers pas dans ce sens ne pourront se faire qu’avec le soutien des organisations humanitaires internationales.